13 juin 2015

Pourquoi vous êtes-vous marié(e)?

Il m’arrivait d’entrer par curiosité dans des églises où l’on célébrait des mariages. Comme les attitudes parlent! On peut quasiment deviner tout de go qui divorcera ou non. Allez savoir comment.

Beaucoup de débats dans l’air au sujet des unions de fait : qui peut réclamer quoi et pour quelles raisons en cas de séparation? Le problème se corse avec la présence d’enfants. Y’a de quoi s’arracher les cheveux...

Et, la saison des mariages bat son plein. Tous les rêves sont permis... 

Photo : 112 Weddings

Mais qu’arrive-t-il quand on retombe les deux pieds sur terre quelque temps après?

112 Weddings
Si vous accès à la zone vidéo (en anglais) :
http://www.cbc.ca/passionateeye/episodes/112-weddings


Le documentaire de Doug Black, 112 Weddings, incite à se questionner sur l’engagement, les valeurs religieuses et socioculturelles qui glorifient le mariage ainsi que les fantasmes soutenus par l’industrie du mariage (avec ses nombreux dérivés); celle-ci rapporte des milliards de dollars annuellement... Certains couples investissent des sommes colossales pour épater la galerie, et les invités peuvent se faire arnaquer financièrement par ricochet. 


Résumé (adaptation/traduction maison) : 
   Qu’est-ce qui fait en sorte qu’un mariage fonctionne ou non? Voilà la question que le cinéaste Doug Black se posait après 112 vidéos de cérémonies de mariage, réalisés sur une période de 20 ans. 
   Le vidéaste partageait intimement les émotions intenses de ces journées mémorables où les couples se promettaient amour, sollicitude et fidélité à vie, pour le meilleur et le pire. Il éprouvait parfois de l’affection envers ces purs étrangers. Quelques semaines après l’événement, il leur postait les vidéos et ne les revoyait jamais. 
   Or il se demandait parfois comment ces unions avaient évolué. Leur mariage correspondait-il à ce qu’ils avaient imaginé? Étaient-ils toujours ensembles? Comment avaient-ils navigué à travers les hauts et les bas du parcours? Block a revisité quelques couples. Le documentaire juxtapose flashbacks de vidéos et interviews. Tragédies, divorces, mariages officiels après plusieurs années de vie commune, et ainsi de suite.

Photo : 112 Weddings. Jenn et Augie (Mariage #71, mariés depuis 8 ans). Augie avoue sans ambages que la naissance de leur enfant a fait basculer la relation auparavant harmonieuse et qu’il pense à divorcer. L’échange entre les conjoints est assez cruel – Jenn retient ses larmes ou rit jaune pendant l’interview. À la fin, le cinéaste demande : «quel conseil donneriez-vous aux gens qui veulent se marier?» Augie répond : «ne vous mariez pas!» Hum... Jenn aurait dû réclamer le divorce sur-le-champ, devant la caméra :
Picked up the wrong guy. Gave him the wrong finger.

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Les divorces résolus avec maturité doivent être assez rares. Surtout quand les intérêts affectifs et matériels l’emportent sur la compassion et la raison, et que la haine, la peur, la jalousie, parfois la rage, s’emparent des conjoints. Le plus triste, c’est lorsque les enfants sont pris en otage par des parents immatures qui s’entredéchirent. Les enfants sont parfois considérés comme des biens de sorte que les parents se battent pour un droit de propriété. Beaucoup de couples font des enfants sans réfléchir aux responsabilités que cela implique, exactement comme certaines personnes achètent des animaux de compagnie qu'ils négligent ou dont ils se débarrassent quand ils n'en veulent plus. C'est quand même effrayant un tel manque de conscience.  

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Le mariage d'amour a-t-il échoué?
PASCAL BRUCKNER;  Grasset 2010

Propos recueillis par Patrice Demailly

Peut-on dire que cet essai est le constat du fossé creusé entre l'institution du mariage et l'évolution du sentiment amoureux? 
   C'est un constat de semi-échec, en tout cas de crise grave. On peut dire qu'un siècle après son invention, le mariage d'amour n'est pas en meilleur état qu'était le mariage bourgeois à la fin du XIXe siècle. Il y a aujourd'hui 35 % de mariages en moins, on divorce de plus en plus et on peut imaginer que beaucoup de gens se marient pour avoir des papiers. Contrairement à ce qu'on dit, le mariage n'est pas uniquement d'amour aujourd'hui ... on se marie par intérêt.

Le mariage d'amour est-il devenu son propre ennemi?
   Auparavant, c'était la raison, l'intérêt qui faisaient la loi, la transmission d'un bien ou d'un nom. Là, l'amour est devenu presque un dogme. On a même vu au début du XXe siècle un député qui voulait inscrire l'amour comme condition obligatoire qui présidait à la cérémonie. Ce dogmatisme est aussi bête que l'ancien et au fond, la seule ligne de partage qui doit séparer les gens, c'est le mariage libre ou le mariage forcé. On peut librement se marier par intérêt mais le mariage forcé est insupportable. Les raisons pour lesquelles deux êtres s'unissent sont multiples. Même chez les gens les plus épris, il y a de la vanité, l'amour-propre.

L'infidélité s'est-elle accrue?
   Le risque de l'infidélité est l'obsession de tous les couples. C'est le propre de la monogamie qui nous interdit d'aller voir ailleurs, donc rendons cet ailleurs plus désirable. La naïveté, c'est de croire que l'amour était un sentiment mélangé parce qu'il était interdit par la loi, la religion, les pouvoirs, la morale et qu'au fond à partir du moment où on admet l'autoriser, il déploierait toutes ses possibilités les plus belles. Sauf qu'on s'aperçoit que l'amour libre n'est pas plus facile à vivre que l'amour enchaîné.

L'humain ne veut-il pas tout et son contraire?
   Il y a un aspect qu'on a complètement gommé, c'est la versatilité. On a une approche totalement adolescente de l'amour. On veut à la fois la perspective du long terme et l'intensité passionnelle qui serait la marche de l'amour fou d'aujourd'hui. On s'aperçoit que ça ne marche pas de vivre dans un désir qui ne faiblit jamais, alors beaucoup de gens s'arrêtent.
   Parce qu'ils ne retrouvent plus le frisson des débuts. C'est une perversion déjà dénoncée par les anciens, notamment par Saint-Augustin, qui est «L'amour de l'amour». Nous aimons l'état dans lequel nous plonge une personne, et cela ne veut pas dire que nous aimons cette personne en particulier.

Le couple ne supporte-il pas les contraintes?
   La fameuse formule «Pour le meilleur et pour le pire» a été amputée de sa seconde partie. Cela explique tous ces drames, ces femmes qui sont abandonnées quand elles tombent malades, idem pour les hommes quand ils sont au chômage.

Ce sont les femmes qui partent dans la majorité des cas... 
   À 70 %, mais la cruauté de la séparation est la même. Du jour au lendemain, très souvent la personne qu'on adorait devient votre pire ennemi. C'est le passage de l'amour à la haine... 

Les couples meurent-ils d'une trop vaste idée d'eux-mêmes? 
   Les couples sont en rivalité les uns avec les autres, ils ne cessent de se comparer. Et puis, il y a cette idée qu'on va tout investir dans la relation amoureuse qui serait en quelque sorte le summum de la réussite de l'existence donc on surcharge la barque. L'espérance est tellement grande qu'à la moindre déception, on part.

«Aime-moi moins mais aime-moi longtemps» (Louis Garrel, «Les chansons d'amour»)... 
   C'est une manière de dire que ce qui compte n'est pas d'aimer plus mais d'aimer mieux. Si on veut construire quelque chose, l'intensité n'entre pas seul en jeu. Il faut nouer un pacte avec le temps.

Ne cherche-t-on pas au final que la passion?
   Essentiellement. Tout ce qui est plan-plan, routine est désormais exclu. Or, dans la tradition, il y avait des éléments d'une certaine sagesse que nous serions peut-être fondés à étudier avec un peu plus d'attention.

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L'histoire du mariage
Émission «Les chemins de travers» (15 mai 2011) 

http://ici.radio-canada.ca/emissions/les_chemins_de_travers/2013-2014/archives.asp?nic=1&date=2011-05-15

«J'me marie, j'me marie pas, j'fais une soeur...» Il n'y a pas si longtemps, des jeunes filles récitaient cette ritournelle en effeuillant la marguerite. Cette semaine, Serge Bouchard retrace l'histoire du mariage. Il observe ainsi l'évolution des moeurs en fonction des lois, des coutumes et de la religion. Il s'intéresse aux réalités vécues par les individus dans un climat d'amour et de devoir, de sexualité et de loyauté. Il reçoit l'auteure Elizabeth Abbott.

Le mariage, c'est également la cohabitation, l'éducation des enfants, le partage des ressources financières et la reconnaissance sociale. Parler du mariage, c'est parler des options qui s'offrent aux couples : durée des unions, rapports de force entre les hommes et les femmes, lois gouvernant les familles et rupture du lien par la mort ou autrement. 

L'amour, même au temps des cavernes
Un préjugé fort répandu dit que les femmes et les hommes primitifs s'accouplaient comme des bêtes. Rien n'est plus faux. Les alliances sont un des fondements de la société humaine. Les alliances existaient chez les nomades depuis des milliers d'années. On prétend aussi que l'amour n'existe que depuis récemment. L'anthropologue Serge Bouchard nuance cette perception.

Le mariage dans tous ses états
Elizabeth Abbott parle de plusieurs aspects du mariage à travers les âges.

- Choisir une épouse ou un époux : à la base, les mariages constituaient un moyen d'établir des alliances financières, politiques ou sociales, avantageuses et stables. Les parents, ou plus largement la parenté, organisaient les mariages.
- Le rôle de l'amour romantique dans le mariage : jusqu'à la fin du 18e siècle, on méprisait l'amour romantique comme fondement du mariage.
- Le mariage en blanc et autres traditions : lors de son mariage, en 1840, la reine Victoria portait du blanc et avait des fleurs d'oranger blanches dans ses cheveux, ce qui devint une tradition. 
- Le sexe dans le mariage : la notion de femme idéale, de bonne épouse et de pureté morale de la femme a créé au 19e siècle beaucoup d'ambiguïté par rapport au sexe.
- Les enfants au coeur du mariage : jusqu'à récemment, le mariage sans enfants, l'infertilité et la dysfonction érectile étaient souvent des causes de divorces. 
- Les politiques publiques et le mariage : les garderies, les impôts, les congés parentaux et la prison ont influencé et transformé le mariage.
- Les familles reconstituées : faire le passage entre le passé et le présent.

Elizabeth Abbott est une écrivaine et une historienne qui s'intéresse à la condition des femmes, à la vie des animaux et à l'environnement; elle enseigne à l'Université de Toronto. Ouvrages publiés aux Éditions Fides : 
   Une histoire du mariage (2010) 
   Une histoire des maîtresses (2004) 
   Histoire universelle de la chasteté et du célibat (2001) 
   -- 
   Le sucre, une histoire douce-amère (2008)

Une histoire du mariage (résumé de l’éditeur) 
   Si l'institution du mariage a traversé les siècles, les visages qu'elle a revêtus sont multiples. On l'oublie trop facilement. Elizabeth Abbot nous invite à une incursion passionnante au coeur de l'histoire occidentale pour y découvrir la place, sans cesse à redéfinir, qu'occupe le mariage dans les rapports entre les femmes et les hommes. Elle traite aussi bien des réalités de la vie quotidienne qui ont façonné et façonnent aujourd'hui encore l'expérience du mariage, des différents aspects de l'éducation des enfants, que des relations avec les beaux-parents, des difficultés conjugales - nombreuses et complexes - et des manières de les résoudre. 
   Troisième ouvrage d'une trilogie consacrée à la vaste histoire des rapports que les hommes et les femmes ont entretenus au cours des siècles, Une histoire du mariage se centre sur l'expérience nord-américaine et ses antécédents européens.

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