28 juin 2015

Bruno Bozzetto : Big Bang

«Voilà l'homme tout entier, s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable.» ~ Samuel Beckett (En attendant Godot)

Inutile d’attendre un "Godot" (ou autre) qui nous sauvera de la ruine, il faudra retourner à la case de départ...

26 juin 2015

Coming out d’un Monarque et pissenlit

Par ce fichu vendredi ultra noir, je choisis de me concentrer sur la beauté.



Monarch butterfly emerging time lapse
Neil Bromhall www.rightplants4me.co.uk

Un chirurgien bien spécial de Live Monarch Foundation répare les ailes brisées des papillons monarques – juste incroyable! Le patient, survivra. Les fatalistes diront «laissons faire la nature, s’il doit mourir de faim, qu’il meurt». Bien sûr, comme on fait avec la plupart des espèces considérées «inutiles» incluant certaines catégories d’humains... Mais bon, c’est un choix personnel d’aider quand on le peut ou non, les plus gros et les plus petits qui ont tous leur rôle à jouer dans la nature.
https://www.youtube.com/watch?v=ah0SBALIc0o

Cultivez un peu d’asclépiade dans votre cour et vous aurez de la belle visite... puisque le superbe papillon monarque (Danaus plexippus) s’en nourrit.

La soie d'Amérique, rempart contre les fuites d'hydrocarbures et amie du papillon monarque
Par Jean-Michel Leprince, décembre 2014

Longtemps considérée comme une mauvaise herbe, l'asclépiade, ou soie d'Amérique, fait germer de plus en plus d'idées au pays. Dernière en date : elle protège les parcs nationaux contre un éventuel déversement de pétrole, tout en contribuant à la survie du papillon monarque. 
   Parcs Canada utilisera cette fibre pour éponger les éventuels déversements pétroliers. Il s'agit là d'une première mondiale. Une firme de Granby, Protec-Style, a décroché ce contrat prometteur, pour la fabrication de trousses d'urgence faites à partir d'asclépiade, qui seront distribuées dans 54 parcs nationaux. François Simard, PDG de Protec-Style, produira plus de 800 de ces trousses d'urgence en fibre d'asclépiade. 
   «L'asclépiade devient le produit par excellence pour l'absorption des hydrocarbures, d'autant plus que c'est un produit naturel qui ne provient pas du pétrole, comme le polypropylène – 1 kilo de soie absorbe 10 kilos de pétrole.» ~ François Simard, PDG de Protec-Style http://protec-style.com/

L'asclépiade et le monarque

Photo : Jean-Michel Leprince pour ICI Radio-Canada

Le monarque, qui a passé l'été au Canada, arrive au Mexique à la suite d'une migration de 4000 kilomètres. Le succès de ce long voyage dépend de la survie de l'habitat du papillon et de sa nourriture, l'asclépiade. 
   Or, l'asclépiade est victime partout en Amérique du Nord, dans le «corridor du monarque», de l'agriculture intensive, des engrais et des herbicides. 
   L'exploitation industrielle de l'asclépiade, une fibre totalement naturelle qui n'a besoin ni d'engrais ni de pesticides, contribuerait à la survie de ce papillon, symbole de l'unité entre les trois pays d'Amérique du Nord, le Mexique, les États-Unis et le Canada. 
   En février 2014 à Toluca, Mexique, au sommet de l'ALENA, les trois dirigeants se sont d'ailleurs engagés pour la première fois à créer un groupe de travail pour assurer la survie du monarque.

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2014/12/01/002-soie-amerique-asclepiade-absorbant-petrole-survie-monarque.shtml

Une autre entreprise (dont j’ai malheureusement oublié le nom) teste son efficacité  pour isoler les vêtements contre le froid et l’humidité. Nos manteaux de sport et de plein air pourraient donc contenir cette fibre de remplissage produite au Québec. Les aigrettes de l'asclépiade produisent en effet une fibre d’une qualité supérieure au duvet, aux fibres synthétiques et au coton. Elle possède des qualités exceptionnelles comme matériel de rembourrage, car elle résiste mieux à l'humidité.
   Un potentiel exceptionnel : filature isolant pour manteaux, panneau isolant, literie hypoallergène, vêtements verts, produits de soin corporel (avec l'huile tirée du grain), rembourrage de toutes sortes, et surtout absorbant pétrolier. Coopérative Monark : http://coopmonark.com/

En outre, les asclépiades sont des plantes écologiquement très importantes pour la biodiversité. Au Québec, les agriculteurs l'haïssent, les animaux de la ferme n'en mangent pas et les enfants se font la guerre avec les gousses. 
   Dans le passé, le nectar de ces plantes à teneur élevée en dextrose était une source d'édulcorant pour les indigènes d'Amérique et les voyageurs. Les Amérindiens ne sont pas les seuls à apprécier l'asclépiade commune (Asclepias syriaca). L'asclépiade offre trois légumes différents dans l'année : les jeunes pousses en juin ressemblent à des asperges; en juillet les épis floraux non encore ouverts rappellent le brocoli, et vers la fin de ce mois, ce sont nos petites gousses fuselées qui apparaissent. Trois légumes verts dont le goût se ressemble, mais d'apparences et de textures variées, s'apprêtant de différentes façons. (Source : Kanata) 
   En phytothérapie on utilisait l’asclépiade pour soigner des affections aussi diverses que la pleurésie, la typhoïde, la pneumonie, les catarrhes, la dysenterie, la colique, l’eczéma et l’hystérie. Les Omalas avaient coutume de consommer la racine crue pour traiter les bronchites et autres affections respiratoires. Les Amérindiens utilisaient Asclepias incarnata et A. Syrica pour soigner l’asthme. Attention : certaines espèces sont toxiques.



Time lapse dandelion flower to seed head /dandelion clock filmed continuously over a period of one month.
Neil Bromhall www.rightplants4me.co.uk

Ah, le pissenlit, considéré comme l’ennemi numéro 1 des parterres contre lequel se battent les inconditionnels du gazon à grand renfort de produits toxiques. J’ai connu une dame qui a empoisonné son chien ainsi – lentement, mais sûrement, par voie de conséquence – les chiens ont l’habitude de se rouler dans le gazon, n’est-ce-pas? Problèmes cutanés d’abord, puis l’intérieur a été attaqué. Son vétérinaire l’avait avertie, mais elle n’a pas écouté.

«On le dit né de la poussière soulevée par le char du Soleil, d’où la forme, la couleur et le comportement de ses fleurs qui s’ouvrent au lever du jour et se ferment à l’approche du crépuscule; d’où sans doute cette envolée lyrique du géographe-militant de gauche Élisée Reclus qui, ayant rêvé devant ses aigrettes qui s’envolent au moindre vent, l’évoqua en ces termes : ‘Cette fleur qui est un soleil devient une voie lactée, un monde d’astres, après floraison’~ Jean Palaiseul (Nos grands-mères savaient...; 1972) 
   Cette plante comestible possède des propriétés médicinales. Par exemple, les feuilles sont diurétiques mais elles ne provoquent pas de carences en potassium, au contraire elles en fournissent. On les utilise pour abaisser la tension artérielle car elles réduisent le volume des fluides. La racine est un dépuratif naturel qui agit sur le foie et la vésicule biliaire et évacue les toxines par les reins. Grâce à sa composition chimique équilibrée, la racine de pissenlit élimine les toxines d’origine infectieuse et celles qui proviennent de la pollution. Les racines et les feuilles ont une action efficace sur la vésicule biliaire et empêchent la formation de calculs; le feuillage aide même à dissoudre les calculs déjà constitués.

23 juin 2015

L’art de se compliquer la vie

Pouvons-nous arrêter le progrès? Parfois ce serait plus avantageux.

«Être normal c’est porter des vêtements que t’achètes juste pour le travail, conduire dans le trafic une auto que t’as pas encore fini de payer pour te rendre à un boulot dont t’as besoin pour payer les vêtements, l’auto, et la maison que tu laisses vide toute la journée pour pouvoir te l’offrir et «vivre» dedans.» ~ Ellen Goodman, journaliste et écrivaine

San Francisco, 30 juin 2006. Les départs de San Francisco en vue du long congé du 4 juillet commencent généralement le 30 juin (le mardi qui précède). Environ 40,7 millions d’Américains voyagent 50 miles et plus (83+ km) durant ce weekend... quel que soi le prix de l’essence. (Photo : David Paul Morris / Getty Images, 2006)

Objet : 1964 et 2014
(Auteur inconnu)

Vacances

1964 :
Après avoir passé 15 jours de vacances en famille, en Bretagne, dans la caravane tractée par une 403 Peugeot, les vacances se terminent.
   Le lendemain, tu repars au boulot, frais et dispos.

2014 :
Après 2 semaines à la Réunion et à l'Île Maurice, obtenues à peu de frais grâce aux «bons vacances» du Comité d'Entreprise, tu rentres fatigué,  excédé par 4 heures d'attente à l'aéroport suivies de 12 heures de vol. 
   Au boulot, il te faut 1 semaine pour te remettre du décalage horaire!

Du lait, du beurre et des œufs

1964 :
Tu vas chercher du lait chez le crémier, qui te dit bonjour, avec ton bidon en alu, et tu prends du beurre, fait avec du lait de vache, coupé à la motte. Puis tu demandes une douzaine œufs qu'il sort d'un grand compotier en verre. Tu paies avec le sourire de la crémière, et tu sors sous un grand soleil.
   Le tout a demandé 10 minutes.

2014 :
Tu prends un caddie de merde dont une roue est coincée et qui le fait aller dans tous les sens sauf celui que tu veux. Tu passes par la porte qui devrait tourner mais qui est arrêtée par ce qu'un benêt l'a poussée, puis tu cherches le rayon crémerie, où tu te les gèles, pour choisir parmi 12 marques le beurre qui devrait être fait à base de lait de la communauté. 
   Enfin tu cherches la date limite... 
   Pour le lait :
Tu dois choisir avec des vitamines, bio, allégé, très allégé, nourrissons, enfants, malades ou mieux en promo avec la date dessus et la composition... 
   Pour les 12 œufs :
Tu cherches la date de la ponte, le nom de la société et surtout tu vérifies qu'ils ne soient pas fêlés ou cassés et paf! tu te mets plein de jaune sur le pantalon! 
   Tu fais la queue à la caisse. La dame devant toi a pris un article en promo qui n'a pas de code barre... Alors tu attends, et tu attends... 
   Puis toujours avec ce foutu caddie de merde, tu sors pour chercher ton véhicule sous la pluie. Tu ne le retrouves pas car tu as oublié le N° de l'allée... 
   Enfin après avoir chargé la voiture, il faut reporter l'engin pourri et là, tu vas t'apercevoir qu'il est impossible de récupérer ta pièce de 1 euro... Tu reviens à ta voiture sous la pluie qui a redoublé.
   Cela fait plus d'une heure que tu es parti.


Faire un voyage en avion

1964 :
Tu voyages dans un avion d'Air France. On te donne à manger et t'invite à boire ce que tu veux, le tout servi par de belles hôtesses de l'air, et ton siège est tellement large qu'on peut s'asseoir à deux.

2014 :
Tu entres dans l'avion en continuant d'attacher ton ceinturon qu'on t'a fait retirer à la douane, pour passer le contrôle. Tu t'assoies sur ton siège et, si tu éternues un peu trop fort, tu mets un coup de coude à ton voisin. Si tu as soif, le steward t'apporte la carte et les prix sont ahurissants.

Michel doit aller dans la forêt après la classe
Il montre son couteau à Jean avec lequel il pense se fabriquer un lance-pierre.

1964 :
Le directeur voit son couteau et lui demande où il l'a acheté pour aller s'en acheter un pareil.

2014 :
L'école ferme. On appelle la gendarmerie. On emmène Michel en préventive. TF1 présente le cas aux informations en direct depuis la porte de l'école.

Discipline scolaire

1964 :
Tu fais une bêtise en classe. Le prof t'en colle deux. En arrivant chez toi, ton père t'en recolle deux autres.

2014 :
Tu fais une bêtise. Le prof te demande pardon. Ton père t'achète une console de jeux et va casser la gueule au prof!

Dominique et Marc se disputent 
Ils se flanquent quelques coups de poing après la classe.

1964 :
Les autres les encouragent, Marc gagne. Ils se serrent la main et ils sont copains pour la vie.

2014 :
L'école ferme. FR3 proclame la violence scolaire, relayée par BFMTV et ITélé en boucle et TF1 au journal de 20 heures. Le lendemain, Le Parisien et France Soir en font leur première page et écrivent 5 colonnes sur l'affaire.

Jean tombe pendant une course à pied
Il se blesse au genou et pleure. Sa prof Jocelyne le rejoint, le prend dans ses bras pour le réconforter.

1964 :
En deux minutes Jean va beaucoup mieux et continue la course.

2014 :
Jocelyne est accusée de perversion sur mineur et se retrouve au chômage, elle écopera de 3 ans de prison avec sursis.
   Jean va de thérapie en thérapie pendant 5 ans. Ses parents demandent des dommages et intérêts à l'école pour négligence, et à la prof pour traumatisme émotionnel. Ils gagnent les deux procès.
   La prof, au chômage et endettée, se suicide en se jetant d'en haut d'un immeuble. Plus tard, Jean succombera à une overdose au fond d'un squat!

Arrive le 25 octobre

1964 :
Il ne se passe rien.

2014 :
C'est le jour du changement d'horaire : les gens souffrent d'insomnie et de dépression.

Comme dit l'autre : on vit une époque vraiment formidable!

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Très drôle. Mais tout n’était pas rose dans les années 1950-60, oh non.

Food for thought

Introduction de cette pub : Les grands espoirs concernant le DDT ont été réalisés. Au cours de 1916, des tests scientifiques exhaustifs ont montré que, lorsqu'il est correctement utilisé, le DDT extermine une grande quantité d'insectes ravageurs et nuisibles, et qu’il est un bienfait pour l'humanité tout entière. ... Aujourd'hui, tout le monde peut profiter de plus de confort, d’une meilleure santé et sécurité grâce aux pouvoirs insecticides Pennsalt... et le DDT n'est qu'un des nombreux produits de Pennsalt dont peuvent profiter les industries, les fermes et les foyers.

Le DDT ayant commencé à contaminer toute la chaîne alimentaire, et par conséquent les humains, ce poison fut banni dans plusieurs pays. Mais les résidus sont encore présents dans les environnements où il a été abondamment utilisé, d’autant plus que d’autres poisons se sont ajoutés par dessus. Et puis, pour alourdir le bilan, l’herbicide Roundup de Monsanto, le tueur des tueurs apparu en 1975, s’imposa à la grandeur de la planète à partir de 1990 pour le «bienfait de l’humanité tout entière». Le DDT c’tait juste une pratique...

«On a longtemps pensé que le fœtus, grâce au placenta, n’était pas exposé aux substances toxiques circulant dans l’organisme de sa mère. On sait aujourd’hui que ce n’est absolument pas le cas. Les études montrent en effet que l’on retrouve des centaines de polluants dans le sang de cordons des nouveau-nés ... susceptibles d’entraîner des conséquences irréversibles dont certaines apparaîtront une fois adulte.
   Notre environnement est contaminé par de nombreuses substances qui se retrouvent dans les aliments que nous consommons, dans l’air que nous respirons, et finalement dans notre sang. Durant les 30 Glorieuses, des substances toxiques faiblement biodégradables et capables de s’accumuler dans les organismes vivants (PCB, pesticides organochlorés, dioxines…) ont été déversées massivement dans l’environnement. Des règlementations ont beau avoir été mises en place pour limiter leur dispersion dans la nature, on les retrouve encore dans le sang et les graisses des individus. 
   Même si les conséquences de la présence de ces substances dans le sang sont souvent difficiles à évaluer, on soupçonne fortement ces polluants d’être responsables de l’augmentation, constatée depuis une trentaine d’années, de certaines maladies et troubles métaboliques : cancers, notamment lymphomes et tumeurs cérébrales, autisme, malformations génitales, asthme, prématurité, infertilité… La pollution chimique joue également très probablement un rôle dans la flambée du diabète et de l’obésité.»

~ Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie et expert à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa)
Sang pour sang toxique : des substances aux effets inquiétants
Thierry Souccar Éditions

21 juin 2015

L’absurde a plus de sens


Si vous n’arrivez pas à trouver de sens à tout ce qui arrive,
essayez de voir ça comme un divertissement.

Plusieurs choses doivent avoir une raison d’être, 
mais les belles choses ont le droit d’exister sans raisons.

Si vous attendez patiemment assez longtemps,
éventuellement vous serez à bout de patience.

~ Ashleigh Brilliant

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tu n’as plus envie de sortir
c’est supportable seul
juste toi et les mauvaises nouvelles
et la confession de Mère Teresa
bénie soit-elle de nous avoir laissé savoir
qu’elle non plus n’en pouvait plus

~ Leonard Cohen


Ça n’arrive qu’à moi

Les gens disent tous la même chose!
Ils disent tous, lorsqu’il leur arrive quelque chose :
«Ça n’arrive qu’à moi!»
De temps en temps, il y en a un à qui il n’arrive rien, qui ne dit pas comme tout le monde.
Il dit : «Ça n’arrive qu’aux autres!»
Parce qu’il a entendu les autres dire :
«Ça n’arrive qu’à moi!», il croit que ça n’arrive qu’à eux (aux autres)!
Alors que peut-être, il n’y a qu’à lui que ça arrive de penser que ça n’arrive qu’aux autres!
Encore que lorsqu’il s’en aperçoit, il dit comme les autres :
«Ça n’arrive qu’à moi!»
Cela m’est arrivé... à moi!
Alors, si cela vous arrive... je veux dire si vous faites partie de ceux qui, comme moi, disent «Ça n’arrive qu’aux autres!», posez-leur la question... aux autres!
-- Qu’est-ce qui vous arrive?
Ils vous répondront tous la même chose :
-- Nous ne savons pas ce qui nous arrive, mais ça n’arrive qu’à nous!
Par contre, si vous partie des autres, de ceux qui disent : «Ça n’arrive qu’à moi!» posez-vous la question... à vous :
«Qu’est-ce qui t’arrive!»
Et vous verrez que ce qui vous arrive... c’est ce qui arrive aux autres!
C’est ce qui arrive à tout le monde!
Et vous conclurez comme moi, par cette petite phrase sibylline :
«Ce qui n’arrive qu’aux autres n’arrive qu’à moi aussi!»
Et vous vous sentirez solidaire!

~ Raymond Devos


Ce monde, tel qu'il est fait, n'est pas supportable. J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l'immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde.
~ Albert Camus

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Les règles n’ont plus leur raison d’être, mais comme on s’en est accommodé, on continue de les suivre jusqu’à ce que quelqu’un en démontre l’absurdité.
~ Rachel Guay

20 juin 2015

Culs-de-sacs éthiques

En bonne minimaliste, maintenant quand je passe devant un étalage de livres, je feuillette mais je n’achète pas. Néanmoins, c’est le domaine où j’ai le plus de difficulté à résister à la tentation. Hier j’ai succombé. Eh oui! Un ouvrage en lien avec l’article «Payer pour avoir le droit de polluer plus» au sujet de Michael Sandel, notamment ses classes diffusées sur le web «Justice: What’s The Right Thing To Do?» (Voyez Situation planétaire, 17.06.2015)

N’étant pas animophage, le titre avait de quoi piquer ma curiosité :

Mangeriez-vous votre chat?
25 dilemmes éthiques et ce qu’ils révèlent sur vous
(Would you eat your cat?; New Holland Publishers Ltd; 2010)

Auteur : Jeremy Stangroom 
Traduction : Valérie Feugeas
Les Éditions de l’Homme, juin 2015

Ce petit manuel philosophique propose des scénarios fictifs très embarrassants, quasi insolubles comme les kōans, pour nous aider à déterminer où nous nous situons sur l’échelle de la moralité. Dérangeant, déstabilisant, au point de bousculer nos valeurs profondes. Mais, investiguer nos aprioris a aussi un côté ludique; on peut même initier des conversations entre amis pour explorer ces dilemmes – je dis bien conversation, et non débat, car ce dernier est plutôt une joute oratoire, une compétition, où il faut des gagnants et des perdants.


Quelques exemples de questions :

Impasses éthiques
Comment plonger dans la perplexité le plus brillant des philosophes?
- Vaut-il mieux être sexiste ou misanthrope?
- Êtes-vous prêt à sacrifier une personne pour en sauver cinq? [Il n’existe aucun moyen de ne tuer personne]

Droits et responsabilités
Où s’arrêtent nos libertés?
- Mon corps m’appartient-il?
- Le suicide est-il répréhensible?

Crimes et châtiments
Exercices mentaux pour mieux comprendre les questions de responsabilité morale, de culpabilité et de sanction
- Peut-on punir un innocent?
- La torture est-elle parfois justifiable? 
- Jusqu’à quel point est-on libre de ses choix?

Politique et société
Comment le contexte social et politique modifie-t-il le raisonnement moral?
- Sommes-nous conditionnés?
- Doit-on interdire la pornographie?
- L’individu est-il moralement responsable du changement climatique?


Exemple de dilemme, catégorie Politique et société (tout à fait d’actualité!) :

Êtes-vous un impérialiste qui s’ignore?

La principauté de Macoraba adopte à l’encontre des anticonformistes des mesures qui peuvent surprendre :

1. Toute activité sexuelle après l’âge de trente ans est interdite pour des raisons esthétiques – ce qui semble tout à fait raisonnable aux yeux des Macorabéens. Le contrevenant s’expose à la flagellation publique.

2. Une consommation excessive d’oursons en gélatine est punie d’une peine de soixante jours de travaux forcés dans un supermarché maxidiscompte.

3. Si vous êtes assez fou pour vous faire prendre en train de regarder un épisode de La Bergerie Célébrités, vous risquez le peloton d’exécution.

Lorsqu’on n’est pas soi-même macorabéen, ces mesures prêtent à sourire. En revanche, elles ont des conséquences terribles sur la vie des anticonformistes de la principauté. S’il est relativement facile de résister à un paquet d’oursons en gélatine ou d’éviter de regarder La Bergerie Célébrités, il en va autrement lorsqu’il s’agit de sexualité. Et si la majorité des habitants de Macoraba approuve sans broncher la loi interdisant toute relation sexuelle après trente ans et la sanction qu’elle entraîne, on compte chaque année un nombre significatif de personnes flagellées sur la place publique pour avoir transgressé la loi.

Il en résulte énormément de souffrance et d’humiliation. Il arrive même que certains décèdent. Dans une société comme la nôtre, de telles sanctions seraient jugées disproportionnées par rapport au délit commis.

Pour des raisons qui restent floues, vous entrez en possession d’une machine permettant d’abolir ce genre de châtiment. Concrètement, si cous appuyez sur le bouton, la machine laissera les choses en l’état, sauf en ce qui concerne les plus de trente ans surpris en flagrant délit de relation sexuelle : ils n’écoperont que d’une amende.

Allez-vous appuyer sur le bouton?

Le droit d’ingérence est-il légitime?

Quel code moral utiliserez-vous pour résoudre un dilemme : l’utilitarisme, l’éthique déontologique ou l’éthique de la vertu? Dans la deuxième partie de l’ouvrage Jeremy Stangroom analyse chaque situation pour vous aider à découvrir vos codes d’éthique.

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«C'est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous.»
~ Didier Érasme

18 juin 2015

Humour d’un beau jeudi tranquille


Il faut certainement inclure les mots parmi les drogues les plus puissantes que l’homme ait inventées. ~ Leo Rosten

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Ce que j’aime faire l’été c’est rester enfermée chez nous pendant que les autres vivent leur vie. ~ Katherine Levac, humoriste (alias Paidge Beaulieu) 

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Milliers

Des milliers
qui sont connus,
ou qui veulent être connus
comme poètes,
peut-être un ou deux
sont authentiques
et les autres des pseudos,
qui rôdent autour des lieux sacrés
en essayant d’avoir l’air d’être des vrais.
Il va sans dire
que je suis un des pseudos
et c’est ça mon histoire.

~ Leonard Cohen
(Livre du constant désir; trad. Michel Garneau)

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- On appelle vérités premières celles qu'on découvre après toutes les autres, voilà tout.
- Gouverner, c'est voler, tout le monde sait ça.
~ Albert Camus

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«Pour la première fois depuis plus d'un siècle, un visage de femme apparaîtra sur un billet de banque américain. Le secrétaire au Trésor américain Jack Lew a annoncé jeudi que le nouveau billet de 10 $, qui doit être dévoilé en 2020, représenterait ‘une femme qui a contribué aux valeurs de la démocratie américaine et qui les représente’.»

Cette nouvelle a suscité des commentaires hilarants à propos des billets de banque canadiens à l’effigie de la reine. Plusieurs suggéraient d’enlever tous ses portraits et de les remplacer par ceux de femmes qui ont marqué notre culture. Je voterais, entre autres, pour l’écrivaine Gabrielle Roy.

Parlant de la reine, ça m’a fait penser à Mark Twain qui, de toute évidence, adorait la monarchie...

MONARCHY

There are shams and shams; there are frauds and frauds, but the transparentest of all is the sceptered one. We see monarchs meet and go through solemn ceremonies, farces, with straight countenances; but it is not possible to imagine them meeting in private and not laughing in each other's faces.
- Mark Twain's Notebook

Royal Ascot 2013

I wish I might live fifty years longer; I believe I should see the thrones of Europe selling at auction for old iron. I believe I should really see the end of what is surely the grotesquest of all the swindles ever invented by man -- monarchy.
- Letter to Sylvester Baxter of Boston Herald, 1889

We hold these truths to be self-evident -- that all monarchs are usurpers and descendants of usurpers; for the reason that no throne was ever set up in this world by the will, freely exercised, of the only body possessing the legitimate right to set it up -- the numerical mass of the nation.
- Letter to Sylvester Baxter of Boston Herald, 1889

It is hard enough luck being a monarch, without being a target also.
- More Maxims of Mark, Johnson, 1927

Strip the human race, absolutely naked, and it would be a real democracy. But the introduction of even a rag of tiger skin, or a cow tail, could make a badge of distinction and be the beginning of a monarchy. 
- Mark Twain's Notebook

Monarchy: A select and peculiar kind of slave-proprietor who does not get his property by purchase, or trick, or beguilement, but inherits it -- from an ancestor who stole it.
- "Letters from a Dog to Another Dog Explaining and Accounting for Man"

16 juin 2015

«Commencez par la conclusion»

Tableau : Edvard Munch, 1899

«Commencez par la conclusion, la fin est encodée dans le début.
Le problème du sens de la vie est résolu par le mystère de l’amour.»
(Sam Keen)

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L’amour romantique est comme la religion : s’il rend meilleur, pourquoi s’en priver?
«Ne retenez que ce qui ne se voit pas.» ~ Henri Matisse

@Twittakine

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Quantum Love

In quantum physics,
as in love,
in matter and in meeting,
paradox rules.

Protons, being particle and wave,
persons, being single and connected,
arrive at their destination
before they embark on the journey.

The arrow of longing
hits the target
before we take aim.
The answer sleeps
in the question.
The lost treasure
is our found/ation

Start with the conclusion,
the end encoded in the beginning.
The problem of the meaning of life
is solved by the mystery of love.

Not a Poem… For Patricia on Our Wedding Day

They say: love lives
more in the wanting
than the possession,
more in the anticipation
than the fulfillment.


~ Sam Keen

http://samkeen.com/love-poems-profane-and-sacred/

Outre ses savoureux poèmes, ce philosophe publie les résultats de quelques-unes  de ses investigations philosophiques.

An inquiring philosopher http://samkeen.com/  

15 juin 2015

L’art de duper

Pour se laisser duper, il faut d’abord se duper soi-même.

Jean Cocteau, Portrait les yeux bandés

La première et la dernière liberté
Par Krishnamurti (1895-1986)
Traduction de Carlo Suares 
Préface d’Aldous Huxley
Éditions Stock; 1954

Chapitre XVIII
Se duper soi-même

(p. – 126-131)

Je voudrais examiner les façons qu’a l’esprit de se leurrer et les illusions dans lesquelles il se complaît, qu’il s’impose et qu’il impose aux autres. C’est une question très sérieuse, surtout dans l’état de crise où le monde se trouve en ce moment. ... L’étudier au niveau verbal n’aurait aucun effet. Nous nous satisfaisons trop volontiers de mots, et étant des experts en expressions verbales, toute notre action consiste à espérer que les choses s’arrangeront. Les explications que d’innombrables historiens et théologiens nous donnent des guerres et de leurs origines ne les empêchent pas de se produire, de plus en plus destructrices. Aussi, les personnes réellement désireuses d’agir, doivent introduire une révolution essentielle en elles-mêmes. C’est là le seul remède qui puisse apporter à l’humanité une rédemption durable, fondamentale. ... Nous devrions nous observer pendant que nous pensons et agissons, voir comment nous affectons les autres, et quels sont nos mobiles personnels. 
       Pour quelle raison fondamentale sommes-nous nos propres dupes? Combien parmi nous sont vraiment conscients de cette tricherie? ... Savons-nous que nous nous supons? C’est important de le savoir, car plus nous prolongeons notre erreur, plus elle acquiert d’intensité. Elle nous confère une certaine vitalité, une certaine énergie et la capacité de l’imposer à autrui. Ainsi, graduellement, nous nous prenons à ce jeu et y entraînons les autres. Il y a là un processus de tromperie réciproque. En sommes-nous conscients? Nous nous croyons capables de penser très clairement et objectivement; est-ce que nous rendons compte que cette façon de penser abuse nos esprits? 
       La pensée elle-même n’est-elle pas la recherche d’explications et de justifications en vue de notre sécurité et de notre protection personnelles, comportant le désir d’acquérir l’estime des autres, une situation, du prestige, du pouvoir? Ce désir d’être, socialement ou religieusement, n’est-il pas la raison même pour laquelle nous nous dupons? Dès l’instant que je veux autre chose que les nécessités purement matérielles de la vie, est-ce que je n’engendre pas en moi-même l’état d’esprit de dupe? ... 
        ... Nous devons nous purger l’esprit de notre espoir, de notre désir de survivance, et du désir même de savoir ce qu’il y a de l’autre côté. Car l’esprit est constamment en train de chercher une sécurité dans l’espoir de survivre; il veut trouver le moyen de s’accomplir dans une existence future. ... Ce qui est important, c’est notre façon d’aborder un problème, et les impulsions, les désirs qui nous animent. 
       Le chercheur s’impose sa propre illusion : nul ne peut faire cela pour lui, c’est lui seul qui le fait. Nous créons notre illusion et en devenons esclaves. Le facteur fondamental de ce processus est notre constant désir d’être quelque chose, dans ce monde ou dans l’autre. Nous en connaissons l’effet dans ce monde : c’est une confusion totale où chacun de nous est en lutte avec les autres, où l’on se détruit au nom de la paix. Vous connaissez les ruses de ce jeu. C’est une extraordinaire façon de nous mentir à nous-mêmes. Et, de même, nous voulons une sécurité et une situation dans l’autre monde. 
       Nous commençons à tricher dès que nous avons cette soif d’être, de devenir, de nous accomplir. C’est un des problèmes fondamentaux de notre existence. Est-il possible de vivre en ce monde et de n’être rien? Alors seulement serions-nous affranchis de toute illusion. Car l’esprit ne serait pas en quête d’un résultat, l’esprit ne chercherait pas une réponse satisfaisante, l’esprit ne s’abuserait pas lui-même par des justifications, l’esprit ne serait pas avide de sécurité. Et cela peut se produire s’il se rend compte des résonances et des subtilités de ses illusions. Il abandonne alors, par l’intelligence qu’il en a, toute forme de justification et de sécurité, ce qui veut dire qu’il devient capable de n’être absolument rien du tout. Est-ce possible? 
       Tant que nous nous mentons à nous-mêmes, sous quelque forme que ce soit, il ne peut pas y avoir d’amour. Tant que l’esprit est capable de créer et de s’imposer une illusion, il se sépare de toute compréhension collective ou intégrée. C’est évident; et c’est encore une de nos difficultés, que nous ne sachions pas coopérer. Tout ce que nous savons c’est essayer de travailler ensemble pour un but commun. ... Ce qui est important, c’est de nous rendre compte que la coopération n’est possible que lorsque vous et moi désirons être rien du tout. Lorsque vous et moi désirons être quelque chose, les croyances, les projections d’utopies et toute la gamme des illusions deviennent nécessaires. Mais si vous et moi créons anonymement sans nous leurrer quant à nos intentions, sans les barrières des croyances et des connaissances, sans le désir de sécurité, il s’établira une vraie coopération. 
       ... Supposons que vous et moi mettions au point un projet et que nous travaillons ensemble à le réaliser. Nos facultés intellectuelles coopèrent évidemment, mais émotionnellement il se peut que tout notre être soit en état de résistance et que nous soyons par conséquent en conflit. C’est un fait facile à observer dans notre vie quotidienne : nous pouvons convenir de réaliser quelque chose, mais inconsciemment, profondément, nous serions ennemis, car je voudrai un résultat qui me donnera de la satisfaction, je voudrai dominer, que mon nom soit cité avant le vôtre, etc. Ainsi vous et moi, les créateurs de ce projet, nous nous opposons en fait l’un à l’autre. 
       ... Nous serait-il possible de coopérer profondément, de communier, de vivre ensemble dans un monde où vous et moi ne serions rien du tout? C’est un de nos problèmes, peut-être le plus important. Je m’identifie à un but à atteindre et vous vous identifiez au même but; cette façon de penser est bien superficielle, car elle engendre la division. Ainsi nous prêchons tous deux la fraternité comme but; vous vous identifiez à cette idée en tant qu’Hindou et moi en tant que Catholique, et nous nous sautons à la gorge. Pourquoi? Inconsciemment et profondément vous avez vos croyances et moi les miennes. En parlant de fraternité nous n’avons pas résolu tout le problème des croyances, nous n’avons fait que tomber d’accord théoriquement et cérébralement sur la nécessité de le résoudre, mais profondément nous sommes ennemis. 
       Tant que nous ne ferons pas disparaître ces barrières qui nous abusent, qui nous donnent une certaine vitalité, il ne pourra pas y avoir de coopération entre vous et moi. L’identification avec un groupe, avec une idée, avec un pays, ne produira pas de coopération. 
       Au contraire, toute croyance divise. Nous voyons comment les partis politiques s’opposent l’un à l’autre. Chacun d’eux, ayant sa méthode pour résoudre les problèmes économiques, est en guerre contre les autres. Ils ne prennent pas la décision de combattre la famine, par exemple, mais se battent entre eux pour faire triompher des théories censées devoir mettre fin à la famine. Le problème lui-même, ils ne s’en soucient guère; ce qui les intéresse, c’est la méthode à employer pour le résoudre. Ils sont donc en conflit, chacun se souciant plus de son idée que du problème commun. De même, les personnes dévotes sont en conflit l’une avec l’autre, tout en proclamant – en paroles – la vie une, Dieu et le reste. Intérieurement, leurs croyances, leurs opinions, leurs expériences sont en train de les détruire et de les séparer de leurs semblables. 
       L’expérience devient un facteur de division dans nos relations humaines : l’expérience est une des voies de l’illusion. En effet, j’ai vécu une centaine et je m’y accroche; je ne vais pas profondément dans tout le problème des expériences vécues, mais parce que j’ai vécu une certaine expérience, cela me suffit, je m’attache à elle et elle devient par conséquent une illusion que je m’impose. 
       Notre difficulté est que chacun de nous est si identifié à une certaine croyance à une façon – ou à une méthode – particulière d’instaurer le bonheur spirituel ou matériel que nos esprits en sont captifs et qu’il nous est donc impossible d’entrer plus profondément dans le problème. Il en résulte que nous désirons demeurer isolés dans nos chemins individuels, dans nos croyances et nos expériences. Tant que nous ne les dissoudrons pas par la compréhension que nous en avons (non seulement au niveau le plus à fleur de notre conscience mais aussi dans notre conscience la plus profonde) il n’y aura pas de paix dans le monde. Voilà pourquoi il est si important que ceux qui sont réellement déterminés comprennent la totalité du problème que pose le désir de devenir, de réussir, d’obtenir, le comprennent non seulement à sa périphérie mais fondamentalement, profondément, faute de quoi il n’y aura jamais de paix dans le monde. 
       La vérité n’est pas quelque chose qui peut s’acquérir. L’amour ne peut pas venir à ceux qui ont le désir de le posséder ou qui voudraient s’identifier à lui. Mais il peut se produire lorsque l’esprit ne cherche pas, lorsqu’il est complètement tranquille, lorsqu’il ne crée plus des mouvements et des croyances sur lesquelles il puisse s’appuyer ou dont il tire une certaine énergie, symptôme de ses illusions. Et l’esprit ne peut être ainsi immobile que lorsqu’il comprend le processus du désir. Lorsqu’il n’est plus en mouvement pour être ou pour ne pas être, il rend possible l’existence d’un état dépouillé de toute duperie.

Complément d'intérêt :

 
Krishnamurti. Ou l'insoumission de l'esprit
Par Zéno Bianu
 
Date de parution 15/05/2015
Sciences humaines (H.C.)
Éditions du Seuil
 
Rares sont les voix qui ne cherchent pas à endormir l'inquiétude, qui affrontent au plus près l'inconfort d'exister. Qui nous parlent de nous, non pas tels que nous devrions être, mais tels que nous sommes - sans jamais voiler notre énigme.
 
Krishnamurti (1895-1986), c'est avant tout la force d'une parole juste, vivante, splendidement insoumise. Parole de haute désobéissance, qui marque les limites du savoir et invite à un bouleversement total du mode d'être.
 
Que serait une nouvelle présence au monde, Une liberté parfaite? Une sagesse de l'instant? Un amour infini? Et - risquons-le - une terre un peu plus fraternelle? C'est pour creuser, hanter ces questions que ce livre a été écrit.
 
Ni biographie ni étude, mais essai, au plein sens du terme. Attentif à restituer Krishnamurti dans sa lucidité fulgurante, hors normes. Attentif à ne jamais séparer la vie spirituelle de la vie quotidienne. Attentif à notre présent vivant - à notre émerveillante banalité.
 
On ne sait si le siècle qui vient sera métaphysique, mais pour ne pas mourir, il devrait être krishnamurtien.
 
Z.B.
 
Zéno Bianu
 
Né en 1950 à Paris, a publié plusieurs ouvrages de poésie, du Manifeste électrique (1971) à Fatigue de la lumière (1991), adapté des auteurs baroques (Lope de Vega, Marlowe) pour l'Odéon-Théâtre de l'Europe, et traduit nombre d'œuvres dans le domaine des mystiques orientales.
 
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Autres :

Le discours politique (Parler pour ne rien dire, par Raymond Devos) :  
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2015/06/le-discours-politique.html

L’art de persuader : http://artdanstout.blogspot.ca/2015/06/lart-de-persuader.html

13 juin 2015

Pourquoi vous êtes-vous marié(e)?

Il m’arrivait d’entrer par curiosité dans des églises où l’on célébrait des mariages. Comme les attitudes parlent! On peut quasiment deviner tout de go qui divorcera ou non. Allez savoir comment.

Beaucoup de débats dans l’air au sujet des unions de fait : qui peut réclamer quoi et pour quelles raisons en cas de séparation? Le problème se corse avec la présence d’enfants. Y’a de quoi s’arracher les cheveux...

Et, la saison des mariages bat son plein. Tous les rêves sont permis... 

Photo : 112 Weddings

Mais qu’arrive-t-il quand on retombe les deux pieds sur terre quelque temps après?

112 Weddings
Si vous accès à la zone vidéo (en anglais) :
http://www.cbc.ca/passionateeye/episodes/112-weddings


Le documentaire de Doug Black, 112 Weddings, incite à se questionner sur l’engagement, les valeurs religieuses et socioculturelles qui glorifient le mariage ainsi que les fantasmes soutenus par l’industrie du mariage (avec ses nombreux dérivés); celle-ci rapporte des milliards de dollars annuellement... Certains couples investissent des sommes colossales pour épater la galerie, et les invités peuvent se faire arnaquer financièrement par ricochet. 


Résumé (adaptation/traduction maison) : 
   Qu’est-ce qui fait en sorte qu’un mariage fonctionne ou non? Voilà la question que le cinéaste Doug Black se posait après 112 vidéos de cérémonies de mariage, réalisés sur une période de 20 ans. 
   Le vidéaste partageait intimement les émotions intenses de ces journées mémorables où les couples se promettaient amour, sollicitude et fidélité à vie, pour le meilleur et le pire. Il éprouvait parfois de l’affection envers ces purs étrangers. Quelques semaines après l’événement, il leur postait les vidéos et ne les revoyait jamais. 
   Or il se demandait parfois comment ces unions avaient évolué. Leur mariage correspondait-il à ce qu’ils avaient imaginé? Étaient-ils toujours ensembles? Comment avaient-ils navigué à travers les hauts et les bas du parcours? Block a revisité quelques couples. Le documentaire juxtapose flashbacks de vidéos et interviews. Tragédies, divorces, mariages officiels après plusieurs années de vie commune, et ainsi de suite.

Photo : 112 Weddings. Jenn et Augie (Mariage #71, mariés depuis 8 ans). Augie avoue sans ambages que la naissance de leur enfant a fait basculer la relation auparavant harmonieuse et qu’il pense à divorcer. L’échange entre les conjoints est assez cruel – Jenn retient ses larmes ou rit jaune pendant l’interview. À la fin, le cinéaste demande : «quel conseil donneriez-vous aux gens qui veulent se marier?» Augie répond : «ne vous mariez pas!» Hum... Jenn aurait dû réclamer le divorce sur-le-champ, devant la caméra :
Picked up the wrong guy. Gave him the wrong finger.

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Les divorces résolus avec maturité doivent être assez rares. Surtout quand les intérêts affectifs et matériels l’emportent sur la compassion et la raison, et que la haine, la peur, la jalousie, parfois la rage, s’emparent des conjoints. Le plus triste, c’est lorsque les enfants sont pris en otage par des parents immatures qui s’entredéchirent. Les enfants sont parfois considérés comme des biens de sorte que les parents se battent pour un droit de propriété. Beaucoup de couples font des enfants sans réfléchir aux responsabilités que cela implique, exactement comme certaines personnes achètent des animaux de compagnie qu'ils négligent ou dont ils se débarrassent quand ils n'en veulent plus. C'est quand même effrayant un tel manque de conscience.  

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Le mariage d'amour a-t-il échoué?
PASCAL BRUCKNER;  Grasset 2010

Propos recueillis par Patrice Demailly

Peut-on dire que cet essai est le constat du fossé creusé entre l'institution du mariage et l'évolution du sentiment amoureux? 
   C'est un constat de semi-échec, en tout cas de crise grave. On peut dire qu'un siècle après son invention, le mariage d'amour n'est pas en meilleur état qu'était le mariage bourgeois à la fin du XIXe siècle. Il y a aujourd'hui 35 % de mariages en moins, on divorce de plus en plus et on peut imaginer que beaucoup de gens se marient pour avoir des papiers. Contrairement à ce qu'on dit, le mariage n'est pas uniquement d'amour aujourd'hui ... on se marie par intérêt.

Le mariage d'amour est-il devenu son propre ennemi?
   Auparavant, c'était la raison, l'intérêt qui faisaient la loi, la transmission d'un bien ou d'un nom. Là, l'amour est devenu presque un dogme. On a même vu au début du XXe siècle un député qui voulait inscrire l'amour comme condition obligatoire qui présidait à la cérémonie. Ce dogmatisme est aussi bête que l'ancien et au fond, la seule ligne de partage qui doit séparer les gens, c'est le mariage libre ou le mariage forcé. On peut librement se marier par intérêt mais le mariage forcé est insupportable. Les raisons pour lesquelles deux êtres s'unissent sont multiples. Même chez les gens les plus épris, il y a de la vanité, l'amour-propre.

L'infidélité s'est-elle accrue?
   Le risque de l'infidélité est l'obsession de tous les couples. C'est le propre de la monogamie qui nous interdit d'aller voir ailleurs, donc rendons cet ailleurs plus désirable. La naïveté, c'est de croire que l'amour était un sentiment mélangé parce qu'il était interdit par la loi, la religion, les pouvoirs, la morale et qu'au fond à partir du moment où on admet l'autoriser, il déploierait toutes ses possibilités les plus belles. Sauf qu'on s'aperçoit que l'amour libre n'est pas plus facile à vivre que l'amour enchaîné.

L'humain ne veut-il pas tout et son contraire?
   Il y a un aspect qu'on a complètement gommé, c'est la versatilité. On a une approche totalement adolescente de l'amour. On veut à la fois la perspective du long terme et l'intensité passionnelle qui serait la marche de l'amour fou d'aujourd'hui. On s'aperçoit que ça ne marche pas de vivre dans un désir qui ne faiblit jamais, alors beaucoup de gens s'arrêtent.
   Parce qu'ils ne retrouvent plus le frisson des débuts. C'est une perversion déjà dénoncée par les anciens, notamment par Saint-Augustin, qui est «L'amour de l'amour». Nous aimons l'état dans lequel nous plonge une personne, et cela ne veut pas dire que nous aimons cette personne en particulier.

Le couple ne supporte-il pas les contraintes?
   La fameuse formule «Pour le meilleur et pour le pire» a été amputée de sa seconde partie. Cela explique tous ces drames, ces femmes qui sont abandonnées quand elles tombent malades, idem pour les hommes quand ils sont au chômage.

Ce sont les femmes qui partent dans la majorité des cas... 
   À 70 %, mais la cruauté de la séparation est la même. Du jour au lendemain, très souvent la personne qu'on adorait devient votre pire ennemi. C'est le passage de l'amour à la haine... 

Les couples meurent-ils d'une trop vaste idée d'eux-mêmes? 
   Les couples sont en rivalité les uns avec les autres, ils ne cessent de se comparer. Et puis, il y a cette idée qu'on va tout investir dans la relation amoureuse qui serait en quelque sorte le summum de la réussite de l'existence donc on surcharge la barque. L'espérance est tellement grande qu'à la moindre déception, on part.

«Aime-moi moins mais aime-moi longtemps» (Louis Garrel, «Les chansons d'amour»)... 
   C'est une manière de dire que ce qui compte n'est pas d'aimer plus mais d'aimer mieux. Si on veut construire quelque chose, l'intensité n'entre pas seul en jeu. Il faut nouer un pacte avec le temps.

Ne cherche-t-on pas au final que la passion?
   Essentiellement. Tout ce qui est plan-plan, routine est désormais exclu. Or, dans la tradition, il y avait des éléments d'une certaine sagesse que nous serions peut-être fondés à étudier avec un peu plus d'attention.

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L'histoire du mariage
Émission «Les chemins de travers» (15 mai 2011) 

http://ici.radio-canada.ca/emissions/les_chemins_de_travers/2013-2014/archives.asp?nic=1&date=2011-05-15

«J'me marie, j'me marie pas, j'fais une soeur...» Il n'y a pas si longtemps, des jeunes filles récitaient cette ritournelle en effeuillant la marguerite. Cette semaine, Serge Bouchard retrace l'histoire du mariage. Il observe ainsi l'évolution des moeurs en fonction des lois, des coutumes et de la religion. Il s'intéresse aux réalités vécues par les individus dans un climat d'amour et de devoir, de sexualité et de loyauté. Il reçoit l'auteure Elizabeth Abbott.

Le mariage, c'est également la cohabitation, l'éducation des enfants, le partage des ressources financières et la reconnaissance sociale. Parler du mariage, c'est parler des options qui s'offrent aux couples : durée des unions, rapports de force entre les hommes et les femmes, lois gouvernant les familles et rupture du lien par la mort ou autrement. 

L'amour, même au temps des cavernes
Un préjugé fort répandu dit que les femmes et les hommes primitifs s'accouplaient comme des bêtes. Rien n'est plus faux. Les alliances sont un des fondements de la société humaine. Les alliances existaient chez les nomades depuis des milliers d'années. On prétend aussi que l'amour n'existe que depuis récemment. L'anthropologue Serge Bouchard nuance cette perception.

Le mariage dans tous ses états
Elizabeth Abbott parle de plusieurs aspects du mariage à travers les âges.

- Choisir une épouse ou un époux : à la base, les mariages constituaient un moyen d'établir des alliances financières, politiques ou sociales, avantageuses et stables. Les parents, ou plus largement la parenté, organisaient les mariages.
- Le rôle de l'amour romantique dans le mariage : jusqu'à la fin du 18e siècle, on méprisait l'amour romantique comme fondement du mariage.
- Le mariage en blanc et autres traditions : lors de son mariage, en 1840, la reine Victoria portait du blanc et avait des fleurs d'oranger blanches dans ses cheveux, ce qui devint une tradition. 
- Le sexe dans le mariage : la notion de femme idéale, de bonne épouse et de pureté morale de la femme a créé au 19e siècle beaucoup d'ambiguïté par rapport au sexe.
- Les enfants au coeur du mariage : jusqu'à récemment, le mariage sans enfants, l'infertilité et la dysfonction érectile étaient souvent des causes de divorces. 
- Les politiques publiques et le mariage : les garderies, les impôts, les congés parentaux et la prison ont influencé et transformé le mariage.
- Les familles reconstituées : faire le passage entre le passé et le présent.

Elizabeth Abbott est une écrivaine et une historienne qui s'intéresse à la condition des femmes, à la vie des animaux et à l'environnement; elle enseigne à l'Université de Toronto. Ouvrages publiés aux Éditions Fides : 
   Une histoire du mariage (2010) 
   Une histoire des maîtresses (2004) 
   Histoire universelle de la chasteté et du célibat (2001) 
   -- 
   Le sucre, une histoire douce-amère (2008)

Une histoire du mariage (résumé de l’éditeur) 
   Si l'institution du mariage a traversé les siècles, les visages qu'elle a revêtus sont multiples. On l'oublie trop facilement. Elizabeth Abbot nous invite à une incursion passionnante au coeur de l'histoire occidentale pour y découvrir la place, sans cesse à redéfinir, qu'occupe le mariage dans les rapports entre les femmes et les hommes. Elle traite aussi bien des réalités de la vie quotidienne qui ont façonné et façonnent aujourd'hui encore l'expérience du mariage, des différents aspects de l'éducation des enfants, que des relations avec les beaux-parents, des difficultés conjugales - nombreuses et complexes - et des manières de les résoudre. 
   Troisième ouvrage d'une trilogie consacrée à la vaste histoire des rapports que les hommes et les femmes ont entretenus au cours des siècles, Une histoire du mariage se centre sur l'expérience nord-américaine et ses antécédents européens.