Voilà bien l’une de nos préoccupations les plus grignoteuses
d’énergie, de temps et d’argent. À chaque nouvel an, les astrologues et les
diseurs de bonne aventure font fortune. On consulte sa cartomenteuse préférée pour
connaitre sa bonne (ou mauvaise…) fortune.
Il semble que certaines personnes craignent encore plus 2013
que 2012 à cause du chiffre 13 réputé malchanceux, du moins en Occident. Pourquoi
ne pas recourir à la numérologie pour dérouter le subconscient : 2+0+1+3 =
6 – ouf, on est sauf! Mais ne cherchons pas à connaitre la valeur symbolique du
6, nous risquons de déprimer.
Bref, des probabilités patentes existent, mais ce ne sont
que les conséquences de choix antérieurs que souvent nous avons oubliés.
Par exemple, si vous levez le coude un peu trop au réveillon,
il est probable que vous aurez un mal de bloc le lendemain. À plus grande
échelle, nous avons pris des décisions dont les conséquences nous pendent
au-dessus de la tête, à court et moyen terme.
Le problème central
de la vie
Peut-être pourrions-nous essayer d’aborder la question du
problème central de la vie. Chacun de nous envisage la vie à sa façon et, selon
les idées qu’il cultive, il accorde de l’importance à certaines choses et non à
d’autres. Voyant cela, on peut se demander s’il existe une raison de vivre, une
finalité à la vie, d’ordre universel, complètement indépendante de toute idée,
opinion ou philosophie spécifique. Il est capital de se poser cette question en
toute objectivité.
Il y a sûrement une finalité universelle à la vie et chacun
de nous connaît des êtres qui la recherche dans une voie ou une autre : la
religion, la politique ou le social. Elle se nomme liberté, même si on lui donne des noms différents.
Pourquoi n’avons-nous pas la liberté? C’est ce qu’il nous
faut découvrir en nous-mêmes. Quand nous le saurons, la voie de sa réalisation
se dessinera aussitôt devant nous. À condition, bien sûr, que notre découverte
soit profonde, qu’elle ne relève pas du plan de l’intellect. Regardons en
nous-mêmes, afin de distinguer quelle autorité ou quel autre obstacle nous
empêche d’y accéder. Il y a en nous la peur, le doute et l’insécurité, rendant
impossibles l’investigation et l’action libres.
La cause profonde du manque de liberté est la peur, résultat de notre propension à
l’attachement. Nous nous attachons à la vie, à un idéal, à la réussite. Quand
on s’attache, par exemple à l’idée de réussite, la peur de l’échec naît
aussitôt; elle peut même s’amplifier au point de compromettre toute réussite.
Avec elle, il n’y a pas liberté d’action, en sorte que la vision intuitive ne
peut opérer. Force est, dans ce cas, de nous accommoder de connaissances superficielles.
Il nous faut observer ce mécanisme avec soin. La peur traîne
dans son sillage l’attachement, l’ignorance et l’anxiété; en cela elle est un
grave handicap. La question qui se pose alors, c’est de comprendre la nature de
la peur : la peur a-t-elle une réalité propre ou bien n’est-elle que le
résultat d’un conditionnement psychologique? En créant la peur et l’angoisse,
nous nous conditionnons et vivons dans un monde limité. Mais, en même temps,
cette vie étriquée nous gêne et nous aspirons aux vastes espaces de la liberté.
Quand on s’observe, on décèle en soi d’étranges contradictions!
Pour comprendre la peur, regardons en nous-mêmes avec un
regard clair; observons comment elle naît. C’est nous-mêmes qui créons tous nos
problèmes. J’irai jusqu’à dire que nous sommes
nos problèmes; Il n’y a pas de problème impersonnel, c’est-à-dire existant par
lui-même. Les problèmes sont des mirages. Et les mirages ne sont qu’illusion,
chose irréelle. Vus de loin, ils paraissent très réels, mais quand on s’en approche,
on comprend sa méprise. C’est la compréhension qui nous libère. Dans le monde
de l’illusion, il y a peur, insécurité, doute et attachement, cela est
inévitable. Il faut donc nous sortir de là. Mais comment? Si on essaie de le
faire par la volonté, on s’embrouille et l’on dissipe son énergie. Ce n’est pas
par l’effort qu’on parvient à résoudre à fond un problème. En faisant un
effort, on applique un concept ou une technique, le savoir ou l’expérience du
passé et cela ne fait que renforcer et élargie le conditionnement. Nous sommes
vraiment des êtres curieux, nous voulons la liberté et en même temps nous lions
à des conditions. Pour vaincre la peur, l’attitude juste c’est de voir les
choses telles qu’elles sont, d’avoir une perception intuitive de ce qu’on
expérimente au moyen des sens. Comprendre notre situation présente, c’est faire
un premier pas vers la libération. Évitez cependant de concevoir la liberté
comme étant la fin de la vie – elle n’en est que le commencement – sans quoi
vous tombez dans le piège du finalisme et, par-là, dans l’incapacité de
réaliser l’objet de votre recherche.
Le point central de la vie, c’est de vivre d’instant en
instant, dans l’équanimité. Quand on s’agite, on est toujours exposé aux
crises. L’on en revient à la question fondamentale, à savoir que nous sommes le problème. Ce qui signifie que
pour les résoudre, il nous faut d’abord nous comprendre nous-mêmes, ainsi que
la manière dont nous les créons. Ne blâmez pas les autres, ni l’infortune de
leur existence, encore moins vous-mêmes. Dire que nous sommes les problèmes
n’est pas une condamnation, mais un fait ressortissant à la vision claire des
choses, qui nous fait constater qu’ils sont le produit de tel ou tel état
d’esprit ou de telle ou telle condition intérieure. On ne résout pas les
problèmes; on les comprend. Cela est notamment vrai des problèmes
psychologiques car, en leur absence, les problèmes terrestres n’on plus guère
de prise sur nous. La question qu’il font donc se poser est de savoir si vous
voulez vous ouvrir à la vie, la regarder en toute impartialité, indépendamment
de toute tendance, attitude, idée. Dans le cas où vous ne pouvez le faire,
comprenez pourquoi : pourquoi
vous avez l’esprit de conformité, pourquoi vous subissez des autorités
intérieures.
Les autorités intérieures sont pires que celles exercées par
l’État, les parents, les enseignants, ou n’importe qui d’autre. L’on trouve des
autorités et des croyances en tous genres dans tous les milieux, qu’ils soient
religieux, politiques ou philosophiques. Les scientifiques ont eux recours à
des hypothèses, qui sont en quelque sorte leurs propres autorités. Puis il y a
le savoir et l’expérience qui sont nos guides et nos directeurs. Avec la
croyance viennent la conformité et la volonté de préservation, qui à leur tour
suscitent les attitudes défensives et l’isolement. Dès lors, on se replie sur
un monde étriqué, limité, dénué de toute liberté. C’est pourquoi, il nous faut
explorer les diverses formes d’autorités en nous.
La vision juste, la compréhension claire et intuitive de
toutes les situations de la vie, c’est cela le début de la liberté. Celles-ci
ne devraient jamais nous quitter. Quand vous voyez vraiment les choses telles
qu’elles sont, il n’est pas besoin d’aller chercher la liberté, elle est là. On
ne la poursuit la poursuit ni ne la crée : elle vient spontanément dès
lors qu’on est parfaitement attentif, vigilant et objectif. Il vous faut garder
un œil scrutateur sur vos activités et sentiments à chaque instant de votre
vie, en sorte que toute action, tout mouvement intérieur se fasse en toute
liberté. Au moment où vous avez l’impression qu’une autorité vous domine ou
vous guide, reconnaissez ce fait, puis observez-le. Quand une émotion vous
assaille et rompt votre équilibre, observez ce fait, en sorte de comprendre
comment elle s’est levée et pourquoi elle vous domine.
Quand vous regardez et observez une situation, vous en
acquérez une compréhension intuitive qui, à la fois vous libère du problème et
vous dicte le comportement juste. Peut-être craignez-vous que la vision de la
vérité ne vous jette dans l’inaction? Il arrive effectivement que la vision de
la vérité suscite l’inaction, notamment quand une situation demande le silence
mais, dans ce cas votre inaction devient un mode d’agir. Rien que quelques
instants de silence peuvent vous faire voir une difficulté sous une certaine
perspective, en sorte qu’elle se résout, grâce précisément au silence. Ce que
je dis, ne doit cependant vous inciter à cultiver le silence ou l’action, ce
qui serait une forme d’attente et, par-là, un empêchement à la réalisation de
la liberté. L’espoir est, à mon sens, l’obstacle majeur à l’établissement de la
liberté. Car, il revient à cultiver des idées. Ainsi, si allant à une
conférence vous avez des idées préconçues, vous n’écouterez pas l’orateur d’un
esprit libre, mais vous battrez avec vos idées, vos pensées ou votre vacarme
intérieur.
Le bruit n’est pas dans le monde extérieur, il est en vous,
notamment quand vous méditez. Nombre d’idées, de mémoires réclament votre
attention, s’adressent à vous. Quand à l’avance, vous refusez d’être dérangés,
et qu’un événement extérieur survient, il vous dissipe et vous perturbe très
facilement. Par contre, quand vous ne nourrissez aucune idée préconçue, que
votre esprit est tout à fait vacant, vous ne réagissez pas à l’événement
extérieur, mais restez libres. Les réactions ne sont que le produit de la
pensée et du conditionnement. Les bouddhistes réagissent selon les écritures
bouddhiques, les chrétiens réagissent à leur manière et les hindous à la leur,
et ainsi de suite. Il y a réaction aussi longtemps qu’il y a croyance. Et un
esprit cultivant des croyances ne peut ni être libre ni voir la vérité.
À suivre, prochain
post…
V.-R. Dhiravamsa
La voie du
non-attachement Pratique de la méditation profonde
Éditions Dangles
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