1 janvier 2013

Que nous réserve l’avenir? – 1


Voilà bien l’une de nos préoccupations les plus grignoteuses d’énergie, de temps et d’argent. À chaque nouvel an, les astrologues et les diseurs de bonne aventure font fortune. On consulte sa cartomenteuse préférée pour connaitre sa bonne (ou mauvaise…) fortune. 
 
Il semble que certaines personnes craignent encore plus 2013 que 2012 à cause du chiffre 13 réputé malchanceux, du moins en Occident. Pourquoi ne pas recourir à la numérologie pour dérouter le subconscient : 2+0+1+3 = 6 – ouf, on est sauf! Mais ne cherchons pas à connaitre la valeur symbolique du 6, nous risquons de déprimer. 
 
Bref, des probabilités patentes existent, mais ce ne sont que les conséquences de choix antérieurs que souvent nous avons oubliés.
 
Par exemple, si vous levez le coude un peu trop au réveillon, il est probable que vous aurez un mal de bloc le lendemain. À plus grande échelle, nous avons pris des décisions dont les conséquences nous pendent au-dessus de la tête, à court et moyen terme.
 
Le problème central de la vie
 
Peut-être pourrions-nous essayer d’aborder la question du problème central de la vie. Chacun de nous envisage la vie à sa façon et, selon les idées qu’il cultive, il accorde de l’importance à certaines choses et non à d’autres. Voyant cela, on peut se demander s’il existe une raison de vivre, une finalité à la vie, d’ordre universel, complètement indépendante de toute idée, opinion ou philosophie spécifique. Il est capital de se poser cette question en toute objectivité.
 
Il y a sûrement une finalité universelle à la vie et chacun de nous connaît des êtres qui la recherche dans une voie ou une autre : la religion, la politique ou le social. Elle se nomme liberté, même si on lui donne des noms différents.
 
Pourquoi n’avons-nous pas la liberté? C’est ce qu’il nous faut découvrir en nous-mêmes. Quand nous le saurons, la voie de sa réalisation se dessinera aussitôt devant nous. À condition, bien sûr, que notre découverte soit profonde, qu’elle ne relève pas du plan de l’intellect. Regardons en nous-mêmes, afin de distinguer quelle autorité ou quel autre obstacle nous empêche d’y accéder. Il y a en nous la peur, le doute et l’insécurité, rendant impossibles l’investigation et l’action libres.
 
La cause profonde du manque de liberté est la peur, résultat de notre propension à l’attachement. Nous nous attachons à la vie, à un idéal, à la réussite. Quand on s’attache, par exemple à l’idée de réussite, la peur de l’échec naît aussitôt; elle peut même s’amplifier au point de compromettre toute réussite. Avec elle, il n’y a pas liberté d’action, en sorte que la vision intuitive ne peut opérer. Force est, dans ce cas, de nous accommoder de connaissances superficielles.
 
Il nous faut observer ce mécanisme avec soin. La peur traîne dans son sillage l’attachement, l’ignorance et l’anxiété; en cela elle est un grave handicap. La question qui se pose alors, c’est de comprendre la nature de la peur : la peur a-t-elle une réalité propre ou bien n’est-elle que le résultat d’un conditionnement psychologique? En créant la peur et l’angoisse, nous nous conditionnons et vivons dans un monde limité. Mais, en même temps, cette vie étriquée nous gêne et nous aspirons aux vastes espaces de la liberté. Quand on s’observe, on décèle en soi d’étranges contradictions!
 
Pour comprendre la peur, regardons en nous-mêmes avec un regard clair; observons comment elle naît. C’est nous-mêmes qui créons tous nos problèmes. J’irai jusqu’à dire que nous sommes nos problèmes; Il n’y a pas de problème impersonnel, c’est-à-dire existant par lui-même. Les problèmes sont des mirages. Et les mirages ne sont qu’illusion, chose irréelle. Vus de loin, ils paraissent très réels, mais quand on s’en approche, on comprend sa méprise. C’est la compréhension qui nous libère. Dans le monde de l’illusion, il y a peur, insécurité, doute et attachement, cela est inévitable. Il faut donc nous sortir de là. Mais comment? Si on essaie de le faire par la volonté, on s’embrouille et l’on dissipe son énergie. Ce n’est pas par l’effort qu’on parvient à résoudre à fond un problème. En faisant un effort, on applique un concept ou une technique, le savoir ou l’expérience du passé et cela ne fait que renforcer et élargie le conditionnement. Nous sommes vraiment des êtres curieux, nous voulons la liberté et en même temps nous lions à des conditions. Pour vaincre la peur, l’attitude juste c’est de voir les choses telles qu’elles sont, d’avoir une perception intuitive de ce qu’on expérimente au moyen des sens. Comprendre notre situation présente, c’est faire un premier pas vers la libération. Évitez cependant de concevoir la liberté comme étant la fin de la vie – elle n’en est que le commencement – sans quoi vous tombez dans le piège du finalisme et, par-là, dans l’incapacité de réaliser l’objet de votre recherche.
 
Le point central de la vie, c’est de vivre d’instant en instant, dans l’équanimité. Quand on s’agite, on est toujours exposé aux crises. L’on en revient à la question fondamentale, à savoir que nous sommes le problème. Ce qui signifie que pour les résoudre, il nous faut d’abord nous comprendre nous-mêmes, ainsi que la manière dont nous les créons. Ne blâmez pas les autres, ni l’infortune de leur existence, encore moins vous-mêmes. Dire que nous sommes les problèmes n’est pas une condamnation, mais un fait ressortissant à la vision claire des choses, qui nous fait constater qu’ils sont le produit de tel ou tel état d’esprit ou de telle ou telle condition intérieure. On ne résout pas les problèmes; on les comprend. Cela est notamment vrai des problèmes psychologiques car, en leur absence, les problèmes terrestres n’on plus guère de prise sur nous. La question qu’il font donc se poser est de savoir si vous voulez vous ouvrir à la vie, la regarder en toute impartialité, indépendamment de toute tendance, attitude, idée. Dans le cas où vous ne pouvez le faire, comprenez pourquoi : pourquoi vous avez l’esprit de conformité, pourquoi vous subissez des autorités intérieures.
 
Les autorités intérieures sont pires que celles exercées par l’État, les parents, les enseignants, ou n’importe qui d’autre. L’on trouve des autorités et des croyances en tous genres dans tous les milieux, qu’ils soient religieux, politiques ou philosophiques. Les scientifiques ont eux recours à des hypothèses, qui sont en quelque sorte leurs propres autorités. Puis il y a le savoir et l’expérience qui sont nos guides et nos directeurs. Avec la croyance viennent la conformité et la volonté de préservation, qui à leur tour suscitent les attitudes défensives et l’isolement. Dès lors, on se replie sur un monde étriqué, limité, dénué de toute liberté. C’est pourquoi, il nous faut explorer les diverses formes d’autorités en nous.
 
La vision juste, la compréhension claire et intuitive de toutes les situations de la vie, c’est cela le début de la liberté. Celles-ci ne devraient jamais nous quitter. Quand vous voyez vraiment les choses telles qu’elles sont, il n’est pas besoin d’aller chercher la liberté, elle est là. On ne la poursuit la poursuit ni ne la crée : elle vient spontanément dès lors qu’on est parfaitement attentif, vigilant et objectif. Il vous faut garder un œil scrutateur sur vos activités et sentiments à chaque instant de votre vie, en sorte que toute action, tout mouvement intérieur se fasse en toute liberté. Au moment où vous avez l’impression qu’une autorité vous domine ou vous guide, reconnaissez ce fait, puis observez-le. Quand une émotion vous assaille et rompt votre équilibre, observez ce fait, en sorte de comprendre comment elle s’est levée et pourquoi elle vous domine.
 
Quand vous regardez et observez une situation, vous en acquérez une compréhension intuitive qui, à la fois vous libère du problème et vous dicte le comportement juste. Peut-être craignez-vous que la vision de la vérité ne vous jette dans l’inaction? Il arrive effectivement que la vision de la vérité suscite l’inaction, notamment quand une situation demande le silence mais, dans ce cas votre inaction devient un mode d’agir. Rien que quelques instants de silence peuvent vous faire voir une difficulté sous une certaine perspective, en sorte qu’elle se résout, grâce précisément au silence. Ce que je dis, ne doit cependant vous inciter à cultiver le silence ou l’action, ce qui serait une forme d’attente et, par-là, un empêchement à la réalisation de la liberté. L’espoir est, à mon sens, l’obstacle majeur à l’établissement de la liberté. Car, il revient à cultiver des idées. Ainsi, si allant à une conférence vous avez des idées préconçues, vous n’écouterez pas l’orateur d’un esprit libre, mais vous battrez avec vos idées, vos pensées ou votre vacarme intérieur.
 
Le bruit n’est pas dans le monde extérieur, il est en vous, notamment quand vous méditez. Nombre d’idées, de mémoires réclament votre attention, s’adressent à vous. Quand à l’avance, vous refusez d’être dérangés, et qu’un événement extérieur survient, il vous dissipe et vous perturbe très facilement. Par contre, quand vous ne nourrissez aucune idée préconçue, que votre esprit est tout à fait vacant, vous ne réagissez pas à l’événement extérieur, mais restez libres. Les réactions ne sont que le produit de la pensée et du conditionnement. Les bouddhistes réagissent selon les écritures bouddhiques, les chrétiens réagissent à leur manière et les hindous à la leur, et ainsi de suite. Il y a réaction aussi longtemps qu’il y a croyance. Et un esprit cultivant des croyances ne peut ni être libre ni voir la vérité.
 
À suivre, prochain post…
 
V.-R. Dhiravamsa
La voie du non-attachement
Pratique de la méditation profonde
Éditions Dangles

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