25 janvier 2013

Pourquoi crions-nous?


Un jour, un maître de sagesse demanda à ses disciples : «Pourquoi les gens se crient-ils par la tête quand ils sont fâchés?» Les disciples réfléchirent un moment, et l'un d'eux répondit : «Nous perdons notre calme, voilà pourquoi nous crions.» Le sage insista : «Oui, mais pourquoi crier quand l'autre personne est juste à côté de vous? Pourquoi est-il impossible de parler à voix douce quand vous êtes fâché?»
       Les disciples formulèrent quelques réponses qui ne satisfirent le maître. Finalement, le sage expliqua : «Quand deux personnes sont fâchées l'une contre l'autre, leurs cœurs sont très éloignés. Pour couvrir cette distance ils doivent crier pour s'entendre. Plus ils sont fâchés, plus ils doivent crier fort pour traverser cette grande distance.»
       Et il ajouta : «Quand deux personnes s’aiment elles parlent doucement parce que leurs cœurs sont très proches. La distance entre elles est courte et elles peuvent chuchoter; elles deviennent ainsi plus près l'une de l'autre par l'amour. À la fin, elles n'ont même pas besoin de chuchoter, il leur suffit de se regarder l'une et l'autre en silence. Voilà le degré de rapprochement que deux personnes qui s'aiment peuvent atteindre.»
       ~ Anonyme

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«Moi je les aime, les vieux. Ils bavent, ils pètent, ils ronchonnent et ils parlent toujours de leur maladie mais je les aime. Ils ont beau me rappeler combien je serai vulnérable à la fin de mon existence, c’est plus fort que moi; je déborde d’affection pour eux. Je ne comprends pas le sort qu’on leur réserve. […]

C’est pour cette raison que je suis devenu préposé aux bénéficiaires. Les vieux manquent d’affection et j’ai décidé de leur en donner. Je sais que je peux le faire puisque je lis Jacques Poulin*. Dans ses romans, je trouve la tendresse et la douceur dont j’ai besoin pour mon travail. Certains jours, je voudrais être un de ses livres; n’importe lequel, je les aime tous ou presque. Si j’y arrivais, je serais l’homme le plus doux de tout le pays. Je mesurerais le poids de chaque mot pour qu’ils n’écorchent jamais personne quand ils sortent pêle-mêle de ma bouche. Je n’en ferais jamais trop, je ne me perdrais pas dans l’excès, je serais simplement là, à l’écoute, comme un gros chat affectueux. Et puis les livres de Poulin sont travaillés, retravaillés, corrigés, peaufinés. Moi, je fais ma vie à mesure qu’elle m’arrive. Je n’ai pas le temps de réfléchir au chapitre suivant de mon existence qu’il me tombe dessus. Alors, j’improvise. J’écris chaque jour une page de mon petit destin sans prendre le temps de me relire. C’est pourquoi j’ai l’impression de faire plein de fautes, plein d’oublis. Sauf quand je suis avec mes vieux.»

Claude Vallières, auteur-compositeur-interprète
Extrait de la nouvelle «Comme un livre de Jacques Poulin»
J’attendais que tu oses un geste (recueil de nouvelles)
Éditions Vent d’Ouest, Coll. Rafales; 2009

Premier recueil : Les jours où je suis né; même éditeur

Vous aimerez peut-être sa poésie :
http://artdanstout.blogspot.ca/2012/11/poetes-dici.html

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COMMENTAIRE

Il est vrai qu’en tournant la dernière page d’un livre de Jacques Poulin, si l’on ne se sent pas meilleur, on a une envie irrésistible de le devenir…

* Jacques Poulin (1937 - ) : auteur québécois né à Saint-Gédéon-de-Beauce. Il a publié ses deux premiers romans en 1967 (Mon cheval pour un royaume et Jimmy). Il a habité à Paris dans les années 1980 mais est aujourd'hui de retour au Québec. Le style de l'auteur est d'une simplicité très efficace, grâce notamment à cette «petite musique» si particulière qui fait qu'on le reconnaît aujourd'hui comme un des auteurs majeurs du Québec. Paul-André Bourque a écrit dans Lettres québécoises : «D'un roman à l'autre, ce ne sont pas tellement les péripéties vécues par les personnages qui intéressent le lecteur, mais bien plutôt le voyage intérieur du narrateur, son introspection, sa réflexion sur lui-même et sur la vie, sur son rapport à l'autre, fut-ce l'un ou l'autre des chats qui peuplent cet univers romanesque.» (Source : Wikipédia) 

Ouvrages récents :
L'anglais n'est pas une langue magique, Leméac, 2009
L'homme de la Saskatchewan, Leméac, 2011

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