Magnifiques calligraphies par Marie Taylor – Caverne de Platon et Solitaire
Ryokan, l'oublié du monde
Alors qu’ils ne serviront que très peu, six noms lui seront
donnés. «C’est beaucoup pour une seule vie» se dira-t-il plus tard. «Nommer les
personnes, ce n’est que les apercevoir. Se rencontrer réellement, c’est poser
son regard sans les mots, avec l’esprit de celui qui ne sait rien, qui a tout à
découvrir de l’autre. C’est s’exposer et se risquer dans la simplicité de
l’être.»
Aussi lent soit-il, sa journée est traversée comme l’éclair,
qu’il ne voit que dans l’instant, un instant de grâce. Si on lui demandait ce
qu’il fait dans sa vie, ou ce qu’il fait de sa vie, il répondrait : «Je la
laisse passer. Ce n’est pas ne rien faire, loin de là. C’est le travail immense
de l’instant. Chaque minute, chaque seconde compte, je témoigne de cela.» Il
n’a de compte à rendre à personne, sauf peut-être à lui-même…
Ce qu’il sait, il ne le dit pas. Ce qu’il ne sait pas, il
l’observe, sans définir quoi que ce soit. Il ne vit pas sa vie pour qu’on
l’entende, mais pour laisser entendre la vie. La parole est comme une épine sur
le rosier du cœur. Comme la rose, la seule utilité de Ryokan est sa présence
silencieuse. Son parfum est là pour nous accompagner tout le long du chemin,
non pour être retenu. Mourir à soi-même, c’est un peu retrouver l’essence
d’avant sa naissance… Il y a les personnes qui sont pleines d’elles-mêmes et
celles qui sont vides, ce sont les mêmes, pourquoi des différences?… La
souffrance n’épargne personne, les purs et ceux qui ne le sont pas. La pureté,
c’est peut-être simplement la joie d’exister.
Une froide soirée dans ma cellule vide,
Le temps s’enfuit
comme la fumée de l’encens.
Au dehors, des
milliers de bambous,
Au dessus de mon
lit, combien de livres?…
La lune vient blanchir la moitié de ma fenêtre.
De tous côtés, on
n’entend que le chant des insectes.
Dans tout cela, il
y a une émotion sans limite…
Mais dès qu’on
l’aperçoit, les mots disparaissent.
Mille sommets sont figés par la neige glacée.
Sur dix mille
sentiers, cesse la trace de l’homme.
Jour après jour, je
ne fais que m’asseoir face au mur.
~ Daigu Ryokan
(1758-1831)
Extrait de Ryokan, l’oublié du monde
Par Dominique Blain
Éditions Les Deux Océans
(Dominique
Blain, moine zen, s’est glissé dans la peau du célèbre ermite, moine et poète
de la fin de la période Edo)
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Au moment où tu accepteras les problèmes qui t’ont heurté,
la porte s'ouvrira.
Accueille l'épreuve tel un compagnon familier.
Moque-toi du tourment apporté par l'Ami.
Les chagrins sont les lambeaux de vieux accoutrements et habits
qui servent à couvrir,
puis qui sont enlevés.
Ce dépouillement,
et le corps nu en-dessous,
est la douceur qui suit
le deuil.
La douleur que tu embrasses devient joie.
Invite-la, là où elle peut [te] changer.
~ Rumi
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