4 août 2012

L'autre Marilyn

Une Marilyn qui semble paisible
Photo : André de Dienes
L'archétype du glamour et du sex-appeal, auquel bien des nord-américaines s’efforçaient de ressembler, aurait 89 86 ans aujourd’hui.

L’industrie du spectacle, l’establishment politique et la psychiatrie se sont payé la tête, le cœur et le corps de Marilyn, et s’ils avaient pu lui dérober son âme, ils l’auraient fait. Il faut aussi se remettre dans le contexte – c’était le début de l’âge d’or des antidépresseurs, qui, maintenant nous le savons, ont souvent pour effets secondaires de pousser à l’alcoolisme et au suicide…

«I guess I am a fantasy» (je crois que je suis un fantasme), disait-elle au biographe Donald Spoto en 1959.

«Fragments : poèmes, écrits intimes, lettres par Marilyn Monroe» (2010) révèle les tourments, la vulnérabilité et la sensibilité de l’actrice. Elle a souvent tenté de faire valoir qu’elle était autre chose que la caricature qu’on livrait en pâture au public. Mais elle n’a pas réussi à s’extirper du moule. Je l’imagine très bien réciter le poème d’Anne Sylvestre, Une sorcière comme les autres, où il est dit : «Regardez-moi! Je suis vraie.» Fragments permet d’imaginer une Marilyn plus réelle. Une compilation sélective qui m’a laissée sur ma faim...

J’ai eu envie de commémorer sa mort en publiant le témoignage ci-après. Il semblera inusité à plus d’un, mais congru à ceux qui ont des raisons de croire que l’esprit ne meurt pas, et que la mémoire des identités antérieures survit aux corps physiques…

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Dans le livre Ce que la mort m’a confié *, par Jean-Claude Genel, Marilyn raconte le moment de sa mort :

«Je me manifeste à la demande, uniquement pour parler de mon ressenti au moment du passage.
      Ma mort a été très particulière, puisque l’on a profité d’une dépression et d’immenses chagrins pour « m’aider » à passer. Lorsque je suis partie, il y a d’abord eu beaucoup de lutte, de la peur. Mais cette peur n’était pas occasionnée par la mort qui arrivait, parce que j’ai toujours flirté toute ma vie avec la mort, par un déséquilibre évident et des dépressions à répétition. Mais la peur que j’ai éprouvée était d’une autre cause, elle était provoquée par les êtres qui m’ont – je dirais ainsi – aidée à partir.
      Me délivrer est une chose que je pouvais accepter; plusieurs fois j’ai essayé. Mais de subir cela malgré moi m’a plongée dans un état très particulier. Mon corps physique s’est trouvé très agité, calmé de force et tout a été dans la peur et l’angoisse la plus totale. Et c’est « l’amitié » des êtres m’entourant à ce moment-là qui m’a rendue complètement inoffensive. Quand j’ai vu ce qui se passait, l’amitié bafouée, tout ce qui se préparait – ce soi-disant suicide – mon âme a donc quitté ce corps qui avait fait ma gloire resté très imprégné de cette agitation, de cette peur, de cette angoisse.
      En fait, le moment venu, j’ai eu beaucoup de mal à partir. Mais enfin je me suis retrouvée, après une sorte d’agitation, une sorte de tourbillon, une sorte de « ne pas vouloir », de résister. Finalement, mon corps physique s’est ankylosé et mon âme n’avait plus de raisons pour résister. Alors je me suis retrouvée au-dessus de ce corps, dans la pièce. Tout était étrangement flou. Seules mes pensées m’aidaient et se trouvaient être comme des points de repère. Puis ce flou a disparu et la pièce m’est apparue nettement avec les personnages autour de mon corps qui constataient qu’enfin c’était fait!
      J’ai voulu leur dire que j’étais là, et je me suis rendu compte de la stupidité de la chose. Je me suis crue encore en danger, puis j’ai réalisé que non, ils ne me voyaient pas. Puis ils sont partis. Je suis restée encore un temps comme si j’étais étourdie, dans une sorte de malaise, dans une confusion. Puis une force s’est installée dans ce nouveau corps que je ne pouvais voir, que je sentais, simplement, mais qui était invisible, comme si je n’étais vêtue, cette fois, que de ma pensée. J’ai regardé ce corps inerte. Je ne l’ai pas trouvé aussi beau que cela en fait! C’est comme si quelque chose de plus m’obligeait à raisonner, une force m’aidait à prendre conscience, et puis, je ne savais pas quoi faire.
      Je pensais rester là à observer ce corps en attendant que d’autres gens viennent, mais non… Dans le coin de la pièce, comme des étincelles de lumière. Et puis comme une porte de lumière dans le mur; et est apparu un être jeune, un jeune personnage comme un adolescent, tout rayonnant, très beau. Il m’a souri, m’a fait signe de venir et, dans l’instant, j’ai oublié ce corps, j’ai oublié. Il n’a pas parlé, il m’a juste souri. Je n’avais de pensées et de regards que pour lui. Je n’ai pas eu l’impression de bouger, je le regardais…
      Puis d’un seul coup il s’est passé quelque chose d’étrange, mais qui m’a paru naturel, c’est un peu comme si la lumière dans laquelle je me tenais avec lui s’était agrandie et éclairait un endroit. Et cet endroit m’a rappelé un rêve que j’avais fait quelques mois auparavant et qui m’avait bouleversée. Alors pour la première fois l’être m’a dit : « Tu es ici chez toi. » J’ai regardé, j’ai voulu avancer, le quitter et j’ai constaté qu’en fait, je flottais, mais tout en me déplaçant. J’ai vu des êtres. Certains, je les ai reconnus comme étant de ma famille; d’autres, je les avais rencontrés, ils étaient morts depuis.
      J’ai compris et accepté ce passage. Je me suis sentie délivrée et tout s’effaçait très doucement parce que rien d’autre, plus rien n’avait d’importance. Ce que je venais de vivre, ce qu’on venait de me faire, même la personne qui avait demandé cela, hum… tout cela n’avait plus d’importance. J’étais vraie, j’étais comme dans mon idéal. Je n’avais plus besoin de séduire pour vivre, je pouvais me contenter d’être moi. Je savais qu’à cet endroit j’allais être tranquille, je ne serais plus une star convoitée, salie, qu’on déséquilibrait chaque fois que cela arrangeait la publicité. Non! Ici on ne me reconnaissait pas en tant que star, j’étais libre!
      Mais le choc avait été quand même très important et j’ai très vite, curieusement, éprouvé une sorte de fatigue étrange – comme une déperdition d’énergie. Et l’être radieux est venu vers moi. Il m’a conseillé de rester tranquille, de ne penser à rien, peut-être tout simplement de me laisser aller à cette sorte d’engourdissement, d’endormissement, comme pour récupérer. Et c’est ce que j’ai fait à l’abri de sa lumière, dans les bras de son amour. Je me suis laissée aller car pour la première fois j’étais tranquille… en paix!»

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* Extrait de l’édition 1995. Dans une nouvelle édition revue et augmentée, l’auteur est allé puiser des inspirations au-delà même de la frontière illusoire qui sépare les vivants et les morts. Tout en respectant une approche classique de la psychologie liée aux états modifiés de conscience, il décrit clairement l’action de l’âme sur notre existence, depuis la naissance jusqu’au passage. La deuxième partie comporte un florilège des messages de célébrités qui décrivent leur passage et leur compréhension du sens de leur existence.

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Si le débat à savoir si elle s’est suicidée ou non vous intrigue, voici un condensé de l’enquête menée par Don Wolfe :
La conclusion de Don Wolfe, auteur de "Marilyn Monroe, Enquête sur un assassinat" (1998) est définitive : Il y a 40 ans, dans la nuit du 4 août 1962, Marilyn Monroe fut assassinée dans sa demeure au 12305 5th Helena Drive. Elle implique Bobby Kennedy et tout un réseau de témoins, des proches de l'actrice qui se sont tus pendants des décennies. Suite : http://www.thinesclaude.com/marilyn--son-assassinat.php

COMMENTAIRE

Le début des années 60 fut une époque assez Rock&Roll - dans tous les sens du mot. Beaucoup d’assassinats marquants ont imprégné notre imaginaire d’adolescents. Ce 50e anniversaire de la mort de Marilyn me fait revivre plein de souvenirs.

Je suis en train de lire sa « Confession inachevée » écrite en collaboration avec Ben Hecht et ça me fait réaliser à quel point elle avait choisi la voie de la séduction et de la popularité pour se prouver qu’elle « existait ». Fascinant.

Nous utilisons les autres pour nous créer les uns les autres… ou comme disait Shakespeare :  

And since you know you cannot see yourself,
so
well as by reflection, I, your glass, will modestly discover to yourself,
that of yourself which you yet
know not of. 


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Note 6 aout

J'ai terminé « Confession inachevée ». (J'ai été surprise d'apprendre, dans un autre bouquin, que Marilyn s'intéressait à la réincarnation.)  

Deux passages de la Confession qui parlent assez fort :  

1. Était-ce une prémonition?

« Je regagnai ma chambre au volant de ma voiture. Oui, il y avait quelque chose de spécial chez moi, et je savais ce que c’était. J’étais le genre de filles, qu’on retrouve morte dans une chambre minable, un flacon de somnifères vide à la main. »

2. Conversation avec Michael Tchekhov (acteur et écrivain de la descendance d’Anton Tchekhov) dont elle fut l'élève. 

       Il ne m’a pas seulement appris à jouer. Il m’a fait découvrir la psychologie, l’histoire, la beauté dans l’art et ce qu’on appelle le goût.
       Au milieu de notre scène de La Cerisaie, Michel s’interrompit soudain, puis me considéra, un sourire plein de douceur aux lèvres.
-- Puis-je vous poser une question personnelle? demanda-t-il.
-- Tout ce que vous voulez.
-- Vous me répondrez en toute sincérité? reprit Michael. Étiez-vous en train de penser au sexe pendant que nous jouions?
-- Non, répondis-je, le sexe ne joue aucun rôle dans ce passage. Je n’y pensais pas du tout.
-- Vous n’aviez dans l’esprit aucune image d’étreinte ou de baisers? insista Michael.
-- Aucune. Je me concentrais complètement sur nos répliques.
-- Je vous crois, déclara Michael. Vous dites toujours la vérité.
-- À vous, oui.
       Il se mit à faire les cent pas pendant quelques instants, puis reprit :
-- C’est bien étrange. Pendant tout le temps où vous avez joué cette scène, je n’ai cessé de ressentir des vibrations sexuelles émanant de vous. Comme si vous aviez été une femme dans les affres de la passion. Je me suis arrêté parce que j’ai pensé que vous deviez être trop accaparée par le sexe pour continuer.
       Je me mis à pleurer. Sans prêter attention à mes larmes, il poursuivit d’une voix intense :
-- Je comprends maintenant les problèmes que vous pouvez avoir au studio, Marilyn, vous émettez réellement des vibrations sexuelles – quoi que vous soyez en train de faire ou de penser. Le monde entier a déjà réagi à ces vibrations. Elles sont retransmises par les écrans de cinéma quand vous y apparaissez. Et vos grands patrons ne s’intéressent qu’à vos vibrations sexuelles. Elles suffisent à leur apporter une fortune. Voilà pourquoi ils refusent de vous considérer comme une comédienne. Tout ce qu’ils veulent, c’est tirer parti du stimulant sexuel que vous représentez. Leurs motifs et leurs projets sont très clairs.
       Michael Tchekhov me sourit.
-- C’est vrai dit-il. Rien qu’en apparaissant sur l’écran, sans vous donner la peine de jouer, vous pourriez rouler sur l’or.
-- Mais il n’en est pas question! m’écriai-je.
-- Pourquoi? me demanda-t-il avec douceur.
-- Parce que je veux devenir une artiste, répondis-je, pas un gadget érotique. Je ne veux pas être vendue au public comme un aphrodisiaque sur pellicule : regardez-moi et mettez-vous à trembler! C’était acceptable les premières années. Mais, cette fois, les choses vont changer.
       Je me rendis compte que, tout comme j’avais dû me battre pour faire du cinéma et devenir une actrice, je devrais maintenant me battre pour obtenir le droit d’être moi-même et d’utiliser mes talents. Si je ne me défendais pas, je deviendrais une marchandise bonne à être vendue dans les vitrines des cinémas.
       J’étais décidée à ne pas accepter leur million. Je voulais être moi-même et non pas un vulgaire adjuvant érotique, une pourvoyeuse de fric pour les trafiquants en chair fraîche du studio.

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