6 juin 2016

De brillants cerveaux perdus

La compétition sportive saine a perdu tous ses lauriers depuis longtemps. Les athlètes sont maintenant les jouets de l’industrie du sport, parfois assujettis au dopage, même aux JO. La vanité et le patriotisme exacerbés augmentent l’intensité émotionnelle; c’est pathétique d’en voir les démonstrations. Des sommes colossales sont investies pour la construction de stades, et l’on prend grand soin de camoufler ou de chasser les pauvres qui ont le malheur de vivre à proximité. Où vont les retombées économiques de ces grands divertissements? Dans les poches des businessmen, promoteurs et commanditaires, et de leurs poches vers les paradis fiscaux, car la corruption fait partie du jeu (comme on l’a vu avec la FIFA); les classes dites ‘inférieures’ n’auront pas un centime pour les aider à sortir de leurs conditions misérables.

«Derrière la ville carte postale, les plages de Copacabana, la statue du Christ rédempteur et le Mont du Pain de Sucre, se cachent de sérieux problèmes. Soutenue par la croissance économique et la hausse de la monnaie nationale, le marché de l’immobilier a atteint des sommets. Depuis 2010, les prix ont grimpé dans les quartiers du centre ville, et celui du mètre carré peut même dépasser 5 800 euros à l’approche des prestigieuses plages de Leblon ou d'Ipanema, très blanches et tendance. Les autorités ont procédé régulièrement à des ‘expulsions forcées’ sans laisser le temps aux habitants des bidonvilles de préparer leur départ, ni même faire de proposition de relogement adapté. Les habitants des favelas qui ont parfois vécu toute leur vie dans un quartier, qui ont tissés des liens, qui ont un emploi et une école à proximité pour les enfants se retrouvent du jour au lendemain à la périphérie de la ville, loin des leurs, de leur travail, de leur passé. C’est très traumatisant.» (France 24)

«Rio de Janeiro est une ville au double visage : d’un côté, le faste et le glamour destinés à impressionner le monde, et de l’autre des interventions policières répressives qui déciment considérablement une génération de jeunes hommes noirs et pauvres», a déclaré Atila Roque, directeur d’Amnesty International Brésil.

Je n’aurais pas abordé ce sujet, n’eût été les étonnantes citations de Muhammad Ali ci-après. Car parmi tous les sports, après la chasse sportive, je ne trouve rien de plus stupide que la boxe. Pourquoi tabasser quelqu’un qui ne t’a jamais rien fait?! Ça me fait penser aux chiens et aux coqs qu’on entraîne à s’entretuer. Vraiment malade (1). Le Circo Massimo de Néron est bien vivant.


Muhammad Ali : un génie américain gaspillé
David Seaton
Le 4 juin 2016

«La boxe c’est beaucoup d'hommes blancs qui regardent deux hommes de race noire se frapper mutuellement.»
     «Ils ne croient pas que les boxeurs ont des cerveaux. Ils ne croient pas que les boxeurs sont des businessmen, ou humains, ou intelligents. Les boxeurs sont juste des brutes qui viennent divertir les riches blancs. Il faut se battre et se casser le nez, et saigner, et avoir l’air de deux petits singes pour la foule, et s’entretuer pour la foule. Et la moitié de la foule est blanche. Nous ne sommes que deux esclaves dans ce ring. Les maîtres entraînent deux anciens esclaves noirs costaux, et nous laissent nous bagarrer tandis qu'ils parient : ‘mon esclave peut écraser ton esclave’. C'est ce que je vois lorsque je regarde deux noirs se rouer de coups.»
     «C'est juste un job. L'herbe pousse, les oiseaux volent, les vagues battent le sable. Je tabasse des gens.»

~ Muhammad Ali

Si je devais trouver un exemple pour illustrer la profondeur du racisme et de l'injustice sociale dans la culture américaine, il faudrait quelqu'un qui soit aussi intelligent, courageux, ingénieux, sérieux, charismatique et doté d’un grand pouvoir de communication que Muhammad Ali, qui a dû finir à moitié illettré avec un cerveau anéanti dans le ring des prix ... alors qu’un acteur de classe B comme Ronald Reagan ou un imbécile immature comme George W. Bush sont devenus présidents des États-Unis, et qu’aujourd'hui, un type bizarre, mesquin et grotesque comme Donald Trump pourrait être sérieusement envisagé pour occuper cette fonction.

«Mais, me direz-vous, les choses se sont beaucoup améliorées pour les jeunes afro-américains depuis l’époque ‘Jim Crow’ à Louisville, Kentucky, où Ali a grandi dans les années 1940/50.»

Vraiment? Dans l'économie prospère des années 1950, Muhammad Ali, comme beaucoup de jeunes hommes noirs, a grandi dans une famille biparentale stable, le père vivait au foyer, les deux parents travaillaient, la famille possédait sa propre maison dans un quartier sécuritaire, malgré la ségrégation. Combien de jeunes hommes noirs, élevés par des mères célibataires dans les quartiers ghettoïsés des États-Unis d'aujourd'hui, bénéficient de ces privilèges dans notre économie actuelle fuyante, fissurée et infestée par les drogues et les guns?

Article intégral :
http://seaton-newslinks.blogspot.ca/2016/06/muhammad-ali-american-genius-gone-to.html

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«L'esprit d'injustice, d'iniquité ou d'audace, qui conduit un homme à faire le mal, le conduit aussi à commettre beaucoup d'actions contraires à l'ordre, aux lois et aux besoins de la société, et finit toujours par lui faire trouver un écueil contre lequel il échoue. 
     L'homme méprisable n'a pas en lui les sentiments qui pourraient lui faire comprendre le mépris qu'il inspire; c'est pourquoi il brave l'opinion publique avec tant d'audace. 
     Le défaut des grands n'est pas de se croire différents des autres hommes, cette idée serait absurde; mais de ne pouvoir se persuader que leurs actions seront jugées comme celles des autres Hommes. 
     La rudesse que l'on reproche aux vieillards ne vient pas toujours de ce que leur caractère s'est aigri avec l'âge, mais de ce qu'à force de vivre on se lasse tellement des faussetés de la société, et de l'espèce de comédie qu'il faut sans cesse y jouer, que l'on finit par trouver plus naturel, plus digne et aussi plus commode de dire franchement ce que l'on a toujours pensé.»

~ Constance de Théis, 1767-1845 (Pensées, 1836)

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«L’égoïsme,  par nature, est sans borne : l’homme n’a qu’un désir absolu, conserver son existence, s’affranchir de toute douleur, même de toute privation; ce qu’il veut, c’est la plus grande somme possible de bien être, c’est la possession de toutes les jouissances qu’il est capable d’imaginer, et qu’il s’ingénie à varier et à développer sans cesse. Tout obstacle qui se dresse entre son égoïsme et ses convoitises excite son humeur, sa colère, sa haine : c’est un ennemi qu’il faut écraser.» (Le fondement de la morale)

~ Arthur Schopenhauer

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(1) «Des hommes fragilisés psychologiquement – Ce sont leurs failles narcissiques (une faible estime d’eux-mêmes) qui constituent le soubassement du comportement des hommes violents. Ce sont leur fragilité et leur sentiment d’impuissance intérieure qui les ramènent à vouloir contrôler et dominer. [...] Le contrôle sur l’autre, à l’extérieur, vient suppléer leur manque de contrôle interne. La violence est pour ces hommes un palliatif pour échapper à l’angoisse, ainsi qu’à leur peur, peur d’affronter les affects de l’autre, peur d’affronter les leurs.»

~ Marie-France Hirigoyen, docteur en médecine, psychanalyste, psychothérapeute familiale, spécialisée en victimologie

[À noter que le phénomène se répand chez les femmes, qu’il s’agisse de boxe ou de guns. Ce qui tend à prouver que le conditionnement socioculturel et l’éducation y sont pour quelque chose. Autrefois on enseignait aux femmes à être de dociles poupées, ménagères et mères de famille, et ça marchait. On passe d’un extrême à l’autre...] 

«La peur, le plaisir, la douleur, la pensée et la violence sont intimement reliés. La plupart d’entre nous prennent du plaisir à être violents, à détester des individus, à haïr des groupes ou des races, à éprouver un sentiment quelconque d’inimitié. [...]

La violence ne consiste pas uniquement à nous entretuer. Nous sommes violents dans nos altercations, nous le sommes lorsque nous écartons quelqu’un de notre chemin, nous le sommes lorsque la crainte nous incite à obéir. La violence n’est pas seulement ces boucheries humaines organisées au nom de Dieu, d’une société, d’un pays. Elle existe aussi dans des sphères plus subtiles, plus secrètes et c’est là, dans ses grandes profondeurs, qu’il nous faut la chercher.»

~ Krishnamurti (Se libérer du connu)

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