24 novembre 2015

Training linguistique franco-québécois

@Twittakine Le ‘français de France’ serait en péril : y paraît que les Français parlent franglais encore plus que les Québécois.

Le clip de ‘Solange te parle’, le «Québécois pour les nuls», a créé un mini remous ici. Positif parce que le ton n’est pas condescendant (ou méprisant) pour une fois; plutôt sympathique à vrai dire. Elle passe en revue certaines tournures de notre pittoresque parlure : ah ben là, ch’pu capab, faque, l’fun, pantoutt, tsé, tanné, niaiseux, jaseux; et le célèbre double ‘tu’ des interrogations – selon le rappeur Biz ‘tu te souviens-tu?’ a remplacé ‘t’en souviens-t-il?’.

https://www.youtube.com/watch?v=qYm83H5TOMM

La Leçon de Québécois d'Élyse Lévesque, une Québécoise pure laine, est vraiment drôle (février 2015).
Les immigrants : https://www.youtube.com/channel/UCrAAkXtI3Iz0dRvc15K9Ozw



Un complément

Le Dictionnaire des injures québécoises répertorie 1500 injures de filiation latine, grecque, italienne, gauloise, etc., et Made in Quebec – car nous avons québécoïsé bon nombre d’injures anglo-américaines.

~ Tannant viendrait du gaulois tan : sombre ou assombrir. Sens : qui tape sur les nerfs; être tanné signifie ‘en avoir assez’.

~ Reluqueux viendrait du néerlandais loecken : regarder. Sens : curieux, fouineur. 

~ Badlucké (ou badloqué) vient de l’anglais bad luck : malchanceux. Synonyme : louseur vient de to lose/loser : perdant.

~ Twit (américanisme), vient de l’anglais to twit (to taunt) : narguer. Sens : injure fourre-tout, utilisée jusqu’à l’outrance par une jeunesse à court de vocabulaire injurieux. S’adresse aux nonos, niaiseux, ignorants, idiots, crétins, sans-plomb, caves, bozos, bâdrants, sans-dessein et autres bornés du même acabit.

~ Lousy-french. Sens : Français pouilleux. Remarque de Pierre Elliott Trudeau à propos du français parlé au Québec, ce qui à l’époque a injurié tout le peuple québécois, sauf les personnes qui se gargarisaient avec la langue académique. Citation : «Les Québécois sont des pas-d’allure et des placoteux (bavards) qui parlent un lousy-french de bécosses (latrines) (P. E. Trudeau) La spectaculaire arrogance de Trudeau envers les ‘french-pea-soup’ a laissé des marques de griffes indélébiles...

Extraits de l’introduction (pour l’humour) :

Plusieurs mobiles nous ont fait commettre ce livre, et il est bon que le lecteur et la lectrice les connaissent de façon à ne pas nous prendre à première vue pour des auteurs bizarres. 
   Une des principales raisons nous a été dictée par notre pacifisme invétéré. Nous pensons, en effet, qu’il est préférable de s’injurier que de se blesser ou de se tuer. 
   Nous vivons une époque très difficile. Chacun vit replié sur lui-même, s’isole de plus en plus, devient plus méfiant et parfois plus violent. 
   Autrefois, les gens, lorsqu’ils n’étaient pas d’accord, se traitaient de toutes sortes de noms d’oiseaux, et, soulagés, repartaient à leurs occupations. Jusqu’à la prochaine engueulade. 
   Les gens d’aujourd’hui, lorsqu’ils ont un différent, sortent aussitôt le coup-de-poing américain, le pic à glace ou la Kalashnikov made in Russia, et c’est le carnage. 
   Il faut décidément abandonner cette pratique barbare et salissante qu’est la violence et retrouver au plus vite cette valeur d’antan : l’injure vigoureuse, cinglante, rude, mordante, ironique, mais toujours non violente, sans coups ni blessures. N’est-il pas plus sain de traiter le voisin qu’on hait de trou-d’cul ou de face-de-rat que de le saigner comme un cochon, sur le palier, d’un coup de couteau?
(...) 
   L’injure se contrôle, la violence non. 
   Dans un pays civilisé, on ne se bat pas, on ne se tue pas, on s’injurie. 
   Un autre des  buts de ce dictionnaire est de mettre à la disposition des gens les injures du passé, du présent et de l’avenir, afin qu’ils en connaissent le sens et sachent ce qui peut choquer les autres. Où est le plaisir d’injurier un importé frais débarqué si ce dernier ne comprend pas le mot ou l’expression injurieuse? Après avoir consulté ce dictionnaire, l’immigrant comprendra ce qu’on vient de lui dire et, par la même occasion, il pourra injurier à son tour le Québécois dans la langue d’ici. La communication s’établira très vite entre les ethnies. 
   L’affligeante pauvreté de notre vocabulaire injurieux nous a également poussés à entreprendre cette tâche. (...) Nous nous sommes tellement appauvris que nous avons dû emprunter à la langue américaine un certain nombre de nos injures contemporaines. Nous sommes vraiment mal placés pour nous moquer des Français qui ont farci de franglais leur «langue de moumounes».
(...) 
   Il est plus que temps de redécouvrir les injures de nos ancêtres, riches d’enseignement et de nous familiariser avec des injures contemporaines et de créer les injures de l’avenir. Ainsi, nous laisserons à nos descendants une bible des injures, avec lesquelles ils pourront copieusement nous abreuver à titre posthume lorsqu’ils se rendront compte que nous leur avons aussi laissé une atmosphère polluée, une eau pourrie, des déchets toxiques partout et des matières premières presque épuisées.
(...) 
   L’injure est psychologiquement saine (c’est reconnu par les plus grands psychoquelquechoses au monde), surtout pour la personne qui la profère. Des études avancées permettent d’établir que le fait d’injurier quelqu’un décongestionne le foie et active l’élimination de la bile; facilite l’assimilation de l’azote et de l’oxygène; fortifie le système cardiaque stimulant la circulation du sang; fait abondamment transpirer, favorisant ainsi l’élimination de la cellulite; et surtout détend énormément les nerfs. 
   L’injure développe aussi la franchise et pourrait devenir une merveilleuse soupape dans notre société sclérosée, nous aidant à passer notre colère par la bouche plutôt que par les poings.
(...) 
   Si nous apportons, tout au long de ce volume, des comparaisons, des rapprochements et des différences entre l’injure québécoise et sa mère, l’injure française, c’est pour une plus grande compréhension entre ces deux peuples. Certes, l’injure française est en partie à la base de nos injures québécoises, mais il faut dire qu’une fois « lâchée lousse » (permettez-nous l’expression), l’injure québécoise a fait son bonhomme de chemin et n’a, aujourd’hui, malgré sa stagnation, aucune raison de rougir face à n’importe quelle injure maternelle ou étrangère.
(...) 
   Si vous connaissez ou découvrez des injures québécoises (anciennes ou modernes) qui ne figurent pas dans ce dictionnaire, n’hésitez pas à nous les envoyer (...) vous contribuez, de cette façon, à enrichir le patrimoine national. Nous acceptons aussi vos lettres d’injures et vos lettres anonymes. 
   Maintenant que vous voilà prévenu, vous entrez dans ce livre à vos risques et périls. 
   Ne vaut-il pas mieux faire monter le sang au visage que de le répandre?

Proverbe de cocombre : «Si le chapeau te fait, mets-le!» (Lao Tsé-Veudîr)

Jean-Claude Trait, pataphysicien 
Yvon Dulude, bibitologue

Le dictionnaire des injures québécoises
Les éditions internationales Alain Stanké, 1996

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