16 novembre 2015

Quand le monde n'a plus de sens

Donnons lui un nouveau sens...  

Ce que les psychopathes et extrémistes religieux veulent nous faire croire au sujet de la vie

Linda Esposito * (Psychology Today, 14/11/2015)

La semaine dernière, j'ai posté une vidéo de 15 secondes sur Instagram concernant un principe psychologique que les thérapeutes enseignent à leurs clients : «Si vous pensez que le monde est en soi un endroit sécuritaire où la plupart des gens sont de bonne volonté, vous pouvez alors faire confiance aux autres et, plus important encore, vous faire confiance, de sorte que si des problèmes surviennent, vous vous sentez capable de les résoudre. Vous avez foi en la vie.»

Je ne me souviens pas si j'ai appris cela au collège, ou de mon mentor clinique – peu importe. L’important c'est l’impact de notre vision du monde sur notre santé mentale.

Bien sûr, la vie ne se résumera jamais à une leçon de «thérapie» de 15 secondes, et rien n’est plus complexe que le comportement humain.

Alors, que se passe-t-il quand nos esprits sont submergés et nos coeurs remplis de chagrin à la suite du tragique massacre à Paris, et de tous les autres actes abominables qui se produisent à l'échelle mondiale?

Des humains sans humanité

Le terrorisme n'est pas seulement un problème, c’est un cancer métastasé aux stéroïdes qui menace de nous entraîner dans une vitriolique escalade de haine, d'inhumanité et d'anéantissement. Le pire c’est que personne ne sait comment l’isoler, le guérir ou le détruire. L'État Islamique (EI) revendique la responsabilité des attentats du 13 novembre à Paris. Mais qu’est-ce que l'État Islamique, et que veut-il?

«Nous pouvons constater que cet État a comme principe de rejeter la paix; qu'il a faim de génocide; que ses opinions religieuses rendent constitutionnellement impossibles certains types de changement, même si ce changement pouvait assurer sa survie; et qu’il se considère comme le messager – et le leader principal – de l’imminente fin du monde.» (Graeme Wood)

Quand il n'y a pas de mots

Être témoins de gestes aussi horribles contre des personnes innocentes nous amène souvent à penser que le monde est dangereux, que la vie est imprévisible, et donc, que nous n'avons pas le contrôle de notre survie. Toutefois, ce mode de penser catastrophiste (même en lien avec la catastrophe) génère des émotions intenses et des peurs irréalistes.

Cas à l’appui : en réaction à la terreur de l’attentat à Paris, un internaute qui a lu mon message sur Instagram m'a envoyée un article en me demandant ce que je pensais maintenant d’un ‘monde intrinsèquement sécuritaire’ :
«J’ai inclus une liste d'activités pour lesquelles les islamistes imposent la peine de mort. Comment pouvez-vous avoir foi en l'humanité, puisqu’on peut vous tuer pour des activités normales pratiquées partout dans le monde? Du journal The Atlantic :
  - Aller en vacances en Égypte
  - Magasiner à Nairobi
  - Se rendre au travail à New York
  - Prendre l’avion aux États-Unis
  - Voyager en train à Madrid
  - Prendre l’autobus à Londres
  - Assister à un mariage à Amman
  - Monter la garde devant un monument commémoratif canadien
  - Prier dans une mosquée non approuvée
  - Être juif
  - Visiter un night-club à Bali
  - Aller à l'école en Russie
  - Aller à l'école à Peshawar
  - Publier des caricatures
  - Être un journaliste du Wall Street Journal au Pakistan
  - Pratiquer la liberté d’expression au Bangladesh
  - Être un ingénieur français au Pakistan
  - Travailler dans une banque à Istanbul
  - Conduire un traversier aux Philippines
  - Boire un café à Mumbai
  - Produire un film critiquant le traitement des femmes dans l'Islam
  - Publier des bibles en Turquie
  - Dormir à l’hôtel à Islamabad
  - Se trouver à proximité d'une station de recrutement militaire à Little Rock
  - Prier dans une église en Égypte
  - Acheter des cadeaux de Noël en Suède
  - Acheter du poisson au Nigéria
  - Faire un pèlerinage en Iraq
  - Être au Marathon de Boston
  - Être une jeune chrétienne au Nigéria
  - Se faire bronzer en Tunisie
  - Être journaliste

Garder confiance

Je n'ai pas de réponses quant à la manière de réagir à cette inexplicable tragédie. Surtout pas avec des platitudes telles que «pardonnez mais n'oubliez pas» ou des images Instagram patriotiques pour apaiser la psyché ou donner un sens à des meurtres brutaux. Je ne suis pas responsable de la santé mentale des autres, uniquement de la mienne. Certains actes sont impardonnables. Mais le ressentiment n'est pas la solution non plus. Le ressentiment, la peur et les réactions fatalistes sont toxiques, elles s’autogérèrent et créent plus de ténèbres et de désespoir – ce sont ces émotions extrêmes que les psychopathes et les fanatiques religieux veulent justement implanter.

Lorsque nous ne voyons rien d’autre que du noir, il est essentiel de croire à la deuxième partie de la leçon de «thérapie» : la grande majorité des gens sur la planète est de bonne volonté.

* Linda Esposito, LCSW, est psychothérapeute à Los Angeles, CA, depuis 1999.
 
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Le psychologue Eric Haseltine, suggère que la «riposte impitoyable» préconisée par le président François Hollande et ses alliés, n’est pas la solution, même si elle est compréhensible et naturelle.

Selon lui, les frappes militaires intempestives ne peuvent pas résoudre le problème. Ni contribuer aux efforts de «dé-radicalisation». Pas plus que les efforts diplomatiques des gouvernements étrangers ne peuvent gagner «les cœurs et les esprits» des populations sunnites qui soutiennent l’État Islamique (EI). On a essayé ces approches, qui n’ont réussi que partiellement. Leur succès mitigé vient du fait qu’on se concentre sur «eux» (terroristes) et très peu sur «nous» (victimes ou potentielles victimes d’actes terroristes).

Un des objectifs de l’EI avec les attentats de Paris était de polariser les non-musulmans contre les musulmans. La montée de colère crée les deux choses que désire l’EI : provoquer des frappes militaires contre les pays musulmans, augmenter le ressentiment et la partialité des Occidentaux envers les musulmans, de sorte que l’aliénation de la jeunesse islamique dans les pays occidentaux grandira. En conséquence les populations des pays musulmans se braqueront et appuieront davantage l’EI.

(...)

Ainsi, les messages que nous envoyons aux enfants – consciemment ou non – influenceront la façon dont leur cerveau triera automatiquement les «bons» et les «méchants». Si les attaques à Paris augmentent le nombre d'enfants qui – en vertu des attitudes de leurs parents – placent en permanence les musulmans dans la catégorie «mauvaises personnes», l’EI aura gagné la manche.

Nous pouvons résister au réflexe naturel d'exiger uniquement des frappes militaires auprès des gouvernements. Une opération militaire peut être nécessaire, mais nous devrions être conscients de ses limites et de son prix terrible en souffrances humaines et en répercussions sur «les coeurs et les esprits».

Une solution plus équilibrée serait d'agir à l'extérieur (p. ex., action militaire, diplomatie, etc.) et à l'intérieur (tempérer nos attitudes conscientes et inconscientes).

Nous devons garder un oeil sur l’EI et un oeil dans le miroir.

Article intégral : Terrorism in Paris: New Neuroscience Tells Us How to Respond; Controlling ourselves is as important as controlling ISIS; Eric Haseltine Ph.D.

https://www.psychologytoday.com/blog/long-fuse-big-bang/201511/terrorism-in-paris-new-neuroscience-tells-us-how-respond 

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