«La vie c’est magnifique, mais c’est aussi affreux. Être sensible à ce que la vie peut offrir de merveilleux est une source d’inspiration, ça encourage, ça remonte le moral, ça donne une perspective plus vaste, sans compter que ça donne de l’énergie. On se sent en phase avec la vie. Mais lorsque c’est tout ce qui se passe, on ne tarde pas à devenir arrogant et à regarder les autres de haut. On se prend pour le nombril du monde, et on veut que sa vie reste comme ça à jamais. Le merveilleux commence à se teinter d’avidité, on devient dépendant.
D’un autre côté, le malheur – ce que la vie a de pénible – peut nous attendrir beaucoup. Pour être présent à quelqu’un, il est essentiel de connaître la douleur. Quand on a du chagrin, on peut regarder tout droit dans les yeux de quelqu’un parce qu’on a l’impression de n’avoir plus rien à perdre – on est là, c’est tout. Le malheur peut rendre quelqu’un plus humble, plus doux, mais s’il n’y a que du malheur dans sa vie, on peut alors sombrer dans la dépression et le désespoir, au point de n’avoir même plus assez d’énergie pour manger une pomme. Le bonheur et le malheur ont besoin l’un de l’autre. L’un est source d’inspiration, l’autre est source d’attendrissement. Ils vont bien ensemble.
Atisha a dit : «Dans les deux cas sois patient.» Que la vie soit magnifique ou épouvantable, pleine de joie ou de haine, sois patient. Ici, la patience signifie laisser le temps aux choses de se dérouler à leur propre vitesse au lieu de réagir machinalement soit à la douleur, soit au plaisir. Le véritable bonheur, qui est à la base de ce que la vie a de magnifique et d’affreux, est souvent court-circuité parce qu’on retombe rapidement dans ses bonnes vieilles habitudes.
La sécurité n’enseigne pas la patience. On ne s’initie pas à la patience quand tout va comme sur des roulettes, quand règne l’harmonie. Quand tout baigne, à quoi sert la patience? Quand on reste dans sa chambre, la porte verrouillée et les rideaux tirés, tout peut sembler harmonieux, mais dès que quelque chose va de travers, on saute au plafond. Impossible de cultiver la patience lorsqu’on s’évertue à chercher l’harmonie et à faire disparaître toutes les difficultés. La patience implique qu’on est disposé à rester vivant et non à rechercher l’harmonie à tout prix.»
~ Pema Chödrön (Maîtriser le paradoxe; in Bien-être et incertitude)
«Si je mets dix hommes sur une île déserte, la loi d'attraction va les rassembler en deux groupes, et la loi d'opposition leur inspirer des idées absolument contraires sur la façon d'organiser l'île. Si un groupe pense «nord», l'autre groupe, par réflexe immédiat, pensera «sud». Et ils commenceront à ramasser des cailloux pour se convaincre réciproquement en se les envoyant sur la figure. Si un des deux groupes se montre plus fort et absorbe l'autre, une force d'opposition va naître en lui, grandir et le couper de nouveau en deux ou en plusieurs morceaux. C'est la loi!
Ce n'est pas cela qui fait le malheur des hommes. Ils pourraient entre l'attraction et l'opposition, trouver un équilibre et vivre en paix, comme le soleil et les planètes. Ce qui les rend malheureux, c'est le bonheur. L'idée qu'ils s'en font, et le besoin de l'attraper. Ils s'imaginent qu'ils sont malheureux aujourd'hui, mais qu'ils pourront être heureux demain, s'ils adoptent certaine forme d'organisation. Chaque groupe a une idée d'organisation différente. Non seulement il se l'impose à lui-même, à grande souffrance, mais il cherche à l'imposer à l'autre groupe, qui n'en veut absolument pas, et qui essaie au contraire de lui faire avaler de force sa propre cuisine.
Et chaque individu croit qu'il sera heureux demain, s'il est plus riche, plus considéré, plus aimé, s'il change de partenaire sexuel, de voiture, de cravate ou de soutien-gorge. Chacun, chacune attend de l'avenir des conditions meilleures, qui lui permettront, enfin, d'atteindre le bonheur. Cette conviction, cette attente, ou le combat que l'homme mène pour un bonheur futur, l'empêchent d'être heureux aujourd'hui. Le bonheur de demain n'existe pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais. Ce n'est pas organiser, enrichir, dorer, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant. C'est la joie de vivre, quelles que soient l'organisation et les circonstances. C'est la joie de boire l'univers par tous ses sens, de goûter, sentir, entendre, le soleil et la pluie, le vent et le sang, l'air dans les poumons, le sein dans la main, l'outil dans le poing, dans l'oeil le ciel et la marguerite.
Si tu ne sais pas que tu es vivant, tout cela tourne autour de toi sans que tu y goûtes, la vie te traverse sans que tu ne retiennes rien des joies ininterrompues qu'elle t'offre.»
~ René Barjavel (in Si j'étais Dieu...)
«La différence entre le théisme et le non-théisme n’est pas liée au fait de croire ou de ne pas croire en Dieu. (...) Le théisme, c’est une conviction fortement ancrée qu’il existe une main à tenir : si on sait faire juste ce qu’il faut, quelqu’un va y être sensible et nous prendre sous son aile. Cela veut dire qu’on s’imagine qu’on aura toujours une baby-sitter à portée de la main, en cas de besoin. Nous avons tous tendance à nous démettre de nos responsabilités et à déléguer notre pouvoir à quelque chose d’extérieur.
Le non-théisme, au contraire, consiste à se détendre dans l’ambigüité et l’incertitude du moment présent, sans rien chercher pour se protéger. (...) C’est apprécier pleinement l’impermanence et le changement. (...) Le dharma n’a jamais été destiné à devenir une croyance à laquelle on adhère aveuglément. Le dharma ne procure absolument rien à quoi on peut s’accrocher.
Le non-théisme, c’est se rendre compte enfin qu’il n’y a pas de baby-sitter sur laquelle on peut compter. Juste au moment où on en a une bonne, on la perd. Le non-théisme, c’est prendre conscience qu’il n’y a pas que les baby-sitters qui vont et viennent. Toute la vie est comme ça. C’est ça la vérité, et la vérité dérange.»
~ Pema Chödrön (La vérité dérange; in Bien-être et incertitude)
Le nom de Dieu a trop servi.
Nul ne sait plus ce que signifie le nom de Dieu.
L'adorer ou le haïr est pareillement infantile.
Le Dieu-papa que nous proposent les religions leucémiques est une tentative aussi dérisoire et aussi cocasse d'apaiser notre soif que l'octroi d'une goutte de sirop à un déshydraté.
~ René Barjavel (in La faim du tigre)
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