(Anonyme)
Une journée d’existence
Pour soi-même
S’habiller,
Pour soi
Regarder dans la glace,
Pour soi
Descendre les marches
Pour soi.
Pour soi
Attendre le tramway,
Pour soi
Acheter le ticket,
Pour soi
Aller dans la foule des passants
Pour soi.
Pour soi
Voir le flot déferler,
Pour soi
Regarder tomber la nuit,
Pour soi
Rester et s’attacher à l’angle, comme ça,
Pour soi.
Pour soi
Aller dans la foule qui se raréfie,
Pour soi
Attendre le tramway,
Pour soi
Acheter le ticket,
Pour soi
S’enfoncer dans la nuit qui s’épaissit,
Pour soi.
Pour soi
Monter les marches,
Pour soi
Entrer par la porte,
Pour soi
Regarder dans la glace,
Pour soi-même
Se déshabiller,
Pour soi.
~ Jan Vladislav
Quand le vent s’arrête tout à fait. Chose rare. Reprend son souffle un instant. Fait le mort. Le soleil s’arrête aussi. Toute vie suspendue. La respiration de l’air devient visible, vibre doucement. J’ai vu ça. Moi, Perceval, fils de John et de Bea Brown. Vu de mes yeux vu. Le jour respirer. La première fois je n’étais pas encore au monde. Vu par le nombril de ma mère comme par une petite fenêtre. La seconde fois c’était hier sur la grève. Un tel silence soudain. Même les mouettes saisies par ce silence incompréhensible. Ce pur souffle de l’air. Sans vent.
~ Anne Hébert (Les fous de Bassan)
L’Étranger
-- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère?
-- Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
-- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
--- Ta patrie?
-- J’ignore sous quelle latitude elle est située.
-- La beauté?
-- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
-- L’or?
-- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
-- Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
-- J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
~ Baudelaire (Le spleen de Paris)
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