6 mai 2013

Mousson galactique


Réflexions de Vladimir Nabokov

- Le berceau balance au-dessus d'un abîme, et le sens commun nous apprend que notre existence n'est que la mince lumière d'une fente entre deux éternités de ténèbres.

- Nous ne devrions jamais perdre de vue que toute œuvre d'art est, toujours, création d'un monde nouveau, en sorte que la première chose à faire est d'étudier ce monde nouveau d'aussi près que possible, en l'abordant comme quelque chose de flambant neuf, n'ayant aucun lien évident avec les mondes que nous connaissons déjà. Et lorsque ce nouveau monde aura été étudié de près, et seulement alors nous examinerons ses liens avec d'autres mondes, d'autres branches du savoir. [Littératures 1980, trad. Hélène Pasquier]

- La vie est une grande surprise. Pourquoi la mort n'en serait pas une plus grande? 

- Cette pensée, cette flamme nue de la souffrance, était une pensée sur ma patrie terrestre : pieds nus et misérable, au bord de cette route de montagne, j'attendais les habitants des cieux, charitables et radieux, et le vent, tel un pressentiment du miracle, jouait dans mes cheveux, emplissait les ravins d'une vibration cristalline, agitait les soies fabuleuses des arbres fleurissant entre les rochers le long de la route; de longues herbes s'entortillaient autour de leurs troncs, telles des langues de feu; de grosses fleurs se détachaient gracieusement des rameaux étincelants et, comme des calices volants, gorgées de soleil à ras bord, elles glissaient dans l'air en gonflant leurs pétales transparents et bombés; leur parfum, humide et sucré, me rappelait tout ce que j'avais connu de plus beau dans ma vie. [Le Mot, trad. Bernard Kreise]
 
- La vie est un message griffonné dans le noir.
 
- Les fous ne sont fous que parce qu'ils ont profondément et imprudemment démantelé un monde familier, mais n'ont pas le pouvoir - ou ont perdu le pouvoir- d'en créer un nouveau aussi harmonieux que l'ancien. L'artiste, lui, désassemble ce qu'il choisit de désassembler, et, ce faisant, a conscience du fait que quelque chose en lui a conscience du résultat final. Lorsqu'il examine son chef-d’œuvre terminé, il sait que, malgré l'inconsciente opération mentale qui a accompagné le grand saut créateur, ce résultat final est l'achèvement d'un plan défini, qui était contenu dans le choc initial. [Littératures 1980, trad. Hélène Pasquier]

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