L’ombre, ce côté mal aimé de soi
Par Violette Lebon
Pour en arriver à s’aimer inconditionnellement, nous devons d’abord nous accepter exactement comme nous sommes et comme nous ne sommes pas maintenant. Cela implique, entre autres, l’intégration de nos émotions, de nos besoins et de nos désirs paralysés par la honte. John Bradshaw écrit :
La plupart des êtres foncièrement mortifiés éprouvent de la honte lorsqu’ils ont besoin d’aide, lorsqu’ils sont en colère, tristes, effrayés ou joyeux et lorsqu’ils affirment ou ressentent du désir sexuel. Ils sont coupés de ces parties essentielles d’eux-mêmes.
Beaucoup de personnes se comportent comme si elles étaient toujours au-dessus de leurs affaires, comme si elles n’avaient jamais besoin de rien ni de personne. J’ai découvert depuis un bon moment que je faisais partie de cette catégorie de gens et à quel point il était honteux pour moi d’avoir besoin d’aide. En poussant un peu plus loin la réflexion, je me suis rendu compte que j’avais même honte d’avoir des besoins légitimes, que je ne pouvais pas compter sur personne et que je devais toujours me débrouiller toute seule.
Dès notre petite enfance, nous avons pris des décisions à la suite de nos interprétations des événements. À moins de faire plus tard un travail d’éveil de conscience, nos décisions négatives coloreront tous nos choix et toutes nos expériences de vie.
Se sentir honteux d’avoir des besoins est un sentiment très fréquent chez beaucoup d’enfants. Souvent, parfois même sans que des mots soient prononcés à cet effet, beaucoup d’entre nous avons reçu des messages négatifs de nos parents : nous étions «bien du trouble», nous «coûtions cher» et pour être apprécié, il fallait être tranquille et obéir sans dire un mot. Alors, suprême compliment, nous étions un bon enfant! Très tôt, nous avons compris que pour être aimés, nous devions répondre aux besoins de nos parents et nous avons conclu qu’il était beaucoup mieux pour nous de ne rien demander. Nous avons expérimenté qu’en risquant une requête, même minime, nous nous exposions à un refus, à la réprimande, à l’humiliation, au rejet, en un mot, à ce qu’on nous coupe notre nourriture essentielle : l’appréciation et l’amour dont nous avions tant besoin pour bâtir notre estime de soi.
Alors, l’enfant meurtri dans son besoin de dépendance légitime se replie sur lui-même et se tait. Il refoule ses sentiments et ses émotions qui, à la longue, se putréfient dans son intérieur. Car ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Malheureusement, si les refoulements non gérés persistent, cela créera des déviations, qui se manifesteront plus tard en dépendances importantes et destructrices pour l’estime de soi.
Nous nous demandons comment il se fait qu’il y a tant de violence dans nos sociétés dites évoluées. La réponse est là : nous ressemblons à des prestos survoltés par la vapeur de nos colères, de nos frustrations, de nos tristesses et de nos dépressions refoulées. Ces émotions non exprimées éclaboussent et blessent tout ce qui nous entoure; même la planète Terre en souffre et paye la note de nos meurtrissures ignorées et non soignées.
Nos parents et nos éducateurs, la plupart pétris de honte, n’étaient pas équipés pour recevoir ni pour accepter ce qui existait dans notre intérieur. Bafoués comme nous dans leur senti quand ils étaient jeunes, il leur était humainement impossible de tolérer l’expression de ces émotions qui ravivaient la douleur de leurs blessures non guéries. Comment auraient-ils pu accepter que nous verbalisions notre vérité quand ils ne se permettaient même pas de se regarder eux-mêmes et encore moins de se laisser voir imparfaits à nos yeux? Ils étaient, comme nous, dans des rôles rigides de faux moi qui refusent totalement l’ombre, comme le nomme le psychanalyste Carl Jung. Jouer des rôles parfaits est un système de défense de prédilection pour les honteux. Malheureusement, comme le dit si bien Pascal : «Qui veut faire l’ange fait souvent la bête.»
Mais qu’est-ce au juste que l’ombre? Voici ce qu’écrit Jean Monbourquette à ce sujet :
L’ombre, c’est tout ce que nous avons refoulé dans l’inconscient par crainte d’être rejetés par les personnes qui ont joué un rôle déterminant dans notre éducation. Nous avons eu peur de perdre leur affection en les décevant ou en créant un malaise par certains de nos comportements ou aspects de notre personnalité.
Donc, pour répondre aux attentes des personnes dont nous dépendions, nous avons dû, pour survivre (être aimés), reléguer aux oubliettes de notre inconscient tout ce qui pouvait créer la désapprobation dans nos manières d’être et de faire.
Ignorer des parties de nous-mêmes crée toujours des conséquences désastreuses pour l’estime de soi et, conséquemment, pour la qualité de nos relations et de notre vie. Par exemple, ne pas reconnaître la présence de petits rongeurs dans les murs de notre maison créera, un jour ou l’autre, de graves problèmes à résoudre. Tenter de les oublier ne les fera pas disparaître; au contraire, cela aggravera sans aucun doute la situation avec le temps.
Personnellement, j’ai été entraînée, comme il arrive souvent aux aînés de famille, à penser aux autres d’abord, à pratiquer «religieusement» ce principe supposément chrétien tant valorisé dans notre génération, surtout pour les femmes. Fortement encouragée par la religion, je m’en suis fait un principe de vie important. Cependant à l’adolescence, j’ai commencé à m’ouvrir les yeux et à me sentir un peu frustrée et souvent perdante. Comme j’avais grand besoin d’être appréciée et aimée, j’ai vite pris conscience que le fait de dire non aux demandes exprimées était non seulement inacceptable, mais voué à l’échec pour ce que je recherchais.
Je me suis donc retrouvée au service des autres, du moins pendant une grande partie de ma vie. Je sentais qu’on me «prenait pour acquis». Mes besoins personnels étaient très souvent oubliés ou tout simplement ignorés. J’ai conclu que je devais donc ne compter que sur moi-même. Pour confirmer la justesse de mon analyse, mon grand-père me disait régulièrement : «Violette, on n’est jamais si bien servi que par soi-même!» Et… je l’ai cru.
Je me rappelle cependant avoir essayé de sortir à quelques reprises de «mes sentiers battus» en pensant à moi d’abord. Ce fut le scandale! «Qu’est-ce qui te prend, toi qui es si attentive aux autres! Tu ne vas quand même pas devenir égoïste!» J’ai reçu alors le message que penser à moi était anormal (pas féminin), égoïste (un des terribles péchés capitaux!), condamnable et, conséquemment, honteux. Comme la honte est souvent créatrice de culpabilité et vice versa, je suis devenue, en plus, coupable d’avoir des besoins et de vouloir les satisfaire. Et vlan! Une autre honte chapeautée de culpabilité à enfouir dans mon inconscient. Une autre bonne raison de ne pas m’aimer et de me punir en me sabotant par des moyens de plus en plus subtils et non moins efficaces.
De par mon éducation, j’avais conclu qu’être égoïste pour une femme était la pire des calamités. Alors, pour être reconnue comme une «bonne personne», j’ai souvent caché avec beaucoup de honte ce goût de penser à moi en jouant les «femmes-dévouées-qui-ne-pensent-jamais-à-elles»; bon préalable à la création d’êtres qui se sentent frustrés, abandonnés, tristes et en colère vis-à-vis de leur entourage et de la Vie!
Extrait de
L’Essentiel : L’estime de soi
Quebecor, 1999
Du même ouvrage :
Me laisser aimer
(Auteur inconnu)
Me laisser aimer me demande une grande confiance en moi.
Il me faut reconnaître mes capacités, mes talents, et m’aimer
suffisamment pour croire que d’autres puissent s’intéresser à moi.
Me laisser apprivoiser me demande de l’humilité.
J’ai souvent très peur de me laisser aimer.
Mon ego est souvent une barrière à recevoir l’amour.
L’enfant se laisse aimer dans sa simplicité, sans se
demander s’il le mérite.
Comme si je devais mériter tout ce qui m’arrive de beau et
de bon!
Je défends mon intimité aux autres par peur de leurs
exigences.
Si je reçois de l’amour, de devrai en rendre, et j’ai peur d’y
perdre ainsi ma liberté.
Et pourquoi ne m’aimerait-on pas, juste pour moi, sans rien
en échange?
Mon ego me dit que je n’ai besoin de personne, que je me
suffis à moi-même.
Pourtant, combien de fois suis-je passé à côté de
merveilleuses expériences à cause de mes peurs!
Si je suis vraiment moi-même, si je me laisse aller, j’ai
besoin de me faire dire que je suis aimé.
Et, peut-être davantage si je ne sais pas le dire aux
autres!
Je veux me laisser apprivoiser doucement, tout doucement.
Je choisis de croire que je n’ai rien à craindre puisque je
suis protégé par l’Amour divin en moi.
-------
Vous aimerez peut-être «Charte de nos droits et
libertés» :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2010/06/addenda-la-charte.html
Aucun commentaire:
Publier un commentaire