1 mai 2019

Poussière, tu reviendras!



@Twittakine

J'ai dépoussiéré une fois.
C’est revenu.
Je ne me fais plus avoir.

Vive les chaussons-serpillières!


«Si je me présentais, je ne pourrais faire que les souhaits suivants : Madame, ou Mademoiselle, je vous souhaite de lire, de vous instruire, d’apprendre autre chose qu’à décolleter vos corsages, à préparer vos robes de bal. Je vous souhaite d’aller moins aux neuvaines, aux confréries, mais de cultiver votre esprit qui en a besoin, de vous rappeler que vous avez une intelligence, et que vous ne devez pas la faire servir uniquement à tricoter, et à préparer la soupe, que vous n’êtes pas seulement une machine dont l’homme se sert, qu’il s’adjoint, que vous ne devez pas permettre à votre confesseur de fourrer le nez constamment dans votre ménage, non pour le diriger, mais pour savoir ce qui s’y passe, que vos devoirs de famille, vous les connaissez mieux que lui qui n’en n’a pas, que vous n’êtes pas une «méchante bourrique», malgré qu’en ait dit Saint Jean de Damas qui n’avait que des chameaux, mais que vous êtes une belle et noble créature dont les prêtres se font un instrument de domination et d’abrutissement; que vous avez trop de scapulaires et de médailles, et pas assez de connaissances pour vous éclairer sur les stupidités abjectes dont on vous nourrit, que vous serez éternellement un être inférieur tant que vous vous livrerez aux enfantillages et aux niaiseries qui forment les trois quarts de votre éducation, tandis que vous devez être l’égale de l’homme, pour être à bon droit sa compagne... &...» Mais je passerais pour un impertinent, et je serais éconduit, ce que j’évite en restant chez moi. 

~ Arthur Buies, 1840-1901 (féminisme et anticléricalisme)

Arthur Buies : improbable allié du curé Labelle  
Le 26 janvier 1901, s’éteignait à Québec Arthur Buies. Le XIXe siècle québécois a produit peu d’esprits aussi libres que celui d’Arthur Buies, qui fut tour à tour journaliste, écrivain et fonctionnaire sans jamais renoncer à exercer un remarquable talent de polémiste. Né en 1840 près de Montréal, il est rapidement confié à deux grand-tantes maternelles qui s’efforcent de contenir le tempérament rebelle qu’affiche déjà le jeune Arthur, qui est renvoyé de plusieurs collèges. Il ne revoit son père, installé en Guyane depuis sa naissance, qu’en 1856. Celui-ci l’envoie faire des études à Dublin, mais Arthur ne l’entend pas de cette oreille et décide rapidement de s’installer plutôt à Paris. Il a tout juste 17 ans, fréquente le lycée impérial Saint-Louis et échoue quatre fois à l’examen du baccalauréat. En proie à de graves difficultés financières – son père lui a coupé les vivres –, il rentre au Canada en 1862.

Une carrière prolifique
Le jeune homme devient alors membre de l’Institut canadien de Montréal, qui a maille à partir avec l’évêque, Mgr Bourget, hostile à l’esprit libéral de ses membres. Commence alors la carrière d’homme de lettres de Buies : il prononce des conférences, publie des textes polémiques dans divers journaux ainsi que Lettres sur le Canada, une brochure dans laquelle il dénonce la mainmise du clergé sur la société canadienne-française.
   En septembre 1868, il fonde son propre journal hebdomadaire, La Lanterne canadienne, dont il est l’unique rédacteur et qui cesse de paraître au bout de 27 numéros, victime de son radicalisme et de l’hostilité du clergé. Buies a toutefois pu y aborder en toute liberté les thèmes qui lui seront chers pendant toute sa vie : la lutte contre le cléricalisme, le plaidoyer pour une langue française de qualité et la nécessité de déconfessionnaliser le système scolaire et d’y introduire un enseignement des sciences plus poussé. Voilà des opinions peu banales émises dans le Québec de la fin des années 1860 par un homme qui n’a pas trente ans.
   Au cours des années 1870, Arthur Buies est chroniqueur pour divers journaux, un rôle dans lequel il excelle. Il lance un nouveau journal, Le Réveil, qui paraît de mai à décembre 1876. Sans doute usé par ses divers combats, il traverse en 1879 une importante crise morale et, après plus de 20 ans d’abstention, revient à la pratique religieuse. Il se lie alors d’amitié avec le curé François-Xavier-Antoine Labelle, figure majeure de la colonisation. Ce sera un véritable tournant dans sa vie professionnelle.

«Emparons-nous du sol!»
Buies entreprend alors de défendre l’idéal de la colonisation du territoire québécois avec la passion et l’ardeur qui le caractérisent. Déjà en 1863 il a publié deux articles sur le sujet dans le journal Le Défricheur. Le premier ouvrage de Buies en faveur de la colonisation paraît en 1880 et porte un titre qui en résume bien le programme : Le Saguenay et la vallée du lac Saint-Jean : étude historique, géographique, industrielle et agricole. Il s’agit d’une commande de la Commission des Terres de la Couronne. Il veut faire de ce livre «le plus complet de tous ceux qui aient jamais été écrits sur le Saguenay et le lac Saint-Jean».
   En 18 chapitres et quelque 350 pages entrecoupées d’une dizaine d’illustrations montrant des lieux pittoresques et des villages, Buies met sa remarquable plume au service de l’idéologie du curé Labelle et se fait l’ardent promoteur de l’occupation du sol – la devise «Emparons-nous du sol» figure en tête du titre de l’ouvrage –, de l’agriculture et du développement industriel. Tirant la matière de son livre autant de la documentation existante que de ses visites sur le terrain, il relate d’abord l’histoire ancienne de la région puis décrit par le menu la géographie de la rivière Saguenay et l’histoire de son développement. Il ne manque pas de faire l’éloge du rôle joué par les industriels du bois William Price et Peter McLeod, passant sous silence les excès provoqués par le véritable monopole qu’ils exercent sur l’économie de la région. Il aborde ensuite de la même façon la région du lac Saint-Jean puis s’aventure, sans avancer d’arguments solides, à expliquer la formation géologique de la région par «un grand cataclysme» survenu «dans les temps préhistoriques». Il décrit enfin l’histoire des voies d’accès à la région et l’état du système d’instruction publique.
   L’ardeur de Buies dans la défense de la colonisation du territoire québécois ne se démentira pas. Ce premier ouvrage sera réédité en 1896 et Buies reviendra à plusieurs reprises sur le sujet du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il publiera également des ouvrages sur les régions de l’Outaouais, des Laurentides, du Bas-Saint-Laurent et de la vallée de la Matapédia. En 1900, un an avant sa mort, paraît La Province de Québec, une vaste synthèse qui lui a été commandée par le département de l’Agriculture. Jusqu’au bout Buies aura défendu passionnément un territoire pour lequel il n’a jamais caché son attachement.

Par Daniel Chouinard
Bibliothécaire, Direction du dépôt légal et des acquisitions


Commentaire perso : 
Le curé Labelle a dû «persuader» Buies de renier son anticléricalisme pour rester fonctionnaire. Aller à la messe le dimanche, ce n’était pas si cher payer pour continuer à voyager et à chroniquer aux frais de l’État. Personne n’est parfait ou tout le monde est achetable...

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Les biographes de Buies semblent omettre un détail relativement important concernant sa famille. En effet, la mère de Buies, Marie-Antoinette-Léocadie d'Estimauville, née à Québec le 13 mars 1811, était la sœur de Joséphine-Éléonore d’Estimauville, née le 30 août 1816. Le 16 juillet 1834, cette dernière épousa à Québec Louis-Paschal-Achille Taché, propriétaire d’une partie de la seigneurie de Kamouraska. Celui-ci devait être assassiné par l'amant d'Éléonore d'Estimauville, le docteur George Holmes, le 31 janvier 1839. Cette histoire a inspiré Anne Hébert pour son roman Kamouraska. (Wikipédia)

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