@Twittakine
J'ai
dépoussiéré une fois.
C’est revenu.
Je ne me fais
plus avoir.
Vive les
chaussons-serpillières!
«Si je me
présentais, je ne pourrais faire que les souhaits suivants : Madame, ou
Mademoiselle, je vous souhaite de lire, de vous instruire, d’apprendre autre
chose qu’à décolleter vos corsages, à préparer vos robes de bal. Je vous
souhaite d’aller moins aux neuvaines, aux confréries, mais de cultiver votre
esprit qui en a besoin, de vous rappeler que vous avez une intelligence, et que
vous ne devez pas la faire servir uniquement à tricoter, et à préparer la
soupe, que vous n’êtes pas seulement une machine dont l’homme se sert, qu’il
s’adjoint, que vous ne devez pas permettre à votre confesseur de fourrer le nez
constamment dans votre ménage, non pour le diriger, mais pour savoir ce qui s’y
passe, que vos devoirs de famille, vous les connaissez mieux que lui qui n’en
n’a pas, que vous n’êtes pas une «méchante bourrique», malgré qu’en ait dit
Saint Jean de Damas qui n’avait que des chameaux, mais que vous êtes une belle
et noble créature dont les prêtres se font un instrument de domination et
d’abrutissement; que vous avez trop de scapulaires et de médailles, et pas
assez de connaissances pour vous éclairer sur les stupidités abjectes dont on
vous nourrit, que vous serez éternellement un être inférieur tant que vous vous
livrerez aux enfantillages et aux niaiseries qui forment les trois quarts de
votre éducation, tandis que vous devez être l’égale de l’homme, pour être à bon
droit sa compagne... &...» Mais je passerais pour un impertinent, et je
serais éconduit, ce que j’évite en restant chez moi.
~ Arthur Buies,
1840-1901 (féminisme et anticléricalisme)
Arthur Buies : improbable allié du
curé Labelle
Le 26 janvier
1901, s’éteignait à Québec Arthur Buies. Le XIXe siècle québécois a produit peu
d’esprits aussi libres que celui d’Arthur Buies, qui fut tour à tour
journaliste, écrivain et fonctionnaire sans jamais renoncer à exercer un
remarquable talent de polémiste. Né en 1840 près de Montréal, il est rapidement
confié à deux grand-tantes maternelles qui s’efforcent de contenir le
tempérament rebelle qu’affiche déjà le jeune Arthur, qui est renvoyé de
plusieurs collèges. Il ne revoit son père, installé en Guyane depuis sa
naissance, qu’en 1856. Celui-ci l’envoie faire des études à Dublin, mais Arthur
ne l’entend pas de cette oreille et décide rapidement de s’installer plutôt à
Paris. Il a tout juste 17 ans, fréquente le lycée impérial Saint-Louis et
échoue quatre fois à l’examen du baccalauréat. En proie à de graves difficultés
financières – son père lui a coupé les vivres –, il rentre au Canada en 1862.
Une carrière prolifique
Le jeune
homme devient alors membre de l’Institut canadien de Montréal, qui a maille à
partir avec l’évêque, Mgr Bourget, hostile à l’esprit libéral de ses membres.
Commence alors la carrière d’homme de lettres de Buies : il prononce des
conférences, publie des textes polémiques dans divers journaux ainsi que
Lettres sur le Canada, une brochure dans laquelle il dénonce la mainmise du
clergé sur la société canadienne-française.
En septembre 1868, il fonde son propre
journal hebdomadaire, La Lanterne
canadienne, dont il est l’unique rédacteur et qui cesse de paraître au bout
de 27 numéros, victime de son radicalisme et de l’hostilité du clergé. Buies a
toutefois pu y aborder en toute liberté les thèmes qui lui seront chers pendant
toute sa vie : la lutte contre le cléricalisme, le plaidoyer pour une langue
française de qualité et la nécessité de déconfessionnaliser le système scolaire
et d’y introduire un enseignement des sciences plus poussé. Voilà des opinions
peu banales émises dans le Québec de la fin des années 1860 par un homme qui
n’a pas trente ans.
Au cours des années 1870, Arthur Buies est
chroniqueur pour divers journaux, un rôle dans lequel il excelle. Il lance un
nouveau journal, Le Réveil, qui
paraît de mai à décembre 1876. Sans doute usé par ses divers combats, il
traverse en 1879 une importante crise morale et, après plus de 20 ans
d’abstention, revient à la pratique religieuse. Il se lie alors d’amitié avec
le curé François-Xavier-Antoine Labelle, figure majeure de la colonisation. Ce
sera un véritable tournant dans sa vie professionnelle.
«Emparons-nous du sol!»
Buies
entreprend alors de défendre l’idéal de la colonisation du territoire québécois
avec la passion et l’ardeur qui le caractérisent. Déjà en 1863 il a publié deux
articles sur le sujet dans le journal Le
Défricheur. Le premier ouvrage de Buies en faveur de la colonisation paraît
en 1880 et porte un titre qui en résume bien le programme : Le Saguenay et la vallée du lac Saint-Jean
: étude historique, géographique,
industrielle et agricole. Il s’agit d’une commande de la Commission des
Terres de la Couronne. Il veut faire de ce livre «le plus complet de tous ceux
qui aient jamais été écrits sur le Saguenay et le lac Saint-Jean».
En 18 chapitres et quelque 350 pages
entrecoupées d’une dizaine d’illustrations montrant des lieux pittoresques et
des villages, Buies met sa remarquable plume au service de l’idéologie du curé
Labelle et se fait l’ardent promoteur de l’occupation du sol – la devise
«Emparons-nous du sol» figure en tête du titre de l’ouvrage –, de l’agriculture
et du développement industriel. Tirant la matière de son livre autant de la
documentation existante que de ses visites sur le terrain, il relate d’abord
l’histoire ancienne de la région puis décrit par le menu la géographie de la
rivière Saguenay et l’histoire de son développement. Il ne manque pas de faire
l’éloge du rôle joué par les industriels du bois William Price et Peter McLeod,
passant sous silence les excès provoqués par le véritable monopole qu’ils
exercent sur l’économie de la région. Il aborde ensuite de la même façon la
région du lac Saint-Jean puis s’aventure, sans avancer d’arguments solides, à
expliquer la formation géologique de la région par «un grand cataclysme»
survenu «dans les temps préhistoriques». Il décrit enfin l’histoire des voies
d’accès à la région et l’état du système d’instruction publique.
L’ardeur de Buies dans la défense de la
colonisation du territoire québécois ne se démentira pas. Ce premier ouvrage
sera réédité en 1896 et Buies reviendra à plusieurs reprises sur le sujet du
Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il publiera également des ouvrages sur les régions de
l’Outaouais, des Laurentides, du Bas-Saint-Laurent et de la vallée de la
Matapédia. En 1900, un an avant sa mort, paraît La Province de Québec, une vaste synthèse qui lui a été commandée
par le département de l’Agriculture. Jusqu’au bout Buies aura défendu
passionnément un territoire pour lequel il n’a jamais caché son attachement.
Par Daniel
Chouinard
Bibliothécaire,
Direction du dépôt légal et des acquisitions
Commentaire perso :
Le curé
Labelle a dû «persuader» Buies de renier son anticléricalisme pour rester
fonctionnaire. Aller à la messe le dimanche, ce n’était pas si cher payer pour continuer
à voyager et à chroniquer aux frais de l’État. Personne n’est
parfait ou tout le monde est achetable...
---
Les
biographes de Buies semblent omettre un détail relativement important
concernant sa famille. En effet, la mère de Buies, Marie-Antoinette-Léocadie
d'Estimauville, née à Québec le 13 mars 1811, était la sœur de
Joséphine-Éléonore d’Estimauville, née le 30 août 1816. Le 16 juillet 1834,
cette dernière épousa à Québec Louis-Paschal-Achille Taché, propriétaire d’une
partie de la seigneurie de Kamouraska. Celui-ci devait être assassiné par
l'amant d'Éléonore d'Estimauville, le docteur George Holmes, le 31 janvier
1839. Cette histoire a inspiré Anne Hébert pour son roman Kamouraska. (Wikipédia)
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