26 mai 2019

«Trump, lâche mes trompes!»

Plusieurs manifestations en faveur du droit à l’avortement ont eu lieu aujourd’hui. Par solidarité envers les Américaines et en prévention du harcèlement de la droite religieuse canadienne visant à en restreindre l'accès.

Manifestation à Montréal pour le droit à l'avortement

Sara Champagne | La Presse, 26 mai 2019

Photo (vidéo) : Robert Skinner, La Presse

Le mouvement de défense du droit à l'avortement s'étend au Québec. Après plusieurs marches dans les grandes villes de l'Alabama et de la Géorgie, où les lois les plus restrictives des États-Unis viennent d'être adoptées, des manifestants se sont réunis devant l'hôtel de ville de Montréal pour faire valoir le droit constitutionnel à l'avortement au Canada.
   Ce sont surtout des jeunes femmes qui ont pris part à la marche qui s'est dirigée vers 14 h, devant le consulat des États-Unis, de Montréal, en longeant d'abord une partie du boulevard Saint-Laurent. La militante, Margaret Gordon, est venue d'Ottawa pour encourager le groupe à se joindre à une grande marche silencieuse, le 15 juin prochain, sur la colline parlementaire. Elle a enjoint le groupe de défense à porter du noir.
   «Les élections fédérales s'en viennent, souvenez-vous pour qui vous allez voter», a-t-elle lancé à la foule. «On ne va pas s'asseoir sur nos lauriers. Ça ne fonctionne pas comme ça au Canada, on ne va pas revenir en arrière», a-t-elle dit en référence au chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, qui n'a pas rejeté l'idée d'un débat sur le droit à l'avortement si des députés déposaient un projet de loi à la Chambre des communes.
   Sur des pancartes, les manifestantes ont passé des messages : «We won't go back», «Trump, lâche mes trompes»...
   Peu de temps après le début de la manifestation, le ton a monté quand un passant s'est montré ouvertement contre l'avortement. Rapidement, il a été entouré de femmes en colère. Il a fini par se retirer de la marche.
   En appui, une poignée d'hommes en faveur du droit à l'avortement sont restés plutôt en retrait de la foule. Surtout des jeunes hommes. Des patrouilleurs du Service de police de la Ville de Montréal ont assuré la sécurité de la marche. Samedi, le Festival de Cannes a lui aussi été le théâtre d'une manifestation pour le droit des femmes à l'avortement.

Manifestation pro-choix devant le consulat américain à Montréal

Roxanne Ocampo | La Presse canadienne / Le Devoir, 26 mai 2019

Photo: Andrew Caballero-Reynolds Agence France-Presse La décision des élus de l’Alabama d’interdire l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste, a provoqué une onde de choc aux États-Unis.

[...] La co-coordonnatrice de la Fédération du Québec pour le planning des naissances, Mariane Labrecque, explique que les opposants canadiens au droit à l’avortement concentrent leurs efforts sur l’accès aux services d’interruption de grossesse.
   L’avortement a été complètement décriminalisé en sol canadien en 1988, lorsque Cour suprême s’est penchée sur une cause concernant le Dr Henry Morgentaler. Dès l’année suivante, le plus haut tribunal au pays a déterminé le statut juridique d’un foetus, en tranchant que l’on ne devient une personne au sens de la loi qu’une fois mis au monde, vivant et viable.
   Le droit à l’avortement s’appuie sur une solide jurisprudence, mais ne fait l’objet d’aucune loi, explique Mme Labrecque. Il est donc plus difficile pour des politiciens d’en restreindre la portée, car plutôt que de simplement amender un texte existant comme le fait la droite religieuse aux États-Unis, il faudrait carrément le recriminaliser.
   «Là où ils peuvent avoir énormément de poids, c’est ce qu’ils font en ce moment, c’est-à-dire faire élire des politiciens anti-avortement qui vont non seulement travailler à rendre l’avortement socialement inacceptable, faire de la propagande, mais aussi mettre des bâtons dans les roues pour l’accès aux soins de santé», expose-t-elle.
   Tandis que même au Québec, l’accès à un avortement rapide, gratuit et sans stigmatisation laisse parfois à désirer, la situation est, selon elle, «catastrophique» dans d’autres provinces, comme celles du Canada atlantique par exemple.
   Mme Labrecque observe avec appréhension la montée en force de certains politiciens de droite opposés à l’avortement et espère que les positions des candidats aux élections fédérales ne passeront pas sous le radar cet automne.
   Interrogé sur le sujet plus tôt cette semaine, le chef conservateur Andrew Scheer s’est engagé à ne pas rouvrir cette boîte de Pandore, sans pour autant s’avancer sur son propre point de vue. Il n’a pas non plus voulu préciser s’il entend permettre à ses députés de déposer un projet de loi privé sur la question.
   Quant au chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier*, il a récemment refusé de se dire «pro-vie» ou «pro-choix», mais n’a pas exclu la tenue d’un éventuel débat à la Chambre des communes.

* À propos : Maxime Bernier est convaincu de ce qu’il avance et il croit réellement porter une vision d’avenir pour les Canadiens. Une vision qui comprend notamment la possibilité de rouvrir la question du droit à l’avortement. Une vision qui prétend que les femmes sont peu nombreuses parmi ses candidats parce «qu’elles ont d’autres priorités. Venir en politique, c’est quand même tout un sacrifice.» Avec ses idées calquées sur celles de Trump et tout droit tirées de l’Amérique profonde des années 40, Maxime Bernier crie déjà aux «fake news» et à la désinformation... 
(Marie-Ève Doyon, Le Journal de Québec)

Image : André-Philippe Côté, Le Soleil 17.05.2019

Mon livre
Louise Ackermann
Paris, 7 janvier 1874

Je ne vous offre plus pour toutes mélodies
Que des cris de révolte et des rimes hardies.
Oui! Mais en m’écoutant si vous alliez pâlir?
Si, surpris des éclats de ma verve imprudente,
Vous maudissez la voix énergique et stridente
Qui vous aura fait tressaillir?

Pourtant, quand je m’élève à des notes pareilles,
Je ne prétends blesser les cœurs ni les oreilles.
Même les plus craintifs n’ont point à s’alarmer;
L’accent désespéré sans doute ici domine,
Mais je n’ai pas tiré ces sons de ma poitrine
Pour le plaisir de blasphémer.

Comment? la Liberté déchaîne ses colères;
Partout, contre l’effort des erreurs séculaires;
La Vérité combat pour s’ouvrir un chemin;
Et je ne prendrais pas parti de ce grand drame?
Quoi! ce cœur qui bat là, pour être un cœur de femme,
En est-il moins un cœur humain?

Est-ce ma faute à moi si dans ces jours de fièvre
D’ardentes questions se pressent sur ma lèvre?
Si votre Dieu surtout m’inspire des soupçons?
Si la Nature aussi prend des teintes funèbres,
Et si j’ai de mon temps, le long de mes vertèbres,
Senti courir tous les frissons?

Jouet depuis longtemps des vents et de la houle,
Mon bâtiment fait eau de toutes parts; il coule.
La foudre seule encore à ses signaux répond.
Le voyant en péril et loin de toute escale,
Au lieu de m’enfermer tremblante à fond de cale,
J’ai voulu monter sur le pont.

À l’écart, mais debout, là, dans leur lit immense
J’ai contemplé le jeu des vagues en démence.
Puis, prévoyant bientôt le naufrage et la mort,
Au risque d’encourir l’anathème ou le blâme,
À deux mains j’ai saisi ce livre de mon âme,
Et j’ai lancé par-dessus bord.

C’est mon trésor unique, amassé page à page.
À le laisser au fond d’une mer sans rivage
Disparaître avec moi je n’ai pu consentir.
En dépit du courant qui l’emporte ou l’entrave,
Qu’il se soutienne donc et surnage en épave
Sur ces flots qui vont m’engloutir!

Poésies Philosophiques  Cueilli sur https://www.poetica.fr/   

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