Ras-le-bol unanime!
Caricature :
André-Philippe Côté; quotidien Le Soleil 29.03.2019
L'extrait suivant est tiré de Damnée Race Humaine [The
Lowest Animal] écrit en 1909; recueil Letters
from the Earth. Il s’agit d’une satire de Mark Twain sur la nature humaine
où il décrit les
expériences qu'il aurait menées aux jardins zoologiques de Londres. Il prend à contre pied la
théorie de l'évolution des espèces de Charles Darwin selon laquelle les humains
ont évolués à partir d'ancêtres primitifs ou d'«animaux inférieurs» – selon lui, ils sont «supérieurs»
aux humains et par conséquent nous ne descendons pas d'eux.
«L’homme
est un Animal Religieux. Il est le seul Animal Religieux. Il est le seul animal
qui a la Vraie Religion – même plusieurs. Il est le seul animal qui aime son
voisin comme lui-même, mais lui coupe la gorge si sa théologie n’est pas
correcte. Il a transformé le globe en cimetière en essayant de son mieux
d’aplanir le chemin de son frère vers le bonheur et le paradis. Il faisait cela
à l’époque des Césars, il le faisait à l'époque de Mahomet, il le faisait à
l'époque de l’Inquisition, il l'a fait en France pendant deux siècles, il l’a
fait en Angleterre à l'époque de la Reine Marie, il l’a fait depuis qu’il a vu
la lumière, il le fait aujourd’hui en Crète, il le fera ailleurs demain. Les
Animaux Supérieurs n’ont pas de religion. Et on nous dit qu’ils seront laissés pour
compte dans l’après vie. Je me demande pourquoi? C'est fort discutable.
En
vérité, l’homme est incurablement stupide. Il est incapable d’apprendre des
choses simples qu'apprennent sans effort d'autres animaux. Parmi mes
expériences il y a eu celle-ci. En une heure j’ai appris à un chat à être ami
avec un chien. Je les ai mis dans une cage. Une heure plus tard, je leur ai
appris à être amis avec un lapin. En deux jours, j’ai pu ajouter un renard, une
oie, un écureuil et des colombes. Et à la fin, un singe. Ils vivaient ensemble
en paix; même avec affection.
Ensuite
dans une autre cage, j’ai enfermé un prêtre irlandais de Tipperary, et très
rapidement quand il a semblé s'apprivoiser, j’ai introduit un presbytérien
écossais d’Aberdeen. Ensuite, un turc de Constantinople, un grec chrétien de
Crète; un arménien, un méthodiste des contrées sauvages de l’Arkansas; un
bouddhiste de Chine; un brahmane de Bénarès. Et enfin un colonel de l'Armée du
Salut de Wapping. Je me suis tenu à l'écart pendant deux jours entiers. En
revenant pour noter les résultats, tout allait bien dans la cage des Animaux
Supérieurs, mais dans l'autre ce n'était qu'un horrible bric-à-brac de turbans
et de fez, de tartans et d'os et de chair – plus un seul spécimen en vie. Ces
animaux dotés de raison n'étaient pas d'accord sur un détail de théologie et
voulaient porter l'affaire en Cour supérieure. On est obligé de concéder que pour une réelle
noblesse de caractère, l'Homme ne peut prétendre approcher même le plus simple
des Animaux Supérieurs.»
Mark Twain, ouvertement anti-religions, a écrit ce texte il y a 110 ans pile! Or nous voilà encore en train de déraisonner sur les damnées religions.
Mark Twain, ouvertement anti-religions, a écrit ce texte il y a 110 ans pile! Or nous voilà encore en train de déraisonner sur les damnées religions.
Je suis si heureux de savoir que ... de toutes
les diverses religions ... j’ai été formé dans ... la seule qui détient ...
la vraie vérité!!
«Si
l’athéisme est une religion, alors chauve est une couleur de cheveux.»
(Anonyme)
Pamphlétaire,
Jacques Prévert se fit beaucoup d’ennemis; comme Victor Hugo, mais un Hugo qui
aurait été prolétaire, il avait le verbe haut et s’en prenait courageusement
aux imposteurs de toutes sortes. «Jacques Prévert a transité par l'enseignement
religieux. Il a gardé une sainte horreur de la divine comédie des dogmes et des
«ismes». Prévert veut se moquer des intérêts sacralisés, il dénonce l'éducation
répressive que la morale impose, les habitudes castratrices que le bourgeois
défend et qui participent du mensonge, de l'injustice, de la démarche
claudicante du monde.» ~ Danièle Gasiglia-Laster
Extrait
de La Crosse en l’air*
Jacques Prévert
Je
ne suis pas libre penseur dit le veilleur
je
suis athée
Hein
quoi dit le Saint-Père
et
l’autre dans le tuyau de son oreille
l’autre
se met à gueuler
Allô
allô Saint-Père vous m’entendez
athée
A
comme absolument athée
T
comme totalement athée
H
comme hermétiquement athée
É
accent aigu comme étonnamment athée
E
comme entièrement athée
pas
libre penseur
athée
il
y a une nuance
* La Crosse en l’air (1936), dans Paroles
(1949), Jacques Prévert, éd. Le Livre de poche, 1960, p. 130-131
Confidences d'un mécréant humaniste
Normand Baillargeon
Mediapart
| Blog Le Monde libertaire | 27 mars 2016
(Extrait)
Je
ne l’ai jamais caché : je suis athée, athée comme Prévert avoue l’être, je veux
dire absolument, totalement, hermétiquement, étonnamment (du moins, je le
présume, aux yeux de certaines personnes) et entièrement. Et je pense même me
souvenir l’avoir été très jeune. Pour citer de nouveau le poète, je pense
depuis toujours être «intact de Dieu».
[...]
l’athéisme et toutes les variétés de la non-croyance (agnosticisme, Bright,
humanisme athée, anticléricalisme, par exemple) sont, sur l’objet religion, des
positions avérées, issues elles aussi d’une riche tradition : elles sont
légitimes et respectables et doivent être prises en compte. Les croyants qui
voient dans certaines de leurs manifestations des blasphèmes doivent comprendre
qu’aux yeux de bon nombre d’incroyants, dont moi, de manière symétriquement
inverse, un grand nombre de manifestations de la religion sont, très
précisément, des blasphèmes. À mes yeux, je ne le cache pas, églises,
synagogues, temples, mosquées, prêtres, imams, rabbins, pasteurs, soutanes,
prières, chapelets, et mille autres choses encore sont, par bien des aspects,
des blasphèmes contre ce qui occupe dans mon échelle de valeur cet équivalent
laïque du sacré, et contre certaines des valeurs que je chéris le plus :
l’amour de l’humanité, la solidarité, la raison, le progrès et bien d’autres
encore. Ils avilissent l’être humain, le rapetissent, le rendent stupide,
soumis, et contribuent à le transformer en ce mouton docile qu’on conduit à
l’abattoir économique, politique, social. On l’aura deviné : je fais tout ce
qui est en mon pouvoir pour ne jamais mettre les pieds dans une église, une
mosquée, une synagogue ou quelque lieu semblable que ce soit.
[...]
le mécréant que je suis doit avouer s’être souvent étonné de l’énormité de
l’ignorance en matière religieuse qu’on découvre chez certains croyants. Voilà
des gens qui disent avoir la foi, qui assurent qu’elle est ce qu’il y a de plus
important dans leur vie, mais qui ne donnent aucun indice de s’être intéressé
de près au contenu de leur croyance, qui n’ont jamais véritablement lu la
littérature où leur foi est exposée et défendue – à commencer par La Bible – et
qui n’ont jamais cherché non plus à connaître les arguments de ceux qui ne
croient pas en leur dieu, qu’il s’agisse d’incroyants ou d’adeptes d’autres
religions. Toute ma vie j’ai rencontré, en grand nombre, de telles personnes et
cela ne cesse de me renverser. Ce serait certes une exagération de dire que la
plupart des croyants que j’ai rencontrés sont soit des ignorants de leur propre
religion, soit des fanatiques, soit les deux à la fois, mais cette exagération
ne serait pas si grande que cela.
De
plus, les religions instituées ont eu cette terrible tendance à être du côté
des possédants et des puissants et à contribuer de manière massive à
l’oppression des plus faibles. On me permettra de m’appuyer pour cette dernière
affirmation sur la parole d’un prêtre, le curé Meslier, qui, à sa mort, légua à
ses ouailles et au monde un testament expliquant à quiconque voudrait
l’entendre les rôles complémentaires que jouaient à son époque (c’était au
XVIIIe siècle) les curés et les politiques dans l’asservissement de la
population française. «L’humanité,
assurait ce brave homme, ne sera heureuse
que le jour où le dernier des tyrans aura été pendu avec les tripes du dernier
prêtre.» Il s’en expliquait ainsi :
«La
religion soutient le gouvernement politique, si méchant qu’il puisse être, et à
son tour le gouvernement soutient la religion, si sotte et si vaine qu’elle
puisse être. D’un côté, les prêtres, qui sont les ministres de la religion,
recommandent sous peine de malédiction et de damnation éternelle d’obéir aux
magistrats, aux princes et aux souverains comme étant établis de dieu pour
gouverner les autres ; et les princes, de leur côté, font respecter les prêtres
leur font donner de bons appointements et de bons revenus et les maintiennent
dans les fonctions vaines et abusives de leur faux ministère, contraignant le
peuple de regarder comme saint et comme sacré tout ce qu’ils font et tout ce
qu’ils ordonnent aux autres de croire ou de faire sous ce beau et spécieux
prétexte de religion et de culte divin.
Et voilà encore un coup comme les abus et comme les erreurs, les
superstitions, les illusions et la tromperie se sont établis dans le monde et
comme ils s’y maintiennent au grand malheur des pauvres peuples qui gémissent
sous de si rudes et si pesants jougs.»
[...]
De
mon côté j’attends le jour, que je sais fort bien que je ne verrai pas, où les
religions auront disparu et seront remplacées par une morale humaniste par
laquelle – à travers des valeurs comme l’intégrité, la solidarité, le courage,
la bienveillance, la vérité et l’honnêteté – la raison et l’amour seront
harmonieusement conjugués et satisferont pleinement notre besoin de ce qu’on
pourra, pourquoi pas, appeler «spiritualité».
Article
intégral :
Le sceptique
Georges Brassens (1921-1981) | Paroles
Imitant Courteline, un sceptique notoire,
Manifestant ainsi que l'on me désabuse,
J'ai des velléités d'arpenter les trottoir(e)s
Avec cette devise écrite à mon gibus :
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Dieu, diable, paradis, enfer et purgatoire,
Les bons récompensés et les méchants punis,
Et le corps du Seigneur dans le fond du ciboire,
Et l'huile consacrée comme le pain bénit,
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Et la bonne aventure et l'art divinatoire,
Les cartes, les tarots, les lignes de la main,
La clé des songes, le pendule oscillatoire,
Les astres indiquant ce que sera demain,
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Les preuves à l'appui, les preuves péremptoires,
Témoins dignes de foi, metteurs de mains au feu,
Et le respect de l'homme à l'interrogatoire,
Et les vérités vraies, les spontanés aveux,
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Le bagne, l'échafaud entre autres exutoires,
Et l'efficacité de la peine de mort,
Le criminel saisi d'un zèle expiatoire,
Qui bat sa coulpe bourrelé par le remords,
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Sur les tombeaux les oraisons déclamatoires,
Les : «C'était un bon fils, bon père, bon mari»,
«Le meilleur d'entre nous et le plus méritoire»,
«Un saint homme, un cœur d'or, un bel et noble esprit»
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Les «Saint-Jean bouche d'or», les charmeurs d'auditoire,
Les placements de sentiments de tout repos,
Et les billevesées de tous les répertoires,
Et les morts pour que naisse un avenir plus beau,
«Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.»
Mais j'envie les pauvres d'esprit pouvant y croire.
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