20 mai 2019

Subjective notion de liberté

Que signifie liberté pour vous?
Est-ce la libération intérieure – de la peur, du doute, de la colère, de l'orgueil, des préjugés et de l'obsession de soi?
La liberté est-elle la somme de mille libertés quotidiennes que nous tenons pour acquises?
Ouvrir un compte bancaire.
S'inscrire à un cours.
Porter une minijupe.
Changer de médecin ou de religion – ou de couleur de cheveux.
Dire non.

La moitié du monde n'a aucune idée de ce que signifie avoir le choix.

«Il est facile de tenir la liberté pour acquise, quand on ne vous l'a jamais enlevée.» 
~ G. K. Chesterton

Traite d’esclaves, Lybie 2017. Dans un centre de rétention pour migrants, à Tripoli, CNN avait rencontré des migrants en attente d’expulsion vers leur pays d’origine. L’un d’entre eux, un jeune Nigérian nommé Victory, expliquait, face caméra, qu’il avait été vendu lors d’une enchère aux esclaves. Le jeune homme de 21 ans avait fui son pays, avec toutes ses économies, pour essayer d’atteindre l’Europe. Il racontait avoir été détenu dans des conditions déplorables, privé de nourriture et maltraité par ses ravisseurs. «Si vous demandez à la plupart des gens ici, si vous regardez leurs corps, vous verrez les marques, ils ont été battus, mutilés.»

Photo : Florian Büttner, à Dubaï



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«Un comité peut prendre une décision qui est plus stupide que n'importe lequel de ses membres.» ~ David B. Coblitz

Un ex-sous-ministre au Ministère du Revenu du Québec, Pierre-André Paré, avait déclaré devant une commission de l’Assemblée Nationale du Québec (Le Devoir, le 6 avril 1996) : «Tout est privilège concédé par l’état : votre voiture, votre maison, votre profession, bref votre vie; et ce que l’état donne, il peut le reprendre si vous n’êtes pas un contribuable docile.» (Évidemment, cela ne s’appliquait pas à la classe des fortunés qui déposaient leurs économies dans des Paradis fiscaux) 

Je n’oublie pas cette citation... Notre système politique est un pastiche de démocratie qu’il vaudrait mieux appeler «dictature démocratique».

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«Si le monde devait exploser, la dernière voix audible serait celle d'un expert disant que c'est impossible.» ~ Peter Ustinov

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Fin de notre ère historique

Vous avez sans doute noté que les civilisations de cette planète s’élèvent et s’effondrent avec une remarquable régularité. Les récits historiques de ces événements fournissent toujours des explications aux déclins. Dans le cas de l'effondrement de Rome, les historiens invoquent des facteurs tels que la décadence morale et une regrettable épidémie d'intoxication au plomb. Cependant, ceux-ci n’étaient que des symptômes, non pas la cause de la ruine de Rome.
   La vraie cause de l’ascension et du déclin des civilisations, incluant Rome, est que les idéologies, les systèmes politiques et les structures sociales n'ont pas réussi à libérer quiconque  – surtout pas les civilisations elles-mêmes – de la vicieuse emprise de la peur. Les civilisations s’effondrent pour une seule raison : elles sont toutes construites sur la peur et le déni. Conséquemment, les populations sombrent dans les orgies ou l’alcool et bouffent du plomb, soit pour se détourner de l'horrible réalité, soit pour en sortir au plus vite. Et, puisque le vrai problème n'est jamais résolu, la servitude humaine continue sans interruption d'une civilisation à l'autre, assurant l'effondrement ultime de chacune d’elle à tour de rôle. L'histoire ne se répète pas – elle bégaie sur un problème qu’elle refuse d’envisager.
   Les Américains sont un autre excellent exemple de cette descente dysfonctionnelle répétitive vers l'esclavage et l'effondrement. Dupés par leur déclaration d'indépendance, ils s’imaginent être libres. Mais, avoir son mot à dire sur l'emplacement de la prochaine centrale nucléaire sans pouvoir refuser sa construction, manger tout ce qui provient d’une chaîne alimentaire complètement toxique, et réclamer son droit inaliénable à une extension du paiement des impôts (utilisés pour les tuer), ne sont pas les libertés auxquelles faisaient référence les auteurs de la Constitution.
   Même si les prisons individuelles des Américains sont dispendieuses, décorées avec goût et équipées de technologies avancées, elles n’en demeurent pas moins des cellules. Troquer la vie contre la survie économique n'est pas la liberté; la liberté c’est être dégagé à la fois de la peur et de la survie. C’est ce genre de liberté qui devait initialement s'épanouir aux États-Unis. En vérité, les auteurs derrière la Constitution américaine n'étaient pas la Banque d’Amérique, la Réserve fédérale ou l'IRS.    L'Amérique, en agissant par peur, est en train de tourner le dos à son destin et fait face à un crash imminent. Cependant, elle est en bonne compagnie, parce que le reste du monde fait la même chose. Le déni ne peut pas libérer la terre des scénarios dysfonctionnels et répétitifs de destruction et de déclin.
   Les récits historiques n'ont pas fait grand chose d’autre que de propager des mensonges. Même si un compte-rendu historique est exact (ce qui n'est généralement pas le cas), l'événement décrit n'est rien de plus qu’un récit basé sur un mensonge fondamental. Par conséquent, la vérité qu’aurait pu contenir la description est invariablement exclue.
   La fin de l'histoire ne doit pas être perçue comme un événement effrayant. L'histoire a été l'événement effrayant. Sa fin représente une libération pouvant exalter l'humanité, non pas lui enlever son pouvoir. Les célébrations qui marqueront la fin de vos guerres mondiales ressembleront à d’ennuyeuses petites fêtes comparativement à la célébration globale de la paix et de la libération véritable qui marquera la fin de l’ère historique.

~ Diana Luppi (alias Zoev Jho)   

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Le point de vue d’une historienne... optimiste

Climat : le piège du déclin des civilisations

Le Devoir | 9 mars 2019

Une fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés d’histoire le défi de décrypter un thème d’actualité à partir d’une comparaison avec un événement ou un personnage historique.
   Les changements climatiques, la gestion des ressources naturelles et notre relation à l’environnement sont au coeur de l’actualité. Les citoyens éveillés aux enjeux environnementaux souhaitent apporter leur part, ne serait-ce qu’en réduisant leur utilisation du plastique ou en compostant davantage. Ces préoccupations teintent la manière dont les médias et le public interprètent les découvertes du passé.

Par Evelyne Ferron
Chargée de cours en histoire ancienne à l’Université de Sherbrooke et professeure d’histoire au collège Mérici

Depuis près de quarante ans, les historiens et les archéologues s’intéressent aux relations entre les hommes et leur environnement. Grâce aux nouvelles technologies, ils publient des analyses détaillées sur des peuples anciens confrontés à des changements environnementaux ou à des catastrophes naturelles. Si les travaux publiés dans les revues scientifiques sont généralement précis et nuancés, leur diffusion dans les journaux, qui les coiffent de titres accrocheurs, laisse parfois une impression d’apocalypse.

Sécheresses
Le cas le plus médiatisé du moment est sans conteste celui des Mayas, qui ont graduellement abandonné leurs cités entre les années 800 et 1000. Des recherches récentes ont mis en lumière une combinaison de facteurs expliquant cet exode, dont la surexploitation et l’appauvrissement des sols découlant d’une importante hausse démographique.
   Des analyses chimiques de stalagmites ont permis de démontrer que la déforestation visant à étendre les espaces cultivables et les zones habitables a déréglé le climat local. Comme l’a démontré le climatologue Benjamin Cook, la culture intensive du maïs a réduit le niveau d’humidité de la terre vers l’atmosphère, ce qui a eu pour conséquence de faire baisser le niveau de précipitations, entraînant de plus en plus des périodes de sécheresse en Amérique centrale.
   Si les Mayas ont eu à faire face à des baisses importantes de la productivité agricole, provoquant des conflits, ces changements environnementaux n’ont pas mené à leur disparition ou à leur extinction. Ils ont plutôt été contraints de quitter les régions affectées par les sécheresses qu’ils ont en partie provoquées. Ce faisant, leur organisation politique basée sur des réseaux de cités, dominées politiquement et économiquement par de grandes métropoles, s’est elle aussi effritée.

Désertification
Plutôt que de présenter les changements environnementaux sur les peuples du passé avec une vision alarmiste, les historiens de l’environnement essaient de comprendre comment nos ancêtres ont réagi et comment ils sont parvenus à s’adapter. Les recherches scientifiques jumelées à la lecture de textes d’auteurs anciens ou de rapports administratifs sur papyrus permettent de réaliser que l’homme a été conscient très tôt de son impact sur son milieu et a su s’adapter. Le phénomène de la désertification en Égypte ancienne en est un très bon exemple.
   Si l’auteur grec Hérodote a affirmé avec justesse que l’Égypte était un don du Nil, ce pays a néanmoins été assujetti aux humeurs du désert, tout aussi dommageables que les crues qui provoquent une baisse des espaces cultivables. Cette relation constante entre les Égyptiens de l’époque pharaonique et leur milieu a fait l’objet d’une étude pionnière de Christiane Desroches-Noblecourt. En décortiquant l’importance de divers symboles de l’imagerie égyptienne comme le lotus, le papyrus et même le Sphinx avec sa tête de lion, l’égyptologue est parvenue à démontrer que les anciens Égyptiens étaient conscients de leur interdépendance avec les humeurs de la nature.
   À titre d’exemple, le lotus, qui pousse dans les eaux boueuses mais fleurit magnifiquement pendant six jours, était le symbole parfait de la renaissance. Dans l’imagerie funéraire, les défunts le humaient dans l’espoir de renaître. Avec leur voûte céleste et leurs colonnes végétales, les temples eux-mêmes étaient des représentations de l’univers dans lequel les Égyptiens vivaient.

Adaptabilité
Si le processus de désertification explique en grande partie la concentration de populations nomades dans la vallée du Nil avant l’époque pharaonique, les analyses ont démontré que la désertification s’est accélérée dans la deuxième moitié du IIIe millénaire avant Jésus-Christ. Les recherches ont permis de mettre en lumière divers facteurs qui peuvent expliquer la fin de la première grande période historique de l’époque pharaonique, soit l’Ancien Empire (2686-2160 av. J.-C.), et surtout de nuancer ce qui a longtemps été présenté comme une forme d’effondrement de la société égyptienne liée directement aux changements climatiques.
   En regard des sources fragmentaires que nous possédons, le système politique égyptien de la fin de la période associée à la construction des grandes pyramides semble s’effriter. Le peuple aurait alors perdu confiance en ses pharaons, qui étaient l’incarnation de dieux, capables de communiquer avec les forces divines et d’intervenir si les humeurs de la nature menaçaient la société égyptienne.
    Or, cette ancienne perception des historiens provient d’un mince corpus de sources papyrologiques, notamment d’un texte connu sous le nom des Lamentations d’Ipouer, qui nous a laissés penser que la fin de l’Ancien Empire a donné lieu à un siècle de troubles politiques et économiques. Ce texte et d’autres sources indiquent que des problèmes de sécheresse et de productivité agricole ont été en partie responsables des révoltes populaires, à un point tel que les gens ont commencé à considérer que l’autorité des prêtres était plus importante que celle des pharaons, dont ils n’ont pas hésité à piller les tombeaux.
   Des chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique comme Thomas Schneider ont voulu nuancer les impacts de cette désertification à la fin de l’Ancien Empire. Grâce au travail des archéologues sur des sites d’anciens villages, nous réalisons que plusieurs régions du delta du Nil ont conservé une bonne productivité agricole malgré la période de sécheresse et que la vie culturelle est demeurée très active à la fin du règne du dernier pharaon de l’Ancien Empire, Pépi II. Les analyses d’ossements d’individus ayant vécu pendant ce qu’on a longtemps considéré comme un siècle de crise avant la reconsolidation du système pharaonique ont quant à elles démontré que ces gens n’avaient pas souffert de famines.
   Quelles conclusions tirer de ces nouvelles analyses? Le mot-clé ici est adaptation. Si certains secteurs ont pu être durement touchés par les famines, d’autres régions semblent avoir conservé une assez bonne productivité et ont très probablement pu aider leurs compatriotes qui vivaient des périodes difficiles. Si les changements climatiques ont indéniablement mené à une forme de critique du gouvernement à cette époque, ils n’ont vraisemblablement pas affecté le quotidien des gens aussi durement que ce que l’on croyait, croyances basées en partie sur des sources très fragmentaires. À cet égard, l’apport des données géologiques, climatiques et archéologiques est en train de changer notre vision d’un fragment du passé.

Gestion de l’eau
Les recherches menées au-delà du Nil, dans des zones plus directement affectées par les enjeux de la désertification que sont le Fayoum et les oasis du désert de l’Ouest, ont permis de démontrer que les anciens Égyptiens ont appris de leurs expériences de sécheresse et ont cherché à travailler autrement avec les ressources nécessaires à la productivité agricole : l’eau.
   Les Égyptiens de la fin de l’époque pharaonique, de même que les Perses, les Grecs et les Romains qui ont par la suite assumé le pouvoir politique en Égypte, ont réalisé que la dépendance au Nil pouvait être problématique. Ils ont donc étudié et travaillé avec les nappes d’eau souterraines. En développant des systèmes de puits artésiens et de canaux, les ingénieurs romains sont parvenus à avoir un certain contrôle sur les arrosages et ont fait des oasis comme Kharga, Dakhleh et Siwa de véritables centres de production agricole, notamment d’olives et de ses dérivés, comme la précieuse huile. Huile d’olive dont même l’auteur romain Pline l’Ancien vante la supériorité dans son Histoire naturelle au Ier siècle de notre ère!
   L’autre avantage d’avoir su développer une agriculture indépendante des eaux du Nil et de la fluctuation des crues selon les humeurs du climat a été de pouvoir assurer une forme de banque alimentaire en cas de sécheresse, puisque les réserves d’eaux souterraines, elles, ne diminuaient pas. C’est plutôt l’avancée de la ceinture désertique sur les terres qui devenait un enjeu si le phénomène persistait quelques années dans ces régions.
   L’histoire de l’environnement peut donc nous aider à aborder la relation entre l’homme et son milieu sans tomber dans le piège des théories de déclin et peut surtout devenir un outil pour nous aider à comprendre comment l’homme s’est toujours adapté aux circonstances.

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