On se demande souvent pourquoi les Californiens ne quittent pas cet État où la possibilité de graves tremblements de terre les menace constamment. C’est comme demander aux Japonais pourquoi ils n’abandonnent pas leur île. Il y a des dangers avec lesquels on compose en comptant sur une quelconque bonne étoile.
Malheureusement, nous en rajoutons, par exemple en poursuivant l’exploration pétrolière, en multipliant les oléoducs et les plates-fromes offshore ainsi que les centrales nucléaires (1). Les bonnes étoiles ont des limites...
La vision décrite en 1993 par l’héroïne du roman (qui habite la côte californienne) fait étrangement penser à l’explosion de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010 (2).
Extrait
Vue des airs, la Faille de San Andreas forme une crête menaçante, s’étendant sur des milles, telle une trace de taupinière géante creusée sous terre.
Longtemps avant que le repli terrestre ne crée des montagnes, Perdido était un bassin d’une centaine de milles de long, et une grande partie de la Californie était constituée de vastes basses terres recouvertes des mers de l’Éocène. À l'époque toute cette région était sous l'eau jusqu’à la frontière de l'Arizona. Les gisements de pétrole ont dérivé d’organismes marins, de sédiments, enfouis à près de treize mille pieds de profondeur. Il y a des moments où les poils me dressent sur les bras à la vision d'un monde sauvage si différent du nôtre. J'imagine ces changements, des millions d'années en accéléré comme dans un timelapse photographique, où les terres se soulèvent et s’affaissent, poussent, plongent, et se déplacent dans une convulsion tonitruante.
J'ai jeté un coup d'oeil à l'horizon. Vingt-quatre des trente-deux plates-formes le long de la côte de la Californie sont près des comtés de Santa Teresa et Perdido, neuf d'entre elles sont à trois milles de la côte. J'avais écouté les disputes à savoir si les anciennes plates-formes résisteraient ou non à un tremblement de terre de magnitude 7,0. Les experts étaient divisés. D’un côté du débat, il y avait les géologues et les représentants de la Seismic Safety Commission, qui ne cessaient de pointer du doigt les plus vieilles plates-formes pétrolières off-shore construites entre 1958 et 1969 avant que l'industrie pétrolière n’adopte des codes de conception uniformes. De leur côté, les porte-parole des sociétés pétrolières qui possédaient les plates-formes de forage nous rassuraient sur notre bien-être et notre sécurité. Gosh, c’était déroutant! J'essayais d'imaginer les effets : toutes ces plates-formes en train de s’effondrer, le pétrole se répandant dans l'océan dans une tempête noire. Je pensais à la contamination actuelle des plages, au brut se déversant dans les océans et les cours d'eau, au trou dans la couche d'ozone, aux forêts rasées, aux décharges de déchets toxiques, au pillage festif de l'humanité ajouté à la sécheresse et à la famine que la nature nous sert annuellement, bien entendu. Il est difficile de savoir ce qui nous anéantira en premier. Parfois, je crois que nous devrions faire sauter la planète entière pour en finir. C'est le suspense qui me tue.
J’ai roulé près de la plage municipale puis j’ai bifurqué vers le quartier des affaires au centre-ville. ... Beaucoup de camionnettes et de véhicules récréatifs dans les stationnements en épi de la grande rue principale. Un cabriolet a lentement embrayé derrière moi avec sa radio tonitruant à plein volume.
~ Sue Grafton (in J is for Judgment, Fawcett Crest Book, 1993; p. 77-78)
À cause de la baisse du prix du carburant, l’industrie automobile en profite pour annoncer ses immenses véhicules pétrolivores. Les consommateurs s’en donnent à cœur joie «polluons dans la joie et la bonne humeur!» et réjouissons-nous avec le ministre de la Saskatchewan Brad Wall qui favorise le développement des énergies fossiles et pourfend les écolos.
Il doit y avoir quelque chose qu’ils n’ont pas compris... Regardons en face notre incohérence individuelle et collective – rien de mieux que l’autodérision et la satire pour comprendre...
Let's Pollute : Détruisons la planète dans la joie et la bonne humeur
Nominé aux Oscars du court-métrage d'animation en 2011.
Let’s Pollute (English version) : https://www.youtube.com/watch?v=uBAyvqWP-VI
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(1) Quelques constatations pertinentes.
Études sismiques – Les études sismiques constituent la première étape dans l'exploitation du pétrole offshore. Cela consiste à générer des ondes sonores puissantes, généralement de basses fréquences. Leur réflexion depuis le fond de la mer et les couches souterraines fournit des données sur le potentiel en pétrole et en gaz de la zone (Woodside, 2003).
Les impacts écologiques des études sismiques sont généralement mal compris. Beaucoup de mammifères marins semblent particulièrement sensibles aux tests sismiques. Des études ont montré que les baleines et les dauphins cessent de s'alimenter, ne socialisent plus et changent leurs habitudes de plongée à proximité des zones d'études sismiques. Des recherches scientifiques montrent que les cétacés, qui sont d´ailleurs spécialisés dans la réception des basses fréquences, évitent les activités d'études sismiques (McCauley, 2003). Des cachalots, dans le Golfe du Mexique, se sont déplacés de plus de 50 km lorsque les études ont commencé. De la même manière, des cachalots dans l'Océan Indien ont arrêté de vocaliser en réaction aux impulsions sismiques distantes de plus de 300 km (site Internet WDCS).
Déversements – Les déversements de pétrole sont causés à la fois par des navires pétroliers, des oléoducs et des plates-formes offshore. Si un déversement important a lieu, les niveaux de pollution atteignent presque immédiatement des degrés mortels pour les plantes, les poissons, les oiseaux et les mammifères. Les conséquences sont particulièrement désastreuses si le pétrole se répand sur la côte et s'accumule dans les sédiments des zones côtières peu profondes.
Impacts d’un déversement sur une forêt de mangrove – Quand le pétrole recouvre les racines aériennes des arbres de mangrove, il empêche l’oxygène de circuler dans les tissus des racines enfoncées dans les sols anoxiques. (Teas et al., 1993). Le pétrole peut être absorber par les racines, véhiculé jusqu’au feuilles et bloquer la transpiration (Getter et al., 1985). Le pétrole peut perturber les membranes des racines, ce qui provoque une concentration mortelle de sel dans les tissus (Page et al., 1985). Une mortalité soudaine et massive d’arbres de mangrove provoque une érosion des sédiments (Garrity et al., 1994).
À la suite d’un déversement de pétrole à Panama en 1986, beaucoup d’arbres de mangrove ont pourri et sont tombés. Les sédiments de ces habitats se sont érodés à des rythmes pouvant atteindre plusieurs centimètres par jour (Jackson, et al. 1989). Les sédiments érodés et le pétrole sont déposés (à des degrés de dégradation variables) dans les habitats voisins tels que les récifs coralliens, qui n’avaient pas été contaminés par le déversement initial. Dans beaucoup de cas le pétrole est demeuré dans ces zones humides pendant des décennies, ce qui a retardé la réhabilitation de ces écosystèmes (NCR, 2002). Les impacts négatifs sur des zones humides côtières s’accompagneront inévitablement d’une diminution des prises de pêche; leur fonction de nourricerie pour de nombreuses espèces de poissons à valeur marchande est en effet bien connue.
(2) Le géant pétrolier BP Oil est présent dans plus de cent pays et en 2014 il se classait au 4e rang des plus grandes entreprises mondiales avec un chiffre d’affaires de 358,678 milliards de dollars. L’entreprise cumule accidents industriels et catastrophes écologiques d’importance.
- 2005 : explosion à Texas City au Texas
- 2006 : fuite majeure due à la corrosion d’un oléoduc à Prudhoe Bay en Alaska
- 2010 : explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, golfe du Mexique et déversement de milliers de barils de pétrole de l’oléoduc Trans-Alaska au sud de Fairbanks
- Afrique : BP et d'autres groupes pétroliers possédant des forages au Nigeria, sont accusés de contribuer aux nombreuses marées noires occasionnées dans le delta du Niger, dont le nombre est estimé à plus de 300 par an (plus de 7 000 ont été officiellement recensées par les autorités nigérianes entre 1970 et 2000, sur plus de 2 000 grands sites de pollution), pour une quantité totale de pétrole brut de 1,5 million de tonnes en un demi-siècle (soit 10 à 15 millions de barils). Ces firmes sont également accusées de bloquer la législation dans ce pays et de violer les droits de l'homme.
(Source : Wikipédia)
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