Étant donné que je ne suis pas branchée «wifi», j’attends un nouveau cœur de connexion Internet – un modem plus récent/performant. Cinq jours ouvrables pour la livraison m’a-t-on dit. Quand même moins long que pour un cœur venant du body shop hospitalier. Attendre un organe vital doit être très anxiogène pour un malade…
Nous sommes toujours en train d’attendre : une heure précise, une chose, un événement, une personne, un job, une situation... Souvent sur le qui-vive. Sauf quand nous sommes concentrés sur une chose qui nous intéresse à cent pour cent. Mais, dès que nous cessons, les attentes reviennent au galop.
97. Mauvais jour
Quand j’étais enfant, chez ma grand-mère, à Petit Goâve, on avait des canards dans la cour. L’un deux passait voir chaque matin ma grand-mère, avant d’aller faire le tour du quartier. Cela commençait toujours par une conversation courtoise, ce qu’on se dit au réveil, j’imagine (Bonjour, as-tu bien dormi?), pour tourner brusquement au pugilat. Le canard devenait agressif. Un jour, je demandai à ma grand-mère la raison d’une telle violence. Elle me confia, sans cesser de sourire, que le canard tentait de lui dire la date de sa mort, et qu’il s’énervait du fait que ma grand-mère ne parvenait pas à comprendre son langage. Je lui demandai si elle était intéressée par cette sinistre information, et elle me murmura, pour ne pas être entendue du canard qui, comprenait parfaitement le langage des humains, qu’en réalité elle n’était pas intéressée à savoir la date de sa mort. Voilà qui n’est pas loin de notre situation d’écrivain. Nous essayons de dire quelque chose que nous croyons vital mais que les autres ne saisissent pas toujours, et quand ils finissent par comprendre, nous nous demandons si cela valait la peine de s’être battu autant pour s’exprimer.
~ Dany Laferrière
Journal d’un écrivain en pyjama
Mémoire d’encrier, 2013
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