Que
signifie liberté pour vous?
Est-ce
la libération intérieure – de la peur, du doute, de la colère, de l'orgueil,
des préjugés et de l'obsession de soi?
La
liberté est-elle la somme de mille libertés quotidiennes que nous tenons pour
acquises?
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non.
La
moitié du monde n'a aucune idée de ce que signifie avoir le choix.
«Il
est facile de tenir la liberté pour acquise, quand on ne vous l'a jamais
enlevée.»
~ G. K. Chesterton
Traite
d’esclaves, Lybie 2017. Dans un centre de rétention pour migrants, à Tripoli,
CNN avait rencontré des migrants en attente d’expulsion vers leur pays
d’origine. L’un d’entre eux, un jeune Nigérian nommé Victory, expliquait, face
caméra, qu’il avait été vendu lors d’une enchère aux esclaves. Le jeune homme
de 21 ans avait fui son pays, avec toutes ses économies, pour essayer d’atteindre
l’Europe. Il racontait avoir été détenu dans des conditions déplorables, privé
de nourriture et maltraité par ses ravisseurs. «Si vous demandez à la plupart
des gens ici, si vous regardez leurs corps, vous verrez les marques, ils ont
été battus, mutilés.»
Photo :
Florian Büttner, à Dubaï
~~~
«Un
comité peut prendre une décision qui est plus stupide que n'importe lequel de
ses membres.» ~ David B. Coblitz
Un ex-sous-ministre
au Ministère du Revenu du Québec, Pierre-André Paré, avait déclaré devant une
commission de l’Assemblée Nationale du Québec (Le Devoir, le 6 avril 1996) : «Tout est privilège concédé par l’état :
votre voiture, votre maison, votre profession, bref votre vie; et ce que l’état
donne, il peut le reprendre si vous n’êtes pas un contribuable docile.» (Évidemment,
cela ne s’appliquait pas à la classe des fortunés qui déposaient leurs économies dans des Paradis fiscaux)
Je
n’oublie pas cette citation... Notre système politique est un pastiche de
démocratie qu’il vaudrait mieux appeler «dictature démocratique».
~~~
«Si
le monde devait exploser, la dernière voix audible serait celle d'un expert
disant que c'est impossible.» ~ Peter Ustinov
~~~
Fin de notre ère historique
Vous
avez sans doute noté que les civilisations de cette planète s’élèvent et s’effondrent
avec une remarquable régularité. Les récits historiques de ces événements
fournissent toujours des explications aux déclins. Dans le cas de
l'effondrement de Rome, les historiens invoquent des facteurs tels que la
décadence morale et une regrettable épidémie d'intoxication au plomb.
Cependant, ceux-ci n’étaient que des symptômes, non pas la cause de la ruine de
Rome.
La vraie cause de l’ascension et du déclin
des civilisations, incluant Rome, est que les idéologies, les systèmes
politiques et les structures sociales n'ont pas réussi à libérer quiconque – surtout pas les civilisations elles-mêmes –
de la vicieuse emprise de la peur. Les civilisations s’effondrent pour une
seule raison : elles sont toutes construites sur la peur et le déni.
Conséquemment, les populations sombrent dans les orgies ou l’alcool et bouffent
du plomb, soit pour se détourner de l'horrible réalité, soit pour en sortir au
plus vite. Et, puisque le vrai problème n'est jamais résolu, la servitude
humaine continue sans interruption d'une civilisation à l'autre, assurant
l'effondrement ultime de chacune d’elle à tour de rôle. L'histoire ne se répète
pas – elle bégaie sur un problème qu’elle refuse d’envisager.
Les
Américains sont un autre excellent exemple de cette descente dysfonctionnelle
répétitive vers l'esclavage et l'effondrement. Dupés par leur déclaration
d'indépendance, ils s’imaginent être libres. Mais, avoir son mot à dire sur
l'emplacement de la prochaine centrale nucléaire sans pouvoir refuser sa
construction, manger tout ce qui provient d’une chaîne alimentaire complètement
toxique, et réclamer son droit inaliénable à une extension du paiement des
impôts (utilisés pour les tuer), ne sont pas les libertés auxquelles faisaient
référence les auteurs de la Constitution.
Même si les prisons individuelles des
Américains sont dispendieuses, décorées avec goût et équipées de technologies
avancées, elles n’en demeurent pas moins des cellules. Troquer la vie contre la
survie économique n'est pas la liberté; la liberté c’est être dégagé à la fois
de la peur et de la survie. C’est ce genre de liberté qui devait initialement
s'épanouir aux États-Unis. En vérité, les auteurs derrière la Constitution
américaine n'étaient pas la Banque d’Amérique, la Réserve fédérale ou l'IRS. L'Amérique, en agissant par peur, est en
train de tourner le dos à son destin et fait face à un crash imminent. Cependant,
elle est en bonne compagnie, parce que le reste du monde fait la même chose. Le
déni ne peut pas libérer la terre des scénarios dysfonctionnels et répétitifs
de destruction et de déclin.
Les récits historiques n'ont pas fait grand
chose d’autre que de propager des mensonges. Même si un compte-rendu historique
est exact (ce qui n'est généralement pas le cas), l'événement décrit n'est rien
de plus qu’un récit basé sur un mensonge fondamental. Par conséquent, la vérité
qu’aurait pu contenir la description est invariablement exclue.
La fin de l'histoire ne doit pas être perçue
comme un événement effrayant. L'histoire a été l'événement effrayant. Sa fin
représente une libération pouvant exalter l'humanité, non pas lui enlever son
pouvoir. Les célébrations qui marqueront la fin de vos guerres mondiales
ressembleront à d’ennuyeuses petites fêtes comparativement à la célébration
globale de la paix et de la libération véritable qui marquera la fin de l’ère
historique.
~ Diana Luppi (alias Zoev Jho)
~~~
Le
point de vue d’une historienne... optimiste
Climat : le piège du déclin des
civilisations
Le
Devoir | 9 mars 2019
Une
fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés d’histoire le défi de décrypter
un thème d’actualité à partir d’une comparaison avec un événement ou un
personnage historique.
Les changements climatiques, la gestion des
ressources naturelles et notre relation à l’environnement sont au coeur de
l’actualité. Les citoyens éveillés aux enjeux environnementaux souhaitent
apporter leur part, ne serait-ce qu’en réduisant leur utilisation du plastique
ou en compostant davantage. Ces préoccupations teintent la manière dont les
médias et le public interprètent les découvertes du passé.
Par
Evelyne Ferron
Chargée
de cours en histoire ancienne à l’Université de Sherbrooke et professeure
d’histoire au collège Mérici
Depuis
près de quarante ans, les historiens et les archéologues s’intéressent aux
relations entre les hommes et leur environnement. Grâce aux nouvelles
technologies, ils publient des analyses détaillées sur des peuples anciens
confrontés à des changements environnementaux ou à des catastrophes naturelles.
Si les travaux publiés dans les revues scientifiques sont généralement précis
et nuancés, leur diffusion dans les journaux, qui les coiffent de titres
accrocheurs, laisse parfois une impression d’apocalypse.
Sécheresses
Le
cas le plus médiatisé du moment est sans conteste celui des Mayas, qui ont
graduellement abandonné leurs cités entre les années 800 et 1000. Des
recherches récentes ont mis en lumière une combinaison de facteurs expliquant
cet exode, dont la surexploitation et l’appauvrissement des sols découlant
d’une importante hausse démographique.
Des analyses chimiques de stalagmites ont
permis de démontrer que la déforestation visant à étendre les espaces
cultivables et les zones habitables a déréglé le climat local. Comme l’a
démontré le climatologue Benjamin Cook, la culture intensive du maïs a réduit
le niveau d’humidité de la terre vers l’atmosphère, ce qui a eu pour conséquence
de faire baisser le niveau de précipitations, entraînant de plus en plus des
périodes de sécheresse en Amérique centrale.
Si les Mayas ont eu à faire face à des
baisses importantes de la productivité agricole, provoquant des conflits, ces
changements environnementaux n’ont pas mené à leur disparition ou à leur
extinction. Ils ont plutôt été contraints de quitter les régions affectées par
les sécheresses qu’ils ont en partie provoquées. Ce faisant, leur organisation
politique basée sur des réseaux de cités, dominées politiquement et
économiquement par de grandes métropoles, s’est elle aussi effritée.
Désertification
Plutôt
que de présenter les changements environnementaux sur les peuples du passé avec
une vision alarmiste, les historiens de l’environnement essaient de comprendre
comment nos ancêtres ont réagi et comment ils sont parvenus à s’adapter. Les
recherches scientifiques jumelées à la lecture de textes d’auteurs anciens ou
de rapports administratifs sur papyrus permettent de réaliser que l’homme a été
conscient très tôt de son impact sur son milieu et a su s’adapter. Le phénomène
de la désertification en Égypte ancienne en est un très bon exemple.
Si l’auteur grec Hérodote a affirmé avec
justesse que l’Égypte était un don du Nil, ce pays a néanmoins été assujetti
aux humeurs du désert, tout aussi dommageables que les crues qui provoquent une
baisse des espaces cultivables. Cette relation constante entre les Égyptiens de
l’époque pharaonique et leur milieu a fait l’objet d’une étude pionnière de
Christiane Desroches-Noblecourt. En décortiquant l’importance de divers
symboles de l’imagerie égyptienne comme le lotus, le papyrus et même le Sphinx
avec sa tête de lion, l’égyptologue est parvenue à démontrer que les anciens
Égyptiens étaient conscients de leur interdépendance avec les humeurs de la
nature.
À titre d’exemple, le lotus, qui pousse dans
les eaux boueuses mais fleurit magnifiquement pendant six jours, était le
symbole parfait de la renaissance. Dans l’imagerie funéraire, les défunts le
humaient dans l’espoir de renaître. Avec leur voûte céleste et leurs colonnes
végétales, les temples eux-mêmes étaient des représentations de l’univers dans
lequel les Égyptiens vivaient.
Adaptabilité
Si
le processus de désertification explique en grande partie la concentration de
populations nomades dans la vallée du Nil avant l’époque pharaonique, les
analyses ont démontré que la désertification s’est accélérée dans la deuxième
moitié du IIIe millénaire avant Jésus-Christ. Les recherches ont permis de
mettre en lumière divers facteurs qui peuvent expliquer la fin de la première
grande période historique de l’époque pharaonique, soit l’Ancien Empire
(2686-2160 av. J.-C.), et surtout de nuancer ce qui a longtemps été présenté
comme une forme d’effondrement de la société égyptienne liée directement aux
changements climatiques.
En regard des sources fragmentaires que nous
possédons, le système politique égyptien de la fin de la période associée à la
construction des grandes pyramides semble s’effriter. Le peuple aurait alors
perdu confiance en ses pharaons, qui étaient l’incarnation de dieux, capables
de communiquer avec les forces divines et d’intervenir si les humeurs de la
nature menaçaient la société égyptienne.
Or, cette ancienne perception des
historiens provient d’un mince corpus de sources papyrologiques, notamment d’un
texte connu sous le nom des Lamentations d’Ipouer, qui nous a laissés penser
que la fin de l’Ancien Empire a donné lieu à un siècle de troubles politiques
et économiques. Ce texte et d’autres sources indiquent que des problèmes de
sécheresse et de productivité agricole ont été en partie responsables des
révoltes populaires, à un point tel que les gens ont commencé à considérer que
l’autorité des prêtres était plus importante que celle des pharaons, dont ils
n’ont pas hésité à piller les tombeaux.
Des chercheurs de l’Université de
Colombie-Britannique comme Thomas Schneider ont voulu nuancer les impacts de
cette désertification à la fin de l’Ancien Empire. Grâce au travail des
archéologues sur des sites d’anciens villages, nous réalisons que plusieurs
régions du delta du Nil ont conservé une bonne productivité agricole malgré la
période de sécheresse et que la vie culturelle est demeurée très active à la
fin du règne du dernier pharaon de l’Ancien Empire, Pépi II. Les analyses
d’ossements d’individus ayant vécu pendant ce qu’on a longtemps considéré comme
un siècle de crise avant la reconsolidation du système pharaonique ont quant à
elles démontré que ces gens n’avaient pas souffert de famines.
Quelles conclusions tirer de ces nouvelles
analyses? Le mot-clé ici est adaptation. Si certains secteurs ont pu être
durement touchés par les famines, d’autres régions semblent avoir conservé une
assez bonne productivité et ont très probablement pu aider leurs compatriotes
qui vivaient des périodes difficiles. Si les changements climatiques ont
indéniablement mené à une forme de critique du gouvernement à cette époque, ils
n’ont vraisemblablement pas affecté le quotidien des gens aussi durement que ce
que l’on croyait, croyances basées en partie sur des sources très
fragmentaires. À cet égard, l’apport des données géologiques, climatiques et
archéologiques est en train de changer notre vision d’un fragment du passé.
Gestion de l’eau
Les
recherches menées au-delà du Nil, dans des zones plus directement affectées par
les enjeux de la désertification que sont le Fayoum et les oasis du désert de
l’Ouest, ont permis de démontrer que les anciens Égyptiens ont appris de leurs
expériences de sécheresse et ont cherché à travailler autrement avec les
ressources nécessaires à la productivité agricole : l’eau.
Les Égyptiens de la fin de l’époque
pharaonique, de même que les Perses, les Grecs et les Romains qui ont par la
suite assumé le pouvoir politique en Égypte, ont réalisé que la dépendance au
Nil pouvait être problématique. Ils ont donc étudié et travaillé avec les
nappes d’eau souterraines. En développant des systèmes de puits artésiens et de
canaux, les ingénieurs romains sont parvenus à avoir un certain contrôle sur
les arrosages et ont fait des oasis comme Kharga, Dakhleh et Siwa de véritables
centres de production agricole, notamment d’olives et de ses dérivés, comme la
précieuse huile. Huile d’olive dont même l’auteur romain Pline l’Ancien vante
la supériorité dans son Histoire naturelle au Ier siècle de notre ère!
L’autre avantage d’avoir su développer une
agriculture indépendante des eaux du Nil et de la fluctuation des crues selon
les humeurs du climat a été de pouvoir assurer une forme de banque alimentaire
en cas de sécheresse, puisque les réserves d’eaux souterraines, elles, ne
diminuaient pas. C’est plutôt l’avancée de la ceinture désertique sur les
terres qui devenait un enjeu si le phénomène persistait quelques années dans
ces régions.
L’histoire de l’environnement peut donc nous
aider à aborder la relation entre l’homme et son milieu sans tomber dans le
piège des théories de déclin et peut surtout devenir un outil pour nous aider à
comprendre comment l’homme s’est toujours adapté aux circonstances.