24 janvier 2019

L’art de ventiler

@TwittakineBonne idée! colorier pour ventiler son stress et son angoisse : 


Le moindre écart de température affole les gens. On critique les procédures de déneigement ou d’application d’abrasifs, comme si le système d’entretien était responsable de notre météo en dents de scie sur laquelle nous n’avons aucun contrôle! On passe de la tempête de neige, à la pluie puis au verglas en quelques heures. Ce n’est pas la fin du monde, mais panique et manque de patience sont la norme; donnons-leur le temps nécessaire. Beaucoup d'immaturité : on veut que tout soit parfait tout de suite. 

Nous sommes donc excessivement stressés à propos de tout et n’importe quoi. Si par hasard, nous sommes plutôt sereins, nous regardons le stress que vivent nos semblables. Notre cerveau compile les mauvaises nouvelles et les images et se dit «prépare-toi au pire!». De sorte que l’inquiétude peut constamment nous ronger sans raison valable.

Ç’a l’air que la sagesse pourrait nous épargner des consultations en psychiatrie. Au début du premier millénaire judéo-chrétien, Sénèque nous proposait des façons de réduire le stress causé par les anticipations : 

«II y a, ô Lucilius, plus de choses qui font peur qu'il n'y en a qui font mal, et nos peines sont plus souvent d'opinion que de réalité.

...Ce que je te recommande, c'est de ne pas te faire malheureux avant le temps; car ces maux, dont l'imminence apparente te fait pâlir, peut-être ne seront jamais, à coup sûr ne sont point encore.

Nos angoisses parfois vont plus loin, parfois viennent plus tôt qu'elles ne doivent; souvent elles naissent d'où elles ne devraient jamais naître. Elles sont ou excessives, ou chimériques, ou prématurées.  

Il est vraisemblable que tel mal arrivera, mais est-ce là une certitude? Que de choses surviennent sans être attendues, que de choses attendues ne se produisent jamais! Dût-il même arriver, à quoi bon courir au-devant du chagrin? Il se fera sentir assez tôt quand il sera venu : d'ici là promets-toi meilleure chance. Qu'y gagneras-tu? Du temps. Mille incidents peuvent faire que le péril le plus prochain, le plus imminent, s'arrête ou se dissipe ou aille fondre sur une autre tête. Des incendies ont ouvert passage à la fuite; il est des hommes que la chute d'une maison a mollement déposés à terre; des têtes déjà courbées sous le glaive l'ont vu s'éloigner, et le condamné a survécu à son bourreau. La mauvaise fortune aussi a son inconstance. Elle peut venir comme ne pas venir : jusqu'ici elle n'est pas venue. Vois le côté plus doux des choses.

Quelquefois, sans qu'il apparaisse aucun signe qui annonce le moindre malheur, l'imagination se crée des fantômes; ou c'est une parole de signification douteuse qu'on interprète en mal, ou l'on exagère la portée d'une offense, songeant moins au degré d'irritation de son auteur qu'à tout ce que pourrait sa colère. Or la vie n'est plus d'aucun prix, nos misères n'ont plus de terme, si l'on craint tout ce qui en fait de maux est possible. Que ta prudence te vienne en aide, emploie ta force d'âme à repousser la peur du mal même le plus évident; sinon, combats une faiblesse par une autre, balance la crainte par l'espoir. Si certains que soient les motifs qui effraient, il est plus certain encore que la chose redoutée peut s'évanouir, comme celle qu'on espère peut nous décevoir. Pèse donc ton espoir et ta crainte, et si l'équilibre en somme est incertain, penche en ta faveur et crois ce qui te flatte le plus. As-tu plus de probabilités pour craindre, n'en incline pas moins dans l'autre sens et coupe court à tes perplexités. Représente-toi souvent combien la majeure partie des hommes, alors qu'ils n'éprouvent aucun mal, qu'il n'est pas même sûr s'ils en éprouveront, s'agitent et courent par tous chemins. C'est que nul ne sait se résister une fois l'impulsion donnée, et ne réduit ses craintes à leur vraie valeur. Nul ne dit : Voilà une autorité vaine, vaine de tout point : cet homme est fourbe ou crédule. On se laisse aller aux rapports; où il y a doute, l'épouvante voit la certitude; on ne garde aucune mesure, soudain le soupçon grandit en terreur.»

Lettre de Sénèque à Lucilius (extrait)
[2,13] LETTRE XIII.
Sur la force d'âme qui convient au sage.
Ne pas trop craindre l'avenir.


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