Un bijou cette lettre...
Lettre de Clementine Churchill au
rédacteur en chef du Times
«J’en suis venue à la conclusion qu’il
faudrait se débarrasser des femmes.»
Les
suffragettes britanniques s’organisent pour défendre le droit de vote des
femmes dès 1903 au Royaume-Uni. Elles obtiennent gain de cause en 1918, après
une lutte acharnée, dont nous avons un aperçu ici. Clementine Churchill
(1885-1977) répond à une lettre adressée au Times par un scientifique, qui
milite pour que les femmes ne soient pas autorisées à donner leur avis sur la
vie politique. Dans cette lettre sarcastique et ironique, Clémentine Churchill balaie
d’un revers de main les arguments fallacieux avancés par Sir Wright.
Clementine
Ogilvy Spencer-Churchill, l’épouse derrière le «grand» homme (1).
Photo : W. G. Phillips / Topical Press Agency / Getty
Images
30
mars 1912
Monsieur,
Après
avoir lu l’exposé important et primordial de Sir Almroth Wright sur les femmes
telles qu’il les connaît, la question n’est plus «Les femmes devraient-elles
voter?» mais «Les femmes ne méritent-elles pas d’être supprimées dans leur
ensemble?».
J’ai
été si impressionnée par l’exposé de Sir Almroth Wright, appuyé comme il est
sur tant d’expériences scientifique et personnelle, que j’en suis venue à la
conclusion qu’il faudrait se débarrasser des femmes.
Il
nous apprend que dans leur jeunesse, elles ne sont pas équilibrées, que de
temps en temps elles souffrent de déraison et d’hypersensibilité, et que leur
présence déconcentre et agace les hommes dans leur vie et activités
quotidiennes. Si elles choisissent une profession, l’indélicatesse de leur
esprit en fait des partenaires indésirables pour leurs collègues masculins.
Plus tard dans leur vie elles sont sujettes à de graves désordres mentaux sur le
long terme, et, si elles ne sont pas tout à fait folles, il faut en faire taire
beaucoup d’entre elles.
Donc
puisque c’est comme ça, le monde ne serait-il pas beaucoup plus heureux et
meilleur si seulement il pouvait être purgé des femmes? C’est le moment de se
tourner vers les grands scientifiques. Le cas est-il vraiment sans espoir? Il
ne fait pas de doute que les femmes ont eu leur utilité dans le passé, sinon
comment cette détestable tribu aurait-elle été tolérée jusqu’à aujourd’hui?
Mais est-il certain qu’elles seront indispensables dans le futur? La science ne
peut-elle pas nous donner quelque assurance, ou au moins quelque lueur
d’espoir, que nous sommes à l’aube de la plus grande découverte de toutes – i.
e., comment préserver une race de mâles par des moyens purement scientifiques?
Et
ne pourrions-nous pas nous tourner vers Sir Almroth Wright afin qu’il couronne
ses nombreux accomplissements en délivrant l’humanité de l’espèce parasitaire,
ubuesque et immorale qui a infesté le monde depuis si longtemps?
Cordialement,
C.S.C.
«Une
des Condamnées»
Source :
https://deslettres.fr/
Version
originale en anglais, Letters of note :
(1)
Note biographique : Churchill avait pris publiquement position contre le
vote des femmes, au grand dam de son épouse. Un jour, un suffragiste militant
est sorti de nulle part et a commencé à attaquer Winston. Au cours de leurs 57
ans de mariage, Clémentine a aidé son mari à se sortir de problèmes politiques
et personnels à plusieurs reprises. Bien que toujours discrète, elle a été la
force motrice derrière le premier ministre britannique supposément à l'épreuve
des balles – et Winston lui-même l'a reconnue comme le principal moteur
derrière sa vie incroyablement réussie. Clémentine était ambitieuse aussi,
mais, fidèle aux coutumes sociales du début du XXe siècle, elle a utilisé cet
instinct pour soutenir son mari plutôt qu'elle-même. Clementine disait que si
seulement elle était née avec un pantalon au lieu d’un jupon elle aurait aimé
être chef d'État (biographie de Sonia Purnell). Clémentine n’est pas devenue chef
d’État, mais elle a contribué à en créer un.
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«Je veux devenir autre chose qu’une
riche imbécile.»
À
son père, JP Morgan, qui l’interrogeait sur son avenir et ce qu’elle désirait
devenir, Anne répondit : «Autre chose qu’une riche imbécile».
Ce
fut le cas.
En
1917, Anne Tracy Morgan, fille d’un milliardaire américain, s’installe avec 350
compatriotes sur le sol français. Son but, aider les habitants qui survivent
près de la ligne du front depuis 4 ans dans d’effroyables conditions.
À la différence des nombreux films qui ont
documenté la Première Guerre mondiale et ses destructions, celui-ci raconte
l’histoire méconnue et exemplaire de la reconstruction d’une partie du Nord de
la France juste après la guerre, grâce à Anne Morgan, jeune américaine
fortunée, et à ses 350 jeunes filles venues bénévolement du Nouveau Monde pour aider
les populations civiles à reconstruire les villages de Picardie, proches du
front.
Indépendante, féministe, altruiste, Anne
Tracy Morgan (1873-1952) est aussi une pionnière de ce que l’on appellera plus
tard «l’humanitaire», dégagée de tout mouvement politique ou religieux.
Bouleversée par cette France meurtrie, elle consacrera sa vie et sa fortune à
la reconstruire, avec une vision d’une grande modernité. Pour susciter des dons
aux USA, elle fait faire de nombreux films et photos. Cette matière, quasiment
inédite et d’une incroyable qualité cinématographique, est une source
exceptionnelle pour aborder cette période de l’Histoire avec un autre regard.
C’est surtout une manière vivante et incarnée de montrer l’état de la France et
de ses populations en 1918, mais également de raconter une aventure humaine
hors du commun. (France 3)
~~~
Anne
Morgan créa et présida plusieurs associations de secours aux blessés et d’aide
à la reconstruction lors des deux guerres mondiales.
Dès 1914, la fille du célèbre banquier américain
John Pierpont Morgan, se mobilise en faveur des populations civiles françaises.
Elle crée en avril 1917, avec son amie Anne Murray Dike, le Comité Américain
pour les Régions Dévastées (CARD) afin de venir en aide aux populations civiles
de l’Aisne particulièrement touchées par les destructions et les difficultés de
ravitaillement. L’armée française lui confie le domaine de Blérancourt, situé à
quelques kilomètres du front.
Essentiellement composées de femmes, les équipes
du comité américain entreprennent leurs actions d’aide humanitaire grâce à leur
service motorisé où s’activent de nombreuses «chauffeuses». ... Anne Morgan
cherche également à apporter aux populations picardes les moyens matériels et
le soutien moral dont elles ont besoin pour rebâtir leurs villages. Elle
contribuera à la reconstruction en Picardie jusqu’en 1923 en créant des
services sanitaires mais aussi des écoles et des bibliothèques. Elle reçut la
Légion d’Honneur en 1924 et fut élevée au grade de Commandeur en 1932.
En 1939, sentant la tension politique
monter, elle revient à Blérancourt fonder le Comité Américain de Secours aux
Civils pour évacuer les populations de la zone occupée vers la France libre.
Elle est forcée de fuir en 1940 sous la pression allemande. Elle continuera de
voyager entre France et États-Unis jusqu'à sa mort en 1952.
(Musée
Franco-Américain de Blérancourt)
Si
vous avez accès à la zone :
documentaire «Anne Morgan, une Américaine sur le front»