Kamal Zerdoumi (2018)
Beau est Le monde malgré la nuit
secrète ta propre lumière
intense
Malgré l’opacité
du silence
Il y aura toujours
éphémère
cette chance
de se nourrir d’espérance
Ni la démence ni le sang
avec leur laideur et leurs transes
n’éteindront le chant
de l’oiseau
au soleil levant
Cueilli sur : https://www.poetica.fr/
Photo :
DickDaniels (Wikipedia). Guillemot de Troïl
En janvier 2016, des biologistes sont confrontés à
la mort de milliers d’oiseaux marins retrouvés dans la baie de Prince-William
en Alaska. D’après les experts, environ 8000 Guillemots de Troïl ou Guillemots
marmette, une espèce répandue en Amérique du Nord, seraient morts de faim.
Pourtant, l’oiseau se nourrissant surtout de petits poissons, mais aussi de
quelques crustacés, de vers marins et calmars, est un excellent pêcheur. Ce
serait selon les experts, les changements climatiques et El Nino qui auraient
fait fuir les petits poissons et ainsi entraînés la mort de ces oiseaux.
Si les extinctions de masse étaient, avant
l’apparition de l’homme, des événements plus rares, la vie de différentes
espèces animales est aujourd'hui régulièrement mise en péril. Qu’elles soient
menacées par les effets de la pollution, la destruction de leurs habitats ou
d’autres phénomènes liés aux activités humaines - aggravés par les effets du changement
climatique - bien des espèces connaissent maintenant des situations précaires à
chaque année. Sept cas de morts massives et subites d’animaux
qui en font la démonstration :
Si nous devions organiser des obsèques nationales (voire
internationales) en l’honneur des espèces qui ont disparu ces dernières
décennies, victimes de génocides animalier, nous passerions notre temps en cérémonies de deuil!
La faille
dans le cerveau de l’homme
Notre désolante (et inutile) consommation est en
train de détruire les merveilles de notre monde. Le moment
est venu où quiconque a la capacité de réfléchir devrait s'arrêter et se
demander ce que nous sommes en train de faire.
Si apprendre que durant les 40 dernières années le monde a perdu plus de 50 % de ses
vertébrés sauvages (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons) ne
parvient pas à nous faire comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche dans
notre façon de vivre, il est difficile d'imaginer ce qui le pourrait. Qui peut
croire qu'un système économique et social qui a cet effet est sain, et, considérant
les pertes, appeler cela progrès?
Nous nous
sommes frayé un chemin le long de la chaîne alimentaire, nous avons éliminé les
petits prédateurs, les herbivores moyens, et maintenant, avec la destruction
des habitats et la chasse, c’est toute la faune du réseau alimentaire qui y
passe. Il semble y avoir une faille dans le cerveau humain qui nous empêche de
nous arrêter, qui nous pousse à continuer de prendre, de rivaliser et de
détruire, même quand ce n’est pas nécessaire.
Beaucoup
de gens blâment la croissance démographique, et il n'y a aucun doute que ce fut
un facteur. Mais deux autres tendances se sont développées encore plus vite et
sont allées plus loin. La première est l'augmentation de la consommation; la
deuxième est l’amplification au moyen de la technologie. Chaque année, de
nouveaux pesticides, de nouvelles techniques de pêche, de nouvelles méthodes
d'exploitation minière, de nouvelles techniques d’abattage des arbres se
développent. Nous sommes en train de livrer une guerre de plus en plus
asymétrique contre le monde vivant.
Mais
pourquoi sommes-nous en guerre? Dans les nations riches (dont la plupart sont
responsables de la destruction à travers l’import/export) une grande partie de
notre consommation n'a rien à voir avec la satisfaction des besoins humains.
Ce qui frappe
le plus durement, c’est la disproportion entre ce que nous perdons et ce que
nous gagnons. Dans un pays où les besoins primaires et secondaires sont déjà
comblés, la croissance économique signifie produire toujours plus de choses
futiles pour répondre à nos moindres désirs.
Dans une
société bombardée de publicité et dominée par les impératifs de la croissance,
le plaisir se réduit à de l'hédonisme, un hédonisme de consommation. Nous
utilisons la consommation comme remède à l'ennui, pour combler le vide d’une
culture insensible, cupide et émoussée, pour essayer d’éclairer le monde gris
que nous avons créé.
Nous nous
préoccupons de moins en moins des biens que nous achetons, et nous les jetons
de plus en plus rapidement. Pourtant, l'extraction des matières premières requises
pour leur production, la pollution engendrée par leur fabrication, les
infrastructures, le bruit, et la combustion de carburant nécessaire à leur
transport, détruisent un monde naturel infiniment plus fascinant et complexe
que les objets que nous fabriquons. La disparition de la faune élimine de notre
vie l'émerveillement, l'enchantement et la magie du monde vivant.
Mais à
quoi et à qui profite la croissance? Aux gens qui gèrent ou possèdent les
banques et les fonds spéculatifs, aux compagnies minières, aux sociétés de
publicité, aux lobbies d’entreprises, aux fabricants d'armes, aux agents
immobiliers, aux gérants de portefeuilles et de paradis fiscaux. Un marketing
très intense et omniprésent, équivalant à du lavage de cerveau, veut nous
amener à considérer le système comme nécessaire et souhaitable. Un système qui
menace notre sécurité, nous rétrécit et nous appauvrit, mais qu’on nous
présente comme la seule solution possible à tous nos problèmes. Il n'y a pas
d'alternative – nous devons gravir la falaise. Quiconque remet le système en
question est ignoré ou vilipendé.
Qui sont
les bénéficiaires? Eh bien, ce sont aussi les plus gros consommateurs dont la
façon d’utiliser leur spectaculaire fortune a des impacts des milliers de fois
plus grands que celui de la plupart des gens. Une grande partie du monde
naturel est détruit afin que les très riches puissent monter sur leurs yachts
en bois d'acajou, manger des sushi au thon rouge, saupoudrer de la corne de
rhinocéros sur leurs plats, atterrir en jets privés dans des aérodromes sculptés
sur des terres exceptionnelles; ils consomment en un jour la quantité de
carburant fossile que les citoyens moyens consomment globalement en un an.
Voilà
comment Grand Sablage Mondial fait son chemin, détruisant les réserves de la
Terre, dérobant tout ce qui est distinct et inusité (tant dans la culture
humaine que dans la nature), faisant de nous des automates remplaçables au sein
d’un effectif mondial homogène, transformant inexorablement les richesses du
monde naturel en monocultures indifférenciées.
N'est-il
pas temps de crier STOP et de nous servir de notre extraordinaire savoir-faire
et expertise pour changer la façon dont nous nous organisons? N’est-il pas
temps de contester et d’inverser les tendances qui ont gouverné notre relation avec
cette planète vivante dont nous sommes en train détruire les dernières caractéristiques
à une vitesse ahurissante? N'est-il pas temps de contester la croissance illimitée
sur une planète limitée? Si ce n'est pas maintenant,
ce sera quand?
~ George Monbiot
Extrait
de : The Kink in the
Human Brain, The Guardian | October 2, 2014
www.monbiot.com
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