19 juillet 2018

Y aura-t-il encore des aurores qui chantent?

Aurore
Kamal Zerdoumi (2018)

Beau est Le monde malgré la nuit
secrète ta propre lumière
intense
Malgré l’opacité
du silence
Il y aura toujours
éphémère
cette chance
de se nourrir d’espérance
Ni la démence ni le sang
avec leur laideur et leurs transes
n’éteindront le chant
de l’oiseau
au soleil levant

Cueilli sur : https://www.poetica.fr/

Photo : DickDaniels (Wikipedia). Guillemot de Troïl   

En janvier 2016, des biologistes sont confrontés à la mort de milliers d’oiseaux marins retrouvés dans la baie de Prince-William en Alaska. D’après les experts, environ 8000 Guillemots de Troïl ou Guillemots marmette, une espèce répandue en Amérique du Nord, seraient morts de faim. Pourtant, l’oiseau se nourrissant surtout de petits poissons, mais aussi de quelques crustacés, de vers marins et calmars, est un excellent pêcheur. Ce serait selon les experts, les changements climatiques et El Nino qui auraient fait fuir les petits poissons et ainsi entraînés la mort de ces oiseaux.

Si les extinctions de masse étaient, avant l’apparition de l’homme, des événements plus rares, la vie de différentes espèces animales est aujourd'hui régulièrement mise en péril. Qu’elles soient menacées par les effets de la pollution, la destruction de leurs habitats ou d’autres phénomènes liés aux activités humaines - aggravés par les effets du changement climatique - bien des espèces connaissent maintenant des situations précaires à chaque année. Sept cas de morts massives et subites d’animaux qui en font la démonstration : 

Si nous devions organiser des obsèques nationales (voire internationales) en l’honneur des espèces qui ont disparu ces dernières décennies, victimes de génocides animalier, nous passerions notre temps en cérémonies de deuil!

La faille dans le cerveau de l’homme

Notre désolante (et inutile) consommation est en train de détruire les merveilles de notre monde. Le moment est venu où quiconque a la capacité de réfléchir devrait s'arrêter et se demander ce que nous sommes en train de faire.
   Si apprendre que durant les 40 dernières années le monde a perdu plus de 50 % de ses vertébrés sauvages (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons) ne parvient pas à nous faire comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche dans notre façon de vivre, il est difficile d'imaginer ce qui le pourrait. Qui peut croire qu'un système économique et social qui a cet effet est sain, et, considérant les pertes, appeler cela progrès?  
   Nous nous sommes frayé un chemin le long de la chaîne alimentaire, nous avons éliminé les petits prédateurs, les herbivores moyens, et maintenant, avec la destruction des habitats et la chasse, c’est toute la faune du réseau alimentaire qui y passe. Il semble y avoir une faille dans le cerveau humain qui nous empêche de nous arrêter, qui nous pousse à continuer de prendre, de rivaliser et de détruire, même quand ce n’est pas nécessaire.
   Beaucoup de gens blâment la croissance démographique, et il n'y a aucun doute que ce fut un facteur. Mais deux autres tendances se sont développées encore plus vite et sont allées plus loin. La première est l'augmentation de la consommation; la deuxième est l’amplification au moyen de la technologie. Chaque année, de nouveaux pesticides, de nouvelles techniques de pêche, de nouvelles méthodes d'exploitation minière, de nouvelles techniques d’abattage des arbres se développent. Nous sommes en train de livrer une guerre de plus en plus asymétrique contre le monde vivant.
   Mais pourquoi sommes-nous en guerre? Dans les nations riches (dont la plupart sont responsables de la destruction à travers l’import/export) une grande partie de notre consommation n'a rien à voir avec la satisfaction des besoins humains.
   Ce qui frappe le plus durement, c’est la disproportion entre ce que nous perdons et ce que nous gagnons. Dans un pays où les besoins primaires et secondaires sont déjà comblés, la croissance économique signifie produire toujours plus de choses futiles pour répondre à nos moindres désirs.


Dans une société bombardée de publicité et dominée par les impératifs de la croissance, le plaisir se réduit à de l'hédonisme, un hédonisme de consommation. Nous utilisons la consommation comme remède à l'ennui, pour combler le vide d’une culture insensible, cupide et émoussée, pour essayer d’éclairer le monde gris que nous avons créé.
   Nous nous préoccupons de moins en moins des biens que nous achetons, et nous les jetons de plus en plus rapidement. Pourtant, l'extraction des matières premières requises pour leur production, la pollution engendrée par leur fabrication, les infrastructures, le bruit, et la combustion de carburant nécessaire à leur transport, détruisent un monde naturel infiniment plus fascinant et complexe que les objets que nous fabriquons. La disparition de la faune élimine de notre vie l'émerveillement, l'enchantement et la magie du monde vivant.
   Mais à quoi et à qui profite la croissance? Aux gens qui gèrent ou possèdent les banques et les fonds spéculatifs, aux compagnies minières, aux sociétés de publicité, aux lobbies d’entreprises, aux fabricants d'armes, aux agents immobiliers, aux gérants de portefeuilles et de paradis fiscaux. Un marketing très intense et omniprésent, équivalant à du lavage de cerveau, veut nous amener à considérer le système comme nécessaire et souhaitable. Un système qui menace notre sécurité, nous rétrécit et nous appauvrit, mais qu’on nous présente comme la seule solution possible à tous nos problèmes. Il n'y a pas d'alternative – nous devons gravir la falaise. Quiconque remet le système en question est ignoré ou vilipendé.
   Qui sont les bénéficiaires? Eh bien, ce sont aussi les plus gros consommateurs dont la façon d’utiliser leur spectaculaire fortune a des impacts des milliers de fois plus grands que celui de la plupart des gens. Une grande partie du monde naturel est détruit afin que les très riches puissent monter sur leurs yachts en bois d'acajou, manger des sushi au thon rouge, saupoudrer de la corne de rhinocéros sur leurs plats, atterrir en jets privés dans des aérodromes sculptés sur des terres exceptionnelles; ils consomment en un jour la quantité de carburant fossile que les citoyens moyens consomment globalement en un an.
   Voilà comment Grand Sablage Mondial fait son chemin, détruisant les réserves de la Terre, dérobant tout ce qui est distinct et inusité (tant dans la culture humaine que dans la nature), faisant de nous des automates remplaçables au sein d’un effectif mondial homogène, transformant inexorablement les richesses du monde naturel en monocultures indifférenciées.
   N'est-il pas temps de crier STOP et de nous servir de notre extraordinaire savoir-faire et expertise pour changer la façon dont nous nous organisons? N’est-il pas temps de contester et d’inverser les tendances qui ont gouverné notre relation avec cette planète vivante dont nous sommes en train détruire les dernières caractéristiques à une vitesse ahurissante? N'est-il pas temps de contester la croissance illimitée sur une planète limitée? Si ce n'est pas maintenant, ce sera quand?

~ George Monbiot 
Extrait de : The Kink in the Human Brain, The Guardian | October 2, 2014
www.monbiot.com 

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