26 mai 2017

Ce chef me réconcilie avec les humains...

Un chroniqueur déplorait les critiques contre l’illumination du Pont Jacques-Cartier, disant que ces gens-là ne savaient pas apprécier l’art à sa juste mesure. La plupart des critiques tournaient autour de la dépense de 39,5 millions de dollars, argent qui aurait pu servir à boucher des trous – les ornières et les crevasses causées par des bris d’aqueducs dans les rues de Montréal, mais surtout les trous dans l’accès aux logements abordables pour les démunis, de plus en plus nombreux. Les poches de pauvreté sont répandues dans des endroits insoupçonnés en ville et partout au Québec selon une enquête : 
     De toutes les régions du Québec, c'est à Montréal-Nord que l'on trouve la population d'enfants la plus à risque au chapitre de la pauvreté sociale et économique. Une étude qui sera rendue publique aujourd’hui dans le cadre du 5e Symposium de pédiatrie sociale en communauté dresse une carte de la vulnérabilité infantile de tout le Québec. Des 30 quartiers ayant un indice de défavorisation socioéconomique chez les enfants parmi les plus élevés, 16 sont situés à Montréal.
     Des zones à risque – C'est à l'initiative de la Fondation du Dr Julien que Tonino Esposito, professeur adjoint à l'École de service social de l'Université de Montréal, et sa collègue de l'Université McGill Catherine Roy ont lancé une recherche afin de savoir où se trouvaient les enfants les plus à risque sur le plan de la pauvreté sociale et économique au Québec. L'objectif était d'aider éventuellement le gouvernement et la Fondation du Dr Julien à établir la liste des quartiers qui pourraient le plus bénéficier de l'implantation de centres de pédiatrie sociale. (...) ~ Ariane Lacoursière, 26 mai 2017, http://www.lapresse.ca/actualites/

Je doute que les spectacles d'illumination du pont (auxquels Rozon veut ajouter plus de feux d’artifice polluants) attirent particulièrement les touristes étrangers comme le prétendent les promoteurs. Ce que les visiteurs apprécient le plus au Québec, c’est l’accueil chaleureux, la convivialité, la simplicité des rapports – nous ne sommes pas culturellement snobinards et arrogants. Alors, je crois qu’il vaut mieux continuer de miser sur cet aspect pour attirer le tourisme. Ce qui ne nous empêche pas d’améliorer la qualité de l’environnement physique et visuel de la ville, notamment en investissant davantage dans la verdure que dans le béton et la ferraille – et pas juste dans les quartiers huppés.

En conclusion, c’est seulement quand tu as un toit au-dessus de la tête et de la nourriture dans ton assiette que tu peux «apprécier l’art à sa juste mesure»...

Dans cet ordre d’idée, le chef ontarien, Jagger Gordan, est une inspiration. Il mérite 5 étoiles, mais pas selon les critères habituels. Souhaitons que la ville de Toronto lui donnera un coup de pouce financier car en plus d’aider les pauvres, il contribue à réduire le gaspillage alimentaire – le Canada compte parmi les champions dans ce domaine.

Quand les ordures des uns font les repas des autres

Un texte de Christian Noël
Publié le jeudi 18 mai 2017

Le chef Jagger Gordon   Photo : Radio-Canada

Un restaurateur torontois lutte contre le gaspillage alimentaire, un repas gratuit à la fois. Le chef Jagger Gordon récupère des aliments destinés aux poubelles par les grandes chaînes et prépare des repas gratuits pour les plus démunis. 
     «Avez-vous faim? Venez, venez, c’est gratuit!» Le chef Jagger Gordon attire les passants devant son stand de nourriture, près du centre-ville de Toronto. 
     Stephany Grieve s’arrête pour commander un sandwich au salami. «Je n’ai plus d’argent jusqu’à la fin du mois. Mais ici, je peux manger gratuitement. C’est délicieux, c’est mon troisième sandwich cette semaine.» «C’est meilleur que les autres soupes populaires qui offrent aussi de la nourriture gratuitement parce que c’est frais et fait juste pour moi», dit-elle. 
     Le restaurant Soup Bar du chef Gordon n’est pas encore officiellement ouvert, mais déjà, des dizaines de personnes viennent s’approvisionner à son comptoir de rue. Gratuitement. 
     Ses clients (ils les appellent ses «invités») viennent de toutes les couches de la société. Des assistés sociaux, des étudiants, des femmes monoparentales, des personnes âgées, des travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts. 
     Au menu, des sandwichs, et bientôt, de la soupe. Tous les repas sont préparés avec des ingrédients «recyclés».

Le chef Jagger Gordon attire les passants devant son stand de nourriture, près du centre-ville de Toronto. Photo : Christian Noël

«Le pain, la viande, le fromage à la crème, tous les ingrédients utilisés sont passés à deux doigts de se retrouver aux poubelles.» ~ Chef Jagger Gordon 
     Il convoite les fruits et légumes meurtris ou imparfaits et des produits qui approchent de leur date de péremption. Le chef conserve les morceaux de choix afin de préparer des repas nutritifs et équilibrés. 
     Dans sa sélection d’ingrédients cette journée-là : du capicollo mal tranché, d’une épaisseur inégale; des sachets de biscuits mal emballés; et du fromage à la crème végétalien qui n’expire que dans 10 jours. 
     «Les grandes chaînes se débarrassent de ce type d’aliments, afin de libérer l’espace sur les tablettes ou dans leurs entrepôts pour des produits plus frais. Je les achète à bas prix, parfois 10 fois moins cher.» 
     Il recueille ainsi de 100 à 200 kilogrammes de nourriture par jour, «assez pour nourrir une centaine de familles».

Donner au suivant

Le modèle d’affaires survit grâce au système de paiement que le chef Gordon a mis en place. «C’est une approche communautaire», explique-t-il. 
     Le client qui a les moyens de payer donne un montant d’argent de son choix. Pour chaque tranche de 2,50 $, il reçoit un jeton, qu’il glisse ensuite dans un bocal sur le comptoir.

Les clients du Soup Bar peuvent laisser un montant d'argent de leur choix ou acheter leur repas à l'aide d'un jeton payé par quelqu'un d'autre. Photo : Christian Noël

     «Si le prochain client n’a pas d’argent, il peut payer son repas à l’aide d’un de ces jetons. C’est une façon de donner au suivant.» ~ Chef Jagger Gordon 
     C’est une initiative «merveilleuse» aux yeux de Jennifer Hind, une étudiante de niveau collégial. «Nous avons tellement de gens à Toronto qui se nourrissent mal ou pas du tout, faute d’argent. C’est une véritable crise.» L’initiative du chef Gordon, selon elle, redonne une certaine dignité aux gens affamés, «et en plus, la nourriture est excellente» ajoute Jennifer. «La viande est fraîche, le pain goûte comme tout droit sorti de la boulangerie. On ne peut pas demander mieux.»

Des milliards de dollars de gaspillage

Pendant que le chef Gordon sert ses «invités», un camion d’une grande boulangerie industrielle de l’Ontario (qui préfère rester anonyme) s’arrête pour effectuer une livraison. Près d’une centaine de petits pains, de baguettes et de focaccias se retrouvent sur la table du restaurant. 
     «Tout ce pain allait se retrouver aux ordures d’ici la fin de la journée. Nous offrons du pain frais du jour aux restaurants et aux hôtels de Toronto, dit le chauffeur de la boulangerie. À la fin de la journée, il faut se débarrasser des restants pour préparer la commande du lendemain.» 
     Du gaspillage de nourriture qui atteint une ampleur sans précédent au Canada, selon une étude de VCM International, une firme de consultants dans le domaine de la restauration. 
     En 2010, 27 milliards de dollars de nourriture se sont retrouvés aux dépotoirs. En 2014, c’était 31 milliards de dollars. Dans les restaurants, les épiceries, les hôtels, mais surtout, à la maison.

Gaspillage alimentaire au Canada en 2014 (en pourcentage) :

Consommateurs 47 %
Transformation 20 %
Fermes 10 %
Magasins 10 %
Restaurants et hôtels 9 %
Transport 4 %

Le Canada, selon le chef Gordon, devrait s’inspirer de la France, qui a adopté une loi l’an dernier afin de réduire le gaspillage alimentaire, dans les secteurs de la restauration et du commerce de détail. 
     «Je lance un défi au premier ministre Trudeau de s’attaquer au gaspillage alimentaire.» ~ Chef Jagger Gordon 
     «Un projet comme le mien offre une solution symbolique», concède le chef Jagger. Mais il espère sensibiliser les Canadiens à faire leur part, afin d’éliminer le gaspillage tout en nourrissant les plus démunis.

http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1034351/gaspillage-alimentaire-nourriture-ordures-restaurant-repas-gratuit-toronto

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