Daphné
Laurier-Montpetit | 13 juin 2013
Transit
de la Polynésie Française aux îles Salomon
1000
jours pour la planète
Albatros
à sourcils noirs (Thalassarche melanophris). Crédit photo Jean Lemire
Me
voilà dans l’hémisphère sud, au beau milieu du Pacifique. Rien que du bleu
autour et quelques poissons volants. Parfois, on devine une île à proximité par
la présence d’oiseaux marins. Il y a quelque chose de si majestueux chez ces
animaux! Grande romantique que je suis, je répète intérieurement mon poème
favori :
Souvent pour s’amuser, les hommes
d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux
des mers,
Qui suivent indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres
amers.
Je
rêve de voir cet oiseau depuis ma première lecture du poème de Baudelaire, dans
un cours de français au secondaire. Je me retrouve finalement dans le domaine
de l’albatros, les yeux grands ouverts.
C’est
dans l’hémisphère sud et dans le Pacifique qu’on retrouve ce voyageur, là où
les vents sont favorables. Dans l’Atlantique, où les courants d’air sont
incertains, il risquerait de rester prisonnier. J’ai beau scruter l’horizon,
pas d’albatros en vue. J’en suis bien certaine, parce que son vol est si
particulier qu’on le reconnaît au premier coup d’œil. Armé de ses ailes
immenses, mesurant parfois plus d’un mètre chacune, l’albatros plane sur des
milliers de kilomètres.
À peine les ont-ils déposés sur les
planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et
honteux,
Laissent piteusement leurs grandes
ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté
d’eux.
Pas
étonnant qu’il soit si encombré, une fois à terre. Cet oiseau est né pour
planer, pouvant rester plusieurs dizaines de jours en vol, sans jamais se
poser! Toutes ailes déployées, il se laisse porter par les grands vents,
dépensant à peine plus d’énergie qu’au repos. Si le vent tombe, l’albatros se
pose sur l’eau, indiquant le mauvais temps au marin attentif.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche
et veule!
Lui, naguère si beau, qu’il est
comique et laid!
L’un agace son bec avec un
brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme
qui volait!
Je
pense au sort de l’albatros. Si les marins ne pratiquent plus les jeux cruels
décriés par le poème, l’oiseau n’est malheureusement pas tiré d’affaire. Après
des années de chasse intensive pour sa viande et ses plumes, ce sont
aujourd’hui les filets de pêche et le plastique qui le guettent. On estime que
100 000 albatros rendent l’âme chaque année, après s’être empêtrés par accident
dans les palangres destinées aux grands thons. Aux îles Midway, les albatros de
Laysan se remplissent l’estomac de morceaux de plastique à la dérive, jusqu’à
mourir de malnutrition. Ce sont donc 18 des 22 espèces d’albatros qui sont
aujourd’hui menacées. C’est à se demander si j’en verrai un jour...
Je
garde l’œil ouvert sur la mer, à la recherche du mythique albatros.
Anciennement, une superstition disait que ces oiseaux portaient l’âme d’un
marin perdu en mer. L’écologiste, l’amoureuse de la mer et la poétesse en moi
s’unissent quand je pense à L’Albatros.
Le Poète est semblable au prince des
nuées
Qui hante la tempête et se rit de
l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de
marcher.
Albatros à queue courte
Crédit
photo Jean Lemire
L’albatros
à queue courte (Phoebastria albatrus) est un albatros de taille moyenne dont la
petite queue lui vaut son nom. Plus des 4/5 de la population totale nidifient
sur l’île de Torishima, à 480 km au sud du Japon. Les données satellitaires
montrent que l’aire d’alimentation des albatros à queue courte couvre tout le
Pacifique Nord, des zones tempérées aux zones subarctiques. Quelques oiseaux
ont été observés à Midway, dans l’archipel d’Hawaï, durant la saison de
reproduction.
Les
observations réalisées sur Torishima témoignent du rythme suivi par l’espèce
pour perdurer. Les couples se forment pour la vie. La femelle et le mâle
peuvent demeurer quelques années ensemble avant de s’accoupler pour la première
fois, vers l’âge de 8 ou 9 ans. La saison d’accouplement commence au début
octobre; la ponte se déroule vers la fin du mois et au début novembre. Le fruit
de cette union n’est qu’un seul œuf, lequel sera couvé durant 65 jours.
L’éclosion des oisillons se produit à la fin décembre et au cours du mois de
janvier. Les petits commencent à voler à la fin mai et durant juin. La maturité
sexuelle est atteinte vers 4 ans.
Population
: environ 2 300
Au cours des 19e et 20e siècles, les
albatros à queue courte ont été chassés à outrance pour leurs plumes. Jusqu’à
10 millions d’oiseaux auraient été ainsi tués. En 1933, le gouvernement japonais a interdit la chasse
des albatros à queue courte sur Torishima, de loin le plus important site de
nidification. Toutefois, ces oiseaux commencèrent à déserter l’île. En 1949, on
croyait l’espèce éteinte, mais elle fut redécouverte en 1951. Une cinquantaine
d’individus en bas âge avaient sans doute continué à vivre en mer. L’espèce est
maintenant activement protégée et, depuis 1954, l’île est redevenue un lieu de
nidification et de ponte.
Malgré
les mesures de protection adoptées, l’espèce demeure exposée à une foule de
dangers. Comme tous les albatros, ils s’empêtrent aisément dans l’équipement de
pêche (palangre) et les débris de plastique sont facilement pris pour de la
nourriture.
Torishima
étant une île volcanique, une éruption durant la saison de reproduction
pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour l’espèce. Les autorités
japonaises sont prêtes à déménager les albatros à queue courte si cette
situation devait se produire.
En
2010, des séismes volcaniques ont causé un glissement de terrain qui a enseveli
plusieurs oisillons sur l’île de Torishima.
RÉFÉRENCES:
Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation
de la nature (UICN) et Encyclopedia of Life.
~~~
Et quid de nos baleines?
Pour
en apprendre davantage sur les 13 espèces de baleines du Saint-Laurent :
Baleines en direct https://baleinesendirect.org/
Défi Saint-Laurent : des entreprises s’engagent à
réduire leur utilisation de plastique
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