8 mars 2019

Femmes 2019. L’histoire continue.

«Isabella Beecher Hooker* s'est lancée dans le mouvement des droits de la femme il y a une soixantaine d'années, et elle a travaillé avec toute son énergie pour cette grande cause toute sa vie; en tant que travailleuse compétente et efficace, elle se classe immédiatement après ces grandes figures : Susan B. Anthony*, Elizabeth Cady Stanton*, et Mme [Mary] Livermore*. Lorsque ces femmes fortes ont commencé à occuper l’espace public en 1848, la femme était ce qu'elle avait toujours été dans tous les pays, dans toutes les religions, toutes les cultures barbares, toutes les civilisations – une esclave, un objet de mépris. Les lois touchant les femmes étaient une honte pour notre législature. Ces femmes courageuses ont assiégé les assemblées législatives du pays, année après année, souffrant et endurant toutes sortes de reproches, de réprimandes, le mépris et l’humiliation, mais sans jamais se rendre, sans jamais battre en retraite. Leur magnifique campagne a duré de nombreuses années et c’est la plus belle de l'histoire, car elle a accompli une révolution – la seule de l'histoire de l'humanité qui a permis l’émancipation de la moitié d’une nation et qui n'a pas coûté une goutte de sang. Elles ont brisé les chaînes de leur sexe et se sont libérées.»
~ Mark Twain (Autobiographical dictation, 1 March 1907. Published in Autobiography of Mark Twain, Volume 3; University of California Press, 2015)

* Isabella Beecher Hooker, née le 22 février 1822 et décédée le 25 janvier 1907, était une leader, conférencière et activiste du mouvement suffragiste américain.  
* Susan Brownell Anthony, née le 15 février 1820 et décédée le 13 mars 1906, était une militante américaine des droits civiques, qui joua notamment un rôle central dans la lutte pour le suffrage des femmes aux États-Unis. Cofondatrice, avec Elizabeth Cady Stanton, de la National Woman Suffrage Association, elle sillonne les États-Unis et l'Europe en donnant de 75 à 100 conférences par an pour les droits des femmes, pendant plus de 45 ans. Lors de l'élection présidentielle de 1872, qui voit la réélection du président Grant pour un second mandat, Susan Anthony est arrêtée et condamnée pour avoir tenté de voter.
* Elizabeth Cady Stanton, née le 12 novembre 1815 à Johnstown (New York) et décédée le 26 octobre 1902 à New York, était une féministe abolitionniste et suffragiste américaine.
* Mary Livermore (Mary Ashton Rice), née le19 décembre 1820 et décédée le 23 mai 1905, était une journaliste américaine et militante des droits des femmes.

Collage : ONU FEMMES. Elizabeth Cady Stanton et Lucretia Mott, 1848. Dans une Déclaration de sentiments et de résolutions elles disaient : «Nous tenons comme vérités allant de soi que tous les hommes et les femmes sont créés égaux.»

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Un document fascinant sur l’histoire américaine du féminisme.   

Université Toulouse-Le Mirail Études nord américaines
LE CHOIX INTOLÉRABLE ou
L’évolution des mouvements féministes aux États-Unis
HAL Id: tel-01353790 Submitted on 13 Aug 2016


Extraits

Ce qui est sûr, c’est que bien avant l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, la femme avait été asservie. La vente des filles, le port du voile, le bandage des pieds, la lapidation de la femme adultère, en sont autant de signes. Il nous faut surtout considérer le rôle joué par l’Église dans ce domaine, et surtout ce que dit la Bible sur les femmes,  car les pionniers lisaient assidûment la Bible (beaucoup fuyaient les persécutions religieuses). Jusqu’à la fin du 19èmesiècle, les femmes se battirent sur ce terrain-là, et allèrent même jusqu’à réécrire la Bible. Dans la Genèse déjà, l’on voit que Dieu a créé Ève en tant que compagne d’Adam. Elle n’est pas sur un pied d’égalité dès le départ. Elle est créée pour lui. Paul, dans la première épître aux Corinthiens, enseigne que l’homme est la tête de la femme (chapitre 11, verset 3) et que la femme a été créée pour l’homme et non l’inverse (chapitre 11, verset  8). Dans l’épître aux Éphésiens, Paul  recommande aux femmes de se soumettre à leur mari comme au Seigneur (chapitre 5,  verset 22). L’homme doit aider sa femme mais la femme doit respecter son mari (chapitre 5, verset 33). Ils sont une même chair et cette même chair c’est l’homme, bien sûr, comme beaucoup l’ont déjà dit.
   Les Puritains de la Nouvelle-Angleterre réglaient leur vie d’après la Bible et ces quelques lignes ne leur ont pas échappé. Il n’y avait pas que des chrétiens dans les treize colonies; mais les Indiens et les noirs étant considérés comme inférieurs, sinon  comme des animaux, leur culture dans ce domaine n’eut aucune influence sur les blancs (dont un des soucis était d’ailleurs d’évangéliser ces “barbares”).
   La famille du 17ème siècle était une famille élargie. Notons en passant l’origine du mot “famille” qui, comme le fait remarquer Engels fort pertinemment, vient des mots latins famulus signifiant esclave  domestique et familia, l’ensemble des esclaves appartenant à un même homme. Une famille élargie comprenait non seulement le couple et ses enfants, mais aussi les grands-parents, les oncles, tantes ou cousins célibataires. Le père était le chef de famille, investi de tous les droits sur sa famille et sa propriété (sa famille était d’ailleurs considérée comme sa propriété). Se marier pour une femme équivalait à une “mort civile”. Le droit commun britannique faisait la comparaison suivante :
   “Man and wife are one person, but understand in what manner. When a small brooke or little river incorporateth with Rhodanus, Humber or the Thames, the poor rivulet looseth its name, it is carried and recarried with the new associate, it beareth no sway, it possesseth nothing during coverture. A woman as soon as she is married, is called covert, in Latin, nupta, that is, veiled, asit were, clouded and over-shadowed, she hath lost her streame [...] To a married woman, her new self is her superior, her companion, her master.”  
   L’expression anglaise man  and  wife (l’homme et l’épouse) montre bien que la femme est considérée uniquement en relation avec un homme et non pas en tant que personne, comme pour l’homme. Le mot femme en français est plus ambigu.

Quels étaient les pouvoirs exorbitants de l’homme?
Les femmes travaillaient et payaient des impôts (directement ou non) mais n’avaient pas le droit de vote; or la Déclaration d’Indépendance disait : “Taxation without representation is tyranny”.Les jurys excluaient les femmes, donc la femme était jugée par son oppresseur. La femme mariée ne pouvait rien posséder et rien vendre. Elle ne pouvait ni signer de contrat, ni disposer de son salaire. Sa personne son temps, ses services étaient la propriété d’un autre. Elle ne pouvait se défendre elle-même devant les tribunaux, ni attaquer quiconque en justice, ni être attaquée  elle-même. Elle n’était pas tenue pour moralement responsable d’un crime commis en présence de son mari. Un homme pouvait mettre un enfant en apprentissage sans le consentement de sa femme.
   S’il était sur le point de mourir, il pouvait disposer de ses enfants comme il l’entendait et ainsi en priver la mère. En cas de séparation, la loi donnait les enfants au père ou à la famille de celui-ci. D’autres lois, plus bénignes mais tout aussi révélatrices, existaient. Dans le Massachusetts avant 1840, une femme ne pouvait légalement être trésorière de  son propre club de couture, à moins qu’un homme n’accepte de la prendre sous sa responsabilité. Un homme avait le droit de prescrire quels médicaments sa famille devait  prendre et en quelles quantités, quelle sorte de nourriture manger.
   En plus des lois, des coutumes restreignaient encore le champ d’activité des femmes. Par exemple, une femme n’avait pas le droit d’assister à un procès ou de se promener seule sur les docks. Nathaniel Hawthorne, dans The Scarlet Letter, a remarquablement décrit le destin d’une femme adultère. La religion achevait ce que la loi ne suffisait à faire. La femme devait payer pour le péché d’Ève.
   La femme, propriété de l’homme, remplissait trois fonctions : celle de servante, celle de génitrice et celle d’objet sexuel (le mariage sans consentement des filles était chose courante). Mais après tout, comme disait le Dr. Johnson : “Nature has given women so much power that the law has wisely given them very little.”
   Et les hommes, et bien des femmes, pensaient en effet que la femme dispose d’autres pouvoirs, que tout est bien ainsi. C’est encore une forme de pensée courante aujourd’hui. La femme est donc une mineure légale au 17ème siècle. Va-t-elle continuer à l’accepter? Le nouveau continent va-t-il la libérer?

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Toutes les religions ont joué et jouent un rôle intrinsèque dans la répression et la violence à l’égard des femmes. Plus l’emprise religieuse est puissante sur les croyants, plus la répression est intense. Je suis allergique aux prescriptions misogynes répandues dans les religions traditionnelles et les sectes. Les organisations religieuses imposent à leurs adeptes des diktats contraires à l’intelligence et à la raison. Au top des extrêmes barbares, le salafisme, un mouvement religieux de l’islam sunnite dont le développement contemporain est depuis les années 1960-70 largement lié au généreux mécénat saoudien. Je plains de tout mon coeur les femmes qui vivent sous le joug du salafisme et de la charia sans possibilité de s’évader sinon par la mort.

Des jeunes femmes brandissent des pancartes lors de la manifestation des étudiants contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat le 5 mars 2019, place Maurice-Audin à Alger. Depuis plusieurs années, des avocates, des médecins sont parties à la conquête de l’espace public. Photo : Nacerdine Zeba. 

Le «chick lit» des salafistes, par Hasna Hussein
Article intégral :

Les librairies islamiques ciblent intelligemment un jeune public, un peu à la façon des magazines féminins. Quelques ouvrages : «les Secrets du hijab…», «Main dans la main pour ta réussite mon cher mari» ou encore «Femme au foyer : redécouvre ton chez-toi». Les voix de la radicalisation sont impénétrables.
   Ces ouvrages destinés aux femmes, souvent traduits de l’arabe, véhiculent une image unique de «la femme» musulmane, nécessairement «voilée», «pieuse», bonne épouse et mère exemplaire. On lit dans l’un de ces ouvrages : «Certaines femmes négligent le fait de servir l’époux. L’une d’elles ne se charge pas de satisfaire ses besoins comme préparer à manger, lui laver ses vêtements, etc. Elle ne se soucie guère du rangement de son foyer, ni même de sa propreté. [...] Tout ceci pour une seule raison : sa négligence et sa paresse. [...] C’est un devoir qui est obligatoire selon l’avis le plus juste.» En plus d’inonder les chaînes satellitaires arabes et Internet de leurs avis juridiques (fatwas) sexistes, machistes et misogynes, des auteurs à succès, comme les Saoudiens Muhammad ibn Ibrahîm al-Hamad ou Ibn Bâz diffusent dans leurs ouvrages des avis comme l’urine d’un bébé fille annule les ablutions car elle est impure alors que celle d’un bébé garçon ne l’est pas! Le livre en question, intitulé Recueil de fatwas concernant les femmes, contient plus de 535 fatwas, qui prennent madame par la main pour lui dire que faire dans les moindres détails de sa vie (au foyer) et figure parmi les best-sellers des librairies de la rue Jean-Pierre-Timbaud.

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Ce magnifique document graphique produit par ONU FEMMES retrace des faits marquants qui ont jalonné les revendications des femmes et fait évoluer la cause.


L’histoire du militantisme féminin au fil des générations d’hier et d’aujourd’hui

Il suffit d’un instant pour déclencher une révolution, des actions collectives peuvent transformer les lois, l’expression créative peut modifier les comportements, et une invention peut changer le cours de l’histoire. Ce sont ces gouttes d’eau dans la mer qui, en dépit des obstacles, forment ensemble une vague de militantisme en faveur des femmes. Découvrez comment certaines de ces gouttes d’eau, grandes et petites, ont forgé nos vies ainsi que les droits et la vie des femmes et des filles du monde entier.

Aujourd’hui, 1 femme sur 3 subit des violences au cours de sa vie; 830 femmes meurent chaque jour de causes évitables liées à une grossesse; seulement 1 parlementaire sur 4 dans le monde est une femme; au rythme actuel, il faudra attendre jusqu’en 2086 avant de pouvoir combler l’écart salarial si l’on ne fait pas avancer les choses.
   Les inégalités entre les sexes sont monnaie courante. Alors que la communauté internationale se rassemble dans le cadre du Programme de développement durable, il nous incombe, à l’égard des générations futures, de lutter pour un monde où les femmes bénéficient d’une voix, de choix et d’une latitude d’action, et jouissent des mêmes droits que les hommes.

Femmes, hommes, garçons et filles, citoyens du monde, unissez-vous!
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