Plusieurs femmes (jeunes et moins jeunes) tombent
dans l’engrenage dans l’espoir de sortir de la pauvreté ou de devenir riche
rapidement, séduites ou parfois kidnappées, par d’habiles proxénètes. Une fois
le piège fermé, il est quasi impossible d’en sortir (1).
Dans le
vent
Esther
Granek
De le nier, on aurait tort.
De l’ignorer, pareillement.
Tant il est vrai qu’en plein essor,
et de nos jours, superbement,
le cul est roi. Et dans le vent.
C’est vérité fondamentale.
Pour l’ériger en idéal,
au bond il faut saisir la balle.
Tout malin y sera gagnant.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Soudainement c’est frénésie.
Deviser cul crée bons profits!
Déjà maints champs sont investis.
Et tous les styles y sont présents.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Pour se laver de tout vulgaire
et pour ne point nuire aux affaires
et pour en user librement,
aux mots latins on se réfère.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Écrivains et écrivassiers
qui tant de pages noircissez,
et dans la douleur enfantez,
dissertez cul, abondamment.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Du cul, ne soyez point avares
Indispensable au rendement,
vous y gagnerez belles parts.
Et grand succès. Conséquemment.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Quant à l’écran et à l’image,
envahissant, il y fait rage.
Mal acceptées, les oeuvres sans.
Que d’obstructions et de barrages!
Le cul est roi! Et dans le vent !
Synthèses,
2009
Site de l’auteure : http://www.freewebs.com/esthergranek/
~~~
La femme au
sac de ciment
«Adolescent, je ne peux pas dire que ma vision des
femmes ait brillé pas sa dignité. Mes premières expériences érotiques ont été
marquées par ce qui était à mes yeux une évidence : toute responsabilité liée à
une éventuelle grossesse incombait entièrement à la femme. Ça ne me regardait
pas.
Aujourd’hui je réalise que l’un des mouvements politiques les plus
importants de l’après-guerre concerne la place des femmes dans le monde. On ne
peut nier les grands changements qui ont eu lieu dans ce domaine, même s’il
demeure un problème majeur dans les pays en développement. Le défi à relever
est de démanteler les convictions qui trouvent encore leur alibi dans une
lecture aberrante des grands textes religieux, principalement de l’islam et du
judaïsme. Si les orthodoxes avaient le pouvoir en Israël, les femmes seraient
encore assises à l’arrière du bus. Dans le monde musulman, nombreux sont les
pays où les femmes luttent pour faire respecter leurs droits fondamentaux, à
commencer par celui de disposer de leur propre corps. [...]
L’un des
plus grands défis qui se posent aujourd’hui est de donner plus de pouvoir aux
femmes. Alors que ce sont elles qui, partout, portent la responsabilité de la
production alimentaire et de la sauvegarde de la famille, leur pouvoir
politique et économique est inexistant.
Je ne
crois pas que les hommes et les femmes aient une manière foncièrement
différente de penser. C’est une idée répandue mais fausse qu’il existerait un
modèle de pensée «masculin» et un modèle de pensée «féminin». Le monde souffre
en revanche de la domination masculine unilatérale et du fait que les voix des
femmes ne s’entendent pour ainsi dire pas.
Cela
conduit à une situation insensée. Comme si le monde entier adoptait une vieille
habitude bourgeoise européenne : après le dîner, les hommes allaient d’un côté,
les femmes de l’autre, et celle qui tentait de rompre cet ordre immuable était
aussitôt remise à sa place et ramenée dans le droit chemin.
Mais pour
qu’un nouvel ordre voie le jour, il faut que les hommes fassent un pas en
arrière et qu’ils laissent la place aux femmes. Si l’on pense que c’est une vue
de l’esprit, c’est qu’on n’a rien compris à l’évolution en cours.
La lutte
continue entre ceux qui chargent des sacs de ciment sur la tête des femmes et
celles qui portent le fardeau.» (Chapitre La
femme au sac de ciment ; p. 280)
Henning Mankell
Henning Mankell
SABLE
MOUVANT Fragments de ma vie; traduit du suédois par Anna Gibson; Éditions du Seuil, septembre
2015
COMPLÉMENTS
– Une culture d’agression par Richard
Poulin
SexLeak :
un problème de taille à résoudre
– Blogue
SITUATION PLANÉTAIRE : Femmes 2018.
Un système judiciaire inadéquat.
~~~
(1) La
mondialisation du marché du sexe, par Richard Poulin; CAIRN INFO. L’article,
publié en 2002, brosse le portrait global de l’époque. À lire intégralement
pour comprendre l’ampleur de cette abomination qui n’a cessé de se répandre depuis.
https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2002-1-page-109.htm
https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2002-1-page-109.htm
Extrait
La
mondialisation capitaliste implique aujourd’hui une «marchandisation» inégalée
dans l’Histoire des êtres humains. Depuis trente ans, le changement le plus
dramatique du commerce sexuel a été son industrialisation, sa banalisation et
sa diffusion massive à l’échelle mondiale. Cette industrialisation, à la fois
légale et illégale, rapportant des milliards de dollars, a créé un marché
d’échanges sexuels, où des millions de femmes et d’enfants sont devenus des
marchandises à caractère sexuel. Ce marché a été généré par le déploiement
massif de la prostitution (effet, entre autres, de la présence de militaires
engagés dans des guerres et/ou des occupations de territoire, notamment dans
les pays nouvellement industrialisés, par le développement sans précédent de
l’industrie touristique, par l’essor et la normalisation de la pornographie,
par l’internationalisation des mariages arrangés, ainsi que par les besoins de
l’accumulation du Capital. [...]
Soutenir
qu’il y a eu industrialisation du commerce sexuel relève d’une évidence : nous
avons assisté, entre autres, au développement d’une production de masse de
biens et de services sexuels qui a généré une division régionale et internationale
du travail. Les «biens» sont constitués en grande partie d’êtres humains qui
vendent des services sexuels. Cette industrie, qui se déploie dans un marché
mondialisé qui intègre à la fois le niveau local et le niveau régional, est
devenue une force économique incontournable. La prostitution et les industries
sexuelles qui lui sont connexes – les bars, les clubs de danseuses, les
bordels, les salons de massages, les maisons de production de pornographie,
etc. – s’appuient sur une économie souterraine massive contrôlée par des
proxénètes liés au crime organisé et bénéficient aux forces de l’ordre
corrompues. Les chaînes hôtelières internationales, les compagnies aériennes et
l’industrie touristique profitent largement de l’industrie du commerce sexuel. [...]
Un autre
facteur qui confère un caractère qualitativement différent au commerce sexuel
d’aujourd’hui concerne le fait que la prostitution est devenue une stratégie de développement de certains
États. Sous l’obligation de remboursement de la dette, de nombreux États
d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique ont été encouragés par les organisations
internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque
mondiale – qui ont offert des prêts importants – à développer leurs industries
du tourisme et de divertissement. Dans chacun des cas, l’essor de ces secteurs
a permis l’envolée de l’industrie du commerce sexuel. [...]
Le statut
des femmes et des enfants a régressé : désormais, dans de nombreux pays du
tiers-monde ainsi que dans ceux de l’ex-URSS et de l’Europe de l’Est, sous
l’impact des politiques d’ajustement structurel et de la libéralisation
économique, les femmes et les enfants sont devenus de nouvelles matières brutes (new
raw resources) dans le cadre du développement du commerce national et
international. Du point de vue
économique, ces marchandises se caractérisent par un double avantage : les
corps sont à la fois un bien et un service. Plus précisément, on a assisté
à une marchandisation non seulement du corps, mais également à la
marchandisation des femmes et des enfants, d’où l’idée fréquente de
l’apparition d’une nouvelle forme d’esclavage pour caractériser le trafic dont
sont l’objet des millions de femmes et d’enfants.
Ces
réalités définissent les conditions et l’extension de la mondialisation
capitaliste actuelle pour les femmes et les enfants exploités par l’industrie
du commerce sexuel. Il faut ajouter d’autres éléments déterminants : le rapt, le viol et la violence ne cessent
d’être des accoucheurs de cette industrie; ils sont fondamentaux non
seulement pour le développement des marchés, mais également pour la
«fabrication» même de ces marchandises, car ils contribuent à les rendre
«fonctionnelles» pour cette industrie qui exige une disponibilité totale des
corps. [...]
Tous les ans, près
d’un quart de million de femmes et d’enfants de l’Asie du Sud-Est
(Birmanie, province du Yunnan en Chine populaire, Laos et Cambodge) sont achetés en Thaïlande, pays de transit,
pour un prix variant entre 6 000 et 10 000 dollars américains. Au Canada, les intermédiaires paient 8 000
dollars pour une jeune Asiatique en provenance des Philippines, de
Thaïlande, de Malaisie ou de Taiwan qu’ils revendent
15 000 dollars à un souteneur. En Europe de l’Ouest, le prix courant d’une
Européenne en provenance des anciens pays «socialistes» se situe entre 15 000
et 30 000 dollars américains. À leur arrivée au Japon, les femmes thaïs ont une
dette de 25 000 dollars américains. Les femmes achetées doivent rembourser les
dépenses encourues par les souteneurs et travailler pour leur compte pendant
des années. [...]
L’industrie
de la pornographie contemporaine a pris son essor au début des années
cinquante, avec la création de Playboy,
et, depuis, a investi tous les moyens de communication moderne. Ainsi, aux États-Unis, la location des vidéos
pornographiques représente un marché de 5 milliards de dollars américains par
année, les films pornographiques de la télévision payante et dans les chambres
d’hôtels rapportent 175 millions. Les États-Uniens dépensent entre 1 et 2
milliards de dollars par le biais des cartes de crédit pour obtenir du matériel
sexuel explicite via Internet, ce qui représente entre 5 et 10 % de toutes les
ventes sur le Net. Là aussi l’industrie
hôtelière est complice : à chaque film visionné dans une chambre, elle reçoit
20 % du prix de location.
La
pornographie infantile ou pseudo-infantile (kiddie
or chicken porn) sur l’Internet constitue 48,4 % de tous les
téléchargements des sites commerciaux pour adultes. Elle utilise des enfants aussi jeunes que trois ans.
Les images créées pour assouvir les fantasmes des consommateurs de la
pornographie infantile ne peuvent être caractérisées que comme une forme d’abus
sexuel.
En 1983,
on estimait le chiffre d’affaires de la pornographie à 6 milliards de dollars.
Ce chiffre est largement en dessous de la réalité d’aujourd’hui. D’autant plus
que les années 1990 ont connu une explosion de la production et de la
consommation de pornographie. La
pornographie est désormais une industrie mondiale, massivement diffusée et
totalement banalisée, qui fait non seulement la promotion de l’inégalité
sexuelle, mais qui milite pour le renforcement de cette inégalité. Elle fait
partie de la culture. Elle l’imprègne et, par conséquent, affecte l’ensemble
des images sociales des médias traditionnels et nouveaux. La pornographie
n’est pas seulement une industrie du fantasme : elle use et abuse avant tout
des femmes et des enfants. Les centaines
de milliers de personnes qui y œuvrent subissent, elles aussi, viol, violence
et assassinat. La pornographie représente, en quelque sorte, la
prostitutionalisation des fantasmes masculins. Elle infantilise les femmes et
rend mature sexuellement les enfants. La
pornographie ne peut pas être réduite au seul débat sur la liberté d’expression.
[...]
Depuis
trente ans, nous assistons à une sexualisation de la société. Cette
sexualisation est basée sur l’inégalité sociale, ce qui a pour effet de rendre
l’inégalité très profitable. La société est désormais saturée par le sexe; et
le marché du sexe en pleine croissance et mondialisé exploite avant tout les
femmes et les enfants, notamment du tiers-monde et des anciens pays «socialistes».
Nous
avons été témoin d’une industrialisation de la prostitution, du trafic des
femmes et des enfants, de la pornographie et du tourisme sexuel. Des multinationales du sexe sont devenues
des forces économiques autonomes, cotées en bourse. Il n’y a pas de
prostitution sans marché, sans marchandisation d’êtres humains et sans demande.
Malheureusement, l’exploitation sexuelle est de plus en plus considérée comme
une industrie du divertissement, et la prostitution comme un travail légitime.
Pourtant, cette «leisure industry»
est basée sur une violation systémique des droits humains. L’exploitation sexuelle des femmes et des enfants exige la complicité
des consommateurs.
Cet
aspect de la mondialisation concentre l’ensemble des questions (exploitation économique, oppression sexuelle,
accumulation du Capital, migrations internationales, racisme, santé,
hiérarchisation de l’économie-monde, développement inégal et combiné, pauvreté,
accentuation des inégalités sociales, etc.) qui s’avèrent décisives dans la
compréhension de l’évolution de l’univers dans lequel nous vivons. Ce qui
pouvait être perçu comme étant à la marge est désormais au centre du
développement du capitalisme mondial. C’est pourquoi cette industrie tend de
plus en plus à être reconnue comme un secteur économique banal.
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