«La crédulité publique est le patrimoine, le champ
d’un plus grand nombre de gens qu’on ne l’a jamais vu. Ce champ, on le cultive
avec soin, avec ardeur, avec sollicitude; on y sème des mensonges que l’on
arrose d’hypocrisie, et l’on récolte la fortune, la renommée, et même la
considération.» ~ Alphonse Karr
(écrivain et journaliste français,
1808-1890)
«Alors des hommes armés de lances d'arrosage
aspergent de pétrole les tas d'oranges, et ces hommes sont furieux d'avoir à
commettre ce crime et leur colère se tourne contre les gens qui sont venus pour
ramasser les oranges. Un million d'affamés ont besoin de fruits, et on arrose
de pétrole les montagnes dorées.
Et
l'odeur de pourriture envahit la contrée.
On brûle
du café dans les chaudières. On brûle le maïs pour se chauffer – le maïs fait du bon feu. On jette
les pommes de terre à la rivière et on poste des gardes sur les rives pour
interdire aux malheureux de les repêcher. On saigne les cochons et on les
enterre, et la pourriture s'infiltre dans le sol.
Il y a là
un crime si monstrueux qu'il dépasse l'entendement.
Il y a là
une souffrance telle qu'elle ne saurait être symbolisée par des larmes. Il y a
là une faillite si retentissante qu'elle annihile toutes les réussites
antérieures. Un sol fertile, des files interminables d'arbres aux troncs
robustes, et des fruits mûrs. Et les enfants atteints de pellagre doivent
mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice.
Et les
coroners inscrivent sur les constats de décès : mort due à la sous-nutrition – et tout cela parce que la
nourriture pourrit, parce qu'il faut la pousser à pourrir.
Les gens
s'en viennent armés d'épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la
rivière, et les gardes les repoussent; ils s'amènent dans de vieilles
guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges, mais on les a arrosées de
pétrole. Alors ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre
au fil du courant; ils écoutent les hurlements des porcs qu'on saigne dans un
fossé et qu'on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d'oranges peu à
peu se transformer en bouillie fétide; et la consternation se lit dans les
regards, et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans
l'âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant
les vendanges prochaines.» (Les Raisins de la colère)
«Les choses que nous admirons le plus dans
l'humain: la bonté, la générosité, l’honnêteté, la droiture, la sensibilité et
la compréhension, ne sont que des éléments de faillite, dans le système où nous
vivons. Et les traits que nous détestons: la dureté, l'âpreté, la méchanceté,
l'égoïsme, l'intérêt purement personnel sont les éléments mêmes du succès.
L'homme admire les vertus des uns et chérit les actions des autres.» (Des souris
et des hommes)
«À mon avis lorsque l’on est confronté à des choix
que ce soit en actes ou en pensées, gardons à l’esprit que nous sommes mortels.
Et tâchons de vivre de manière à ce que personne n’ait à se réjouir de notre
mort.»
~ John
Steinbeck (1902-1968)
~~~
Notre système de santé connaît des heures difficiles
– désorganisation bureaucratique, manque de personnel, trop d'heures supplémentaires, etc. Pourtant notre premier ministre, est médecin, et son ministre de la Santé également. Ils devraient en principe être capables de prendre des décisions administratives éclairées – autres que d'augmenter le salaire des médecins et d'offrir aux PDG du CHUM un repas gastronomique (40 000 $, je crois) pour compenser leurs heures de travail supplémentaire *. Une gifle au personnel infirmier! Selon
la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, Mme Nancy
Bédard, «Il y a des blocages importants dans 11 régions sur 16
avec les directions concernant la planification du temps de travail et
l’embauche de personnel. Le ministre doit aller brasser les PDG
des établissements.»
* Les faits : Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a complété en novembre la fusion sur son nouveau site de trois institutions autrefois indépendantes. C'est pour remercier les cadres et gestionnaires de l'établissement que la direction du CHUM a organisé une soirée reconnaissance le 21 décembre 2017.
* Les faits : Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a complété en novembre la fusion sur son nouveau site de trois institutions autrefois indépendantes. C'est pour remercier les cadres et gestionnaires de l'établissement que la direction du CHUM a organisé une soirée reconnaissance le 21 décembre 2017.
L'événement,
tenu au luxueux hôtel Mount Stephen de la rue Drummond à Montréal, a réuni un
total de 312 cadres et gestionnaires. Les factures de l'événement, obtenues en
vertu de la Loi sur l'accès à l'information, indiquent que celui-ci a coûté 44
236 $. Soixante-deux
bouteilles de vin rouge à 50 $ plus taxes, et 76 bouteilles de blanc aussi
payées 50 $, font monter la facture de vin à 7935 $; si on ajoute la bière, la
facture totale d'alcool s'élève à plus de 8000 $. Le CHUM a déboursé 68 $ pour
chaque convive en nourriture, pour un total de 21 254 $. Une entreprise
d'animation de foule a aussi été embauchée pour la somme de 2900 $.
«Certains
gestionnaires ont travaillé plus de 20, ou même 30 heures de plus par semaine
pendant le déménagement. Cette fête était donc une manière de les remercier de
leur temps et de leur engagement. Normalement, aucun alcool n'est remboursé
lors de ces soirées. Mais dans le cadre de cet événement pour reconnaître la
contribution des gens, je pense que c'était à propos de le faire. ... Les employés
syndiqués peuvent facturer leurs heures supplémentaires et sont rémunérés pour
cela. Ce n'est pas le cas pour nos gestionnaires.» (Irène Marcheterre,
directrice des communications du CHUM)
Ah, ces braves cadres et gestionnaires... Merci aux sources qui
coulent ce genre d’information, cela nous permet d’apprécier la générosité de
notre bon gouvernement.
«Si je suis resté à travers tout révolté, lucide,
éveillé, allergique au fric gagné au mépris de tout, c'est parce que j'ai
toujours pensé à échapper au monotone laborieux de tous les jours. Que je ne
suis jamais entré dans un bureau sans me demander comment m'en échapper. Que
j'ai toujours refusé des boulots rentables, mais accaparants, au profit de
travaux minables, mais peu obsédants. Parce que j'ai refusé toute forme de
responsabilité dans le travail. Parce que j'ai toujours considéré mes patrons,
même les plus humains - les paternalistes, les pires - comme des exploiteurs
professionnels et des gardiens de taule à contrer. Et aussi et surtout, parce
que le superflu m'a toujours paru le sel de la vie et que seuls les charmes de
l'inutile peuvent vous aider à supporter les horreurs de l'indispensable
quotidien. (Vivre en survivant)
«[...] assurer un emploi exige non seulement une
mentalité de prisonnier sur parole, mais une faculté de toujours recommencer
les mêmes gestes.» (Toi ma nuit)
«Rien ne tue plus sûrement la pensée, la
créativité, le rêve, la lucidité ou le délire que le travail intensif,
l'efficience, l'amour frénétique du gain, la course au profit et aux boulots
profitables.» (Vivre en survivant)
«Un laborieux castor destructif, voilà ce que
l'homme est à mes yeux.» (Toi ma nuit)
«Quand les autos penseront, les Rolls Royce seront
plus angoissées que les taxis.»
(Henri Michaux cité par Sternberg dans Toi ma nuit)
~ Jacques
Sternberg (1923-2006)
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