Plus on est de fous, plus on lit!, le 13 mars 2019
Baudelaire
a double corrélation avec mon billet sur le livre de Philippe Lançon, «Le
lambeau». D’abord ce poème qui en quelque sorte colle à l’ambiance psycho-émotionnelle de
l’ouvrage. Ensuite, le bon vieux débat «morale contre liberté d’expression» aussitôt
ravivé après l’attentat à Charlie Hebdo. Pour mémoire : le recueil Les Fleurs du Mal fit l’objet d’une
poursuite pour «offense à la morale religieuse» et «outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs» – de l’époque. Est-ce si différent aujourd’hui
(1).
LXXVI
– SPLEEN
Charles Baudelaire
J’ai
plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un
gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De
vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec
de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache
moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est
une pyramide, un immense caveau,
Qui
contient plus de morts que la fosse commune.
– Je
suis un cimetière abhorré de la lune,
Où
comme des remords se traînent de longs vers
Qui
s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je
suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où
gît tout un fouillis de modes surannées,
Où
les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Hument
le vieux parfum d’un flacon débouché.
Rien
n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand
sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui,
fruit de la morne incuriosité,
Prend
les proportions de l’immortalité.
– Désormais
tu n’es plus, ô matière vivante,
Qu’un
granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi
dans le fond d’un Sahara brumeux,
– Un
vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié
sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne
chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.
SPLEEN
ET IDÉAL
Les
Fleurs du mal (1857), Poulet-Malassis et de Broise, 1857 (p. 140-141).
Si «Le lambeau» était une fiction, on le classerait dans la
catégorie «roman noir». Influencée par la critique élogieuse, je l’ai lu, un
peu à reculons – je suis allergique aux descriptions de scènes de crime
sanglant et de souffrances dues à
l’acharnement médical/chirurgical.
Des fois j’ai l’impression que les
chirurgiens et les dentistes sont d’anciens bourreaux réincarnés dont la profession leur permet maintenant de faire
souffrir et torturer, mais sous le couvert du serment d’Hippocrate et de sa
bienveillante mission. Quand nous souffrons, nous sommes prêts à tolérer
n’importe quel supplice contre promesse de soulagement ou guérison, pas vrai?
«Chloé m’avait dit : ‘De toute façon, si ça ne marche pas, on
recommencera plus tard de l’autre côté.’ Je l’avais regardé, accablé. Deux
anesthésies générales de plus, et de nouveaux mois d’incommodité permanente,
sans même parler du goitre artificiel et des soins : jamais je n’en n’aurais
le courage. Mais je n’ai rien dit. Les chirurgiens vivent dans un monde où tout
ce qui est techniquement possible finit par être tenté. » Les dieux
gardent leurs distances, les chirurgiens aussi. Les premiers ont créé l’homme
de la glaise, dit-on. Il y a toujours un moment où vous redevenez pour les
seconds un tas de viande et d’os à refaçonner.» (p. 230)
L’état du rescapé était si lamentable que je
me demandais pourquoi il n’avait pas réclamé l’aide à mourir. Au sujet du
patient Ludo qui avait loupé son suicide, il écrit : «Un jour Linda
[aide-soignante], voyant que je le regarde, me dit : ‘Ah! Monsieur Lançon. Si on veut se tuer, il ne faut surtout pas se
tirer une balle dans la tête ou se défenestrer. Car si on se rate... Non, le
mieux, c’est encore un bon gros gâteau au poison!’ Elle le dit d’un air
onctueux, presque gourmand, comme une cuisinière prête à délivrer sa recette de
crème pâtissière. Je me suis demandé de quelle couleur serait le gâteau et j’ai
pensé : encore faut-il avoir les ingrédients. Le soir même, j’ai écrit à
mon frère que je voulais m’inscrire à l’Association pour le droit de mourir
dans la dignité. Moi aussi, me dit-il. Nous ne l’avons pas fait.» (p. 181)
Ha. On dit que l’instinct de mort et de
survie se chamaillent constamment dans notre esprit. Qu’est-ce qui fait que
l’un prend le dessus sur l’autre? L’espoir, le défi, la peur? Autant de
réponses que d’individus.
Parallèlement au trouble d’hyper vigilance,
Philippe Lançon expérimente une intense distanciation par rapport à lui-même et
son entourage, sans doute à cause du choc traumatique : «Je suis heureux de les
voir : leur présence me rappelle que j’ai vécu. Mais les nerfs entre le
souvenir et le cœur, entre le cœur et le corps, semblent coupés. Tout flotte et
s’éteint, pour moi, dans une bienveillance partagée. [...] L’attentat fend
l’arbre à l’intérieur duquel les gens vivent, aiment, se séparent, se
retrouvent, se souviennent, vieillissent. Il crève le tourbillon de la vie.
[...] Je me demande s’il faut avoir vécu ça pour obtenir du monde cette espèce
de grâce, débarrassée de tout passif, de tout actif, simplement liée à quelques
mouvements, quelques regards, à peine quelques mots.» (p. 302)
Hum, l’extrême simplification des rapports
humains éliminerait peut-être un tas de rituels superficiels et hypocrites. Mais,
serait-il possible de vivre en société sans hypocrisie?
Cela
dit, j’ai aimé ce récit bouleversant,
d’autant plus que l’auteur ne s’apitoie jamais sur son sort et qu’il a même glissé
humour et autodérision à travers ce parcours du combattant.
Interview
accordée à l’émission Médium large (Radio-Canada Première, le 7 janvier 2019) :
– C’est
un livre violent et doux. Ce qu’il décrit est d’une grande brutalité, notamment
la violence de l’attentat et tout le processus de rééducation qui est rempli
d’inconfort et de douleurs extrêmes. Mais, comme il le fait sans hargne, sans
esprit de revanche, sans colère, et avec un regard minutieux, patient et
bienveillant sur lui-même, son livre dégage une impression de douceur. ~ Noémi
Mercier
– C’est
une leçon d’humanisme. Si vous trouvez que le monde est déshumanisé, allez lire
ce livre. ~ Thomas Leblanc
Plus on est de fous, plus on lit, le 23 mai 2018 :
Excellent
résumé/critique :
«Le lambeau»: l’homme qui a vu l’ours
Christian
Desmeules | Le Devoir / Critique | le 5 mai 2018
Photo
: Catherine Hélie Gallimard. De la veille de l’attentat de «Charlie Hebdo»
jusqu’à ceux du Bataclan la même année, Philippe Lançon raconte son «petit
Golgotha hospitalier», faisant le récit de sa vie avant, pendant et après
l’événement.
Lorsque
le silence fait surface après la tornade, le matin du 7 janvier 2015, Philippe
Lançon reprend ses esprits couché dans un bain de sang, comme un enfant jouant
à l’Indien mort. Ses collègues gisent décimés autour de lui, rappelés à
l’ordre, effacés.
Comment vivre et comment écrire après
l’impensable, la perte et la douleur? Pourquoi avoir survécu et quel sens
donner à cette seconde chance?
La veille, le journaliste de 51 ans avait
livré au quotidien Libération une critique de Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq – où il est
question d’une France islamisée. Quelques minutes après son arrivée à la
réunion hebdomadaire de la rédaction du magazine, deux hommes cagoulés font
irruption et vengent leur prophète avec méthode en scandant «Allah Akbar!» au
rythme des rafales de leurs fusils d’assaut. Douze morts et onze blessés.
«Le silence fabriquait le temps et, parmi
les blessés et les morts, les premières formes de la survie», écrit-il dans Le
lambeau, le récit magnifique et bouleversant qu’il consacre aujourd’hui à cette
expérience.
Journaliste depuis 1994 à Libération, où il
était devenu l’un des critiques culturels qui comptent, écrivain (Les îles, L’élan), Philippe Lançon était aussi depuis quelque temps
chroniqueur à l’hebdomadaire satiriste Charlie Hebdo, «ce petit journal qui ne
faisait de mal à personne».
Une lente reconstruction
Il
aura tout le bas du visage arraché par une balle : menton, dents, lèvres. On
imagine sans peine le travail minutieux de reconstruction, d’abord à l’hôpital
de la Pitié-Salpêtrière, où on lui fera une greffe de péroné pour lui fabriquer
une mâchoire, puis à l’hôpital des Invalides, où il va passer sept mois en
rééducation.
Au cours du long huis clos hospitalier qui
va s’amorcer, d’un bout à l’autre du couloir des gueules cassées, de chambre en
chambre vont le suivre quelques indéfectibles compagnons de route : la musique
de Bach, des lettres de Kafka à Milena, le début de La montagne magique de
Thomas Mann et la scène de la mort de la grand-mère imaginée par Proust dans le
troisième tome d’À la recherche du temps perdu – passage lu et relu sans
relâche, à la fois bouée, parachute et bouclier.
«La musique de Bach, comme la morphine, me
soulageait. Elle faisait plus que me soulager : elle liquidait toute tentation
de plainte, tout sentiment d’injustice, toute étrangeté du corps», écrit-il. La
douleur et le sentiment d’impuissance vont vite se mêler à l’angoisse d’être
achevé par un commando terroriste, malgré les deux policiers qui lui étaient
assignés en permanence.
De la veille de l’attentat de Charlie Hebdo
jusqu’à ceux du Bataclan le 13 novembre de la même année, Philippe Lançon nous
raconte ainsi son «petit Golgotha hospitalier», faisant le récit de sa vie
avant, pendant et après l’attentat. Les visites des parents et des amis, le
ballet du personnel soignant, les passages nuageux de sa vie amoureuse, la
culpabilité.
Dix-sept opérations plus tard, le visage
refait et «un os de jambe à la place du menton», il se reconstruit avec un
livre ultrasensible, à l’écriture pudique et précise, souvent somptueuse, dont
on voudrait citer des passages par dizaines.
Le temps retrouvé
On
ne trouvera pas d’amalgames et encore moins de colère dans Le lambeau – si
l’auteur en éprouve, rien ne transparaît le long des cinq cents pages de son
récit. «Tout homme qui tue est résumé par son acte et par les morts qui restent
étendus autour de moi. Mon expérience, sur ce point, déborde ma pensée.»
Difficile de penser face à la terreur, à la mort, face à quelque chose comme le
mal. «C’était un génie qui sortait d’une lampe noire, et peu importe la main
qui l’avait frottée. L’abjection vivait sans limites et d’être sans limites.»
Le lambeau est aussi le drame d’un homme
transformé d’un coup de baguette magique en survivant, en symbole, en ce qu’il
n’a jamais souhaité être. «J’ai toujours l’impression d’écrire à côté de
moi-même, quand j’écris pour ceux qui n’ont pas connu la chambre et le silence
qui l’enveloppait. La chambre est l’endroit où les mots crèvent, s’éteignent.
Je n’en suis pas sorti. J’ai toujours l’impression que ce que j’écris est de
trop.»
Et il est facile, sans doute, de se sentir
de trop lorsqu’on se retrouve dépossédé de son existence, parmi les fils et les
tuyaux, couvert de «plaies organisées» et de pansements. Pourvu d’un visage
nouveau auquel lui-même et ceux qui l’entourent devront désormais s’habituer.
«J’étais non seulement leur ami et l’homme
qui avait vu l’ours, mais celui qui en avait éprouvé le poids et la griffe –
celui dont la simple présence leur rappelait, malgré lui, malgré eux, sans discours,
combien nos vies sont incertaines, et combien il est audacieux ou inconscient
de l’oublier.»
Avec ce récit calme et puissant, Lançon
effectue surtout une plongée dans le temps à la recherche de sa mémoire
lointaine. Témoignage et exorcisme, il lui faut trouver un sens à cette
expérience du terrible, apprendre à vivre avec cet instant sans fin, mesurer
les pertes, dompter les visions et les sensations au fil d’une patiente
reconstruction du réel.
C’est une tâche que seule la littérature
semble capable de rendre avec pareil mélange de force et de nuance.
Extrait de «Le lambeau»
«Quand
je parle, j’ai l’impression qu’une bouillie de mots sort de la bouche, mâchée
par les dents que je n’ai plus. Je ne comprends pas pourquoi les gens semblent
me comprendre et je me demande parfois s’ils ne le feignent pas. Je ne sais pas
davantage si ma bouche, pas encore reconstituée, est ma bouche : cette étrange
lèvre inférieure fendue, asymétrique et pendante qui rabat lentement et
difficilement vers l’intérieur édenté le peu d’aliments liquides qu’on lui
donne, cette lèvre me dégoûte et je la mets à distance en l’appelant la
membrane. La greffe sur le mollet est devenue inflammatoire et ressemble à un
steak haché de mauvaise qualité, suant sa graisse.»
LE LAMBEAU
Philippe Lançon
Gallimard,
Paris, 2018, 512 pages
~~~
(1)
Aujourd’hui il est de bon ton de pourfendre des auteurs et des ouvrages
considérés haineux ou racistes, à tort ou à raison. Faudrait-il indexer les
livres d’histoire truffés de violence? Bannir Henry Miller ou Céline des bibliothèques? Si oui,
pour être cohérents, il faudrait bannir la Bible et ses nombreux dérivés remplis de discours haineux qui
encouragent définitivement les assassinats :
«On peut dire que, de toutes les œuvres de
fiction, le Dieu de la Bible est le personnage le plus déplaisant : jaloux, et
fier de l'être, il est impitoyable, injuste et tracassier dans son obsession de
tout régenter; adepte du nettoyage ethnique, c'est un revanchard assoiffé de
sang; tyran lunatique et malveillant, ce misogyne homophobe, raciste,
pestilentiel, mégalomane et sadomasochiste pratique l'infanticide, le génocide
et le «fillicide». (p.38) La religion est une étiquette marquant l'hostilité et
la vendetta entre groupe intérieur et groupe extérieur; elle n'est pas
nécessairement pire que d'autres étiquettes comme la couleur de la peau, la
langue ou l'équipe favorite de football, mais elle est souvent là quand les
autres font défaut.» (p.269)
~
Richard Dawkins (Pour en finir avec Dieu,
trad. Marie-France Desjeux-Lefort, Robert Laffont, 2008)
Thomas Paine (1737-1809) disait sensiblement la même chose :
“It is from the Bible that man learned cruelty, rape and murder. For the belief
in a cruel God makes a cruel man. And the Bible is a history of wickedness that
has served to corrupt and brutalize mankind. It is not a God, just and good,
but a devil, under the name of God, that the Bible describes.”
«Au
cours de l'histoire, les fanatiques, essayant d'imposer leur religion, leur
système politique et leurs croyances morales aux autres, ont infligé plus de tourments
et de souffrances que n’importe quel autre domaine. Plus de gens ont été tués
lors des guerres de religions et de l'Inquisition qu’en d’autres conflits (à
l'exception des batailles autour de la télécommande...). Ceux qui prétendent
que Dieu est seulement de leur côté sont en effet seuls. La plus haute valeur
morale est l’intégrité personnelle – soit, vivre en accord avec son propre
système de valeurs.» ~ Alan Cohen
Étrange
coïncidence, la veille de l'attentat, Philippe Lançon était au théâtre pour
voir «La nuit des rois» de Shakespeare. Le personnage machiavélique et puritain
Malvolio «qui veut punir les hommes de leurs plaisirs et de leurs sentiments au
nom du bien qu'il croit porter, au nom d'un dieu, se croit autorisé à faire
tout le mal possible pour y parvenir».
La
«mission» de Charlie Hebdo, décrite sans ambiguïté par Lançon :
«’Ce petit journal qui ne faisait de mal à
personne.’ C’est de Charlie que je parlais – avec une naïveté un peu
criarde, une naïveté d’enfant désemparé, mais pas seulement. [...] Moi, quoique
étant dans les limbes et si peu écrivain, j’écrivais maintenant mes «premières
phrases». Et, comme je suis volontiers pompeux et sentimental, celle-ci, «Ce
petit journal...», penchait naturellement de ce côté-là. [...] Ce «petit journal» avait une grande
histoire et son humour avait, bienheureusement, fait du mal à un nombre
incalculable d’imbéciles, de bigots, de bourgeois, de notables, de gens qui
prenaient leurs ridicules au sérieux. Depuis quelques années il était
moribond; depuis la veille il n’existait plus. Mais il existait déjà autrement.
Les tueurs lui avaient donné sur-le-champ un statut symbolique et international
dont nous, ses fabricants, aurions préféré nous passer. Nous ne voulions pas de
cette gloire-là, de ces gens-là [...], mais on ne nous avait pas laissé le
choix, et il faudrait désormais en profiter, certes, mais aussi le supporter. Nous
étions devenus un grand journal qui faisait du mal à plein de monde.» (p. 122)
Je
ne peux commenter le contenu rédactionnel du journal Charlie Hebdo puisque je
ne le lisais pas. Je ne connais que certaines couvertures abrasives qui ont
circulé sur le web.
Plusieurs
questions demeurent. Faut-il tuer ou mourir pour des croyances? Est-il
indispensable d’user de vulgarité, grossièreté, mépris et méchanceté pour
livrer un message humoristique efficace? Y a-t-il une ligne rouge à ne pas
franchir?
Voici
ce qu’en pensaient deux internautes au lendemain de l’attentat :
1. «Quino, le créateur de Mafalda, un
humoriste politique raffiné, n’a jamais eu à recourir à la vulgarité
sensationnaliste, ni au ‘tout est permis’,
ni à la moquerie des exclus, pour générer une réflexion et une pensée critique.
Une pensée critique de plus en plus difficile dans le monde du ‘hashtag’ et des messages transnationaux
de deux lignes en ‘temps réel’.»
2. «Je suis solidaire de tous ceux qui souffrent
à cause de la bêtise et de la cupidité humaine. Je suis horrifiée quand
j’apprends que des gamins ont reçu des jets de pierres de la part d’autres
enfants. Quels discours de haine entendent-ils à la maison?
Ce que je vois encore, c’est que pendant que
l’«unité nationale» se fait autour de la liberté d’expression et de la défense
de la «démocratie» on ne parle pas des vrais problèmes de la France. C’est
bien... On trouve toujours un bouc émissaire pour détourner les esprits. J’aimerais
bien voir un jour une unité nationale contre les lobbys, une unité nationale
pour réclamer que le peuple soit écouté et entendu, pour ne plus subir des
choix de société qui nous rendent malades, qui exploitent les ressources
naturelles et d’autres peuples...
Je me pose aussi des questions sur la
liberté d’expression. On dit que la liberté des uns s’arrête où commence celle
des autres. Qu’en est-il de la liberté d’expression? Pour moi, liberté va de
paire avec respect. Je ne suis pas catholique, je ne suis pas musulmane. Et je
trouve que sous le couvert de la liberté d’expression on laisse passer trop de
messages irrespectueux, méprisants. Ça relève de la provocation pour un humour
d’un niveau douteux. Il y a des fêlés partout. Et d’autres fêlés qui
n’attendent qu’une occasion pour se lâcher. Posons-nous les bonnes
questions : à qui profite le crime? Et ne nous trompons pas d’ennemi...» ~
Gaëlle Allard, 8 janvier 2015
Quoiqu’il
en soit c’est une histoire infiniment triste. Et nous savons que même si l’on
traque les humains à la grandeur de la planète, rien n’empêchera des fanatiques
religieux ou idéologiques, des frustrés, des jaloux ou des psychopathes de
commettre des actes terroristes. Le propre des fanatiques et des attentats est
d’être imprévisible...
Mise à jour, 15 mars 2019 – attentat en Nouvelle-Zélande
Mise à jour, 15 mars 2019 – attentat en Nouvelle-Zélande
Le Lambeau s'achève le 13 novembre, jour de
l'attaque de plusieurs restaurants et de la salle de concerts du Bataclan à
Paris. Philippe Lançon est à New York : «J’étais dans la rue, et j’ai
pensé qu’il n’y avait pas de bonne façon d’apprendre une chose pareille, ce
hoquet sanglant de l’Histoire et de ma propre vie. [...] À cet instant, l’air
gris sombre aux odeurs de poudre est descendu des gratte-ciel, comme un nuage
lourd empli de plomb froid. Il m’a enveloppé, décollé par l’effroi de tout ce
qui m’environnait et qu’on appelle la vie. C'était de nouveau, comme au réveil
après l'attentat, un décollement de
conscience, et j'ai senti que tout recommençait, ou plus exactement continuait,
en moi et autour de moi, parallèlement à tout ce qui défilait sous mes yeux.
Dans ce nuage il y avait les cris dans l’entrée de Charlie, le geste trop lent de Franck, les corps de mes amis morts,
la cervelle de Bernard, les regards de Sigolène et de Coco, et par-dessus tout
le souffle et la présence des tueurs aux jambes noires qui ressurgissaient
comme par une faille dans l’espace-temps. [...] New York, un endroit où je me
sentais à l’abri du rayonnement maléfique, ne me protégeait de rien.» (p. 509) [Entre
janvier 2015 et mars 2018 les attentats djihadistes ont fait 244 morts en France.]
Et
voilà un massacre de plus, cette fois-ci perpétré par un fanatique d’extrême
droite anti-immigration, et non par des islamistes offensés par des caricatures
de Mahomet.
RÉSUMÉ
Radio-Canada
/ nouvelles – Au moins 49 personnes sont mortes et plusieurs autres ont été
grièvement blessées dans des fusillades survenues dans deux mosquées de
Nouvelle-Zélande remplies de fidèles pendant les prières du vendredi. Le
suspect principal, considéré comme le ou l'un des tireurs, est un Australien du
nom de Brenton Tarrant.
Juste avant les attaques, il a publié un
manifeste raciste sur Twitter avant de diffuser en direct sur Facebook Live une
vidéo de l'assaut contre la mosquée Al Noor grâce à une caméra GoPro. La police
ainsi que la première ministre implorent les gens de ne pas partager ces
images.
Dans son manifeste anti-immigration, Tarrant
explique les motivations de l'attaque. Intitulé «le Grand Remplacement», une
référence à une thèse de l'écrivain français Renaud Camus connaissant une
popularité grandissante dans les milieux d'extrême droite, le document fait 73
pages. Le tireur y raconte qu'il est né en Australie dans une famille aux
revenus modestes et qu'il a 28 ans.
Les moments clés de sa radicalisation,
écrit-il, ont été la défaite de la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen à
la présidentielle française de 2017 ainsi qu'une attaque au camion, qui a fait
cinq morts à Stockholm en avril 2017, dont une fillette de 11 ans. Fait
troublant, le tireur avait couvert ses armes de noms d'individus qui ont commis
des tueries de masse, dont celui d'Alexandre Bissonnette, le tireur de la
mosquée de Québec.
La Presse
– Le document publié par le principal suspect détaille deux années de
radicalisation et de préparatifs avant le passage à l'acte. L'un des principaux épisodes de tension ces dernières années [en Nouvelle-Zélande] a
été provoqué par des caricatures de
Mahomet considérées comme blasphématoires par les musulmans, publiées dans
la presse danoise, et reprises par des médias locaux en 2006. Ces caricatures
ont déclenché de vives réactions dans la
communauté musulmane et fait descendre dans la rue des centaines de
manifestants. La première ministre d'alors, Helen Clark, avait défendu la
liberté de la presse tout en estimant que ces publications étaient malvenues.
Bien
sûr, on «envoie des pensées bienveillantes» aux victimes et à leurs familles. Mais
ça change quoi? Rien. Alors, je me
permets de citer Krishnamurti pour la énième fois :
Homme contre homme, race contre race,
culture contre culture, idéologies contre idéologies, religions contre religions
(musulmans, chrétiens, juifs...). Pourquoi toutes ces divisions?
Le nationalisme, avec son malheureux
patriotisme, est réellement une forme de tribalisme glorifié, ennobli. La
petite ou la grande tribu suscite un sentiment d’appartenance parce qu’on parle
la même langue, qu’on a les mêmes superstitions et le même genre de système
politique et religieux. Dès lors, on se sent en sécurité, protégé, heureux,
réconforté. Et, au nom de cette sécurité, de ce bien-être, nous voilà prêts à
tuer ceux qui ont le même désir de sécurité, de protection et d’appartenance.
Ce terrible désir d’identification à un groupe, à un drapeau, à un rituel
religieux, etc., nous donne l’impression d’avoir des racines, de ne pas être
des vagabonds sans port d’attache.
L’industrie lourde est peut-être l’une des
principales causes de la guerre. Lorsque l’industrie et l’économie marchent
main dans la main avec la politique, elles doivent inévitablement semer la
division pour préserver leur stature économique. Tous les pays, grands et
petits, agissent de la sorte. Les petits pays sont armés par les grandes
nations – certains discrètement, clandestinement et d’autres ouvertement.
Le besoin d’afficher son arrogance ou de se
montrer supérieurs aux autres serait-il la cause de toute cette souffrance et
de cet énorme gaspillage d’argent en armements?
Texte
intégral : onglet «Introduction», blogue Situation planétaire
Aucun commentaire:
Publier un commentaire