22 octobre 2018

Twain et le charlatanisme «médical»

Avec la légalisation du cannabis, une compétition féroce entre les multinationales pharmaceutiques et le crime organisé (qui produira du cannabis «légal», voire médicinal) est à prévoir. Plusieurs consommateurs ont affirmé qu’ils continueront de s’approvisionner auprès de leur pusher habituel en qui ils ont confiance. D’autres disaient qu’ils préfèrent consommer un produit approuvé par Santé Canada. Les compagnies légales vont pulluler. L’âge permis varie entre 18 et 21 ans selon les provinces. Ça va changer quoi? Un jeune disait «si tu veux du pot, t’as qu’à aller dans un Cégep». On peut toujours compter sur la crédulité des gens pour faire de l'argent. Nous devrions imiter Mark Twain. À un moment donné, assez c'est assez!


Si Mark Twain était là pour écrire à Donald Trump, ce serait jouissif, considérant le ton de cette lettre adressée au distributeur d’un remède «miraculeux», pompeusement appelé Élixir de vie. Il était furieux.  

Un idiot du trente-troisième degré

Mark Twain à J.H. Todd – 20 novembre 1905

Mark Twain, l’auteur des Aventures de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn, a été confronté à la maladie tout au long de sa vie. En 1872, son fils de dix-neuf mois, Langdon, est terrassé par la diphtérie; en 1896, une méningite emporte sa fille Susy; puis en 1904, c’est sa femme, Olivia, qui décède d’une insuffisance cardiaque. Un an plus tard, Twain reçoit la brochure d’un vendeur d’«Élixir de vie», un médicament magique censé soigner toutes les maladies citées et bien d’autres encore. On n’a pas de peine à imaginer sa colère; aussitôt, le romancier décide de répondre au charlatan, avec fureur et style. La version présentée ici est le brouillon que Mark Twain a immédiatement dicté à sa secrétaire.

30 novembre 1905

J.H. Todd
1212 Webster Street
San Francisco, Californie

Cher Monsieur,

Votre lettre représente pour moi un puzzle insoluble. L’écriture est bonne et dénote beaucoup de caractère, et il se trouve même des traces d’intelligence dans ce que vous dites, mais la lettre et les publicités qui l’accompagnent se révèlent être signées d’une même main. Celui qui a rédigé les publicités est sans nul doute l’individu le plus ignare de la planète; il ne fait pas non plus le moindre doute qu’il est aussi un idiot, un idiot du trente-troisième degré, héritier d’une ancestrale procession d’idiots remontant jusqu’au chaînon manquant [entre le singe et l’homme]. Tenter de comprendre comment la même main a pu construire votre lettre et vos publicités me laisse ébahi comme devant un puzzle. Or les puzzles m’angoissent, ils m’ennuient, ils m’exaspèrent; et durant un moment ils provoquent toujours en moi un état d’esprit peu amène à l’égard de celui qui les a conçus pour me décontenancer. Il ne sera pas longtemps avant que mon ressentiment se dissipe et passe, et j’irai probablement prier pour vous; mais tant que j’en ai le loisir, je me hâte de souhaiter que vous preniez par erreur une dose de votre poison, et que céans vous souffriez la damnation à laquelle vous et tous les autres charlatans assassins vous êtes livrés sans remords, et que vous avez si simplement méritée.

Adieu, adieu, adieu!

Mark Twain

Source : Au Bonheur Des Lettres, Recueil de courriers historiques inattendus et farfelus; rassemblés par Shaun Usher, traduction de Claire Debru; Éditions du sous-sol, Seuil 2014

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Mark Twain’s Hilarious, Furious Letter to an Idiot
           
Here’s the story: in the winter of 1905, Mark Twain received a package and handwritten letter from a “doctor” out of California named J.H. Todd. After a cursory look at the items, Twain recognized that Todd was nothing more than a salesman peddling a rather deceptive snake oil – a cure-all pompously called The Elixir of Life – which purported to, among other things, instantly “cure all ailments of the human, animal, and fowl.” Such patent ridiculousness would not have ruffled the feathers of the otherwise unfazed Twain, except for the lingering presence of three relevant facts. Twain’s wife had died suddenly while on vacation the previous year; moreover, meningitis and diphtheria, which the Elixir proudly claimed to cure, had previously taken the lives of Twain’s daughter and 19-month-old son. With these memories now triggered in his mind, Twain sat down to pen a screed against charlatanism. Here’s his customer service complaint for the ages:  

Nov. 20. 1905

J. H. Todd
1212 Webster St.
San Francisco, Cal.

Dear Sir,

Your letter is an insoluble puzzle to me. The handwriting is good and exhibits considerable character, and there are even traces of intelligence in what you say, yet the letter and the accompanying advertisements profess to be the work of the same hand. The person who wrote the advertisements is without doubt the most ignorant person now alive on the planet; also without doubt he is an idiot, an idiot of the 33rd degree, and scion of an ancestral procession of idiots stretching back to the Missing Link. It puzzles me to make out how the same hand could have constructed your letter and your advertisements. Puzzles fret me, puzzles annoy me, puzzles exasperate me; and always, for a moment, they arouse in me an unkind state of mind toward the person who has puzzled me. A few moments from now my resentment will have faded and passed and I shall probably even be praying for you; but while there is yet time I hasten to wish that you may take a dose of your own poison by mistake, and enter swiftly into the damnation which you and all other patent medicine assassins have so remorselessly earned and do so richly deserve.

Adieu, adieu, adieu!

Mark Twain

Source: JRBENJAMIN in History, Humor | Thursday Mar 2014

Vous trouverez copie complète de la publicité sur le site ci-haut. La liste des maux est stupéfiante. 


L’usage de stupéfiants – héroïne, cocaïne, opium – était courant dans les potions magiques. C'est encore le cas aujourd'hui, on n'a qu'à penser au Fentanyl. 

Exemple : posologie du Paregoric, à base d’alcool et d’opium : bébé de 5 jours – 5 gouttes; bébé de deux semaines – 8 gouttes; enfant de 5 ans – 25 gouttes; adulte – 1 cuillerée à thé.

Des gouttes à la cocaïne pour les maux de dents :


Un vaporisateur à base d’alcool et d’opium :


Dans les années 50/60, on disait que le DDT était bon pour la santé...!  

Citation du jour :

«Je soutiens que mon corps est ma propriété, du moins je l'ai toujours considéré comme tel. Si je le détériore en l'expérimentant, c'est moi qui souffre, pas l'État.»
~ Mark Twain (Discours à l'Assemblée générale de New York, 1901)

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