13 juin 2018

L’art d’assumer

«La plupart de mes problèmes n’ont pas de solution, ou bien les solutions sont pires que les problèmes eux-mêmes.» ~ Ashleigh Brilliant

L’autre jour, un appareil (made in China) a lâché – obsolescence programmée, achetez, jetez, achetez, jetez? Heureusement, c’est arrivé juste avant l’expiration de la garantie de trois ans; on l’a remplacé par un équivalent. Pas la fin du monde, mais c’est frustrant et scandaleux. Voyez-vous, ces appareils autrefois fabriqués au Canda, duraient plus de 15 ans et l’on pouvait même les réparer. Il n’y avait pas de gadgets électroniques, on appuyait sur les bons boutons et ça marchait rondement. Ce temps-là est révolu, et tenter de contourner le système est une lutte héroïque à armes inégales avec les commerces (1). Quand je vois made in China, mes cellules grises disjonctent et la boucane me sort par les oreilles.

La situation m’a fait réaliser que les irritants domestiques sapaient plus mon moral que les gros pépins auxquels je réagis généralement avec stoïcisme. Bizarre. Je pense que les catastrophes humanitaires et les grosses bourdes politiques font planter mon processeur cérébral/émotionnel.

Bref, j’ai ouvert mon «Soyez zen» usé, corné, annoté.
La pratique requiert une bonne dose de persévérance, mais la récompense vaut l’effort.


D’accord j’assume!

L’éveil spirituel, l’illumination, est le but primordial de toutes les religions. Pourtant, presque tout le monde se fait des idées bizarres là-dessus et s’imagine qu’il s’agit de devenir un être parfait, quelqu’un de bien gentil, calme et effacé, et qui accepte sans broncher. Or, rien n’est plus loin de la vérité!
   Je vais vous présenter une série de situations fictives et pénibles, et je voudrais que vous vous demandiez comment vous réagiriez si cela vous arrivait à vous, personnellement. Je ne dis pas qu’il ne faudrait rien faire pour éviter des problèmes douloureux ou pour les résoudre, ou qu’il faudrait que vous vous interdisiez toute émotion, mais je vous propose de laisser de côté cet aspect-là des choses pour le moment, et de vous intéresser uniquement à votre réaction. Vous verrez comme c’est instructif.

Si l’on me disait que je n’ai plus qu’une journée à vivre, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si j’avais un terrible accident et qu’on doive m’amputer des quatre membres, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si je devais ne plus jamais entendre la moindre parole d’amitié ou d’encouragement, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si, pour une raison quelconque j’étais condamnée à rester clouée et à souffrir pour le restant de mes jours, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
– Si je me ridiculisais totalement, au plus mauvais moment possible, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si l’amour dont je rêve ne se matérialisait jamais, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si les circonstances faisaient que je sois obligée de vivre en clocharde, au froid, sans abri, et obligée de mendier pour survivre, serais-je prête à l’assumer? Et vous?
Si je devais perdre quelque chose ou quelqu’un que j’aime, serais-je prête à l’assumer? Et vous?

Personnellement, je serais incapable de répondre oui, ne serait-ce qu’à une seule de ces questions, et je pense que ce serait pareil pour vous, si vous êtes honnête avec vous-mêmes. Il faudrait être complètement éveillé pour répondre : «D’accord, j’assume.» Qui plus est, encore faudrait-il savoir ce qu’on entend par assumer.
   Assumer ne veut pas dire encaisser les coups passivement, sans pleurer, sans crier ni protester ou s’insurger contre la situation. Les pleurs et les gémissements sont une forme d’expression légitime pour évacuer. Que signifie assumer, être éveillé? Être éveillé c’est ne plus ressentir de distance entre son vécu et soi, quelles que soient les circonstances de la vie.
   Bien sûr, les exemples que j’ai choisis sont particulièrement douloureux. J’aurais pu vous demander : «Seriez-vous d’accord pour recevoir un milliard de dollars.» Et vous m’auriez répondu oui avec enthousiasme, sans vous rendre compte que, pour alléchante qu’elle soit, une telle situation ne serait peut-être pas plus facile à vivre que l’état de clochard. Quoi qu’il en soit, l’important est de savoir si vous êtes prêts à assumer tout ce que la vie vous apporte. Ce qui ne veut pas dire que vous deviez accepter passivement votre sort, ou que, si vous êtes malade, vous ne deviez rien faire pour essayer de guérir. Mais il y a parfois des situations ou des événements inévitables et auxquels on ne peut rien changer. Vous sentez-vous prêts à les assumer, le cas échéant?
   Vous pourriez m’objecter que quelqu’un qui accepte tout ne serait pas un humain, et dans un certain sens, vous auriez raison. D’un autre côté, on pourrait dire au contraire qu’une telle personne serait un être humain à part entière et vraiment digne de ce nom. Il est sûr qu’un être humain qui n’éprouverait aucune aversion envers qui que ce soit, ou quoi que ce soit, trancherait nettement sur le reste de l’humanité. J’ai connu quelques rares individus proches de cet état-là, qui est celui de l’éveil, c’est-à-dire la faculté d’assumer tout ce qui se présente à soi – le bon comme le mauvais. Il ne s’agit pas de devenir un saint mais d’accéder – même partiellement et souvent au prix d’une terrible lutte intérieure – à cet état d’acceptation de la réalité des choses et de soi. Prenons l’exemple de la mort; il ne s’agit pas de se préparer à mourir en brave, mais plutôt de vivre de telle sorte que l’on n’ait pas besoin de mourir héroïquement. En généralisant, on pourrait en déduire une ligne de conduite intéressante.
   Plutôt que de se préparer à agir de telle ou telle manière en fonction d’une situation donnée, mieux vaut faire en sorte de ne pas avoir besoin d’étudier et de calculer ses réactions en fonction des circonstances, quelles qu’elles soient.
   La plupart des thérapies servent à ajuster ses désirs et ses besoins à ceux des autres, afin d’assumer un minimum d’harmonie à la vie collective. Maintenant, imaginez que je n’aie plus aucun désir ou aucun besoin particuliers, et que je n’objecte en rien aux vôtres, parce que les choses me semblent très bien comme elles sont. Dans ces cas-là, plus besoin d’ajuster ou d’harmoniser quoi que ce soit. Vous vous dites peut-être qu’il faudrait être très bizarre pour répondre oui à toutes mes questions de tout à l’heure. Eh bien, je ne crois pas; je pense que si vous rencontriez une telle personne, vous ne lui trouveriez rien de bizarre. Au contraire, vous seriez sans doute frappés par l’extraordinaire sentiment de paix qui émanerait d’elle. Vous sentiriez l’amour qui se dégage d’un être qui a cessé de se préoccuper de lui-même et qui assume les choses telles qu’elles sont, en lui et chez les autres. Cependant, n’allez pas imaginer une sorte d’amour aveugle et béat : autant une telle personne saurait être douce ou encourageante si c’était ce dont vous aviez vraiment besoin à ce moment-là, autant elle pourrait se montrer dure et inflexible, si c’était le meilleur moyen de vous aider. Mais comment pourrait-elle savoir ce qui vous convient le mieux? N’étant plus séparée de vous par la barrière d’un ego, elle ressentirait ce que vous ressentez, elle serait vous.
   Je pense qu’il est important d’essayer de comprendre l’état d’esprit dans lequel on doit se trouver pour être capable de dire «oui» à la vie en toutes circonstances. Or, c’est justement ce que nous apprend la pratique du zazen, éventuellement à notre insu ou même à notre corps défendant. On se familiarise avec un état d’ouverture qui nous rend capables d’assumer tout ce qui nous arrive.
   Au moins nous savons dans quel sens travailler. Pour assumer quelque chose, il faut pouvoir s’accepter soi-même, en bloc, sans trier : avec toute sa révolte et ses contradictions internes, avec toute la confusion et la frustration qu’on porte en soi – du fait qu’on n’arrive jamais aux fins que se fixe l’ego. Il faut aussi accepter de continuer à se débattre dans cet état de trouble, de peine, de confusion, un peu comme nous le faisons en sesshin. Ainsi pourrons-nous, peu à peu, commencer à discerner un peu mieux ce qui se passe. «Oui, voilà ce que j’éprouve et cela ne me plaît pas du tout – je donnerais cher pour être ailleurs! – mais c’est comme ça, et j’assume.» Graduellement cette attitude s’affermira en vous. ... Imaginez par exemple que vous soyez très amoureux et très sûr que, cette fois-ci, ce sera la bonne, quand tout à coup, ce compagnon ou cette compagne de vos rêves vous quitte. Vous serez sans doute fou ou folle de douleur, mais c’est cette peine-là qu’il faudra assumer et expérimenter sans l’esquiver.
   Vivre la souffrance à fond pour s’en libérer : voilà le paradoxe de la vie, le grand kôan, que le zazen nous aide à résoudre.
   Avec le temps vous comprendrez qu’il n’y a pas besoin de changer quoi que ce soit à tout ce qui vous arrive, qu’il n’y a qu’à prendre les choses comme elles viennent ... même si elles vous paraissent insupportables et que vous devez vous faire violence pour y faire face. Vous allez peut-être penser que je place la barre trop haut, que c’est trop difficile à pratiquer. ... Les gens qui savent vivre sans rien attendre de la vie sont ceux qui en profitent le mieux. Qu’ils aient des déboires ou des mésaventures – que la plupart d’entre nous considéreraient comme des catastrophes –, et les voilà qui pestent, qui tempêtent et se débattent comme de beaux diables, certes, mais sans que cela leur gâche la vie pour autant. Ils continuent à la croquer à belles dents, car ils savent prendre les choses comme elles se présentent.
   J’avoue que j’aurais beaucoup de mal à me résigner à ne plus jamais entendre de paroles amicales ou bienveillantes. Serais-je prête à l’assumer? Non, bien sûr que non; mais que devrais-je en déduire? Et si tout à coup, j’étais kidnappée et emprisonnée dans un pays hostile? Nous n’aurons jamais pour la plupart à supporter de pareilles horreurs, et tant mieux. Ce qui n’empêche que chacun a ses propres drames et voit souvent ses espérances voler en miettes, quand la vie prend une tout autre tournure que celle qu’on avait prévue. Dans ce cas-là, de deux choses l’une : ou bien l’on encaisse et on fait face à ses difficultés qu’on prend comme des occasions de pratiquer et de mûrir. Ou bien on tourne le dos au problème et on l’esquive, de sorte qu’on n’aura rien appris et qu’on se retrouvera encore en plus mauvaise posture qu’avant.
   Alors, comment mener une existence plus féconde et plus paisible? Il faut apprendre – lentement et souvent à contrecoeur – à prendre la vie comme elle vient, à l’expérimenter telle quelle.
   Je dois vous avouer que, la plupart du temps, je n’en ai pas la moindre envie, et je suppose que c’est pareil pour vous. C’est néanmoins pour apprendre cela que nous sommes ici. [...]
   Plus nous serons capables d’assumer la vie sous toutes ses formes, et moins nous serons tentés de lâcher la proie pour l’ombre en nous détournant du présent pour courir après une vulgaire illusion de perfection.

Charlotte Joko Beck
Soyez sen ... en donnant un sens à chaque acte à chaque instant
Pocket 1990

Dans la même veine, libellé «Joko Beck» :  
https://situationplanetaire.blogspot.com/

----

(1) Ils sont fabriqués pour ne pas durer. Et c’est fait exprès pour que nous en rachetions…

La réduction de la durée de vie de nos appareils


L’«obsolescence programmée», ou «désuétude programmée», c’est la fabrication de biens de consommation faits pour une durée limitée dans le but d’être remplacés rapidement. Volontairement, des astuces sont utilisées par les fabricants pour rendre les biens moins durables. Par exemple, l’utilisation de matériaux de moins bonne qualité, des pièces de rechange dispendieuses ou aucun accès pour certaines pièces. Les appareils électroménagers achetés aujourd’hui vont durer de 8 à 10 ans, malgré un avancement technologique qui ne cesse de croître. Souvent, il est moins dispendieux pour un consommateur de remplacer un appareil que de le faire réparer ou il est simplement impossible de le faire réparer! Il en résulte une quantité de déchets énormes. Bien que certains puissent être recyclés, le chemin parcouru et l’énergie requise pour le recyclage ne sont pas négligeables.
   Il faut aussi ajouter que le fabricant n’est pas le seul joueur dans la partie. Le consommateur d’aujourd’hui a aussi tendance à vouloir renouveler ses biens, bien avant qu’ils ne soient plus fonctionnels. Selon une étude de l’Office de l’efficacité énergétique, au cours des cinq dernières années, deux millions de Québécois sur huit auraient renouvelé leurs électroménagers. La moitié d’entre eux pour acheter des appareils moins consommateurs d’énergie et d’eau. Le reste pour les caractéristiques, la fiabilité et le prix. Au nom de l’efficacité énergétique, on peut être amené à changer un peu trop souvent d’appareil et à remplir les sites d’enfouissement, puisque tout n’est pas recyclable… Le débat est complexe.

Le mauvais bilan environnemental des électroménagers

La majorité des appareils électroménagers sont fabriqués en Asie ou en Amérique centrale. ... Non seulement, le transport requis pour les électroménagers venant de loin produit des gaz à effet de serre, mais l’énergie utilisée pour la production dans ces pays est plus nocive pour l’environnement que l’hydroélectricité. Le charbon et le gaz naturel sont les ressources énergétiques souvent utilisées pour produire l’électricité et ils contribuent aux changements climatiques. Souvent, dans l’analyse du cycle de vie d’un produit fabriqué en Asie versus au Québec, c’est dans la production plutôt que dans le transport que les dommages environnementaux sont les plus lourds en impact.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire