S’il y a
une affaire qui n’a pas retenu mon attention, c’est bien celle de
Clinton/Lewinsky, sauf au moment du scandale. Mais, l’autre jour j’ai buté sur
une lettre intéressante de Monica Lewinski publiée dans le magazine Vanity Fair
(2014). Elle raconte la profonde humiliation vécue notamment à cause des
campagnes de dénigrement à son égard. À chaque nouvelle campagne électorale –
et les Américains sont toujours en campagne électorale! – elle se fait harceler
à la fois par les républicains et les démocrates. Clinton s’en est très bien sorti :
avec de l’argent on peut blanchir n’importe quoi.
Photo : Paul Hunter CBC
Voici une
citation de Donald Trump – comment se fait-il que les ultra chrétiens/puritains du parti républicain ont accepté sa candidature?
“I did try and fuck her. She was married. I moved on
her like a bitch, but I couldn’t get there. And she was married. Then all of a
sudden I see her, she’s now got the big phony tits and everything. She’s
totally changed her look. I’ve gotta use some Tic Tacs, just in case I start
kissing her. You know I’m totally attracted to beautiful ... I just start
kissing them. It’s like a magnet. Just kiss. I don’t even wait. And when you’re
a star they let you do it. You can do anything... Grab them by the pussy. You can do anything.”
C’est un
peu comme les mafieux italiens ultra catholiques qui pendant qu’ils commettent
leurs crimes se justifient en se disant que c’est la «volonté de Dieu».
«Vous n'avez pas besoin de la religion pour
avoir de la morale. Si vous ne pouvez pas distinguer le bien du mal, alors vous
manquez d'empathie, non pas de religion.» (Auteur inconnu)
Monica
Lewinsky: ‘The shame sticks to you like tar’
By Jon Ronson | The Guardian 22 Apr 2016
Photograph: Steve Schofield for the Guardian
Lettre ouverte de Monica Lewinski à Vanity
Fair
Monica
Lewinski (23 juillet 1973) est sans nul doute l’américaine la plus connue au
monde. Sa notoriété, elle la doit à sa liaison avec Bill Clinton, liaison qui
entraîna le Président dans une procédure d’impeachement. Si cette relation lui
a permis d’être sur le devant de la scène, les médias peuvent aussi être
cruels. Dans cette missive à la revue américaine Vanity Fair, Monica revient
sur le calvaire qui a suivi cette relation.
2014
Nous
étions au début de l’année 2001, à New York. J’étais assise sur une estrade de
l’école Cooper Union, je participais à une séance de questions-réponses avec
les étudiants filmée pour un documentaire de la chaîne HBO. J’en étais le
sujet. Et j’étais sous le choc. Des centaines de personnes dans le public,
principalement des élèves, me dévisageaient, bouche bée, se demandant si
j’aurais le courage de répondre à cette question : «Alors, ça fait quoi d’être
la reine de la pipe?»
Je n’avais pas accepté de participer à ce
documentaire pour refaire l’histoire, ni pour ressasser «l’affaire Clinton»,
mais pour recentrer le débat sur des questions plus pertinentes. L’enquête et
la procédure de destitution visant le président Clinton avaient soulevé des
problèmes politiques et judiciaires inquiétants. Mais on avait ignoré le plus
choquant. Les gens ne s’intéressaient visiblement pas aux enjeux les plus
essentiels, comme l’érosion de la vie privée dans la sphère publique,
l’équilibre des pouvoirs et l’inégalité hommes-femmes en politique et dans les
médias, ou encore l’affaiblissement de la protection juridique assurant que
parents et enfants n’aient pas à témoigner les uns contre les autres. Comme
j’étais naïve!
La salle a retenu son souffle. Des membres
de l’assistance, flous, sans visage, ont crié : «Ne répondez pas!»
«C’est blessant et insultant, ai-je répliqué
en tentant de me ressaisir. C’est insultant pour moi, mais ça l’est encore plus
pour ma famille. Je ne comprends pas pourquoi toute cette histoire a été
réduite à une simple fellation. Vraiment pas. Il s’agissait d’une véritable
relation… Si elle a été présentée ainsi, c’est sans doute parce que notre société
est dominée par les hommes.»
Rires dans le public. Des spectateurs ont
sans doute été surpris de m’entendre prononcer ces mots. Le type qui m’avait
posé la question affichait un sourire suffisant. Je l’ai regardé droit dans les
yeux : «Vous êtes sans doute mieux placé que moi pour répondre à ça.» Après un
silence, j’ai ajouté : «Ça m’a certainement valu un an de psychothérapie
supplémentaire.»
Vous pourriez arguer qu’en participant à un
documentaire de HBO intitulé Monica in Black and White, je m’exposais à être
une nouvelle fois montrée du doigt et humiliée publiquement. Vous pourriez même
penser que j’en avais l’habitude, que ça ne m’atteignait plus. Après tout,
cette rencontre à la Cooper Union n’était rien comparée aux 445 pages du
rapport Starr, aboutissement des quatre années d’enquête du procureur
indépendant Kenneth Starr sur Bill Clinton. Ce document comportait des
chapitres et des paragraphes entiers sur mon intimité et mes pratiques
sexuelles, ainsi que des retranscriptions de bandes audio qui rapportaient en
détail mes conversations privées. Mais cette question sur la «reine de la pipe»
– qui s’est retrouvée dans le documentaire lors de sa diffusion en 2002 – m’a
hantée longtemps après le départ du public et la fin de l’enregistrement.
Certes, ce n’était pas la première fois qu’on
me stigmatisait à cause de ma liaison avec Bill Clinton. Mais je n’avais jamais
été confrontée directement à une description aussi grossière de moi. En
acceptant cette invitation et en voulant dire la vérité, je n’avais obtenu
qu’une chose : j’allais à nouveau être marquée du sceau de la honte, comme dans
La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne. Croyez-moi, une fois qu’on le porte,
il est difficile de s’en débarrasser.
Si ce moment gênant à la Cooper Union avait
été diffusé quelques années plus tard seulement, après l’avènement des réseaux
sociaux, l’humiliation aurait été bien plus terrible. Cette séquence serait
devenue virale sur Twitter, YouTube, Facebook, TMZ, Gawker. Elle serait devenue
un «mème» sur Tumblr. Son caractère viral lui-même aurait mérité d’être
mentionné sur le Daily Beast ou dans le Huffington Post. En l’occurrence, elle
était déjà suffisamment diffusée comme ça et, grâce à l’universalité du Web,
vous pouvez, douze ans plus tard, la regarder toute la sainte journée sur
YouTube si ça vous fait plaisir (mais j’espère sincèrement que vous avez mieux
à faire).
Je sais que je ne suis pas la seule à avoir
été humiliée publiquement. Personne, semble-t-il, ne peut échapper au regard
sans pitié d’Internet, où les ragots, les demi-vérités et les mensonges
prennent racine et prospèrent. Pour emprunter la formule de l’historien Nicolaus
Mills, nous avons créé une «culture de l’humiliation», qui non seulement
encourage et se réjouit du malheur d’autrui, mais récompense également ceux qui
humilient les autres, qu’il s’agisse des paparazzis, des blogueurs spécialistes
en gossips, des comiques à la télé, ou des «entrepreneurs» du Web qui
s’enrichissent grâce à ces vidéos clandestines.
Oui, aujourd’hui, nous sommes tous
connectés. Nous pouvons tweeter une révolution en direct de la rue, ou rendre
compte de nouveaux accomplissements, grands ou petits. Mais nous sommes aussi
pris dans le cercle vicieux de la calomnie et de la honte, dans lequel nous
sommes à la fois coupables et victimes. Notre société n’est sans doute pas plus
cruelle – même si on en a vraiment l’impression –, mais Internet a profondément
bouleversé la teneur de nos échanges. Nos appareils électroniques nous
permettent de communiquer facilement, rapidement et à distance, mais ils
risquent aussi de nous rendre plus froids, plus indifférents et moins
conscients des conséquences de nos sales blagues et de nos préjugés. Ayant subi
cette humiliation de la manière la plus intime qui soit, je n’en reviens
toujours pas que nous ayons tous signé pour cette nouvelle façon de vivre, sans
nous poser de questions. Dans mon cas, chaque clic sur ce lien YouTube renforce
l’archétype que je suis devenue, malgré tous mes efforts pour y échapper : Moi,
la «reine de la pipe». Cette «stagiaire». Cette «vamp». Ou, pour reprendre la
formule implacable du 42e président des États-Unis : «Cette Femme.» Cela vous
surprendra peut-être, mais je suis une personne.
En 1998, quand ma liaison avec Bill Clinton
a éclaté au grand jour, j’ai probablement été la personne la plus humiliée au
monde. À cause de Drudge Report [blog conservateur recensant des articles de
journaux], j’ai sans doute aussi été la première personne dont l’humiliation
planétaire a été propagée sur Internet.
Pendant quelques années, j’ai lancé une
ligne d’accessoires de mode et pris part à divers projets médiatiques, dont le
documentaire de HBO. Puis j’ai principalement fait profil bas (j’ai accordé ma
dernière grande interview il y a dix ans). Après tout, parler publiquement
m’avait exposée aux critiques : on m’accusait d’essayer de «capitaliser» sur ma
«notoriété». Apparemment, que les autres parlent de moi était acceptable; que
je m’exprime moi-même ne l’était pas. J’ai décliné des propositions qui
m’auraient rapporté plus de 10 millions de dollars (près de 7,5 millions
d’euros) parce que ça ne me semblait pas être la meilleure chose à faire. Avec
le temps, le battage médiatique est retombé mais il n’a jamais vraiment cessé
malgré tous mes efforts pour passer à autre chose.
Pendant ce temps, je voyais mes amis aller
de l’avant. Mariages. Enfants. Diplômes. (Seconds mariages. Nouveaux enfants.
Diplômes supplémentaires.) J’ai décidé de tourner la page et de reprendre mes
études.
Je me suis installée en Angleterre – pour
aller à l’université, me lancer un nouveau défi, me faire oublier et me
construire une nouvelle identité. À la London School of Economics, j’ai eu des
professeurs et des camarades formidables – accueillants et respectueux. Je
jouissais d’un plus grand anonymat à Londres, sans doute parce que je passais
le plus clair de mon temps en cours ou à la bibliothèque. En 2006, j’ai obtenu
un master de psychologie sociale. Mon mémoire portait sur les préjugés sociaux
au tribunal et était intitulé : «À la recherche du juré impartial : étude sur
l’influence de la publicité et des tierces personnes avant un procès». J’aimais
plaisanter sur le fait que j’avais quitté la robe bleue pour devenir un
bas-bleu. À mes yeux, ce diplôme représentait une base solide pour envisager
l’avenir. J’espérais aussi qu’il ouvrirait sur une toute nouvelle vie, plus
normale.
J’ai passé des entretiens d’embauche à
Londres, à Los Angeles, à New York et à Portland (Oregon), dans le domaine de
la «communication créative» et de la «stratégie de marque», en privilégiant le
secteur caritatif. Malgré tout, en raison de ce que mes employeurs potentiels
appelaient avec tact mon «passé», je ne «convenais» jamais «vraiment» pour le
poste. Dans certains cas, je convenais, mais pour les mauvaises raisons. Par
exemple : «Bien sûr, dans le cadre de votre travail, vous devrez participer à
nos événements.» Et, bien sûr, la presse serait présente à certains d’entre
eux.
Juste avant la primaire de 2008, j’ai passé
un entretien qui s’annonçait prometteur. La conversation a pris un tour
intéressant : «Je vous explique, Monica, m’a confié mon interlocuteur. Vous
êtes manifestement une jeune femme intelligente et sympathique, mais pour nous
– et probablement pour toute organisation tributaire des subventions et des
financements gouvernementaux –, c’est risqué. Il nous faudrait d’abord une
lettre de caution des Clinton. Après tout, il y a 25 % de chances que Mme
Clinton soit la prochaine présidente des États-Unis.» J’ai esquissé un sourire
forcé et répondu : «Je comprends.»
Autre exemple, plus représentatif celui-ci.
Je me suis présentée à la réception vide et glaciale d’une agence de pub
branchée et déjà prestigieuse de Los Angeles, ma ville natale. Comme toujours,
j’affichais mon sourire «je suis sympa, je ne suis pas une diva». Je me suis
annoncée : «Bonjour. Monica Lewinsky, j’ai rendez-vous avec Unetelle.» La
réceptionniste, âgée d’une petite vingtaine d’années, a remonté ses lunettes de
hipster à monture noire : «Monica qui?» Pas le temps de répondre. Un garçon –
la vingtaine lui aussi, jean slim, chemise écossaise et nœud papillon – a
accouru, l’interrompant : «Mlle Lewinsky.» On aurait dit un maître d’hôtel : «C’est
un réel plaisir. Je vais prévenir Unetelle de votre arrivée. Un café au lait de
soja? Un thé vert? Une eau filtrée?» Je me suis retrouvée assise à une petite
table ronde, en tête-à-tête avec Unetelle, la responsable de la stratégie et de
la planification de l’agence. On discutait et elle n’arrêtait pas de grimacer.
Ça ne se passait pas très bien. J’essayais de ne pas perdre mes moyens, mais,
en plus de faire la moue, elle se raclait maintenant la gorge. C’était de la
sueur sur son front? Ça a fait tilt : c’était elle qui était nerveuse, pleine
de tics.
J’ai dû apprendre à gérer toutes sortes de
réactions en société et lors de mes entretiens d’embauche. C’est compréhensible
: se retrouver face à « cette Femme » doit être déroutant. Il va sans dire que
je n’ai pas obtenu le poste. J’ai fini par réaliser que je n’étais peut-être pas
faite pour trouver un emploi conventionnel. J’ai réussi à m’en sortir (parfois
difficilement) en menant des projets personnels, principalement pour des
start-up, ou en empruntant de l’argent à ma famille et à mes amis.
Lors d’un autre entretien d’embauche, on m’a
demandé : «Si vous étiez une marque, ce serait laquelle?» Laissez-moi vous dire
que, quand on s’appelle Monica Lewinsky, cette question est lourde de
sous-entendus.
En septembre 2010, une conversation
téléphonique avec ma mère m’a permis de replacer ces différentes expériences
dans un contexte plus large. Le prisme à travers lequel je voyais le monde
avait changé. On parlait de la mort tragique de Tyler Clementi, cet étudiant de
18 ans, en première année à l’université Rutgers. Il avait été filmé à son insu
par une webcam alors qu’il était en train d’embrasser un autre garçon. Quelques
jours plus tard, après avoir été tourné en ridicule et humilié sur les réseaux
sociaux, il s’était suicidé en se jetant du pont George-Washington. Ma mère pleurait.
Elle ne cessait de répéter, des sanglots dans la voix : «Ce que ses pauvres
parents doivent ressentir… Ses pauvres parents.» C’était une véritable
tragédie, et j’avais moi aussi été très émue en apprenant la nouvelle, mais je
ne comprenais pas pourquoi elle affectait tant ma mère. Et puis j’ai compris :
elle revivait 1998, quand elle ne me quittait jamais des yeux. Elle revivait
les semaines où, nuit après nuit, elle était restée à mon chevet car moi aussi,
j’avais des tendances suicidaires. La honte et la peur que j’avais ressenties,
le mépris dont j’avais été victime lui avaient fait craindre que j’attente à ma
vie – elle avait peur, littéralement, que je meure d’humiliation (je ne suis
jamais passée à l’acte, mais j’ai pensé au suicide à plusieurs reprises au
cours de l’enquête, et deux ou trois fois après).
Je n’oserais jamais comparer mon histoire à
celle de Tyler Clementi. Après tout, si j’ai été mise au pilori, c’est parce
que j’ai eu une aventure avec une personnalité de renommée internationale –
parce que j’ai fait les mauvais choix. Mais à ce moment précis, en prenant la
mesure du désarroi de ma mère, j’aurais aimé parler avec Tyler et lui raconter
comment ma vie sentimentale et sexuelle, mes moments les plus intimes et mes
secrets les plus personnels avaient fait le tour du monde. J’aurais aimé
pouvoir lui dire que je comprenais ce qu’il avait dû ressentir en étant ainsi
exposé aux yeux de tous. Et que, même si c’est dur à imaginer, il est possible
d’y survivre.
Après la mort tragique de Tyler, j’ai
envisagé ma propre souffrance différemment. Je me suis dit qu’en racontant mon
histoire, j’aiderais peut-être les autres victimes d’humiliations à traverser
cette épreuve, même dans les heures les plus sombres. La question est alors
devenue la suivante : comment trouver et donner un sens à mon passé? Je me
prenais pour Prufrock, le personnage du poème de T.S. Eliot :
«Oserai-je / Déranger l’univers?» Ou, dans mon cas, l’univers des Clinton.
Même si j’ai délibérément gardé le silence
pendant une dizaine d’années, mon nom a de temps à autre refait surface dans le
débat national, presque toujours en lien avec les Clinton. En janvier et
février 2014 par exemple, Rand Paul, le sénateur du Kentucky et candidat
républicain potentiel à la présidentielle de 2016, a réussi à me mêler à la
campagne pré-électorale et son lot de saloperies. Les démocrates accusaient les
républicains de mener une «guerre contre les femmes», et il s’est défendu en
affirmant que Bill Clinton s’était rendu coupable de «violence» au travail et
s’était comporté comme un «prédateur» vis-à-vis d’une «fille de 20 ans qui
sortait de l’université». C’est vrai, mon patron a profité de moi, mais je
resterai ferme sur un point : il s’agissait d’une relation consentie. C’est après
qu’il y a eu «abus», quand on s’est servi de moi comme bouc-émissaire pour
protéger son pouvoir.
Conclusion : disparaître n’a pas réussi à me
faire oublier. On croit me connaître, pour le meilleur ou pour le pire. Tous
les jours, on me reconnaît. Tous les jours. Parfois, quelqu’un passe et repasse
devant moi, comme si je n’allais pas le remarquer. (Heureusement, 99,9 % des
inconnus qui m’adressent la parole me soutiennent et se montrent respectueux.)
Tous les jours, on me mentionne dans un tweet ou sur un blog, et pas toujours
très gentiment. Tous les jours, semble-t-il, mon nom est cité dans un éditorial
ou dans un ou deux articles de presse – et, soit dit en passant, sur des sujets
aussi divers que la génération Y, la série Scandal ou la vie amoureuse du
président français François Hollande. Miley Cyrus fait référence à moi lors
d’un twerk sur scène [elle a mimé une fellation sur un de ses danseurs affublé
du masque de Bill Clinton], Eminem parle de moi dans ses chansons et, dans son
dernier tube, Beyoncé me fait une petite dédicace. C’est gentil, Beyoncé, mais
si tu tenais absolument à créer un verbe, il aurait été plus correct de dire :
«Il a Clintonisé ma robe», et non pas «Lewinskisé».
À chaque fois que je sors avec un homme
(oui, ça m’arrive!), 1998 me revient – dans une certaine mesure – en pleine
tête. Je dois me montrer extrêmement prudente quand je m’affiche avec quelqu’un
en «public». Quelques années après la procédure de destitution, lors d’un match
de baseball des Yankees, j’ai quitté ma place au premier rang, près de la ligne
de troisième base, en apprenant que mon rencard – un mec dont j’appréciais
réellement la compagnie – avait déjà une relation avec quelqu’un. En
l’occurrence, il ne s’agissait que d’un mariage blanc, mais je flippais à
l’idée qu’on puisse nous photographier tous les deux et qu’on se retrouve dans
les pages people d’un torchon. J’ai appris à repérer les hommes qui
s’intéressent à moi pour les mauvaises raisons. Heureusement, il n’y en a pas
eu beaucoup. Mais tous les hommes qui m’ont été chers ces seize dernières
années m’ont aidée à découvrir une nouvelle partie de moi – du moi qui a été
détruit en 1998. Voilà pourquoi, malgré le chagrin, les larmes et les
désillusions, je leur serai toujours reconnaissante.
Au début de l’année, en février, à peu près
à l’époque où le sénateur Paul m’a remise malgré moi sous les feux des
projecteurs, nouveau rebondissement : je suis devenue la «cinglée narcissique»,
dernier archétype en date. Voilà un aperçu d’un scénario devenu bien trop
habituel, alors même que j’essaie d’avancer dans la vie : une sonnerie
stridente interrompt le cours de ma journée. L’appel – du portier de l’immeuble
où je loge à New York – m’exaspère : «Quoi? Encore?» Ils sont de retour : les
paparazzis, comme des hirondelles, ont encore une fois envahi le trottoir en
bas de chez moi. Ils font les cent pas, tournent en rond. Je file à l’ordinateur.
C’est le moment de me «googliser» (je t’en prie, ne me juge pas, cher lecteur!).
Mon cœur se serre. Déchaînement médiatique sur Google News. Je sais ce que ça
signifie. Tout ce que j’avais prévu ce jour-là tombe à l’eau. Sortir – et
risquer de me faire photographier – n’aurait qu’un résultat : alimenter
l’affaire.
Les appareils photo sont là à cause des gros
titres : un site Web conservateur a fouiné dans les archives de Diane Blair,
l’une des plus proches amies et admiratrices de Hillary Clinton, ancienne
professeure de l’université de l’Arkansas morte en 2000. Il y a déniché des
notes datant des années 1990. Dans certaines, Diane Blair cite l’ex-première
dame à propos de la liaison que son mari a entretenue avec moi. D’après ses
notes, Hillary avait condamné l’inexcusable «écart de conduite» de son mari,
mais reconnaissait qu’il avait du mérite car il avait essayé de «gérer une
personne qui était de toute évidence une “cinglée narcissique”».
Je me mets rapidement au courant. Première
réaction : si c’est la pire chose qu’elle ait dite à mon sujet, j’aurais
vraiment de la chance. Mme Clinton aurait confié à Diane Blair qu’elle se
reprochait en partie la liaison de son mari (car elle avait été trop négligente
sur le plan affectif) et semblait lui avoir pardonné. Même si elle estimait que
Bill avait eu «un comportement dégoûtant et indécent», cette liaison était
malgré tout «consentie (et n’était pas une relation de pouvoir)».
Comme d’habitude, je reçois des appels de
mes amis, qui me soutiennent moralement à chaque fois que ces histoires
explosives refont surface dans les médias. Ils m’aident à me détendre en me
taquinant gentiment : «Alors, on change tes initiales pour C.N. [cynique et
névrosée]?» J’essaie de faire fi des commentaires de l’ex-première dame. Compte
tenu de mon expérience avec Linda Tripp, je sais mieux que quiconque ce qu’on
ressent quand une conversation privée avec une amie devient publique et est
examinée dans ses moindres détails, hors de tout contexte [Linda Tripp,
collègue de Monica Lewinsky, avait enregistré les confidences de cette dernière
et transmis les bandes au procureur spécial Kenneth Starr]. Malgré tout, ça
commence à me tracasser. Je réalise que Hillary Clinton – contrairement à moi
quand Tripp m’arrachait mes secrets pour les enregistrer en cachette – était au
courant de l’existence de ces documents : d’après les notes, c’est elle qui
avait demandé à Blair de consigner leurs discussions à des fins d’archivage.
Oui, je comprends tout. Hillary Clinton
voulait une preuve qu’elle s’en prenait à la maîtresse de son mari. Bien
qu’elle ait critiqué le comportement déplacé de son époux, je trouve gênant
qu’elle rejette la faute sur la – Femme – pas seulement sur moi, mais sur elle.
Et bien trop facile : à chaque fois qu’une infidélité est exposée sur la place
publique – et le principal protagoniste est souvent un homme politique –, comme
par hasard, c’est la femme qui finit par porter le chapeau. Certes, les Anthony
Weiner et autres Eliot Spitzer font tout pour avoir l’air humiliés sur les
chaînes d’information du câble. Ils se retirent un temps de la vie publique,
mais reviennent à tous les coups, ayant fait table rase du passé. Les femmes
mêlées à ces affaires, elles, ont plus de mal à retrouver une vie normale. Mais
ici, il y a une dimension supplémentaire et ça me hérisse le poil :
narcissique? Cinglée?
Vous vous souviendrez peut-être que cinq
jours seulement avant que le monde entier n’entende mon nom pour la première
fois, le FBI – après que mon amie Linda Tripp ait contacté le bureau du
procureur – m’a tendu un terrible piège dans le centre commercial de Pentagon
City. Le 16 janvier 1998, âgée de 24 ans, je me suis retrouvée enfermée dans
une chambre d’hôtel avec des interrogateurs principalement masculins qui
obéissaient aux ordres de Starr. Ces derniers m’ont dissuadée de contacter mon
avocat et menacée de prendre vingt-sept années de prison pour avoir, entre
autres, déclaré sous serment ne pas avoir eu de liaison avec Clinton. Si
j’acceptais de mettre mon téléphone sur écoute et de porter un micro lors de
mes conversations avec deux amis proches du président, et peut-être avec le
président lui-même, je bénéficierais d’une immunité. J’ai refusé. Je m’étais
confiée à Linda Tripp, et ça s’était malgré moi transformé en trahison. Mais
ça, ce fut la plus grande des trahisons. Je ne pouvais m’y résoudre.
Courageuse, stupide, peut-être, mais narcissique et cinglée ?
Ces descriptions de moi, vieilles de seize
ans, ont réveillé d’anciennes angoisses, en particulier le souvenir du mépris
des femmes. Vous vous demandez peut-être : mais où étaient les féministes à
l’époque? Cette question me taraude toujours. J’espérais un signe de leur part,
une preuve de leur compréhension. La bonne vieille solidarité féminine aurait
été la bienvenue. Mais je l’attends toujours. Vu les problèmes soulevés –
inégalités hommes-femmes, sexe au travail –, on aurait pu croire qu’elles
prennent position. Ça n’a pas été le cas. Je comprenais leur dilemme : Bill
Clinton était un président «favorable» à la cause des femmes.
Dans mon cas, il n’y a pas eu «harcèlement
sexuel», et ça ne m’a pas aidée. Paula Jones s’est chargée de cette accusation
et a poursuivi Bill Clinton en justice. Depuis peu, grâce aux féministes, on
ratissait plus large dans le cas d’enquêtes comme celle-ci : voilà pourquoi mon
nom est apparu. La droite s’est emparée de l’affaire Jones pour répondre aux
féministes, favorables aux Clinton, et les taxer d’hypocrisie : pourquoi
n’encourageraient-elles pas une enquête sur un cas de harcèlement sexuel ? Et
si le président avait été républicain ?
Quelques représentantes du mouvement féministe
moderne sont intervenues, indirectement. Mais, à la place d’un véritable engagement,
voici ce qui s’est passé.
30
janvier 1998. Neuvième jour du scandale. Cocktail au Bernardin, à Manhattan.
Présentes : les écrivaines Erica Jong, Nancy Friday, Katie Roiphe et Elizabeth
Benedict ; Patricia Marx, qui écrit pour le Saturday Night Live; Marisa Bowe,
rédactrice en chef de Word, un magazine en ligne; la créatrice de mode Nicole
Miller; l’ancienne dominatrice SM Susan Shellogg; et leur hôtesse, Maguy Le
Coze, copropriétaire du Bernardin. The New York Observer a réuni cette
assemblée de sorcières pour qu’elles partagent leurs points de vue sur
«l’affaire Clinton», le tout enregistré par Francine Pose.
Oh, comme
j’aurais aimé assister à ce cocktail :
– Marisa
Bowe : Toute sa vie n’est qu’une histoire de contrôle, d’intelligence. Et sa
femme est très intelligente, toujours dans le contrôle. Je peux comprendre ce
qu’il y a d’excitant à s’envoyer en l’air avec une femme peu brillante dans le
Bureau ovale.
– Moi
imaginaire : Je ne dis pas que je suis brillante, mais qui vous dit que je ne
le suis pas? Mon premier boulot en sortant de la fac, c’était à la Maison
Blanche.
– Susan
Shellogg : D’après vous, c’est terriblement égoïste? Égoïste et avilissant, un
rapport oral sans réciprocité. Je veux dire... elle n’a jamais dit : «Eh bien,
vous savez, il m’a satisfaite moi aussi.»
– Moi :
Et où est-ce que je ne l’ai pas «dit»? Dans quelle déclaration publique que je
n’ai pas faite? Dans quel témoignage qui n’a pas été publié?
– Katie
Roiphe : Selon moi, ce qui choque les gens, c’est l’apparence physique [de
Monica Lewinsky], et c’est un point intéressant. On aime imaginer nos
présidents comme des sortes de dieux : du coup, quand JFK a une liaison avec
Marilyn Monroe, ça reste dans le royaume des demi-dieux... Je veux dire, ce qui
revient le plus, c’est que Monica Lewinsky n’est pas si jolie que ça.
– Moi :
Merci! La première photo de moi qui est parue était celle de mon passeport.
Vous aimeriez que votre photo de passeport soit reprise dans les publications
du monde entier comme celle qui vous définit le mieux? Vous dites aussi que la
principale qualité qu’une femme doit avoir pour entretenir une relation intime
avec un homme de pouvoir, c’est d’être attirante. Si ça ne s’appelle pas faire
reculer la cause, je ne sais pas ce que c’est.
– Erica
Jong : Mon dentiste m’a fait remarquer qu’elle souffrait d’une gingivite de
stade 3.
– Shellogg
: Vous pensez qu’il va [lui] arriver quoi? Je veux dire, elle va se contenter
de disparaître tranquillement, elle va écrire un livre? Ou les gens l’auront
oubliée dans six mois?
– Nancy
Friday : Elle peut toujours louer sa bouche.
– Moi :
(Sans voix.)
– Jong :
Vous savez, ça plaît aux hommes d’approcher la bouche qui a côtoyé le pouvoir.
Imaginez un peu le fantasme, ce qu’il se passe dans la tête d’un homme quand
elle lui fait une gâterie : «Oh mon Dieu!»
– Elizabeth
Benedict : Fais-moi ce que tu as fait au président. Fais-le moi.
– Moi :
(Toujours sans voix.)
– Jong :
Je pense que ça montre que notre société a progressé, qu’on ne dénigre pas
Monica Lewinsky.
Cette
petite causerie est parue sous le titre : «Les super nanas de New York aiment
ce coquin de président» («La chose la plus embarrassante que j’aie lue depuis
longtemps», écrira la journaliste Marjorie Williams dans Vanity Fair). Selon
moi, cet article illustre un aspect troublant de la culture de l’humiliation,
que la thérapeute féministe Phyllis Chesler identifie dans son ouvrage Woman’s Inhumanity to Woman
(L’Inhumanité de la femme envers la femme) : les femmes elles-mêmes ne sont pas
à l’abri d’une certaine misogynie. On le voit bien aujourd’hui à la façon
qu’ont les «garces» du lycée de rôder sur Internet, le terrain de jeu moderne,
toujours prêtes à en rajouter (mais on les voit aussi à l’œuvre dans les débats
de spécialistes à la télé, ou dans les restaurants français).
J’éprouve toujours un profond respect pour
le mouvement féministe. Je lui suis reconnaissante pour les énormes progrès
qu’il a permis en matière de droits des femmes ces dernières décennies. Mais
mon nom ressort toujours dans les discussions de comptoir sur les inégalités
hommes femmes, alors je ne me considère pas comme une féministe avec un grand
F. Pendant la chasse aux sorcières de 1998, la position des responsables du
mouvement allait à l’encontre de la femme. Quant aux «super nanas de New York»,
elles auraient facilement pu se pâmer devant le président sans m’attaquer
personnellement et me couvrir de honte. Au lieu de ça, elles ont pris part à
l’humiliation collective.
Je regrette profondément ce qui s’est passé
entre le président Clinton et moi. Laissez-moi répéter ceci : Je. Regrette.
Profondément. Ce. Qui. S’est. Passé. À l’époque – du moins selon moi –, il
s’agissait d’une relation authentique, il y avait de l’affection, des visites
fréquentes, des projets, des coups de téléphone et des cadeaux. J’avais une
vingtaine d’années, j’étais trop jeune pour comprendre les conséquences
qu’aurait cette histoire dans la vie réelle, trop jeune pour voir que j’allais
être sacrifiée par opportunisme politique. Aujourd’hui, quand j’y repense, je
me demande, incrédule : qu’est-ce que j’avais – qu’avions-nous – dans la tête?
Je donnerais tout pour pouvoir revenir en arrière.
Je pense souvent, comme beaucoup
d’Américains, à Hillary Clinton. Je me demande ce qui arrivera si elle se présente
à la présidentielle de 2016? Et si elle gagne – puis gagne un second mandat?
Nous aurions enfin une femme à la Maison Blanche, mais ça ne se limite pas à ça
d’après moi. On se souvient tous du cri de ralliement de la deuxième vague du
féminisme : «Le privé est politique.» De nombreuses personnes (moi comprise)
ont déclaré que ma relation avec Bill Clinton relevait de la sphère privée et
n’avait pas sa place dans une guerre politique aux enjeux majeurs. Quand
j’entends parler de la candidature possible de Hillary Clinton, je ne peux
m’empêcher de craindre le nouveau déferlement de paparazzis, le nouveau déferlement
d’articles intitulés : «Où est-elle aujourd’hui?», la prochaine référence à ma
personne dans les reportages que Fox News consacrera à la primaire. Planifier
ma vie en fonction du calendrier politique commence à me démoraliser. Pour moi,
dans ce scénario, le privé et le politique sont impossibles à séparer.
En 2008, quand Hillary était candidate à la
présidence, je vivais quasiment recluse – même si la presse me sollicitait
constamment. En 2012, j’ai attendu que l’élection soit passée pour annoncer
divers projets médiatiques (ceux-ci ont ensuite été annulés – et, non, on ne
m’a jamais proposé 12 millions de dollars pour tout déballer dans un livre
salace, contrairement à ce qu’on raconte dans la presse). Et depuis peu, je me
retrouve à nouveau sur mes gardes, craignant de «devenir un problème» si elle
décide d’accélérer sa campagne. Mais devrais-je mettre ma vie entre parenthèses
pendant encore huit ou dix ans?
Comme je suis démocrate – et pleinement
consciente du fait que la droite comme la gauche peuvent m’instrumentaliser –,
j’ai gardé le silence pendant dix ans. Si bien, en réalité, que, selon la
rumeur qui courait dans certains cercles, les Clinton avaient dû acheter mon
silence. Sinon, qu’est-ce qui aurait bien pu m’empêcher de m’exprimer? Je vous
assure que rien n’est plus éloigné de la vérité. Alors, pourquoi le faire
aujourd’hui? Parce que l’heure est venue.
J’ai fêté mes 40 ans l’année dernière et il
est temps que j’affronte mon passé – et l’avenir des autres. Je suis résolue à
écrire une fin différente à mon histoire. J’ai enfin décidé de sortir du bois
pour me réapproprier mon passé et lui donner un sens (j’en découvrirai vite le
prix à payer). Même si certains journaux prétendront le contraire, ici, il ne
s’agit pas du tout de Moi contre les Clinton. Ils sont passés à autre chose.
Ils sont puissants et jouent un rôle important sur la scène mondiale. Je ne
leur veux aucun mal. Et je comprends parfaitement que ce qui m’est arrivé et
mon avenir ne les concernent pas.
Cela nous ramène aussi à la question du
privé et du politique. J’ai été confrontée à de nombreux problèmes devenus
centraux dans le débat national depuis 1998 : jusqu’où doit-on autoriser l’État
à entrer dans la chambre à coucher? Comment réconcilier le droit à la vie
privée et la nécessité de révéler les scandales sexuels? Comment nous protéger
d’un gouvernement trop zélé qui exige nos données et nos informations
personnelles? Et, plus important à mes yeux, comment lutter contre le petit jeu
de l’humiliation à l’ère d’Internet? Aujourd’hui, mon objectif est de m’impliquer
activement dans la défense des victimes de harcèlement en ligne, et d’évoquer
ce sujet dans des conférences.
Jusqu’à présent, je n’ai jamais réussi à me
défaire de la première description qu’on a faite de moi : «cette Femme». J’ai
été la «harceleuse déséquilibrée» (expression véhiculée par la Maison Blanche
de Clinton elle-même), la «poule idiote», la «pauvre innocente» qui n’y
connaissait rien. Le gouvernement Clinton, les sbires du procureur spécial
Starr, les responsables politiques des deux camps et les médias ont réussi à me
coller une étiquette. Et cette étiquette m’a collé à la peau, car elle avait
l’odeur du pouvoir. Je suis devenue un symbole, une toile sur laquelle tout le
monde pouvait projeter ses incertitudes sur la question des femmes, du sexe, de
l’infidélité, de la politique et du corps.
Contrairement aux autres parties concernées,
j’étais trop jeune pour avoir une identité bien définie à laquelle me
raccrocher. Je n’ai pas laissé cette histoire «me définir» – je n’avais tout
simplement pas l’expérience nécessaire pour trouver ma propre identité en 1998.
Quand on n’a pas découvert qui on est, il est difficile de ne pas accepter
l’image horrible que les autres créent de vous – voilà pourquoi j’éprouve de la
compassion pour tous les jeunes qui se font humilier sur le Net. Je me suis
souvent remise en question, j’ai suivi une thérapie et j’ai exploré différentes
voies, mais je suis malgré tout restée prisonnière de cette histoire pendant de
trop nombreuses années.
Ce temps-là est révolu. Le moment est venu
de brûler le béret et la robe bleue. Et d’aller de l’avant.