l’Homo Sapiens!
[...]
Mais que n’es-tu resté macaque
jusqu’à jamais!
Narcisse à relents de cloaque,
par ton nombril, hypnotisé,
mais que n’es-tu resté macaque!
Ou bien crapaud! Poisson! Amibe!
Qu’ainsi n’y eût ni faits ni scribes
et nulle Histoire à raconter!
Esther Granek, «De la pensée aux mots» 1997
Cueilli sur https://www.poetica.fr/
Je me réjouis que le juge de la Cour supérieure du
Québec, Donald Bisson, ouvre la porte au recours collectif des Courageuses
contre Gilbert Rozon.
François Messier | ICI Radio-Canada nouvelles | Le 22 mai 2018 – Dans une décision d’une quarantaine de pages
rendue mardi, le magistrat rejette les nombreux arguments qu’avait avancés le
fondateur et ex-grand patron du Groupe Juste pour rire pour rejeter l’action
collective.
Le juge
Bisson n'a par exemple pas retenu l'argument de M. Rozon selon lequel «le fait de charmer en utilisant son pouvoir
n'est pas une faute».
Le cas de
Mme Tulasne, écrit-il, «ne correspond aucunement à la banalisation grossière et
déformée que présente M. Rozon» et mérite donc d'être jugé sur le fond.
Le
recours autorisé par le juge Bisson couvrira «toutes les personnes agressées
et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon».
«Dans le
passé, le véhicule procédural de l’action collective a démontré son efficacité
dans les dossiers d’agressions sexuelles, puisqu’il a permis à des centaines de
victimes d’avoir accès à la justice au Québec», conclut-il.
Selon
Rémi Bourget, la décision du juge Bisson, et particulièrement ses propos «très
durs» sur la «banalisation grossière et
déformée que présente M. Rozon», montre que les tribunaux ne sont pas
insensibles aux critiques qui lui ont été faites dans des dossiers d'agressions
sexuelles. «On sent tout au long du jugement que les tribunaux sont rendus
conscients aujourd'hui de la grande difficulté [pour] les victimes de violences
sexuelles d’aller porter des accusations contre leur agresseur, que ce soit au
civil ou au criminel. On sent que c’est une réflexion que la cour a faite
lorsqu'est venu le temps d’autoriser ce recours.»
Le juge
mentionne par exemple que plusieurs victimes alléguées de M. Rozon ont pu être
découragées par le fait qu'il a eu droit à une absolution inconditionnelle
après avoir été condamné pour agression sexuelle il y a 20 ans.
Me
Bourget rappelle enfin que le fardeau de la preuve dans le cas des actions
collectives est moindre que celui qui est requis dans des procès au criminel. «Devant
une cour de droit civil, on doit prouver par prépondérance des probabilités,
pas hors de tout doute raisonnable», résume-t-il.
Article intégral et vidéos :
Weinstein s’est tiré d’affaire en monnayant des accords de confidentialité dont on ne
connaîtra sans doute jamais le nombre exact. Un pauvre type répugnant (le mot n’est
pas assez fort). À voir si vous avez accès à la zone (en français) :
L’affaire
Weinstein nous fait découvrir comment le magnat d’Hollywood, Harvey
Weinstein, aurait harcelé et agressé sexuellement des dizaines de femmes durant
plus de quatre décennies. Le documentaire met en lumière les méthodes élaborées
que lui et son entourage ont utilisées pour tenter de réduire au silence ses
accusatrices.
Production 2018 par BBC Current Affairs, Royaume
Uni; Réalisateur(s) : Jane McMullen, Leo Telling https://ici.tou.tv/l-affaire-weinstein
La
manosphère en calvaire
Josée Blanchette | Le Devoir | 4
mai 2018
[Extraits]
[...] Voici la définition que donne le Wiktionnaire
de la manosphère : «Manosphère / féminin (Internet) (Néologisme) Communauté de
sites Internet et de réseaux sociaux dédiés aux hommes. La manosphère est un réseau de sites Web et
de forums en ligne. Une constellation de la misogynie. Protégés par l’anonymat,
les hommes échangent des tuyaux, discutent stratégies de conquête, publient
commentaires sexistes […].»
Si on résume : des mâles alpha ou béta adhèrent à
des groupes sexistes (souvent racistes aussi, et même néonazis) et adoptent un
lexique très précis propre à leur secte, qui se revendique de l’homme des
cavernes à peu de chose près. Visiter ces forums sème l’effroi ; les idées
véhiculées y sont d’une violence i-nou-ïe. Francine Pelletier avait bien raison
de souligner mercredi dans ces pages qu’il faut de toute urgence aller scruter
de près ce qui se trame dans ces réseaux souterrains. Ces voûtes nauséabondes
du Web servent de caisse de résonance à des idées meurtrières où les «martyrs»
de la trempe de Lépine ou de Minassian sont élevés au rang de héros.
Débarquer
de la croix
Les agresseurs se perçoivent donc comme des
victimes de la misandrie ambiante, un peu comme Trump hurle FAKE NEWS sur
Twitter. Deux «faux faits» parmi d’autres : 88 % des milliardaires sont des
hommes et 70 % des richesses mondiales leur appartiennent. Ces statistiques
proviennent du récent essai La crise de la masculinité. Autopsie d’un
mythe tenace dont je me suis régalée, un panorama historique,
sociologique, et un survol international sur cette question qui fait couler du
sang. Lorsque je mentionne à son auteur, le professeur de science politique Francis Dupuis-Déri, cette phrase de la
célèbre Dre Shirlee (Dolly Parton), «Get
down off the cross, honey, somebody needs the wood», il s’esclaffe.
Très au fait des délires paranoïdes de la
manosphère, Francis Dupuis-Déry a codirigé deux ouvrages collectifs, l’un sur
le mouvement masculiniste au Québec et l’autre sur les antiféministes. Cet
hétéro-anarcho-féministe constate qu’un tango de la mort est engagé depuis les
mouvements #AgressionNonDénoncée et #MeToo. Il définit ces mâles misogynes et
hargneux sous le terme de «suprémacistes mâles».
[...] «La logique des suprémacistes mâles
est une logique de mépris, de caste supérieure, une logique aristocratique dans
le sens où ils réclament leur dû, ce qu’on appelle entitlement. Comment peuvent-ils se croire?»
Qu’un homme comme lui – qui ne s’émeut pas d’être traité de gai ou de «pisse-assis» – le dise ajoute un peu de poids à
l’énoncé.
«Comment ne pas être découragé, en effet, par une
propagande qui laisse entendre que mon potentiel humain physique, psychologique
et moral est déterminé par mes ancêtres qui chassaient le mammouth ou par un organe
qui pend entre mes jambes?» demande encore Dupuis-Déri dans son ouvrage. Il
ajoute que les hommes ne sont pas «en crise», mais qu’ils «font des crises»,
«au point de tuer des femmes».
Article intégral :
La crise de
la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace
Francis Dupuis-Déri
Les Éditions du remue-ménage, 2018
Résumé de l’éditeur :
Une crise de la masculinité, dit-on, sévit dans
nos sociétés trop féminisées. Les hommes souffriraient parce que les femmes et
les féministes prennent trop de place. Parmi les symptômes de cette crise, on
évoque les difficultés scolaires des garçons, l’incapacité des hommes à
draguer, le refus des tribunaux d’accorder la garde des enfants au père en cas
de séparation, sans oublier les suicides. Pourtant, l’histoire révèle que la
crise de la masculinité aurait commencé dès l’antiquité romaine et qu’elle
toucherait aujourd’hui des pays aussi différents que le Canada, les États-Unis
et la France, mais aussi l’Inde, Israël, le Japon et la Russie. L’homme
serait-il toujours et partout en crise?
Dans ce livre, Francis Dupuis-Déri propose une
étonnante enquête sur ce discours de la «crise de la masculinité», dont il retrace
l’histoire longue et ses expressions particulières selon le contexte et les
catégories d’hommes en cause, notamment les «hommes blancs en colère» ainsi que
les Africains-Américains et les «jeunes Arabes». Il analyse l’émergence du
«Mouvement des hommes» dans les années 1970 et du «Mouvement des droits des
pères» dans les années 1990 et leurs échos dans les réseaux chrétiens et
néonazis. Il se demande finalement quelle est la signification politique de
cette rhétorique, qui a pour effet de susciter la pitié envers les hommes, de
justifier les violences masculines contre les femmes et de discréditer le
projet de l’égalité entre les sexes.
Interview à « Plus on est de fous, plus on
lit », Radio-Canada Première 11 avril 2018 :
Aucun commentaire:
Publier un commentaire