10 juillet 2017

Ne dormons pas sur nos lauriers

[...] les gens ont besoin d'un peu d'amour, et bon dieu que c'est triste, parfois, de voir toute la merde qu'il leur faut traverser pour en trouver. 
~ Richard Brautigan (La vengeance de la pelouse)

Le «chick lit» des salafistes
Par Hasna Hussein 

Les librairies islamiques ciblent intelligemment un jeune public, un peu à la façon des magazines féminins. Quelques ouvrages : «les Secrets du hijab…», «Main dans la main pour ta réussite mon cher mari» ou encore «Femme au foyer : redécouvre ton chez-toi». Les voix de la radicalisation sont impénétrables.
   Ces ouvrages destinés aux femmes, souvent traduits de l’arabe, véhiculent une image unique de «la femme» musulmane, nécessairement «voilée», «pieuse», bonne épouse et mère exemplaire. On lit dans l’un de ces ouvrages : «Certaines femmes négligent le fait de servir l’époux. L’une d’elles ne se charge pas de satisfaire ses besoins comme préparer à manger, lui laver ses vêtements, etc. Elle ne se soucie guère du rangement de son foyer, ni même de sa propreté. […] Tout ceci pour une seule raison : sa négligence et sa paresse. […] C’est un devoir qui est obligatoire selon l’avis le plus juste.» En plus d’inonder les chaînes satellitaires arabes et Internet de leurs avis juridiques (fatwas) sexistes, machistes et misogynes, des auteurs à succès, comme les Saoudiens Muhammad ibn Ibrahîm al-Hamad ou Ibn Bâz diffusent dans leurs ouvrages des avis comme l’urine d’un bébé fille annule les ablutions car elle est impure alors que celle d’un bébé garçon ne l’est pas ! Le livre en question, intitulé Recueil de fatwas concernant les femmes, contient plus de 535 fatwas, qui prennent madame par la main pour lui dire que faire dans les moindres détails de sa vie (au foyer) et figure parmi les best-sellers des librairies de la rue Jean-Pierre-Timbaud.

Article intégral :

120 ans de féminisme québécois
Reportage de Sophie Payeur et Michel Caron


Micheline Dumont raconte ici quelques-uns des grands moments de la lutte pour les droits des femmes au Québec. Professeure émérite et pionnière des recherches en histoire des femmes au Québec, cette jeune femme de 77 ans est également une auteure talentueuse.

LE FÉMINISME QUÉBÉCOIS RACONTÉ À CAMILLE; Micheline Dumont; Les éditions du remue-ménage


Historienne reconnue et spécialiste de la question des femmes, Micheline Dumont est depuis plusieurs années invitée à donner des conférences sur l’histoire des femmes au Québec. De ces rencontres, a germé l’idée d’écrire un ouvrage sur le féminisme québécois qui ne s’adresserait pas aux universitaires, mais plutôt aux jeunes femmes et à toutes celles qui n’ont pas beaucoup d’atomes crochus avec les livres savants, avec les notes au bas des pages, avec les rapports de recherche. C’est donc avec un souci de clarté et de lisibilité qu’elle raconte dans cet ouvrage l’histoire du féminisme depuis plus d’un siècle.

Je recommanderais aux femmes et aux hommes de confession musulmane (islam modéré ou ultra conservateur) de lire cet ouvrage avant de demander la citoyenneté canadienne.

«Qu'est-ce que la laïcité? C'est un peu tout le contraire de ce qu'on en dit en ce moment. Ce n'est pas la répression de la religion, du religieux, du sacré, de la spiritualité. C'est la liberté de pratiquer toutes les religions en y ajoutant, très important, la liberté si rare dans les pays islamiques de ne pas avoir de religion.
   La laïcité consacre essentiellement la séparation de l'Église et de l'État ainsi que ses institutions ou, si vous préférez, sépare le religieux du politique.» ~ Pierre Foglia (La Presse, le 17 octobre 2013)

Notons que, au Canada, les crimes d’honneur, la lapidation, la décapitation, l’amputation, les mutilations et autres barbaries du genre sont interdites et passibles d’emprisonnement.
   Il n’y a pas de séparation des sexes en public, nous avons le droit d’exprimer librement nos opinions, d’être athées, de consommer de l’alcool, les femmes peuvent fréquenter des hommes hors du cercle familial et ne sont pas tenues de se couvrir de la tête aux pieds pour se cacher. Personne n’est obligé de pratiquer une religion. Nous avons eu notre lot d’ingérence cléricale, et nous n’en voulons plus.  

Tableau : Jean-Paul Lemieux, Les Ursulines, 1951

La lutte des femmes pour la liberté et l’égalité en Occident : ne dormons pas sur nos lauriers  

Extraits tirés de :  
Ainsi soit-elle
Benoîte Groult, Éditions Grasset & Fasquelle, 1975 

Les hommes ont toujours été ravis quand nous étions capricieuses, coquettes, jalouses, possessives, vénales, frivoles... excellents défauts, soigneusement encouragés parce que rassurants pour eux. Mais que ces créatures-là se mettent à penser, à vivre en dehors des rails, c’est la fin d’un équilibre, c’est la faute inexpiable.

Marthe de Florian, actrice de théâtre et courtisane. Peintre : Giovanni Boldini (1898). Avant l’apparition de la photo les portraitistes avaient beaucoup de travail...!

C’est quand on inverse les situations que l’on s’aperçoit de la réalité féminine.

«Nous pouvons affirmer en toute certitude que la connaissance que les hommes peuvent acquérir des femmes, de ce qu’elles sont, sans parler de ce qu’elles pourraient être, est déplorablement limitée et superficielle et le restera tant que les femmes n’auront pas dit tout ce qu’elles ont à dire.» 
John Stuart Mill

...Il faut la dire cette «parole de femme» que trop de «superbes parleurs» depuis trop de siècles ont réduite à l’inexistence ou au chuchotement. C’est une question de justice, de liberté mais peut-être aussi de survie. On a trop longtemps pris notre goût du bonheur pour un signe de médiocrité et notre dégoût de la guerre ou de la violence pour un signe de faiblesse. On a trop longtemps pris la parole de l’homme pour la vérité universelle et la plus haute expression de l’intelligence, comme l’organe viril constituait la plus noble expression de la sexualité. [...]

Toute cette tragédie-comédie de la supériorité du mâle dans l’espèce humaine, qui trouve son illustration extrême dans les sociétés musulmanes, n’aura finalement abouti, quels que soient les avantages marginaux que les hommes ont pu en retirer, qu’à un seul résultat : annuler le potentiel humain de la moitié de la population et priver chaque pays de 50 p. 100 de ses forces vives.

Il faut guérir d’être femme. Non pas d’être née femme, mais d’avoir été élevée femme dans un univers d’hommes, d’avoir vécu chaque étape et chaque acte de notre vie avec les yeux des hommes, selon les critères des hommes. Et ce n’est pas en continuant à lire les livres des hommes, à écouter ce qu’ils disent en notre nom ou pour notre bien depuis tant de siècles que nous pourrons guérir.

Un certain nombre de pétroleuses, soutenues par quelques utopistes mâles ont essayé depuis deux siècles de secouer ce joug, de penser et d’agir sans en demander l’autorisation à l’autre sexe. Elles ont péri sous le ridicule et les insultes des hommes, mais aussi, ce qui est plus désolant, sous le mépris hargneux des ces femmes qui constituent la «misogynie d’appoint». Comme tous ceux que la servitude a dégradés, les femmes ont fini par se croire faites pour leurs chaînes et sont devenues antiféministes comme tant d’esclaves du Sud furent esclavagistes et combattirent aux côtés de leurs maîtres contre leur propre libération lors de la guerre de Sécession. Bien des sentiments les poussent à se désolidariser de leur propre cause, l’intérêt, la prudence, la peur, une humilité savamment entretenue, mais aussi l’amour, bien qu’il soit déchirant d’aimer qui vous opprime.
   Il est de bon ton d’ignorer ou de dénigrer les féministes. Qui connaît leur histoire? Leurs visages? On préfère les croire laides, hommasses, hystériques, mal aimées, ce qui est faux. Le mouvement féministe, qui compte tant d’émouvantes figures, apparaît encore comme le combat de quelques vieilles filles refoulées et dévorées du désir de posséder un pénis, cette idée fixe des psychanalystes freudiens. Ce qui n’empêchait pas qu’on les traite simultanément de putains, l’inévitable injure! Encore aujourd’hui, cette appellation reste l’insulte favorite des nos misogynes. (...) La réaction de la société devant celles qui se battaient pour leurs droits a été d’une constance admirable à travers les siècles : aucune compréhension, aucune estime, pas de pitié et la répression par tous les moyens, le tout se masquant derrière un raisonnement parfaitement arbitraire dont on se demande comment il a pu servir si longtemps à justifier les privilèges des uns et l’obéissance des autres. Un raisonnement en forme de prison.

...À chaque révolution, qu’elle ait eu lieu dans la jeune Amérique, dans le tiers monde ou en Europe, les femmes au début conquirent le droit de participer aux luttes contre l’oppression des privilégiés ou l’impérialisme des puissants, mais dans la nouvelle société, elles furent à chaque fois brutalement remises à leur ancienne place. Les notions de liberté et d’égalité ne semblaient jamais s’appliquer à cette moitié-là de l’humanité. Mieux, on les punissait d’y avoir songé.

Unis par un instinct de classe et de propriété, la grande majorité des penseurs confirment ce point de vue : « Une femme qui exerce son intelligence devient laide, folle et guenon. » (Proudhon)

...Ils [les hommes] ont lutté pas à pas, loi à loi, s’accrochant à toutes les branches, pour nous refuser des droits qui paraissent maintenant élémentaires et inoffensifs et que les esclaves noirs avaient obtenus avant nous. Mais le sexisme est plus profond et plus endémique encore que le racisme. On trouve dérisoires ou ignobles aujourd’hui les prétextes qui ont servi hier à nous priver de liberté, sans s’apercevoir que les procédés utilisés aujourd’hui sont tout aussi misérables.
   Bien sûr, il ne s’agit pas d’un complot organisé. Des conspirateurs, ça se démasque. Il s’agit d’une réaction instinctive, inconsciente, d’un besoin éperdu de maintenir cette suprématie qui a, pour notre malheur à tous, été considérée comme l’essence de la virilité. Cette vanité imbécile a saccagé l’histoire des hommes et des femmes, l’amour des hommes et des femmes. Elle a été la cause de comportements grotesques, terrifiants ou névrotiques, à toutes les époques de l’histoire ou presque, et dans tous les pays, ou presque.

L’excision pratiquée de plus en plus tôt sur les fillettes. L'Ined s'alarme du développement de la médicalisation de l'excision, reconnue par la communauté internationale comme une violation des droits humains. Trop longtemps décrite comme un rite de passage à l'âge adulte, l'excision tend à être pratiquée de plus en plus tôt : avant 10 ans pour la majorité des femmes dans la plupart des pays, et avant 5 ans pour les plus jeunes générations, s'inquiète l'Institut national d'études démographiques (Ined) dans son bulletin d'avril. 200 millions de filles mutilées en 2016. (Europe1, 13 avril 2017)  

...Au Yémen, en Arabie Saoudite, en Éthiopie, au Soudan, on excise encore les petites filles. En Égypte, sous le nom de Knifâdh, la totalité des filles de la campagne et un grand nombre de celles des villes sont encore soumises à cette mutilation sexuelle. Elle est fréquente en Guinée, en Irak, en Jordanie, en Syrie, en Côte-d’Ivoire, chez les Dogons du Niger et obligatoires dans de nombreuses tribus africaines. ... Vous pensiez vaguement que c’était un usage des âges barbares, tombé en désuétude. ... Ce petit truc uniquement voué au plaisir, c’est indécent. Et puisque cet organe est inutile à l’homme et à la procréation, il faut l’ignorer ou le détruire. Ce qu’on fait. ... Pis qu’inutile, ce détail anatomique est nuisible car il procure aux femmes un plaisir gratuit, même sans le concours du mâle. Or le plaisir de la femme, lui aussi est inutile à l’homme pour qui compte d’abord la propriété exclusive d’un sexe féminin réduit à l’essentiel. ...
   En somme, en Orient, en Afrique ou en Europe, la religion et la science habilement manipulées ont toujours fourni les justifications nécessaires à l’asservissement physiologique, moral et intellectuel des femmes.

Si les femmes demeurent aujourd’hui la survivance la plus massive de l’asservissement humain, c’est qu’il reste facile, donc tentant, d’exploiter chacune d’elles séparément.
   Car il faut prendre conscience d’un fait et il ne faut pas l’oublier : les abus et les méthodes des gens au pouvoir, où qu’ils soient, se ressemblent. Les seigneurs hier, les riches ou les puissants aujourd’hui, les mâles de tout temps se sont conduits exactement de la même façon vis-à-vis de ceux qu’ils dominaient par la naissance, la fortune ou le sexe.

Combien de temps encore serons-nous dupes des grands principes, des beaux discours ou des vilains sentiments concernant notre dignité et notre salut, sans voir ce qu’ils dissimulent, ce qu’ils ont toujours dissimulé : le refus de notre liberté, le refus de nous laisser déterminer ce que NOUS jugeons digne ou indigne? Sommes-nous dépourvues de jugement, de courage, du sens des responsabilités?

...Les raisonnements qui fondaient «scientifiquement» l’infériorité féminine se sont effondrées; les arguments de moralité se sont révélés ce qu’ils sont : un moyen de coercition; les fanfaronnades viriles ne sont plus désormais qu’une survivance d’attitudes rituelles, vides de sens. Mais beaucoup se battent encore, bêtement, pour l’honneur! Pourtant le jour n’est pas éloigné où ils accepteront de ramener leur fameuse supériorité phallique à ce qu’elle est : un problème de robinet et de se laisser persuader que l’instinct profond des êtres humains n’est pas de dominer, mais de se faire plaisir.

Il faudrait que nous puissions dire ensemble : c’est fini, cette oppression-là est révolue. Mais tout est dans cette condition : ensemble.

...Les hommes ont eu tous les pouvoirs depuis 10 000 ans. Qu’avons-nous à perdre à associer les femmes à ce pouvoir? ... Il faut que les femmes crient aujourd’hui. Et que les autres femmes – et les hommes – aient envie d’entendre ce cri. Qui n’est pas un cri de haine, à peine un cri de colère, car alors il devrait se retourner aussi contre elles-mêmes. Mais un cri de vie. Comme celui du nouveau-né, dans lequel on ne peut s’empêcher d’enclore, à chaque fois, un nouvel espoir.

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Monothéismes comme polythéismes n’ont jamais accepté que la femme occupe un rang égal au mâle dans leurs sociétés, l’accuser sournoisement des perversions masculines est un meilleur rempart contre l’aspiration à ses droits légitimes.

La misogynie des textes religieux
Jocelyn Bézecourt, docteur en astrophysique

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