«Le
vulgaire imbécile est toujours avide de grands événements, quels qu’ils
puissent être, sans prévoir s’ils lui seront utiles ou préjudiciables : il
n’est ému que par sa propre curiosité.» ~ L’Arioste, 1474-1533 (Roland
furieux)
Montréal avait déjà l’air
d’une ville en état de siège ou post-séisme. Impossible de circuler dans le
labyrinthe des chantiers, interdictions et détours.
L’événement soulève
donc la grogne pour d’excellents motifs. À lire :
La Formule
E : nous n’avions pas besoin de ça
Les quatre
raisons pour lesquelles Montréal aurait dû passer son tour
Par Philippe Mercure, éditorialiste (La Presse)
Le monde se portera beaucoup mieux quand les élus cesseront
de baiser les pieds des lobbyistes (c'est une véritable pandémie).
«Quand l’argent précède, toutes les portes
s’ouvrent.»
~ William Shakespeare (Les Joyeuses
commères de Windsor)
M. Coderre voulait "remettre les pendules à l'heure" aujourd'hui.
Voici une manière différente de voir la chose...
M. Coderre voulait "remettre les pendules à l'heure" aujourd'hui.
Voici une manière différente de voir la chose...
Lettre
ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles
Par Bernard
Maris
Le Seuil, 2003
L’économie est un anesthésique du même tabac que
le latin à l’église, et sans doute l’économie a t’elle beaucoup gagné là où la
religion a beaucoup perdu. Il y a un côté transique dans la prière commune, que
l’on retrouve dans l’incantation économique à la Confiance chantée en canon
dans toutes les réunions, du G7 ou d’ailleurs.
N’importe quel esprit un peu ouvert comprenait que
le communisme était une «perversion de la rédemption des humbles», une hérésie
religieuse, mais une religion tout de même. Point n’est besoin d’être grand
clerc pour voir dans l’économie orthodoxe, la loi de l’offre et de la demande
et le libéralisme idéalisé une utopie, comme le communisme, et comme lui une
religion avec ses fidèles, ses papes, ses inquisiteurs, ses sectes, son rituel,
son latin (les maths), ses défroqués, et peut être un jour, rêvons, son Pascal
et son Chateaubriand.
La «main invisible», ruse hégélienne de la raison,
raison dominant la raison des hommes, est un avatar du Saint -Esprit. Idem le
marché (son autre nom) omnipotent, omniprésent et ubiquitaire, être de raison
supérieure, substance immanente et principe des êtres – «vous n’êtes qu’un
raisonnement coût-bénéfices» – cause
transcendante créant le monde, et qui a tous les attributs de la divinité, y
compris le destin : personne ne peut échapper au marché. Il existait avant vous
et existera après. Dès lors il est impossible de penser l’après-économie. Voilà
pourquoi la fin de l’histoire, la new economics (la fin des cycles, vieille
resucée libéralisée des croyances en la croissance optimale en vigueur dans
l’après-guerre) sont indissociables du libéralisme. La fin de l’histoire
arrange bigrement ceux qui ont le pouvoir. La fin de l’histoire, c’est bien si
je suis en haut. L’éternité du marché, qui justifie la domination de quelques
dizaines de milliardaires dont la fortune équivaut au PIB cumulé des cinquante
pays les plus pauvres, ressortit au principe du droit divin. Le droit du marché
est le droit du plus fort. Les dictateurs ont toujours cherché à justifier
démocratiquement, par 98% de oui, leur place.
Si l’économie est une religion, ce que pensent,
finalement, beaucoup d’économistes ayant pignon sur colloque ou place dans les
conseils du Prince («L’économie politique est la religion de notre temps»,
Serge Latouche : «L’économie politique est la religion du capitalisme», Michel
Aglietta et André Orléan), indiscutablement le marché, sa divinité, a une
certaine allure : la Raison, le Progrès, le Bonheur, la Démocratie et autres
candidats fort acceptables à l’essence éternelle sont tous contenus en lui.
Les problèmes des religions c’est qu’elles
engendrent les fanatismes, les sectes (on disait, à juste titre, dans les
salons de Louis XV, la «secte des physiocrates», personnages qui se signalaient
par leur arrogance et la complexité de leurs discours), les hétérodoxies, les
papes, les gourous, l’École de Chicago est une secte, bornée à bouffer du foin,
mais dangereuse et convaincante comme toutes les sectes. Les libertariens sont
une secte, à peine plus sectaire que la précédente. Les chartistes sont une
secte. La société du Mont-Pèlerin est une secte avec ses rites et ses cravates
ornées du visage d’un douanier. Les micro-économistes sont une secte. Les
théoriciens de l’économie industrielle sont une secte, dont l’obscurantisme et
le fanatisme donnent froid dans le dos. Il n’est pas difficile de repérer le
taliban sous l’expert, et le fou de Dieu sous le fou de l’incitation.
Il y a aussi une manière rigoriste ou désinvolte
de pratiquer, en trompant son monde et allant à la confesse. Il y a les
prêcheurs et les convertis. Les libéraux les plus fanatiques viennent souvent
du marxisme, c’est-à-dire ont changé simplement de religion. On voit des abbés
de cour, des Trissotin, des pères Duval ou des abbés Dubois, des Talleyrand qui
clopinent et des chanteurs en grégorien, des beautés et bontés du marché. Mais
le problème de la religion est qu’il est extrêmement difficile, lorsqu’on en a
été nourri, de penser hors d’elle. [...]
Au fait, les économistes… De quoi parlez-vous?
Savez-vous que lorsqu’on a compris que la «science» économique était une
religion, l’économie devient passionnante? On peut l’aborder sous l’angle de la
mathématique pure – rien n’est
plus respectable que le plaisir pur du chercheur, détaché des contingences
mercantiles, qui produit ses théorèmes de mathématique, mais qu’il ne les
baptise lois économiques, par pitié ! Sous l’angle de l’histoire des faits, de
la pensée, de la philosophie économique, de la comptabilité, de la statistique
descriptive... De la rhétorique –
comme il est amusant, alors, d’observer les travaux de couture des uns et des
autres pour emmailloter plus ou moins habilement dans de la «science» leur
idéologie!
La Révolution avait coupé le cordon religieux.
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre, avec la coupure du cordon de la religion
économique.
Alors, les économistes… De quoi parlez-vous? Du
Saint-Esprit ou de la valeur?
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(1) Bernard Maris (23/9/46 – 7/1/2015), l’économiste
en chef de Charlie Hebdo, à l’humour digne de cette joyeuse maison, prof
d’économie rêvé, fait partie des tristes victimes des attentats du 7 janvier.
Ses compétences, ses responsabilités dans la vie civile (membre du conseil
scientifique d’Attac et membre du conseil général de la Banque de France),
n’avaient d’égales que la singularité absolue de ses positions dans le monde
uniforme et puissant des économistes : partisan de l’instauration d’un revenu
d’existence universel, il militait pour la sortie de l’euro et
l’effacement d’une partie de la dette privée et publique. Journaliste,
professeur, esprit curieux et ouvert, Bernard Maris était une personnalité à
part, un style en soi, brillant et mordant.
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«Ne parle
pas d’argent; je n’adore pas un dieu qui se donne si vite au derniers des
drôles.» ~ Euripide
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