(27 juillet 1947). Étant une inconditionnelle du mammouth, je partage.
70 ans et de nombreuses réflexions
pour l’anthropologue Serge Bouchard
pour l’anthropologue Serge Bouchard
L'anthropologue,
animateur et écrivain québécois Serge Bouchard fête son 70e anniversaire.
Depuis plus de 30 ans, à la télévision, à la radio ou dans ses livres, ce grand
penseur partage ses observations sur une multitude de petits et grands sujets
humains. Retour sur quelques-unes de ses analyses au fil du temps.
Entretien à La
vie d’artiste, 1999
Le
phénomène de la haine et le danger qu’il représente pour la survie de
l’humanité. Sa réponse est troublante et trouve résonnance avec l’actualité de
ces dernières années.
(Transcription maison – trop bon!)
Le plus grand enjeu qui nous guette euh... je pourrais
dire la fin du monde là, le plus grand enjeu qui nous guette, c’est nous-mêmes,
c’est la haine. La haine, on devrait plus étudier ça. D’abord on étudie pas beaucoup
l’amour, dans les livres de philosophie, dans les livres de psychologie, dans
les livres de sociologie, et dans les analyses historico profondes qu’on lit,
qu’on n’arrête pas de lire, y’a très très peu de choses de l’élémentaire qui
nous occupe pourtant : le courage, l’amour, la bonté, des petits trucs
comme ça.
Mais y’en
a un qui devrait nous préoccuper beaucoup, c’est la réalité de la haine. Nous
sommes six milliards d’humains sur terre. Quand je suis venu au monde en 1947,
on était deux milliards. On est en explosion démographique sur la planète. Six
milliards de bibittes comme vous et moi, ça fait pas mal de monde. Pis six milliards d’êtres intelligents qui seront
dix milliards bientôt. Quand on va être 10 milliards. On est intelligents, donc on est des animaux extrêmement dangereux.
On vit sur une ligne très tendue. On est dangereux. On est dangereux pour les
autres, pour les animaux. D’ailleurs la preuve c’est que les espèces animales
disparaissent. Malgré tout ce que les
gens disent, à long terme y’a pas de place pour les animaux sur terre avec
nous. Malgré tout ce qu’on dit, y’a pas de place pour les arbres non plus. Y’a
pas de place pour rien d’autre que nous, et ce que nous faisons, et ce que nous
détruisons. L’être humain détruit, change, aménage, humanise tout.
Mais aussi, il s’en prend à lui-même.
Sa haine ne s’arrête pas à l’ours qu’il tue pour vendre sa rate pour 54
piasses. Sa haine va envers lui-même. Et
l’histoire de l’humanité, sans être de mauvaise humeur là... c’est une histoire
de meurtres, c’est une histoire de guerres, c’est une histoire d’extermination
et c’est une histoire de racisme.
Alors, je
vous dirai que ce qui nous menace le plus, à dix milliards, ce serait de grands
mouvements racistes haineux. Imaginez la scène! Depuis que le AK-47 existe et
d’autres trucs euh... avec lesquels on peut exprimer notre haine avec beaucoup
d’efficacité, je vous dirai que nous
sommes haineux, des animaux haineux. Le serpent est venimeux, l’être humain
est haineux. C’est dangereux. Et on devrait plus se méfier de ça que de la
bombe atomique ou que des météorites et des martiens. La probabilité est
beaucoup plus forte qu’une partie de l’humanité se mette à tuer l’autre partie.
Pis j’veux pas devenir prophète et qu’un jour, dans 75 ans, ils ressortent
cette cassette pis qu’ils disent «aïe, ce gars-là l’avait dit».
Moi j’aime beaucoup les êtres humains. Mais quand je rentre dans certaines places,
je m’en méfie, je me tiens le long du mur, pis j’ai ma place pour
m’asseoir. Parce que, on a beau aimer, euh ... méfie-toi. Comme on dit, tu
flattes pas un ours... naïvement. Les ours, c’est pas des oursons. (1)
Entretien à Reflets
d’un pays, 1981
Le
jeune Serge Bouchard raconte qu’il a accompagné pendant deux ans des routiers
dans leurs déplacements. «C’est un mode de vie, être chauffeur de camion, c’est
plus qu’un emploi, c’est un métier au sens d’autrefois.»
Entretien à Second
regard, 2015
La peur de vieillir et la prise de conscience
nécessaire à chaque personne.
«Vieillir, c’est l’horreur [...] c’est un
navire qui fait naufrage. Il y a moyen de bien vieillir, d’avoir un sourire et
d’être un beau vieux, une belle vieille. Ça existe, ça existe beaucoup
d’ailleurs, et il faut insister là-dessus. Sinon, à 50 ans, on va déposer le
bilan.»
Vous trouverez tous les liens d’archives de ses émissions
“Nobody
wants to be here and nobody wants to leave.” ~ Cormac McCarthy, The Road
– How do you feel?
– I feel like an old man watching is body falling apart like an old car.
The
Romeo Section, a Vancouver-based contemporary espionage thriller that centres
on a veteran agent who sets out to recruit a high-value informant (CBC
Radio-Canada). Thème principal : le trafic de drogues.
(1) À propos de haine et de violence...
«Avant même d’en avoir terminé avec le
désespoir et la souffrance d'un meurtre, vous étiez déjà en route vers un autre.
Plus de sang, plus de violence.»
~ Letizia
Battaglia
Cette citation de la photographe confirme les propos de Serge
Bouchard. Et l’on peut penser à une autre mafia : le terrorisme
(individuel, de groupe, local ou international) qui frappe à l’aveugle, partout dans le monde depuis plusieurs années.
Letizia
Battaglia : la mafia à l’œil
Letizia Battaglia, l'une des premières photojournalistes femmes d'Italie, a documenté pendant près de vingt ans les crimes de la mafia en Sicile. Ses clichés en noir et blanc témoignent d'une Sicile qui, dans les années 70 et 80, faisait face aux exécutions quasi-quotidiennes de la mafia. Elle couvrait parfois jusqu'à cinq meurtres par jour : «Les mafiosi de Corleone étaient arrivés à Palerme pour la détruire, pour voler notre argent, pour donner de la drogue à nos enfants, c'était horrible. C'était une guerre civile, avec des Siciliens qui tuaient d'autres Siciliens.»
La vie
quotidienne de la population extrêmement pauvre ainsi que celle de l’élite
extrêmement riche font partie de sa collection qui compterait quelque
600 000 clichés.
«Une femme qui photographiait les "mafiosi", c'était la honte. Une grande honte pour la mafia. J'ai reçu quelques menaces, parfois j'ai eu très peur... Maintenant je le dis avec légèreté, mais c'était compliqué.»
«La
violence, les hommes qui meurent, la douleur des femmes, les enfants qui
crient, on ne peut pas les oublier. Les enfants avec le visage triste quand ils
voyaient leur père mort, c'est trop lourd et ce n'est pas fini.»
«Mes
photographies, elles sont peut-être bonnes, on peut même peut-être dire que
j'ai eu du succès. Mais ça, je m'en fous.
Parce que ce que je voulais ce n'était pas le succès. C'était le changement.
C'était que mes neveux, mes enfants et leurs enfants connaissent une réalité
différente. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.»
Avec
ses expositions présentées à travers le monde et l'édition de livres, elle
poursuit sa lutte contre l'emprise de Cosa Nostra car, dit-elle, «la mafia est devenue plus grande encore,
elle est partout. Il faut continuer à lutter jusqu'à la fin».
Extraits/adaptation d’un article de Christophe
Parayre (Agence France-Presse, Toulouse, septembre 2016)
En complément :
Y a-t-il
des colères justes?
La violence :
les humains sont-ils mauvais jusqu’à l’os?
Nous ne pouvons plus compter les victimes de la violence meurtrière dont l’espèce humaine est la championne. Voici une explication tout à fait plausible à ce penchant inné de tueur qui habite l’homme, proposée par des chercheurs scientifiques. ...
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