28 juillet 2017

Les 70 ans de Serge Bouchard

Radio-Canada propose trois vidéos d’archives pour souligner son anniversaire
(27 juillet 1947). Étant une inconditionnelle du mammouth, je partage.

Une boîte, c’est une boîte. Les meilleures choses de la vie ne sont pas des choses.

70 ans et de nombreuses réflexions 
pour l’anthropologue Serge Bouchard

L'anthropologue, animateur et écrivain québécois Serge Bouchard fête son 70e anniversaire. Depuis plus de 30 ans, à la télévision, à la radio ou dans ses livres, ce grand penseur partage ses observations sur une multitude de petits et grands sujets humains. Retour sur quelques-unes de ses analyses au fil du temps.


Entretien à La vie d’artiste, 1999
Le phénomène de la haine et le danger qu’il représente pour la survie de l’humanité. Sa réponse est troublante et trouve résonnance avec l’actualité de ces dernières années.

(Transcription maison – trop bon!)

Le plus grand enjeu qui nous guette euh... je pourrais dire la fin du monde là, le plus grand enjeu qui nous guette, c’est nous-mêmes, c’est la haine. La haine, on devrait plus étudier ça. D’abord on étudie pas beaucoup l’amour, dans les livres de philosophie, dans les livres de psychologie, dans les livres de sociologie, et dans les analyses historico profondes qu’on lit, qu’on n’arrête pas de lire, y’a très très peu de choses de l’élémentaire qui nous occupe pourtant : le courage, l’amour, la bonté, des petits trucs comme ça.
   Mais y’en a un qui devrait nous préoccuper beaucoup, c’est la réalité de la haine. Nous sommes six milliards d’humains sur terre. Quand je suis venu au monde en 1947, on était deux milliards. On est en explosion démographique sur la planète. Six milliards de bibittes comme vous et moi, ça fait pas mal de monde. Pis  six milliards d’êtres intelligents qui seront dix milliards bientôt. Quand on va être 10 milliards. On est intelligents, donc on est des animaux extrêmement dangereux. On vit sur une ligne très tendue. On est dangereux. On est dangereux pour les autres, pour les animaux. D’ailleurs la preuve c’est que les espèces animales disparaissent. Malgré tout ce que les gens disent, à long terme y’a pas de place pour les animaux sur terre avec nous. Malgré tout ce qu’on dit, y’a pas de place pour les arbres non plus. Y’a pas de place pour rien d’autre que nous, et ce que nous faisons, et ce que nous détruisons. L’être humain détruit, change, aménage, humanise tout.
   Mais aussi, il s’en prend à lui-même. Sa haine ne s’arrête pas à l’ours qu’il tue pour vendre sa rate pour 54 piasses. Sa haine va envers lui-même. Et l’histoire de l’humanité, sans être de mauvaise humeur là... c’est une histoire de meurtres, c’est une histoire de guerres, c’est une histoire d’extermination et c’est une histoire de racisme.
   Alors, je vous dirai que ce qui nous menace le plus, à dix milliards, ce serait de grands mouvements racistes haineux. Imaginez la scène! Depuis que le AK-47 existe et d’autres trucs euh... avec lesquels on peut exprimer notre haine avec beaucoup d’efficacité, je vous dirai que nous sommes haineux, des animaux haineux. Le serpent est venimeux, l’être humain est haineux. C’est dangereux. Et on devrait plus se méfier de ça que de la bombe atomique ou que des météorites et des martiens. La probabilité est beaucoup plus forte qu’une partie de l’humanité se mette à tuer l’autre partie. Pis j’veux pas devenir prophète et qu’un jour, dans 75 ans, ils ressortent cette cassette pis qu’ils disent «aïe, ce gars-là l’avait dit».
   Moi j’aime beaucoup les êtres humains. Mais quand je rentre dans certaines places, je m’en méfie, je me tiens le long du mur, pis j’ai ma place pour m’asseoir. Parce que, on a beau aimer, euh ... méfie-toi. Comme on dit, tu flattes pas un ours... naïvement. Les ours, c’est pas des oursons. (1)

Entretien à Reflets d’un pays, 1981
Le jeune Serge Bouchard raconte qu’il a accompagné pendant deux ans des routiers dans leurs déplacements. «C’est un mode de vie, être chauffeur de camion, c’est plus qu’un emploi, c’est un métier au sens d’autrefois.»

Entretien à Second regard, 2015
La peur de vieillir et la prise de conscience nécessaire à chaque personne.
«Vieillir, c’est l’horreur [...] c’est un navire qui fait naufrage. Il y a moyen de bien vieillir, d’avoir un sourire et d’être un beau vieux, une belle vieille. Ça existe, ça existe beaucoup d’ailleurs, et il faut insister là-dessus. Sinon, à 50 ans, on va déposer le bilan.»

Vous trouverez tous les liens d’archives de ses émissions

“Nobody wants to be here and nobody wants to leave.” ~ Cormac McCarthy, The Road

How do you feel?
I feel like an old man watching is body falling apart like an old car.
The Romeo Section, a Vancouver-based contemporary espionage thriller that centres on a veteran agent who sets out to recruit a high-value informant (CBC Radio-Canada). Thème principal : le trafic de drogues.  

(1) À propos de haine et de violence...


«Avant même d’en avoir terminé avec le désespoir et la souffrance d'un meurtre, vous étiez déjà en route vers un autre. Plus de sang, plus de violence.»
~ Letizia Battaglia


Cette citation de la photographe confirme les propos de Serge Bouchard. Et l’on peut penser à une autre mafia : le terrorisme (individuel, de groupe, local ou international) qui frappe à l’aveugle, partout dans le monde depuis plusieurs années.

Letizia Battaglia : la mafia à l’œil

Letizia Battaglia, l'une des premières photojournalistes femmes d'Italie, a documenté pendant près de vingt ans les crimes de la mafia en Sicile. Ses clichés en noir et blanc témoignent d'une Sicile qui, dans les années 70 et 80, faisait face aux exécutions quasi-quotidiennes de la mafia. Elle couvrait parfois jusqu'à cinq meurtres par jour : «Les mafiosi de Corleone étaient arrivés à Palerme pour la détruire, pour voler notre argent, pour donner de la drogue à nos enfants, c'était horrible. C'était une guerre civile, avec des Siciliens qui tuaient d'autres Siciliens.»
     La vie quotidienne de la population extrêmement pauvre ainsi que celle de l’élite extrêmement riche font partie de sa collection qui compterait quelque 600 000 clichés.


«Une femme qui photographiait les "mafiosi", c'était la honte. Une grande honte pour la mafia. J'ai reçu quelques menaces, parfois j'ai eu très peur... Maintenant je le dis avec légèreté, mais c'était compliqué.»
     «La violence, les hommes qui meurent, la douleur des femmes, les enfants qui crient, on ne peut pas les oublier. Les enfants avec le visage triste quand ils voyaient leur père mort, c'est trop lourd et ce n'est pas fini.»
     «Mes photographies, elles sont peut-être bonnes, on peut même peut-être dire que j'ai eu du succès. Mais ça, je m'en fous. Parce que ce que je voulais ce n'était pas le succès. C'était le changement. C'était que mes neveux, mes enfants et leurs enfants connaissent une réalité différente. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.»
     Avec ses expositions présentées à travers le monde et l'édition de livres, elle poursuit sa lutte contre l'emprise de Cosa Nostra car, dit-elle, «la mafia est devenue plus grande encore, elle est partout. Il faut continuer à lutter jusqu'à la fin». 

Extraits/adaptation d’un article de Christophe Parayre (Agence France-Presse, Toulouse, septembre 2016)

En complément :
Y a-t-il des colères justes?
La violence : les humains sont-ils mauvais jusqu’à l’os?

Nous ne pouvons plus compter les victimes de la violence meurtrière dont l’espèce humaine est la championne. Voici une explication tout à fait plausible à ce penchant inné de tueur qui habite l’homme, proposée par des chercheurs scientifiques. ... 

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