26 mars 2017

Hier, aujourd’hui, demain

«Seul celui qui a connu le «présent» sait vraiment ce qu'est l'enfer.»
~ Jacob Wassermann

Pas faux... Les prisonniers, réfugiés, bombardés, persécutés, esclaves contemporains, pauvres... doivent avoir l’impression que leur enfer «présent» ne finira jamais – aujourd’hui comme hier, et demain comme aujourd’hui. Si nous n’avions pas de reporters de la trempe d’Albert Londres (1) nous ne saurions pas grand-chose de ce qui se passe en coulisses. Ses reportages sur les bagnes a contribué à leur fermeture. Il pourrait arriver la même chose avec Guantanamo et les prisons privées fédérales américaines. Bien qu’avec la nouvelle administration...  


The Aftermath / La ville détruite, 1968. Jean-Paul Lemieux (1904-1990)

Le peintre [Jean-Paul Lemieux] est fasciné par l’espace urbain, mais sa fascination ne repose plus sur la beauté et le charme que représentait à une autre époque la ville de Québec, dont la transformation cause son désenchantement : «L’affreuse uniformité de l’âge de la machine s’étend et anéantit tout ce qui conférait à Québec son caractère unique parmi les villes d’Amérique.»
     La ville contemporaine est la cause, selon Lemieux, d’une perte d’humanité : «Je me suis toujours méfié de la technique, des scientistes. Un jour, grâce à toutes leurs inventions, ils feront sauter la Terre!» La détresse du peintre s’incarne, à la fin des années 1960, dans des visions apocalyptiques où la ville n’est plus seulement un décor accueillant ou l’un des personnages de la scène, mais dans lesquelles elle tient le premier rôle. Ainsi, dans Aftermath / La ville détruite, le centre-ville est dévasté par une attaque nucléaire et laissé à l’abandon. La rue principale est envahie de champignons atomiques menant le regard vers un horizon de tours grises qui s’élèvent dans l’atmosphère pollué des suites de la catastrophe. (Jean Paul Lemieux Sa vie et son œuvre par Michèle Grandbois)

Les grands parcs récréotouristiques ou à condos, à Montréal, en banlieue et région, se répandent telle une hideuse gangrène. L’autre jour, au centre-ville de Montréal, la chaussée s’est écroulée laissant un trou béant devant des tours à condos achevées depuis peu. Montréal est une île... et l’on empile les buildings au lieu de préserver les espaces verts et de planter des arbres qui assurent la cohésion du sol, absorbent la pollution atmosphérique, etc.
La machine verte géante à gober le CO2 :
https://situationplanetaire.blogspot.ca/2017/03/la-machine-verte-geante-gober-le-co2.html  

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(1) Que d’argent, de temps et d’énergie gaspillés à ratiociner sur les propos mensongers (faits alternatifs) des deux relationnistes de la Maison Blanche. La stratégie de diversion a fonctionné : journalistes et internautes ont donné dans le panneau.

Albert Londres n’en reviendrait pas :
«Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. J'ai voulu descendre dans les fosses où la société se débarrasse de ce qui la menace ou de ce qu'elle ne peut nourrir. Regarder ce que personne ne veut plus regarder. Juger la chose jugée... Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. Un vrai reporter doit savoir d'abord écouter et regarder. Celui qui sait seulement écrire ne sera jamais qu'un littérateur...» http://www.prixalbertlondres.com/


Au-delà du mythe, Albert Londres (1884-1932) est le symbole du grand reporter, celui qui fait du «reportage au long cours». Pendant 18 ans, l’homme a parcouru la planète pour rendre compte de la marche du monde, de la jeune URSS en passant par les bordels argentins, le bagne de Cayenne ou la Chine en plein chaos.
[...]
Passé d’Estonie en Finlande, Albert Londres arrive à Petrograd après 52 jours de périple. Le voici à pied d’œuvre. Ce qu’il voit le révolte et ses comptes rendus sont dénués de toute nuance : l’ancienne capitale des Tzars n’est plus «qu’une sinistre cour des miracles» peuplée de mendiants affamés, le régime bolchevique est une «monarchie absolue. Seulement, le monarque, au lieu de s’appeler Louis XIV ou Nicolas II, se nomme Prolétariat Ier», Lénine est dépeint comme «un expérimentateur», une sorte de savant fou «vêtu d’une blouse de chercheur et une éprouvette (rouge, bien entendu) entre les mains» qui n’a que faire du peuple. «Les cobayes de Lénine, ce sont des hommes. Il en a tué déjà des centaines de mille».
[...]
Le 53e périple du journaliste doit le conduire en Chine. Le sujet de cette nouvelle enquête est à sa mesure. Depuis l’agression japonaise de 1931, la Chine est en guerre. Et ce qu’il découvre à Hong-Kong et à Shanghaï est terrifiant : trafic d’armes et d’opium, tyrans locaux, pillages, exactions en tous genres perpétrées par les communistes chinois…  «La Chine : chaos, éclat de rire devant les droits de l’homme, mises à sac, rançons, viols. Un mobile : l’argent. Un but : l’or. Une adoration : la richesse. Le peuple est une punaise que les hommes en armes écrasent dès qu’il ose sortir des plinthes. [...] Si vous désirez rajeunir, soyez satisfaits : nous retournons sept siècles en arrière.»

http://geopolis.francetvinfo.fr/albert-londres-reporter-au-long-cours-14987

Bibliosurf : Albert Londres, Oeuvres complètes, présenté par Pierre Assouline, Arléa 2007


Critique du livre d’Albert Londres : Dante n’avait rien vu. Biribi (1924)
Par Leila Marchand, 12 décembre 2010


[Extraits] 

Biribi, c’est les pénitenciers militaires d’Afrique du Nord. C’est «une grande honte pour la France».

Après le succès de son enquête sur le bagne de Cayenne en 1923, c’est dans cette faille cachée de la démocratie, Biribi, qu’Albert Londres va enquêter au nom des droits humains et de la justice.

Privation de liberté, travail forcé, invasion des puces, chaleur torride en été, froid glacial en hiver, les pègres ne sont pas au bout de leur peine. Ils sont en plus livrés à la folie furieuse de sergents qui n’ont de compte à rendre à personne. Couchés sur les éribas, des branches épineuses, attachés à la queue d’un mulet, gardés en plein soleil dans la fosse d’aisance, enserrés dans des fers qui relient pieds et mains dans un système à vis et «qui donnent l’apparence du crapaud», attaqués par les mouches après qu’on leur ait sucré la peau, coup de fouet ou «nerf de bœuf», coup de baïonnette, brûlure, chaux vive sur les plaies, soupe trop salée... Pour eux, les officiers mettent en œuvre des tortures aussi ingénieuses qu’inhumaines. À cela s’ajoutent les tortures psychologiques, faites d’humiliation et surtout de la logique très personnelle des officiers. C’est là le pire. Les sentences sont non seulement dures mais arbitraires. Autant celles des sergents que du Conseil de guerre.

Les détenus sont désemparés. Ils sont souvent jeunes, condamnés pour de petits délits. Certains sont même là par hasard, par faute d’homonymie. Comme ce pégriot qui répète inlassablement «Je ne suis pas Ivan Vassili». Les punitions des sergents débouchent souvent à la mort.

Dante n’avait rien vu est avant tout un récit d’investigation utile, actif. Albert Londres a pour objectif de faire réformer ou supprimer ce dont il a été témoin. Le rôle du récit est de capter l’attention du lectorat pour le sensibiliser à sa cause et faire pression sur le ministère de la Guerre. La lettre jointe à la fin du texte le confirme. Albert Londres ne se contente pas de rapporter les faits ou même de critiquer. Il argumente son point de vue et propose une solution en six points dans une lettre officielle. Ses efforts ne seront pas vains, Biribi n’est plus.

https://leilamarchand.wordpress.com/2010/12/12/critique-du-livre-dalbert-londres-dante-navait-rien-vu/

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