13 mars 2013

L’enfant n’est pas une feuille blanche


Il est pratiquement impossible de nier le caractère original d’un enfant tellement son individualité est présente dès les premiers jours de la vie. L’enfant n’est pas une feuille blanche sur laquelle les parents écrivent un scénario. D’ailleurs, les parents sont les premiers à s’étonner devant les différences marquées que manifestent les enfants dès la naissance.

À l’expérience, on se rend compte que quelque chose de l’individualité d’un être échappe à toute analyse. Bien qu’il soit juste d’affirmer qu’une bonne présence contribue assurément à la formation d’une identité du vivant. Certains facteurs d’influence demeurent incompréhensibles. Un garçon venu d’un milieu défavorisé sur le plan psychologique peut très bien réagir en développant une force d’affirmation exemplaire. Une fille ayant joui de toute l’attention et de toute la bienveillance requise peut très bien sombrer dans la dépression.

En dernière analyse, on ne sait pas pourquoi un adolescent a choisi de se suicider en réaction à sa première de cœur, alors qu’il a eu de bons parents, qu’il était capable de s’exprimer et qu’il avait de bonnes notes à l’école. Même si l’on pouvait expliquer un tel geste par une faiblesse intérieure causée par un milieu qui ne lui permettait pas de prendre conscience de lui-même, on ne peut vraiment incriminer les parents qui souvent ont fait de leur mieux.

Il semble à propos de citer ici le sage Khalil Gibran qui, dans Le prophète, parle ainsi aux parents :
Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

À l’écoute du poète, il paraît souhaitable d’adopter une psychologie qui rend à l’enfant tout son pouvoir personnel. Le rôle des parents ne s’en trouve pas changé pour autant, mais il se trouve allégé de sa toute-puissance. Si les parents doivent veiller à préserver et à stimuler l’élan vital de l’enfant, ils ne sont cependant pas responsables de son destin. Toujours, ils s’efforceront d’être à l’écoute de cette individualité en devenir, de respecter ses besoins d’expression, tout en sachant que cet être a une destinée dont il est lui-même l’artisan et dont il a toute la responsabilité.

On peut même se demander si les tensions entre parents et enfants n’ont pas pour but d’amener tous les protagonistes à une meilleure connaissance d’eux-mêmes, à travers la joie comme à travers la peine. Vue sous cet angle, aucune expérience n’est véritablement négative. Tout sert en définitive à mieux se connaître et à s’orienter dans le vaste champ de la vie.

Confronté à toute la variété des destins individuels, Jung concluait déjà que certains êtres ont besoin de s’exprimer à travers des expériences éminemment sombres, comme le meurtre, pour arriver à assumer le tréfonds de leur inconscient. Une telle perspective fait frémir et invite à beaucoup de tolérance dans les jugements posés sur les êtres humains. Marie-Louise von Franz, disciple de Jung, parlait elle-même des criminels comme de rédempteurs négatifs qui portent pour nous les meurtrissures et les souffrances que nous cachons au fond de nous-mêmes. Si chacun de nous osait assumer sa part d’ombre, peut-être y aurait-il moins de conflits sanglants sur la planète. Notre fascination pour les grands criminels révèle combien nous participons intimement de leur nature, que nous le voulions ou non.

Si on considère les expériences négatives comme des révélateurs de la joie fondamentale d’existence, on considère également les grandes crises individuelles comme des occasions privilégiées de changement. Il est indéniable qu’une enfance difficile, des années d’alcoolisme ou même un épisode de violence peuvent agir comme des stimulants qui aident un individu à trouver le chemin d’une vie plus satisfaisante. Il serait cynique de penser que des parents aient pu avoir le sadisme de souhaiter de telles épreuves à leurs enfants et de leur en imputer du même coup la responsabilité.

Nul ne peut éviter la souffrance. Nous pouvons même la saluer, car elle nous confronte aux questions essentielles de l’existence. Elle constitue un facteur fondamental de la vie puisque personne n’y échappe. C’est l’aiguillon qui tire les êtres vers une attitude juste. Elle éveille tout autant qu’elle détruit. Devant une telle perspective, il devient mesquin d’accuser les parents d’être responsables de la souffrance de leurs enfants ou, à l’inverse, d’accuser les enfants d’être responsables de la souffrance de leurs parents. Les êtres humains ont besoin de la souffrance pour grandir; il devient même parfois malsain que des parents essaient de l’épargner à tout prix à leurs enfants.

~ Guy Corneau
Extrait de L’amour en guerre; 1996

COMMENTAIRE

Chacun naît avec son propre bagage karmique. Et parfois, si nous essayons d’empêcher les gens de vivre les expériences qu’ils ont choisies avant de s’incarner, ils recréeront les mêmes circonstances plus tard – dans cette vie-ci ou une vie future… En réalité, chacun développe son niveau de conscience, de compassion et d'amour à son propre rythme, et finira par quitter définitivement le plan terrestre l'âme en paix.  

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