27 novembre 2019

Noircir des pages d’écriture pour entretenir la flamme

Un album posthume «Thanks for the Dance» s’ajoute à la collection Leonard Cohen. Je m’en réjouis car cela le ressuscite un peu... Un immense merci à son fils Adam qui a aussi réuni des textes inédits dans un ouvrage intitulé «The Flame».  
   Leonard Cohen considérait que noircir des pages d’écriture était une «mission» à laquelle il ne pouvait se soustraire. Il a rempli une multitude de carnets de notes tout au long de sa vie; c’est ainsi qu’il a maintenu la flamme vivante jusqu’à la fin, et je dirais qu’elle lui survit.
   «Au début des années 1990, il y avait des casiers de rangement pleins de boîtes de carnets témoignant d’une vie dédiée à la chose qui définissait le plus l'homme. L'écriture était sa raison d'être. C'était le feu qu'il entretenait, la flamme la plus importante qu'il attisait. Elle ne s’est jamais éteinte. ‘You want it darker, we kill the flame’, entonnait-il sur son dernier album, son album de départ. Il est mort le 7 novembre 2016. Il fait plus sombre maintenant, mais la flamme n'a pas été tuée. Chaque feuille de papier qu’il a noircie était la preuve indéniable d’une âme toujours embrasée.»
~ Adam Cohen, 18 février 2018  

Tiré de la préface disponible sur le net [traduction-maison] :

Leonard et Adam Cohen

Les grands écrivains et poètes ont habituellement du vécu, et c’est sans doute ce qui leur permet de traduire les sentiments et les émotions du commun des mortels. Par exemple, l’expérience monastique zen de Cohen a modifié sa perception de la religion, de la spiritualité, du monde, et peut-être aussi de l’amour.
   Sa poésie a quelque chose d’universel, d’immortel. Dans tous les domaines de la vie, il y a des êtres exceptionnels qui voient plus clair et plus loin que nous. Des visionnaires, des sages, des héros. Ils vivent parmi nous, attentifs à ce qui se passe, et proposent des rêves dans un monde où règne l’indifférence. Bien sûr, nous ne sommes pas comme eux, mais nous pouvons nous inspirer des œuvres qu’ils laissent en héritage.

Un journaliste avait demandé à Cohen s’il croyait à «une vie après la mort» :
«Non, pas au sens traditionnel du terme. Bien sûr, la mort met un terme définitif à tous les problèmes de l'existence. Mais je me demande si après la mort, on peut vraiment vivre une existence exempte de tous problèmes. J'en doute beaucoup.»

«J'ai toujours eu un grand sens de la composition, parce que mes chansons m'ont aidé à surpasser beaucoup de ressacs et de relations humiliantes. Quand j'écoute quelques-unes d'entre elles à la radio je pense qu'elles sont réellement bonnes. C'est merveilleux de les avoir faites, et encore plus qu'elles aient élu domicile dans le coeur des gens.» 

Photo : Hugo-Sébastien Aubert / Archives La Presse. Murale en hommage à Leonard Cohen, Tower of Songs par Miles (El) Mac et Gene Pendon (Montréal, 2017)

Album Thanks for the Dance



The Hills
Leonard Cohen (1934-2016)

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d

My animal howls
My angel’s upset
But I'm not allowed
A trace of regret

For someone will use
The thing I could not be
My heart will be hers 
Impersonally

She’ll step on the path
She’ll see what I mean
My will cut in half
And freedom between

For less than a second
Our lives will collide
The endless suspended
The door opened wide

And she will be born
To someone like you
What I left undone
She will certainly do

I know she is coming
And I know she will look
And that is the longing
And this is the hook

I can’t make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d

My page was too white
My ink was too thinned 
The day wouldn’t write
What the night penciled in

But I know she's coming
And I know she will look
That is the longing
This is the hook

I know she is coming
And I know she will look
That is the longing
This is the hook

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d

I sailed like a swan
I sank like a rock
But time is long gone
Past my laughing stock 

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d

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Le mois des morts vit ses dernières heures, enfin! La chute des feuilles multicolores, la pluie, le froid, la grisaille et des célébrations religieuses comme la Toussaint le 1er novembre, le Jour des Morts le 2 novembre, puis, le Jour du Souvenir (commémoration de la fin de la Grande guerre 14-18) le 11 novembre, contribuent à perpétuer l'appellation. Le mois le plus moche de l’année à mon avis. Si je pouvais choisir le mois de ma propre mort, ce serait novembre, comme ça j’éviterais un dernier hiver... de trop.

Le Mois des morts
Victor De Laprade

Extraits

Novembre a mis, comme un suaire,
Sa longue robe de brouillards;
Le soleil, dans nos cieux blafards,
Semble une lampe mortuaire.

Tu n’aurais là d’autre cortège
Qu’oiseaux noirs et loups aux abois;
L’hiver a changé dans les bois
Vos lits de mousse en lits de neige.

Voici l’heure où le souvenir
Peuple seul la forêt discrète;
Sans y troubler aucune fête,
Les morts peuvent y revenir.

Voici les berceaux familiers
Où, dans la mousse et les pervenches,
Les baisers chantaient par milliers,
Comme les oiseaux sur les branches.

Mais, ces arbres et ces soleils,
S’ils t’ont prêté l’ombre et la flamme,
S’ils t’ont donné leurs fruits vermeils,
Ont pris tous des parts de ton âme.

Tu la jetais à tous les vents,
Pour un mot, pour un regard tendre...
Mais, viens, et les morts vont te rendre
Ce qu’ont emporté les vivants.

Car, là-haut, sur les mêmes grèves,
Dans ces astres peuplés d’esprits,
Flottent à la fois les débris
Et les germes de tous nos rêves.

Là-haut, dans l’immatériel,
Tout va perdre et retrouver l’être;
Quand les morts descendent du ciel,
C’est pour nous aider à renaître.

Les Voix du silence; 1865

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