Je cherchais un
poème en pensant à notre bien aimée comédienne Andrée Lachapelle, décédée le 21
novembre (1). Sur le site Esprits nomades
j’ai découvert Michel Baglin, et ce poème. Il y a encore des coïncidences qui
me renversent.
Les vivants qui s’absentent
Michel Baglin
Qu’on regarde
au dehors, le dedans vous reprend.
On voudrait
être au monde, on ne sait qu’échapper.
Et tous
ceux-là qu’on croise et voudrait arrêter
ont le pas
trop rapide et sont pris par l’élan.
Qui parle des
lointains évoque une autre vie.
Et c’est pour
mieux tromper ce sentiment de n’être
qu’en exil
ici-bas, un voyageur peut-être
mais qui ne
pèse pas et reste sans appui.
Nous avons
des manies de vivants qui s’absentent,
qui pour
prendre enfin pied s’accrochent à des leurres
en faisant
reculer l’horizon qu’ils s’inventent.
Partir est
toujours une façon d’être là,
lever l’ancre
encore un rêve de pesanteur,
et c’est pour
aller plus loin qu’on ne s’en va pas.
In De chair et de mots, © Le Castor Astral,
2012
À propos de
l’auteur :
«C’est avec
une immense tristesse que nous avons appris la mort de notre ami, notre “frère
de Terre", Michel Baglin. Il nous a quittés ce 8 juillet 2019 emporté par
un cancer, il avait 68 ans. Lui qui aimait passionnément la marche, refusait de n’être qu’un passant. Romancier,
nouvelliste, poète, journaliste, pour lui, la vie et l’écriture allaient de
pair. C’était un homme engagé, d’une
immense générosité. Son rire chaleureux et complice résonne aux
oreilles de tous ceux, et ils sont nombreux, qui l’aiment.» (Clément Solyn, ActuaLitté)
Il aimait le vagabondage dans les rues, et s'efforçait à ce que la vie et l'écriture soient le moins possible dissociées. Parmi ses thèmes récurrents, le voyage et les faux-départs, les trains, la quête du paysage, l’amour du réel malgré la difficulté à l’habiter et à être présent au monde, la recherche de l’échange avec autrui par le langage poétique, les petits bonheurs qui font la nique à la déréliction, comme «l’éclair d’un sourire dans une file d’attente».
Romancier (Lignes de fuite et Un sang
d’encre), il est aussi l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles (dont Des ombres aux tableaux), de récits (Entre les lignes, à La Table Ronde.) de
deux essais (Poésie et Pesanteur et La Perte du réel) et de plusieurs recueils
poétiques dont L’Alcool des vents et
«Les mots nous manquent» (poèmes
inédits, 2019).
~~~
(1) Les amis
et collègues d’Andrée Lachapelle lui ont rendu hommage les yeux humides et les
sanglots dans la voix, en proie à une vive émotion. Ils étaient tous
unanimes : elle était un modèle tant au niveau professionnel que
relationnel – une rebelle éprise de liberté, vive, attachante et toujours bienveillante.
Andrée Lachapelle : une comédienne au
grand cœur s’éteint
Par Marc-André
Lussier et Janie Gosselin, avec la collaboration de Luc Boulanger
La Presse, 22
novembre 2019
La comédienne
Andrée Lachapelle s’est éteinte, jeudi, à l’âge de 88 ans. Ses rôles, à la
télévision, au cinéma comme au théâtre, ont marqué le Québec. Souffrant d’un
cancer, la comédienne a demandé l’aide à mourir pour partir sereinement,
entourée de ses proches, quelques jours après son anniversaire.
Crédit photo : Filmoption,
archives La Presse. Michel Langlois et Andrée Lachapelle lors du tournage du
documentaire Anne des vingt jours.
Son humanité et son ouverture d’esprit
ont touché ceux qui l’ont côtoyée
«C’était un
cadeau du bon Dieu à l’humanité souffrante, a répété hier à La Presse le
metteur en scène André Brassard. C’était
une beauté en dehors et en dedans. [Ne lui cherchez pas d’ennemis, elle
n’en n’a pas.]»
«Cette espèce de grand souci de l’humanité
qui la caractérisait à chaque minute de sa vie... C’était vraiment quelqu’un
d’exceptionnel. Ce n’est pas pour rien
qu’elle était belle comme ça, ça émanait d’une beauté intérieure profonde. Peu
importent les personnages – même des chipies, des femmes méchantes ou amères – je
savais qu’Andrée Lachapelle allait leur insuffler une dose d’humanité», confiait
le metteur en scène René Richard Cyr qui a travaillé avec elle à quelques
reprises et l’a dirigée pour son dernier rôle sur scène, dans Les innocentes, en 2014.
Un dernier grand rôle
Le dernier
grand rôle d’Andrée Lachapelle aura été celui qu’elle joue dans Il pleuvait des oiseaux, le très beau
film que Louise Archambault a tiré du roman de Jocelyne Saucier.
Au cours d’un entretien accordé à La Presse
en marge de la sortie du film, la comédienne a évoqué un «cadeau du ciel» en
parlant de son personnage, Marie-Desneiges, une octogénaire qui, après avoir
été injustement internée toute sa vie, se reconstruit auprès de deux vieux
ermites vivant dans le bois.
Même si l’état de santé précaire de Mme
Lachapelle était connu, la réalisatrice ne s’attendait pas à ce qu’elle
choisisse de quitter ce monde aussi subitement. «Avec Rémy [Girard] et Gilbert
[Sicotte], on avait planifié aller la voir très bientôt, confie Louise
Archambault, visiblement émue. Elle est partie un peu trop tôt. J’avais envie
d’un dernier câlin! Andrée était d’une gentillesse
et d’une générosité incroyables.»
«Pendant le tournage du film, qui a eu lieu
dans un endroit isolé, nous avons eu l’occasion de nous raconter nos vies. J’ai
été frappée de voir comment Andrée ne gardait de ses souvenirs que les aspects
positifs, malgré les épreuves qu’elle avait traversées. Elle était aussi très drôle. Jamais de chichis avec elle!»
La réalisatrice s’estime extrêmement
privilégiée d’avoir pu côtoyer cette femme d’exception, inspirante, qui
laissera une marque immense dans sa vie. Elle évoque aussi la fierté de
l’actrice d’avoir joué dans un film où il est question de résilience, de
vieillesse et des choix de vie qu’elle entraîne, jusqu’à la façon de mourir. «Nous
avons fait ce film ensemble, ajoute Louise Archambault. Le départ d’Andrée me
rend très triste, mais en même temps, je suis en paix avec son choix. Avec
elle, avec Gilbert et Rémy aussi, nous avons beaucoup discuté de l’aide
médicale à mourir sur le tournage. J’ai senti Andrée sereine face à ce choix-là.
Elle trouvait ça bien.»
«J’espère qu’elle est heureuse, a de son
côté déclaré Gilbert Sicotte, aussi ému. Nous sommes évidemment tous tristes,
on l’aimait tous tellement... Andrée était tellement attachante, tellement chaleureuse.»
L’acteur, qui a joué avec Andrée Lachapelle
une scène d’amour aussi délicate qu’émouvante dans Il pleuvait des oiseaux, a évoqué une première rencontre professionnelle
avec l’actrice dans un téléfilm de Michel Langlois, tourné en 1991, dans lequel
il jouait son fils. «Avant de rencontrer Andrée, j’admirais évidemment la
grande comédienne qu’elle était, mais j’avais quand même en tête l’image de
cette très belle femme, élégante, un peu distante qu’on lui prêtait. Or, je me
suis retrouvé face à quelqu’un de très chaleureux, très drôle, quelqu’un de
party qui aimait l’esprit de troupe. Andrée tenait à ce que tout le monde se
retrouve pour aller manger ensemble après le tournage, et elle voyait à ce que
tout le monde soit bien et heureux sur le plateau.»
L’acteur se rappelle aussi toutes les
discussions qui ont eu lieu lors du tournage d’Il pleuvait des oiseaux, un film où il est beaucoup question du
choix de sa mort.
«Apprendre qu’elle a choisi de quitter ce
monde de cette façon me laisse croire – je le souhaite – qu’elle se sent
maintenant libérée. Mais je suis très triste de perdre Andrée. Allons
l’embrasser.» (Gilbert Sicotte)
Bande annonce
«Il pleuvait des oiseaux»
Entre deux scènes :
Une longue carrière
La comédienne
a commencé sa carrière dans les années 50. Elle a multiplié les rôles au
théâtre et à l’écran au fil des décennies.
L’artiste s’est aussi impliquée dans de
nombreuses causes sociales. «Des gens me pensent snob, alors que je ne l’ai
jamais été de ma vie», a déjà déclaré Mme Lachapelle. La comédienne venait d’un
quartier populaire de Montréal et s’est impliquée auprès d’organismes venant en
aide aux familles dans le besoin ou de gens du milieu carcéral. Elle est aussi
devenue porte-parole d’Amnistie internationale. [«Je suis une passionnée pour
la bonté dans le monde», disait-elle.]
Sur les réseaux sociaux, personnalités
publiques comme admirateurs anonymes lui ont rendu hommage. [...]
«Une étoile, la plus belle, la plus brillante
est maintenant là-haut!», a écrit la comédienne Guylaine Tremblay.
Anecdotes,
vidéos, interview avec Louise Archambault (et d’autres liens) :
Le vieil âge et le rire avec Fernand Dansereau, Gérard
Poirier, Andrée Lachapelle, Kim Yaroshevskaya, Aubert Pallascio et Marcel
Sabourin.
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