25 novembre 2019

Partis, mais inoubliables

Inoubliables pour de bonnes raisons...

Je cherchais un poème en pensant à notre bien aimée comédienne Andrée Lachapelle, décédée le 21 novembre (1). Sur le site Esprits nomades j’ai découvert Michel Baglin, et ce poème. Il y a encore des coïncidences qui me renversent.

Les vivants qui s’absentent
Michel Baglin

Qu’on regarde au dehors, le dedans vous reprend.
On voudrait être au monde, on ne sait qu’échapper.
Et tous ceux-là qu’on croise et voudrait arrêter
ont le pas trop rapide et sont pris par l’élan.

Qui parle des lointains évoque une autre vie.
Et c’est pour mieux tromper ce sentiment de n’être
qu’en exil ici-bas, un voyageur peut-être
mais qui ne pèse pas et reste sans appui.

Nous avons des manies de vivants qui s’absentent,
qui pour prendre enfin pied s’accrochent à des leurres
en faisant reculer l’horizon qu’ils s’inventent.

Partir est toujours une façon d’être là,
lever l’ancre encore un rêve de pesanteur,
et c’est pour aller plus loin qu’on ne s’en va pas.

In De chair et de mots, © Le Castor Astral, 2012



À propos de l’auteur :
«C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la mort de notre ami, notre “frère de Terre", Michel Baglin. Il nous a quittés ce 8 juillet 2019 emporté par un cancer, il avait 68 ans. Lui qui aimait passionnément la marche, refusait de n’être qu’un passant. Romancier, nouvelliste, poète, journaliste, pour lui, la vie et l’écriture allaient de pair. C’était un homme engagé, d’une immense générosité. Son rire chaleureux et complice résonne aux oreilles de tous ceux, et ils sont nombreux, qui l’aiment.» (Clément Solyn, ActuaLitté)

Il aimait le vagabondage dans les rues, et s'efforçait à ce que la vie et l'écriture soient le moins possible dissociées. Parmi ses thèmes récurrents, le voyage et les faux-départs, les trains, la quête du paysage, l’amour du réel malgré la difficulté à l’habiter et à être présent au monde, la recherche de l’échange avec autrui par le langage poétique, les petits bonheurs qui font la nique à la déréliction, comme «l’éclair d’un sourire dans une file d’attente».
   Romancier (Lignes de fuite et Un sang d’encre), il est aussi l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles (dont Des ombres aux tableaux), de récits (Entre les lignes, à La Table Ronde.) de deux essais (Poésie et Pesanteur et La Perte du réel) et de plusieurs recueils poétiques dont L’Alcool des vents et «Les mots nous manquent» (poèmes inédits, 2019).

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(1) Les amis et collègues d’Andrée Lachapelle lui ont rendu hommage les yeux humides et les sanglots dans la voix, en proie à une vive émotion. Ils étaient tous unanimes : elle était un modèle tant au niveau professionnel que relationnel – une rebelle éprise de liberté, vive, attachante et toujours bienveillante.

Andrée Lachapelle : une comédienne au grand cœur s’éteint

Par Marc-André Lussier et Janie Gosselin, avec la collaboration de Luc Boulanger
La Presse, 22 novembre 2019

La comédienne Andrée Lachapelle s’est éteinte, jeudi, à l’âge de 88 ans. Ses rôles, à la télévision, au cinéma comme au théâtre, ont marqué le Québec. Souffrant d’un cancer, la comédienne a demandé l’aide à mourir pour partir sereinement, entourée de ses proches, quelques jours après son anniversaire.  

Crédit photo : Filmoption, archives La Presse. Michel Langlois et Andrée Lachapelle lors du tournage du documentaire Anne des vingt jours.

Son humanité et son ouverture d’esprit ont touché ceux qui l’ont côtoyée

«C’était un cadeau du bon Dieu à l’humanité souffrante, a répété hier à La Presse le metteur en scène André Brassard. C’était une beauté en dehors et en dedans. [Ne lui cherchez pas d’ennemis, elle n’en n’a pas.]»
   «Cette espèce de grand souci de l’humanité qui la caractérisait à chaque minute de sa vie... C’était vraiment quelqu’un d’exceptionnel. Ce n’est pas pour rien qu’elle était belle comme ça, ça émanait d’une beauté intérieure profonde. Peu importent les personnages – même des chipies, des femmes méchantes ou amères – je savais qu’Andrée Lachapelle allait leur insuffler une dose d’humanité», confiait le metteur en scène René Richard Cyr qui a travaillé avec elle à quelques reprises et l’a dirigée pour son dernier rôle sur scène, dans Les innocentes, en 2014.

Un dernier grand rôle

Le dernier grand rôle d’Andrée Lachapelle aura été celui qu’elle joue dans Il pleuvait des oiseaux, le très beau film que Louise Archambault a tiré du roman de Jocelyne Saucier.
   Au cours d’un entretien accordé à La Presse en marge de la sortie du film, la comédienne a évoqué un «cadeau du ciel» en parlant de son personnage, Marie-Desneiges, une octogénaire qui, après avoir été injustement internée toute sa vie, se reconstruit auprès de deux vieux ermites vivant dans le bois.
   Même si l’état de santé précaire de Mme Lachapelle était connu, la réalisatrice ne s’attendait pas à ce qu’elle choisisse de quitter ce monde aussi subitement. «Avec Rémy [Girard] et Gilbert [Sicotte], on avait planifié aller la voir très bientôt, confie Louise Archambault, visiblement émue. Elle est partie un peu trop tôt. J’avais envie d’un dernier câlin! Andrée était d’une gentillesse et d’une générosité incroyables.»
   «Pendant le tournage du film, qui a eu lieu dans un endroit isolé, nous avons eu l’occasion de nous raconter nos vies. J’ai été frappée de voir comment Andrée ne gardait de ses souvenirs que les aspects positifs, malgré les épreuves qu’elle avait traversées. Elle était aussi très drôle. Jamais de chichis avec elle!»
   La réalisatrice s’estime extrêmement privilégiée d’avoir pu côtoyer cette femme d’exception, inspirante, qui laissera une marque immense dans sa vie. Elle évoque aussi la fierté de l’actrice d’avoir joué dans un film où il est question de résilience, de vieillesse et des choix de vie qu’elle entraîne, jusqu’à la façon de mourir. «Nous avons fait ce film ensemble, ajoute Louise Archambault. Le départ d’Andrée me rend très triste, mais en même temps, je suis en paix avec son choix. Avec elle, avec Gilbert et Rémy aussi, nous avons beaucoup discuté de l’aide médicale à mourir sur le tournage. J’ai senti Andrée sereine face à ce choix-là. Elle trouvait ça bien.»
   «J’espère qu’elle est heureuse, a de son côté déclaré Gilbert Sicotte, aussi ému. Nous sommes évidemment tous tristes, on l’aimait tous tellement... Andrée était tellement attachante, tellement chaleureuse.»
   L’acteur, qui a joué avec Andrée Lachapelle une scène d’amour aussi délicate qu’émouvante dans Il pleuvait des oiseaux, a évoqué une première rencontre professionnelle avec l’actrice dans un téléfilm de Michel Langlois, tourné en 1991, dans lequel il jouait son fils. «Avant de rencontrer Andrée, j’admirais évidemment la grande comédienne qu’elle était, mais j’avais quand même en tête l’image de cette très belle femme, élégante, un peu distante qu’on lui prêtait. Or, je me suis retrouvé face à quelqu’un de très chaleureux, très drôle, quelqu’un de party qui aimait l’esprit de troupe. Andrée tenait à ce que tout le monde se retrouve pour aller manger ensemble après le tournage, et elle voyait à ce que tout le monde soit bien et heureux sur le plateau.»
   L’acteur se rappelle aussi toutes les discussions qui ont eu lieu lors du tournage d’Il pleuvait des oiseaux, un film où il est beaucoup question du choix de sa mort.
   «Apprendre qu’elle a choisi de quitter ce monde de cette façon me laisse croire – je le souhaite – qu’elle se sent maintenant libérée. Mais je suis très triste de perdre Andrée. Allons l’embrasser.» (Gilbert Sicotte)

Bande annonce «Il pleuvait des oiseaux»  


Entre deux scènes :

Une longue carrière 

La comédienne a commencé sa carrière dans les années 50. Elle a multiplié les rôles au théâtre et à l’écran au fil des décennies.
   L’artiste s’est aussi impliquée dans de nombreuses causes sociales. «Des gens me pensent snob, alors que je ne l’ai jamais été de ma vie», a déjà déclaré Mme Lachapelle. La comédienne venait d’un quartier populaire de Montréal et s’est impliquée auprès d’organismes venant en aide aux familles dans le besoin ou de gens du milieu carcéral. Elle est aussi devenue porte-parole d’Amnistie internationale. [«Je suis une passionnée pour la bonté dans le monde», disait-elle.]
   Sur les réseaux sociaux, personnalités publiques comme admirateurs anonymes lui ont rendu hommage. [...]
   «Une étoile, la plus belle, la plus brillante est maintenant là-haut!», a écrit la comédienne Guylaine Tremblay.


Anecdotes, vidéos, interview avec Louise Archambault (et d’autres liens) :

Le vieil âge et le rire avec Fernand Dansereau, Gérard Poirier, Andrée Lachapelle, Kim Yaroshevskaya, Aubert Pallascio et Marcel Sabourin.

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