10 novembre 2019

Il meurt lentement

Pablo Neruda

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d'émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu'il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n'a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque-toi aujourd’hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d’être heureux!

J’ai découvert Leo Kottke à Dessine-moi un dimanche. Merci à Jim Corcoran qui ne tarissait pas d’éloges, disant qu’il l’aimait énormément, mais qu’il était une source de frustration pour lui parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait avec sa main droite. «Il a un style bien à lui. Avant les réseaux sociaux il circulait partout dans le monde grâce à son grand talent et au bouche à oreille. Il a le même âge que moi, mais lui, il est encore en tournée. En 1997, j’ai entendu une pièce bouleversante, d’une grande beauté. J’étais troublé. Et je le suis encore plus maintenant que je connais, seulement depuis la semaine dernière, la source de son inspiration. La pièce Across The Street s'inspire de l'histoire d'une famille yougoslave dont le père avait été emprisonné par l'État. Il voyageait beaucoup en Yougoslavie, et en 1995, il a rencontré une jeune lithographe à Ljubljana en Slovénie.

Lors d'un concert au Cambridge Folk Festival (England) Leo Kottke a raconté son histoire :   
«Quand je l’ai revue l’année suivante elle m'a dit : «Je ne peux pas rester pour le spectacle, mon père est rentré à la maison, il est malade, je ferais mieux d'y retourner pour m'occuper de lui.»  J'ai dit : «Je suis désolé d'entendre ça.» L'année suivante, elle est venue au spectacle et je lui ai demandé : «Comment va ton père?», reprenant la conversation là où nous l'avions laissée. Elle m'a répondu «Il est mort». J'ai dit : «Oh.»  Elle m’a demandé : «Aimeriez-vous voir certaines choses qu'il a faites?» J'ai répondu : «Oui.»
   Le lendemain, elle m'a emmené au centre-ville de Ljubljana et m'a montré, entre autres choses, un pont qu'il avait construit – il était ingénieur et architecte. Et pendant qu'elle me montrait ce pont, elle a dit qu'il avait été arrêté et emprisonné quand elle avait trois ans. Et j'ai demandé : «Oh, pourquoi?» Une question que vous ne poseriez pas si vous aviez vécu en Yougoslavie. Elle l'a ignorée et m'a montré le pont, qui était superbe. J’ai compris pourquoi il avait été arrêté. Puis, elle m'a raconté ce qui s'était passé. Elle disait qu'il avait été incarcéré pendant 26 ans, et qu’on ne leur avait jamais dit – à elle, sa sœur et sa mère – où, pourquoi et pour combien de temps il avait été emprisonné. «On nous écrivait parfois pour dire qu'il était encore vivant. C'est tout ce nous savions. Quand il est tombé malade, ils l'ont laissé sortir. C'est alors que j'ai su qu'il avait été emprisonné de l'autre côté de la rue, en face de notre maison. Et que pendant 26 ans, il nous avait regardées grandir et jouer sur le balcon de notre appartement, ma sœur et moi, à travers les barreaux d’une fenêtre de sous-sol; c’était sa cellule.»

Leo Kottke, né le 11 septembre 1945 à Athens dans l'État de Géorgie (États-Unis), est un guitariste acoustique qui utilise des techniques de fingerpicking, s'inspirant de genre musicaux comme le blues, le jazz et la musique folk, avec ses rythmes syncopés et les sons polyphoniques qu'il arrive à produire avec ses guitares signature à six et douze cordes. Il se sert très souvent de l'accordage en open tuning.

Une pièce troublante en effet, qui touche l'âme dès les premières notes. J’aime entendre le «bruit» des cordes d’une guitare acoustique. Aujourd’hui, tous les enregistrements sont épurés, dépouillés du moindre son «vivant» et réaliste. Que c’est froid, plat, ennuyant!

Across The Street – Album Standing In My Shoes
Leo Kottke

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