21 septembre 2014

Florilège Leonard Cohen

Des fleurs pour son 80e anniversaire 

Toute notre dualité mise à nu
Descente du Tabor aux enfers
Psalmodiée à voix rauque

Tous nos regrets exhibés 
Les trahisons, les fuites, les deuils
Les silences, les soupirs rendus

Tous nos espoirs murmurés 
Les amours, les retrouvailles 
Les promesses, la main sur le cœur

Toute notre vulnérabilité en sourdine
Chaleur, douceur, tendresse
Violon et guitare en bandoulière 

Boudacool, 21.09.2014

Voilà comment je ressens Cohen...   

Photo via http://1heckofaguy.com/

Ce que je souhaiterais? Qu’il chante encore à 90 ans...

«J'ai toujours eu un grand sens de la composition, parce que mes chansons m'ont aidé à surpasser beaucoup de ressacs et de relations humiliantes. Quand j'écoute quelques unes d'entre elles à la radio je pense qu'elles sont réellement bonnes. C'est merveilleux de les avoir faites, et encore plus qu'elles ait élu domicile dans le coeur des gens.»

La poésie de Cohen a quelque chose d’universel, d’immortel. Dans tous les domaines de la vie, il y a des êtres exceptionnels qui voient plus clair et plus loin que nous. Des visionnaires, des sages, des héros. Ils vivent parmi nous, attentifs à ce qui se passe, et ils proposent des rêves dans un monde où règne l’indifférence. Bien sûr, nous ne sommes pas comme eux, mais nous pouvons nous inspirer des œuvres qu’ils laissent en héritage.

Les grands écrivains et poètes ont habituellement du vécu, et c’est sans doute ce qui leur permet de traduire les sentiments et les émotions du commun des mortels.

Par exemple, l’expérience monastique de Cohen a modifié sa perception de la religion, de la spiritualité, du monde, et peut-être aussi de l’amour.

Le moine Jikan 

Extraits d’une rencontre entre Cohen et Javier Ortiz au mont Baldy en 1998 :

Un petit homme, vêtu d'un habit orange fait son apparition et deux assistants l'aident à monter sur un podium. «Qu'est-ce que nous appelons l'amour?» demande l'homme qui parle en japonais tandis qu'un interprète traduit simultanément en anglais. «Un enfant peut se faire l’ami d'un chien et lécher son derrière. Est-ce de l'amour? Est-ce de l'amour que lécher la main d'une autre personne? Les chiens, les chats et les insectes s'accouplent. Est-ce de l'amour?»
       Nous nous rencontrons sous un ciel bleu éblouissant. «Il est à peine neuf heures du matin, dit Cohen, et déjà nous avons vécu plusieurs vies aujourd'hui.» Le chanteur s'impose de dures retraites tous les mois, qui ne consistent en rien d'autre que de rester assis en posture zazen durant une semaine. Le reste du temps, Cohen travaille au centre, balaie la neige, astique les planchers, et se charge de la cuisine, sa tâche de prédilection. Ici on le connait sous le nom de moine Jikan, ce qui signifie, «le silencieux». «Ici, tout le monde est joyeux dans la désespérance», dit-il radieusement. «Personne ne vient dans un tel lieu à moins d'être désespéré.»
       … Il s'est fait moine depuis deux ans parce que Roshi le lui a conseillé. … Cohen fait un effort énorme pour se retrouver en lui même. En réalité, il ne peut expliquer ce qu'il fait exactement dans un lieu comme celui-ci : «Je ne crois pas que personne sait en réalité pourquoi je suis là... Si tu arrêtes une personne et que tu lui demandes ‘où vas tu?’ dans un sens profond, tu n'obtiendras aucune réponse. Il ne sait pas pourquoi il est ici. Mais, que pourrais-je faire d’autre? … En descendant de la montagne je me suis rendu compte que mon séjour dans le centre est l'expérience qui m'a le plus marqué depuis ces dix dernières années. Roshi sait qui je suis réellement, et il ne veut pas que je sois une autre personne.»
       «Roshi m'a dit il y a quelques jours que à mesure que tu vieillis, tu te sens plus seul et tu as besoin d'un amour plus profond.» 
       … Le désillusionné de tous les désillusionnés, veut maintenant s'enfoncer et flotter dans le panthéisme. Ce n'est pas plus mal que le bouddhisme. Tant qu'à ne pas croire en une religion, c'est le moindre des maux.  

«Je crois que nous traversons une époque très dure, dit Cohen. Pas plus l'expérience littéraire ou musicale ne sont parvenues à prendre le pouls de cette crise. Nous sommes au milieu d'un déluge de dimension biblique, à tel point que n'importe qui se cramponne à quelque chose qui flotte, une caisse d'oranges vide, un morceau de bois... Et les gens persistent à se définir eux mêmes comme libéraux ou conservateurs. Cela me semble une hérésie totale.»

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(Au sujet d’un de ses autoportraits)

Ces portraits sont bien au-dessous
de mon développement actuel
par exemple :
j’ai abdiqué le trône
le temporel
comme le spirituel
alors que
dans ces pages
j’ai l’air d’être
profondément
préoccupé
par une chose
ou l’autre
c’est seulement
une vieille habitude
du visage

2 septembre 2003 (p. 70) 

Source :
Livre du constant désir
Éditions de l’Hexagone, 2007
(Traduction : Michel Garneau)
 
Parmi les titres de Popular Problems j’aime beaucoup Did I Ever Love You et Slow :
 
SLOW
 
I’m slowing down the tune
I never liked it fast
You want to get there soon
I want to get there last

It’s not because I’m old
It’s not the life I led
I always liked it slow
That’s what my momma said

I’m lacing up my shoe
But I don’t want to run
I’ll get here when I do
Don’t need no starting gun

(...)

Suite (ainsi que les paroles des autres titres) :
http://www.leonardcohenfiles.com/popularproblems.html


«J’ai entendu mon âme chanter derrière une feuille, j’ai arraché la feuille, mais alors je l’ai entendue chanter derrière un voile. J’ai déchiré le voile, mais alors je l’ai entendue chanter derrière un mur. J’ai abattu le mur et j’ai entendu mon âme chanter contre moi. J’ai remonté le mur, raccommodé le rideau, mais je n’ai pu replacer la feuille. Je l’ai tenue dans une main et j’ai entendu mon âme chanter à tue-tête contre moi. Voilà ce que c’est que d’étudier sans un ami.» (Le livre de miséricorde, Éditions Carrière – Michel Lafon, 1985, p. 12) 

«Écrire des chansons, c'est au fond comme faire la cour à une femme. La plupart du temps, c'est toute une affaire.» (1972)

«On ne maîtrise pas ses sentiments ni son désir. D'un certain point de vue, l'amour, c'est comme cuisiner des chiches-kebabs : il y a des étincelles, des éclaboussures.» 

Est-ce que vous croyez à une vie après la mort?
«Non, pas au sens traditionnel du terme. Bien sûr, la mort met un terme définitif à tous les problèmes de l'existence. Mais je me demande si après la mort, on peut vraiment vivre une existence exempte de tous problèmes. J'en doute beaucoup.»

«Ça fait au moins vingt ans qu’on m’accuse de pessimisme parce que je dis que nous sommes au milieu d’une catastrophe. Ce qu’il faut maintenant c’est trouver l’attitude à  adopter dans cette catastrophe. Tu n’es qu’un petit morceau de bois dans un torrent, une autre personne arrive, tu lui dis quoi ? Je suis de gauche et tu es de droite? Es-tu contre ou pour l’avortement? On n’en a rien à foutre quand tout est en train d’exploser.» (1993)

Des à-côtés

À la réception du prix «Prince des Asturies des Lettres» en 2011, Cohen a raconté une histoire très touchante. Il est question d’une guitare espagnole, de l’influence de Federico Garcia Lorca et d’un jeune guitariste espagnol rencontré dans un parc (après trois leçons, le jeune homme a disparu). Transcription de cette allocution (en anglais) :
http://1heckofaguy.com/2011/10/25/upgraded-video-of-leonard-cohen%e2%80%99s-prince-of-asturias-awards-speech-with-no-overdubbing/

Allan Showalter http://1heckofaguy.com/videos/ est peut-être le plus fan des fans de Cohen. Voici une vidéo publiée à l’occasion du 77e anniversaire de Leonard, le 21 septembre 2011 : «I Love Leonard Cohen» par Robin Grey. Un superbe tour d’horizon.

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