Leonard Cohen considérait que noircir des
pages d’écriture était une «mission» à laquelle il ne pouvait se soustraire. Il
a rempli une multitude de carnets de notes tout au long de sa vie; c’est ainsi
qu’il a maintenu la flamme vivante jusqu’à la fin, et je dirais qu’elle lui
survit.
«Au début des années 1990, il y avait des
casiers de rangement pleins de boîtes de carnets témoignant d’une vie dédiée à
la chose qui définissait le plus l'homme. L'écriture était sa raison d'être.
C'était le feu qu'il entretenait, la flamme la plus importante qu'il attisait. Elle
ne s’est jamais éteinte. ‘You want
it darker, we kill the flame’, entonnait-il sur son dernier album, son
album de départ. Il est mort le 7 novembre 2016. Il fait plus sombre
maintenant, mais la flamme n'a pas été tuée. Chaque feuille de papier qu’il a noircie
était la preuve indéniable d’une âme toujours embrasée.»
~ Adam Cohen,
18 février 2018
Tiré de la
préface disponible sur le net [traduction-maison] :
Leonard et
Adam Cohen
Les grands
écrivains et poètes ont habituellement du vécu,
et c’est sans doute ce qui leur permet de traduire les sentiments et les
émotions du commun des mortels. Par exemple, l’expérience monastique zen de
Cohen a modifié sa perception de la religion, de la spiritualité, du monde, et
peut-être aussi de l’amour.
Sa poésie a quelque chose d’universel,
d’immortel. Dans tous les domaines de la vie, il y a des êtres exceptionnels
qui voient plus clair et plus loin que nous. Des visionnaires, des sages, des
héros. Ils vivent parmi nous, attentifs à ce qui se passe, et proposent des
rêves dans un monde où règne l’indifférence. Bien sûr, nous ne sommes pas comme
eux, mais nous pouvons nous inspirer des œuvres qu’ils laissent en héritage.
Un
journaliste avait demandé à Cohen s’il croyait à «une vie après la mort» :
«Non, pas au
sens traditionnel du terme. Bien sûr, la mort met un terme définitif à tous les
problèmes de l'existence. Mais je me demande si après la mort, on peut vraiment
vivre une existence exempte de tous problèmes. J'en doute beaucoup.»
«J'ai
toujours eu un grand sens de la composition, parce que mes chansons m'ont aidé
à surpasser beaucoup de ressacs et de relations humiliantes. Quand j'écoute
quelques-unes d'entre elles à la radio je pense qu'elles sont réellement
bonnes. C'est merveilleux de les
avoir faites, et encore plus qu'elles
aient élu domicile dans le coeur des gens.»
Photo : Hugo-Sébastien
Aubert / Archives La Presse. Murale en hommage à Leonard Cohen, Tower of Songs par Miles (El) Mac et
Gene Pendon (Montréal, 2017)
Album Thanks
for the Dance
The Hills
Leonard Cohen (1934-2016)
I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d
My animal howls
My angel’s upset
But I'm not allowed
A trace of regret
For someone will use
The thing I could not be
My heart will be hers
Impersonally
Impersonally
She’ll step on the path
She’ll see what I mean
My will cut in half
And freedom between
For less than a second
Our lives will collide
The endless suspended
The door opened wide
And she will be born
To someone like you
What I left undone
She will certainly do
I know she is coming
And I know she will look
And that is the longing
And this is the hook
I can’t make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d
My page was too white
My ink was too thinned
The day wouldn’t write
What the night penciled in
But I know she's coming
And I know she will look
That is the longing
This is the hook
I know she is coming
And I know she will look
That is the longing
This is the hook
I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d
I sailed like a swan
I sank like a rock
But time is long gone
Past my laughing stock
I can't make the hills
I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank G-d
~~~
Le
mois des morts vit ses dernières
heures, enfin! La chute des feuilles multicolores, la pluie, le froid, la
grisaille et des célébrations religieuses comme la Toussaint le 1er novembre,
le Jour des Morts le 2 novembre, puis, le Jour du Souvenir (commémoration de la
fin de la Grande guerre 14-18) le 11 novembre, contribuent à perpétuer l'appellation. Le mois le plus moche de l’année à mon avis. Si je pouvais
choisir le mois de ma propre mort, ce serait novembre, comme ça j’éviterais un dernier
hiver... de trop.
Le Mois des morts
Victor De
Laprade
Extraits
Novembre a
mis, comme un suaire,
Sa longue
robe de brouillards;
Le soleil,
dans nos cieux blafards,
Semble une
lampe mortuaire.
Tu n’aurais
là d’autre cortège
Qu’oiseaux
noirs et loups aux abois;
L’hiver a
changé dans les bois
Vos lits de
mousse en lits de neige.
Voici l’heure
où le souvenir
Peuple seul
la forêt discrète;
Sans y
troubler aucune fête,
Les morts
peuvent y revenir.
Voici les
berceaux familiers
Où, dans la
mousse et les pervenches,
Les baisers
chantaient par milliers,
Comme les
oiseaux sur les branches.
Mais, ces
arbres et ces soleils,
S’ils t’ont
prêté l’ombre et la flamme,
S’ils t’ont
donné leurs fruits vermeils,
Ont pris tous
des parts de ton âme.
Tu la jetais
à tous les vents,
Pour un mot,
pour un regard tendre...
Mais, viens,
et les morts vont te rendre
Ce qu’ont
emporté les vivants.
Car, là-haut,
sur les mêmes grèves,
Dans ces
astres peuplés d’esprits,
Flottent à la
fois les débris
Et les germes
de tous nos rêves.
Là-haut, dans
l’immatériel,
Tout va
perdre et retrouver l’être;
Quand les
morts descendent du ciel,
C’est pour
nous aider à renaître.
Les Voix du silence; 1865