Le
premier-ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford, promulgue des lois pour
plaire à son électorat conservateur anglophone, en miroir du Parti progressiste-conservateur
du Canada. En fait, la francophobie
existe depuis les premiers temps de la colonisation anglo-saxonne. Le Parti
libéral du Canada ne fait pas mieux en la matière; mais il profite de l’occasion
pour mousser son image de marque en vue des prochaines élections. Pf!
«Toute cette affaire illustre les
dysfonctions du multiculturalisme, qui a réduit un des peuples fondateurs du
Canada au statut de groupe folklorique parmi tant d’autres. Les
Franco-Ontariens ont toutes les raisons du monde de résister. Et nous, de les
appuyer.» ~ Brian Myles (Le Devoir, 17 novembre 2018)
De
son côté le premier-ministre désigné du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, a été
membre du défunt parti anti-bilinguisme; il ne se déclare pas ouvertement francophobe, mais il agit «comme si»...
«Le
Canada n’est pas vraiment un pays bilingue, mais plutôt anglophone qui tolère
le français. Notre bilinguisme existe dans nos textes de loi, sans plus! Il
dessert notre gouvernement fédéral pour rehausser son image auprès du G7. En
réalité le français est pauvrement reconnu au Canada, sauf évidemment au
Québec. Il est également en perte de vitesse au Nouveau-Brunswick, seule
province officiellement bilingue...
Il faudra beaucoup plus que des textes
d’opinion pour brasser nos gouvernements... Une extrême mobilisation politique
des minorités francophones à travers le pays... Une négociation sans précédent
entre le fédéral et l’Ontario... Une ferme solidarité Ontario-Québec... pour
préserver et faire progresser notre socio-économie francophone : une force
positive chez nous, dans les Amériques et le Monde.» ~ Annik Chalifour, juriste
(L’Express, 16 novembre 2018)
J’ignorais
qu’un groupe Ku Klux Klan canadien avait existé dans les années 20! – une branche
radicale en marge du mouvement orangiste anglo-saxon.
Slogan actuel de la Grand Orange Lodge of
Canada :
Toward
God, Our Queen, Our Country & Mankind
Working Together for Family, Community and Country
Personne
n’est contre la vertu.
L’histoire
ne se répète pas, elle continue
Les minorités francophones au Canada
et les lois antifrançaises
L’idéologie orangiste
Source :
Université Laval
Au
lendemain de la création de la Confédération canadienne (1867), les
francophones de plusieurs provinces anglaises assistèrent, impuissants, à
l'adoption de plusieurs lois et réglementations antifrançaises et
anticatholiques au Canada anglais, notamment en qui ce qui a trait aux écoles
confessionnelles à l'extérieur du Québec.
1. Le mouvement orangiste au Canada
Cette
attitude antifrançaise et anticatholique puisait sa source, entre autres, au
fait que beaucoup de loyalistes, qui sont venus s'installer au Canada, étaient
des «orangistes» convaincus. Les
orangistes préconisaient une doctrine anticatholique et antifrançaise,
inspirée par la reconquête en 1690 de l'Angleterre par le prince protestant
Guillaume III d'Orange (1650-1702) – en anglais «William III of Orange».
Celui-ci mena une lutte sans merci contre les ambitions françaises en Flandre
et devint ainsi le plus grand ennemi du roi Louis XIV.
En 1830, le journaliste et politicien Ogle
Robert Gowan (1803-1876) fonda à Brockville en Ontario la Loyal Orange Association of Canada («Association loyale d'Orange du
Canada»), une société protestante affiliée au mouvement orangiste mondial
originaire de l'Irlande du Nord. Le nombre des loges orangistes augmenta
rapidement dans la plupart des colonies britanniques, notamment au
Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, dans l'Ouest
canadien, même au Québec (23 000 membres chez les seuls anglos-protestants
répartis dans quelque 45 loges, surtout dans l'Outaouais, les Cantons de l'Est
et à Montréal).
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, un Canadien anglais sur
trois était membre de cette organisation prônant la suprématie anglo-saxonne
blanche, équivalant aux WASP des États-Unis («White Anglo-Saxon Protestants»).
À partir de 1920, le mouvement orangiste
perdit de l'ampleur, mais il y avait encore près de 100 000 membres qui
garantissaient la pérennité des quelque 2000 loges présentes au Canada. En
1972, on dénombrait le même nombre de membres dans tout le Canada. Il y eut plusieurs premiers ministres
provinciaux orangistes dans la plupart des provinces (Ontario,
Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, etc.).
Le mouvement orangiste fut très important au
Canada; il a exercé une influence considérable sur la vie sociale et politique
canadienne à un point tel qu’il s'est retrouvé impliqué au cœur des conflits
linguistiques et religieux qui ont bouleversé l'histoire du Canada. Le mouvement orangiste donna naissance à un
groupe encore plus intolérant et raciste, le Ku Klux Klan canadien, qui connut
ses racines les plus profondes dans les petites villes de la Saskatchewan
en raison du «péril jaune», mais aussi à cause des Noirs, des juifs et des catholiques.
Au
cours de la décennie 1920, le Ku Klux
Klan du Canada se voulait non seulement un mouvement d'intolérance, mais à la fois une réplique populiste de la guerre de 1914-1918 et une opinion
dominante de l'époque, qui voulait
conserver un Canada britannique (cf. Keeping Canada British, de James M.
Pitsuba, University of British Columbia Press, 2013).
2. Les luttes scolaires
Pendant
des décennies, le Canada fut victime des luttes scolaires et religieuses. Ces
nombreuses luttes scolaires de la part des minorités francophones au Canada
anglais ont eu de nombreuses conséquences. Malgré l'anglicisation d'une partie
croissante de leur effectif, ces communautés minoritaires organisèrent durant
des décennies la lutte pour leur survivance. L'Église de Rome fut souvent
appelée à arbitrer ces conflits, mais elle s'est généralement rangée du côté
des évêques irlandais qui considéraient que la pratique du catholicisme hors du
Québec passait par l'usage de la langue anglaise. L'Église de Rome, pour qui
tout nationalisme paraissait suspect, s'est toujours montrée conciliante à
l'égard des assimilateurs anglo-canadiens.
– La Nouvelle-Écosse
Déjà,
en 1864, la Nouvelle-Écosse avait adopté une loi sur les écoles publiques, l'Education Act, dite loi Tupper, qui
faisait de l'anglais la seule langue d'enseignement. En effet, la loi
instaurait un enseignement unilingue anglais et non confessionnel, tout en
supprimant toute subvention aux écoles catholiques et francophones. Pour les
Acadiens, cette loi équivalait à leur assimilation culturelle, religieuse et
linguistique. Ce fut une période sombre pour l'évolution de la culture
française dans cette province. Durant presque un siècle, la plupart des enfants
francophones durent fréquenter l'école anglaise. Dans les districts ruraux,
très peu d'élèves terminèrent leur école primaire. Dans les villes, seule une
minorité d'élèves réussit à terminer leur secondaire. Mais tous les manuels
demeurèrent en anglais, de même que les examens provinciaux. Quant aux
enseignants, ils furent tous formés au
Teachers College de Truro.
– Le Nouveau-Brunswick
En
mai 1871, le gouvernement provincial du premier ministre George Edwin King
décida de faire disparaître les «écoles de paroisse» où l'on enseignait le
français et la religion catholique. Il fit adopter la Common School Act
("Loi sur l'école commune"), qui spécifiait que l'école publique
était dorénavant «neutre» ("neutral"). Dans ces écoles, il fut
interdit aux enseignants d'enseigner le catéchisme et de porter des symboles
religieux distinctifs, ce qui empêchait les communautés religieuses de fournir
du personnel qualifié. Les parents francophones furent tenus de payer une
double taxe scolaire pour envoyer leurs enfants dans des écoles privées ou
accepter, à l'encontre des recommandations de leur clergé, de les acheminer
dans les écoles publiques gratuites en anglais. Cette mesure discriminatoire
souleva même une émeute dans la petite ville de Caraquet. Les élites acadiennes
en appelèrent aux tribunaux et au Parlement fédéral pour désavouer cette loi,
mais ce fut sans succès.
– L'Île-du-Prince-Édouard
Dès
1873, les autorités provinciales pratiquèrent une politique d'assimilation qui
eut pour effet de mener les Acadiens à la quasi-disparition des acquis,
notamment en matière scolaire: les écoles française furent interdites. Des
historiens soutiennent qu'en 1876 la province de l'Île-du-Prince-Édouard aurait
adopté une Official Language Act («Loi sur la langue officielle»). Celle-ci
aurait fait de l'anglais la seule langue des registres, de la publication des
journaux et lois de la Législature, ainsi que dans les tribunaux. Mais
les lois adoptées avant 1862 furent refondues sous le titre "The Acts of the General Assembly of
Prince Edward Island from the establishment of the Legislature in the thirteeth
year of Reign of His Majesty the King George the Third, A.D. 1773". Cette refonte ne reprenait ni tous les
titres des lois adoptées au cours de cette période, ni l'intégralité de leur
texte. Il paraît donc impossible de vérifier l'existence de nombreuses lois autrement
que par leur seul titre. Plusieurs lois scolaires, restrictives pour le
français, auraient existé : 1830, 1834, 1837, 1841, 1847, 1861, 1880.
Cependant, les registres provinciaux ne contiennent plus les textes des lois.
– L'Ontario
Quant
à la province de l'Ontario, elle se rendit célèbre par son Règlement 17 qui
interdisait l'enseignement en français au-delà des deux premières années du
niveau primaire dans les écoles de la province. Les élites
canadiennes-française se mobilisèrent pour faire respecter l'article 93 de la
Loi constitutionnelle de 1867, mais cette disposition constitutionnelle se
révéla inefficace pour la protection des droit des minorités francophones, du
fait qu'une disposition semblait trop exposée aux pressions politiques de la majorité
anglophone. Par ailleurs, l'interprétation qu'en fit en 1916 le comité
judiciaire du Conseil privé de Londres apparaît aujourd'hui restrictif: «Les
droits linguistiques ne jouissent d'aucune protection au plan constitutionnel,
à l'exception de l'usage du français devant les tribunaux et aux parlements
d'Ottawa et de Québec.»
– Le Manitoba
La
loi de 1870 créant la province du Manitoba, c'est-à-dire la Loi sur le
Manitoba, accordait une protection aux écoles séparées francophones (article
22) et établissait le bilinguisme officiel au sein du Parlement (article 23),
tout comme pour le Québec. Cependant, tout bascula en 1890 avec l'adoption de
la fameuse Official Language Act (ou Loi sur la langue officielle), qui fit de
l'anglais la seule langue des registres, des procès-verbaux et des lois du
gouvernement manitobain. L'anglais devenait aussi la seule langue permise dans
toutes les activités judiciaires.
Dans la province du Manitoba, Wilfrid
Laurier, fraîchement élu premier ministre du Canada en 1896, avait refusé de
désavouer la loi provinciale. Le compromis dit Laurier-Greenway ne rétablit pas
le système des écoles séparées, mais permit à nouveau l'enseignement religieux,
selon certaines normes, dans les écoles publiques. Toutefois, un règlement sur
les écoles, appelé le «compromis Laurier-Greenway», comprenait une disposition
permettant l'enseignement d'une autre langue que l'anglais dans les «écoles
bilingues», là où 10 élèves ou plus parlaient cette langue. Il s'agissait de
consacrer une demi-heure par jour à l'enseignement de la religion en français.
Ce compromis fut de courte durée, car de nouveaux règlements annulèrent cette
disposition en 1896 et firent de l'anglais la seule langue d'enseignement dans
toutes les écoles publiques du Manitoba.
– La Saskatchewan et l'Alberta
En
1905, lors de la création des provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta
formées à même les Territoires du Nord-Ouest, aucune garantie constitutionnelle
ne fut accordée aux minorités franco-catholiques de ces nouvelles provinces,
alors que le gouvernement fédéral ne manifestait pas de volonté pour protéger
ces droits, pas plus qu'il ne l'avait fait lors des conflits scolaires au
Nouveau-Brunswick et au Manitoba. La loi scolaire de l'Alberta, l'Alberta
School Act adoptée en 1905, imposa l'anglais comme seule langue d'enseignement,
tout en autorisant un certain usage du français dans les classes primaires. En
Saskatchewan, la School Act de 1909 fit de l'anglais la seule langue
d'enseignement, mais permit usage limité du français dans les classes
primaires. En 1927, le Ku Ku Klan de cette province mena une campagne contre
l’enseignement en français, le port de l’habit religieux et la présence de
crucifix dans les écoles.
En 1929, une troisième loi de la
Saskatchewan abolissait encore le français dans les écoles; cette loi reprenait
et explicitait celle de 1918. En 1931, une modification à la Loi scolaire
imposait l'anglais comme unique langue d'enseignement dans les écoles publiques
de la province. Le français étant interdit durant les heures normales de
classes, mais il était permis d'offrir des cours de français après la classe.
Malgré la pénurie d'enseignants, le gouvernement interdit l'embauche
d’enseignants formés au Québec et détenant un brevet d'enseignement obtenu dans
cette province; il rendit illégal tout brevet d’enseignement non obtenu en
Saskatchewan.
– Les Territoires du Nord-Ouest
Un
autre recul du français a pu être observé dans le cas des Territoires du
Nord-Ouest, annexés au Canada en 1869. Par la Loi sur les Territoires du
Nord-Ouest de1877, la Constitution de ces territoires garantissait le
bilinguisme à l'Assemblée législative et dans les tribunaux. Toutefois, le 22
janvier 1890, le député conservateur D'Alton McCarthy présenta un projet de loi
à la Chambre des communes pour modifier la Loi sur les Territoires du
Nord-Ouest et abolir le caractère bilingue de ce territoire canadienne. Il
précisait ainsi son objectif: «Mon seul désir est de travailler au bien général
et l'on verra, je crois, que notre intérêt le plus véritable est de travailler
à établir dans ce pays l'unité de race avec l'unité de la vie nationale et
l'unité de langage.» Une ordonnance de 1892 fit de l'anglais la seule langue
possible dans les écoles et les tribunaux.
Le Conseil des Territoires du Nord-Ouest abolit ensuite les écoles
séparées, c'est-à-dire catholiques et françaises.
3. L'identité canadienne-française
& québécoise
En
même temps, les Canadiens de langue française durent modifier les paramètres de
leur identité. Au lieu de rester confinée au Québec, cette identité
canadienne-française s'est étendue à toutes les communautés francophones du
Canada. Ce faisant, l'identité francophone pancanadienne heurta beaucoup
d'anglophones peu enclins à encourager l'usage du français hors Québec. Le
nationalisme franco-canadien et, par le fait même, la survivance du français au
Canada se développèrent chez toutes les élites francophones, y compris au
Québec. La thèse du «pacte des deux peuples fondateurs» fut reprise par l'abbé
Lionel Groulx (1878-1967) et invoquée par plusieurs autres nationalistes au
Québec. En réalité, ce fut une période qui marqua le recul constant de la
situation du français dans des secteurs importants de la vie politique, sociale
et économique.
Les
Canadiens français mettront du temps à comprendre que, s'ils avaient subi
depuis 1867 toute une série de restrictions de leurs droits scolaires, c'était
beaucoup plus parce qu'ils étaient «francophones» que parce qu'ils étaient
«catholiques»; de leur côté, les catholiques anglophones du Québec n'ont
jamais connu ce genre de problème. Néanmoins, cette vision du «Canada français
catholique» se maintiendra jusqu'à la Révolution tranquille du Québec, alors
que le nationalisme québécois eut pour effet de marquer une rupture idéologique
entre le Québec et les minorités francophones du reste du Canada. Le lien de
solidarité s'est brisé entre ces minorités francophones et la majorité
francophone du Québec. Les Québécois ont, en quelque sorte, laissé tomber les
francophones hors Québec considérés comme définitivement «perdus», ce qui n'est
pas le cas. En même temps, les francophones du Québec ont cessé de revendiquer
leur identité «canadienne-française» pour l'identité «québécoise». Dorénavant,
les Québécois allaient appeler les Canadiens de langue française «francophones
hors Québec».
Dernière
mise à jour : 01 juil. 2017
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