Le mouvement #moiaussi / #metoo éveille les
consciences mais aussi la peur des dérapages, comme les possibles fausses
allégations.
Une
internaute écrivait que pour porter plainte «Il faut être la victime parfaite
(celle du parking et de l’inconnu le soir – autour de 15% des viols rapportés),
à défaut être assez crédible – ni trop moche, ni trop pauvre, ni trop
légèrement vêtue, ni prostituée, surtout pas droguée/bourrée... j’en oublie,
c’est sans fin. Et je ne parle même pas des agressions sur des enfants et des
mineur-e-s, qui ne sont pas le fait seulement de méchants malades, mais de
proches (dans plus de 80 % des cas). Ne pas vouloir qu’on nous touche c’est
être coincée; se défendre c’est être hystérique; dénoncer c’est être excessive;
vouloir qu’on nous touche c’est être une salope. Mais on continuera [à dénoncer] puisqu’il le faut.»
Sérieusement, ça fait des millénaires que les
hommes s’arrogent le droit «d’importuner», d’intimider, de harceler, de violer,
de persécuter, de molester et de violenter les femmes pour les soumettre à
leurs dérapages sexuels. Et ça fait des millénaires que les femmes se soumettent
par insécurité financière et affective.
Le féminisme des années 1950/60 a complètement perdu
son véritable sens. Le but était l’autonomie – droit de vote, droit de disposer
de son corps (incluant le droit à l’avortement et de refuser la soumission
sexuelle dans le mariage), droit à un salaire équitable permettant
l’indépendance financière et une vie décente, etc.
La fameuse «libération sexuelle» des femmes,
qui venait en parallèle, fut récupérée par l’industrie médiatique et
cinématographique (gérée par des hommes) pour faire du sexe tout azimut un
symbole de prétendue libération. Le
modèle culturel puritain passa directement au modèle porno. Le lavage de
cerveau visuel allait avoir des répercussions négatives, bien évidemment. La culture
du viol et de la brutalité font encore les belles heures du monde artistique –
cinéma, spectacle, divertissement, etc. Si les hommes se masturbaient devant le
poster d’une star dans les années 1960, aujourd’hui c’est devant une scène de
copulation en direct sur le net.
Les femmes
restent des «objets», des produits de consommation; elles s’identifient même en
tant que «marques» aujourd’hui. Ça peut être lucratif, comme dans le cas des sœurs
Kardashian. Mais à qui profite ce marchandage sinon à l’industrie de la
consommation? La fascination morbide pour l’hyper richesse, supposée procurer
le bonheur, a une influence désastreuse à
la fois sur les consommateurs et l’environnement. Notre société a atteint un
sommet de superficialité probablement inégalé dans toute l’histoire. Voulant
imiter les Kardashian, et s’appuyant sur l’illusoire prémisse you can do it, certaines jeunes femmes se
sont retrouvées le cul sur la paille.
Extrait d’une analyse sociologique du
phénomène :
Mondialement célèbre pour son fessier, et mariée
au rappeur et producteur Kanye West, Kim Kardashian fait la une de la presse
people depuis des années. Se mettant en scène avec sa famille dans une
téléréalité, cette femme fascine autant qu’elle agace... Guillaume Erner,
sociologue décrypte ce phénomène planétaire.
Pourquoi cette famille suscite tant
d’intérêt? – Avec «le phénomène Kardashian» on assiste à la mondialisation
d’un people. L’intérêt de cette famille est justement qu’elle n’a aucun intérêt
: personne n’est vraiment capable de dire quel métier tel ou tel membre de la
famille fait. Mais une grande majorité des Français, toutes générations
confondues, a déjà entendu parler des «Kardashian». En réalité, le métier de
Kim Kardashian (et de sa famille) est de gérer sa célébrité, et ça se passe à
l’échelle planétaire, on est en plein dans «l’art de consommer, de faire
consommer», ce n’est ni plus ni moins que du marketing. [...]
Cette famille est le reflet de notre
société, elle sert d’aiguillon au système capitaliste. Nous sommes dans une
société où il n’y a plus réellement de besoins mais majoritairement des envies.
Le rôle de Kim Kardashian est de nous guider dans nos choix, de nous inciter à
consommer telle ou telle chose. C’est une forme de publicité incarnée, un style
de vie à elle toute seule. Une
britannique de 24 ans s'est même endettée de 23 000 euros pour ressembler à son
idole. Elle renvoie aussi le rêve des personnes aisées, des strass et des
paillettes à l’américaine, ces personnes qui ne sont jamais limitées
financièrement et qui ne font que suivre leurs envies (ce qui est difficilement
réalisable à notre niveau). [...]
Chaque
personne a ses singularités, mais là, l’idée n’est pas de mettre un talent
particulier en avant, mais de faire des «coups» médiatiques. ... Pour ce qui
est du couple que forment Kim Kardashian et Kanye West, là on quitte le terrain
traditionnel du couple, on ne peut plus vraiment parler de couple d’ailleurs,
on est plus dans le groupement d’intérêt économique. Chacun se sert de l’autre
pour briller. [...]»
Article intégral :
L’extrait suivant provient d’un rapport de
recherche publié en 1976... Il est question du rôle de l’insécurité
financière dans la soumission sexuelle des femmes (mariage, concubinage,
travail...). Jugez vous-même si nous avons progressé ou non.
Section «Qu’est-ce que l’esclavage sexuel?» – Rubrique
«L’économie» (p. 437)
Non seulement une femme peut craindre de perdre
l'amour d'un homme, si elle s’affirme ou le «défie» sexuellement, mais trop
souvent la pression économique est aussi en cause. Cela peut prendre plusieurs
formes, certaines manifestes, certaines subtiles. La forme la plus évidente de
pression économique se produit lorsqu'une femme est totalement dépendante de
l'homme avec qui elle a des rapports sexuels afin d’avoir un toit et de la
nourriture parce qu’elle n'a pas d’autre alternative, comme avoir un emploi si elle veut – voilà le mariage tel
qu’on le définissait traditionnellement.
La série «I Love Lucy» présentait une version caricaturale du lien entre l’affection
et la sécurité financière : les mots affectueux et les câlins de Lucy reflétaient
la formule standard d’obtenir du conjoint un nouveau canapé, un nouveau chapeau
ou des vacances. Plusieurs femmes interrogées pour notre recherche ont relevé la
corrélation entre le sexe et la sécurité financière dans leur propre vie, en répondant
à la question : «Pensez-vous qu’avoir des rapports sexuels est en quelque
sorte politique?»
«Dans mon
milieu, en général l'homme gagne deux fois plus d'argent que la femme. Cela
signifie que si vous aimez votre style de vie – votre piscine, vos loisirs, votre maison, votre lave-vaisselle,
votre quartier – vous n’allez
pas tout plaquer pour vous enfuir avec un quelconque surfeur. Je vois beaucoup
de mariages qui tiennent non pas en raison d’un réel désir de partager leur
vie, mais pour la sécurité financière. Vivement la Révolution! Lorsque les
femmes seront aussi bien préparées que les hommes pour gagner leur vie, il y
aura beaucoup moins de ces relations féodales.»
«C'est
économique. Dans ma relation je suis obligée d’avoir des rapports sexuels à
cause des vœux de mariage. Mon mari m’a parfois menacée de me priver d’argent
ou de faveurs ou autre si j’osais refuser un rapport sexuel. Donc, je fais
semblant. Je m’en fiche. Quand les enfants seront plus âgés – je pourrais mettre les cartes sur
table.»
«Je ne sais
pas si c’est politique, mais c'est certainement économique. Pendant des années,
j'ai réellement senti que je gagnais ma place et ma pension dans le lit; et si je
voulais quelque chose, mon mari était plus susceptible de me le donner après
une relation sexuelle. Maintenant que je suis autonome, je n'ai plus besoin de
jouer ce jeu. Quel soulagement!»
«Je pense
qu’on utilise le sexe pour ‘marchander’. Je sais que je l'ai utilisé pour
négocier et avoir un soutien financier à un moment ou un autre. Cela est en
train de changer peu à peu, parce que plus d’emplois s’offrent à nous.»
«Avec mon
mari, je me sens parfois obligée, parce que je suis sa femme et qu’il paye pour
tout. C'est pourquoi j'aime les relations extraconjugales (bien que je n'en ai
pas eue depuis quelque temps) –
ça rend le sexe plus attirant.»
«Je ne
peux pas expliquer ce que je ressens à propos du sexe. La célébration entre
deux êtres humains est très importante pour moi, mais elle se produit rarement.
J’ai l’impression que les femmes sont entièrement disponibles et acceptent les
caprices sexuels de leurs maris parce que c’est le prix à payer pour la
sécurité financière.»
«Il y a
des moments où j'ai l'impression de m'acquitter d’une obligation, comme laver
la vaisselle ou repasser. Alors, je me sens comme une prostituée.»
«Pour ma
part, je suis heureuse d'avoir vécu assez longtemps pour voir la lumière au
bout du tunnel – l'espoir qu'un
jour les femmes obtiendront l’égalité. Pouvez-vous imaginer le lavage de
cerveau d’il y a quarante ans? Vous vous considériez chanceuse d’avoir un mari,
même si la plupart du temps vous sentiez que quelque chose n'allait pas. Vous passiez
votre vie à vous occuper d’un homme et de vos enfants, et vous mettiez le front
par terre s’il ne vous battait pas –
il était votre pourvoyeur, et vous étiez simplement une domestique non rémunérée.
La mort m'a libérée, et j'ai découvert une carrière et une vie de femme. Certaines
de mes semblables sont mortes sans jamais savoir qu'il y avait de l'espoir pour
les femmes – mortes en ignorant
tout de la chose.»
Si une
femme dépend d'une autre personne, financièrement et juridiquement (comme les
femmes l’étaient traditionnellement et le sont encore dans la majorité des cas),
sa précarité et sa vulnérabilité ne lui permettent d’exprimer ses préférences en
matière de sexe ou d’affection. La peur ou l’intimidation peut faire en sorte
que les femmes font passer la satisfaction des besoins sexuels de leurs maris
avant les leurs. De toute évidence, quand une femme est financièrement
dépendante d'un homme, elle n'est pas dans une position pour exiger l'égalité au
lit. La dépendance financière, même si vous aimez quelqu'un, est un piège très
subtil et corrosif.
Le
mariage, juridiquement parlant, exige que la femme ait obligatoirement des
rapports sexuels avec son mari. Les codes religieux hébreux et chrétiens ont insisté
sur l’obligation de la femme d’avoir des rapports sexuels avec son conjoint.
... Cette position de l’épouse dans le mariage reflète l'attitude
traditionnelle du droit britannique et américain qui stipule que la femme, en
consentant à se marier, consent irrévocablement à accepter les rapports sexuels
selon les exigences du conjoint, même s'il utilise la force ou la violence
extrême pour arriver à ses fins. Même dans l’actuel Code pénal américain, la
relation sexuelle sans le consentement de l’épouse ne peut jamais être considérée
comme un viol, quelle que soit la force ou la violence utilisée pour l’y
contraindre.
Bien sûr,
ce n'est pas le mariage lui-même qui est en cause – deux personnes peuvent sincèrement
désirer partager leur vie et des objectifs communs. Un contrat de mariage basé
sur un amour véritable peut être merveilleux. Cependant, aujourd’hui, la
réalité pour de nombreuses femmes est plutôt synonyme de dépendance financière
et juridique. Cette dépendance biaise la relation et peut empêcher les femmes
de se sentir libres d'explorer et de découvrir leurs propres besoins affectifs
et sexuels avec leur conjoint.
Les
femmes célibataires subissent elles aussi une forme de pression économique,
mais différente et plus subtile. Une femme décrivait sa situation ainsi : «Depuis
la petite enfance, j'avais été programmée par mes antécédents familiaux et la
société pour devenir une épouse et une mère, à défaut, je devrais me trouver un
boulot insignifiant. Donc, j'ai obtenu des diplômes dans des domaines futiles,
et j’ai suivi une formation en secrétariat dans un collège pendant un an. J'ai été
secrétaire durant les cinq dernières années. Pendant tout ce temps je me sentais
en position d’infériorité, et je suis certaine que cela a eu un impact sur ma
sexualité et mon appréciation de ce que je suis. Ma faible estime de soi me
rendait vulnérable aux abus sexuels des hommes. Il y a trois semaines, j'ai décidé
de quitter mon emploi de secrétaire et de retourner aux études à temps plein.
Cette décision a fait des miracles pour moi. Je me sens libre de profiter de
mon corps selon mes propres critères, et non pas selon les idées préconçues de
certains hommes sexistes. Je ne déteste pas du tout les hommes – je suis sûre que j'éprouverai
toujours de l’amour envers eux. Sauf que maintenant je peux voir comment nous nous
sommes utilisés mutuellement, et comment les rôles attribués aux femmes ont
créé de l’injustice dans tous les aspects de leur vie, et je veux changer cela.
Je pense que mon attitude est très saine et ne m’empêchera pas d’entretenir de
bonnes relations avec les hommes.»
Même quand
les femmes ne sont plus dépendantes financièrement, elles continuent à modifier
leur comportement sexuel avec leurs partenaires pour répondre à leurs besoins de
base – nourriture, logement,
protection et sécurité – et la plupart n’ont pas de sens critique par rapport à
leur situation. Même si le contexte les rend indépendantes (richesse
personnelle, carrière réussie, etc.), elles sont tellement habituées à définir
leur structure matrimoniale et sexuelle selon les critères de la société
qu’elles ne réévaluent pas leur style de vie, et se conforment aux anciens mythes
relatifs aux besoins affectifs et sexuels des femmes.
Les
femmes célibataires font également face à des pressions économiques qui les poussent
vers le mariage – menant à la
même dépendance financière et juridique décrite plus tôt. Une femme de vingt-sept
qui travaille dans un bureau explique la situation : «Même avec l'emploi que
j’ai obtenu – et je suis une
très bonne secrétaire – je n’ai
pas les moyens de me payer un appartement. Je suis donc forcée de d’emménager
avec un homme ou des colocataires. En colocation vous n’avez pas de vie privée.
Si vous vivez avec un homme – un
premier type, puis après un an ou deux avec un deuxième, puis un autre, et
ainsi de suite – c’est horrible.
Vous vous sentez comme un travailleur itinérant : vous devez déménager
toutes vos affaires d'un endroit à l’autre. C'est humiliant. Alors la pression pour
se marier, s'installer et oublier tout ça est très forte. Et (!!) si vous vivez
avec un homme uniquement pour le partage soi-disant égal du loyer, devinez qui fait
le ménage et la cuisine? Qui est toujours gentille, affectueuse et prête pour
le sexe? Et, si vous n’avez pas envie de ça pendant un certain temps – on vous
montre la porte! Alors, on finit par penser qu’il vaudrait mieux se marier!»
Pour
beaucoup de femmes, le mariage est l'un des rares emplois facilement accessibles.
Le célibat peut aisément signifier devenir domestique ou employée d'usine ou bénéficiaire
de l'aide sociale. Demander aux femmes de «se libérer» en refusant le mariage est
biaisé car cela exclut automatiquement la majorité des femmes pour qui un mari est
le seul moyen de subsistance.
Évidemment,
l'amour envers le conjoint et les enfants peut faire partie de l’équation. Néanmoins,
la dépendance financière peut éventuellement corroder et subtilement miner les
plus beaux sentiments, voire, mener à une sorte d'amour-haine. Mais le mariage
pourrait devenir un véritable contrat d'amour si les lois qui rendent la femme juridiquement
dépendante étaient changées, et si les femmes avaient la chance d’avoir une réelle
autonomie financière.
L'effet
négatif de l’insécurité financière sur la liberté des femmes est dramatique.
Selon le ministère du Travail américain, en 1975, les femmes qui travaillaient
à plein temps toute l'année (40 pour cent des femmes américaines) gagnaient seulement
60 pour cent du salaire des hommes pour un travail équivalent, et ce chiffre
n'avait pas bougé au cours des cinq années précédentes. Les femmes, en dépit de
leur éducation et de leurs qualifications, sont encore largement exclues des postes
de direction et des professions non-traditionnelles. Les subventions fédérales pour
les garderies ont été réduites, et les licenciements ont plus fréquemment touché
les femmes puisqu’elles occupent généralement des emplois périphériques. Cela
signifie que la plupart des femmes –
célibataires ou mariées – ne
sont pas indépendantes financièrement.
«En tant
qu'opprimées, nous les femmes, nous n’avons pas besoin de connaissance (knowledge) ... mais de pouvoir, de pouvoir social, de pouvoir
économique, de pouvoir physique. En d'autres mots, ce n'est pas notre ignorance
qui nous a condamnées à l'exploitation et à l'insatisfaction sexuelle, mais
notre impuissance.» ~ Ellen
DuBois, State University of New York at Buffalo
Source:
The Hite Report, A Nation Wide Study of Female Sexuality; Shere Hite; Dell
Publishing Co. 1976