19 janvier 2018

Le cherchons-nous au bon endroit?

L’éternelle quête de l’insaisissable bonheur.

Ah les plateaux de télé avec leurs shows d’hystérie collective... Les meneurs de foule commandent et le public répond – applaudissements, rires, cris, pleurs, etc. Et c’est ainsi que les animateurs deviennent milliardaires – tels Donald Trump ou Oprah Winfrey, avec la possibilité d’obtenir la présidence des États-Unis. Complètement dingue! Si les gens n'avaient plus besoin d'idoles, de vedettes, de sauveurs, de gourous et d'influenceurs de tous ordres, ils penseraient par eux-mêmes, et le monde tournerait peut-être mieux...

Oprah Winfrey is joined by Donald Trump and his real life apprentice, Donald Trump Jr., left, during a taping for the Oprah Winfrey show Wednesday, Feb., 18, 2004, in Chicago. (AP File Photo/Harpo Productions, George Burns)

"If Trump can be president of the United States, surely so can Oprah. 
Heck, after four years of Trump in the White House, she might even be the perfect antidote.

At her inauguration, she can have us all hold hands, have a good cry, and then start a new diet together. I’m ready now, especially for the diet.

This is the new reality of American politics, where any successful person with the ability to sell themselves to the public can get elected, even to the highest office in the land. Government experience, once considered a prerequisite, is now an impediment, so hungry are American voters for something different."

~ Mark Brown, Chicago Sun Times; Chicago News 03/01/2017


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Le bonheur à la télévision
Jean-Louis Fournier

Pourquoi à la télévision, les images du bonheur, ce sont souvent des gens qui ont gagné, ou qui vont gagner, beaucoup d’argent? Un footballeur qui vient de marquer un but, une miss France qui vient d’être élue, ou des gens qui viennent de gagner à un jeu télévisé.
   Ils poussent des cris, ils hurlent de joie, ils trépignent, ils dansent, ils pleurent, ils s’embrassent, ils se roulent par terre, ils étreignent l’animateur.
   N’y a-t-il pas sur Terre d’autres raisons d’être heureux? D’autres images du bonheur?
   Pourquoi vous ne montrez pas de gens heureux à cause de rien? Heureux simplement d’être là et de vivre?
   Heureux chaque matin parce que le jour se lève. Heureux parce que c’est le printemps, qu’il y a des bourgeons dans les arbres. Heureux parce que c’est l’été, qu’il fait chaud, que l’eau de la source est fraîche.
   Heureux parce que c’est l’automne, que les forêts ont la couleur du feu.
   Heureux parce que c’est l’hiver, qu’il fait froid dehors et chaud à l’intérieur.
   Heureux parce qu’ils lisent un beau livre, heureux parce qu’ils adorent le bruit du vent, heureux parce qu’ils parlent et qu’ils écoutent les autres.
   Heureux parce qu’ils entendent de la musique, heureux parce qu’ils ont fait un beau dessin ou réussi un bon plat, heureux parce que leur parquet brille et leur voiture aussi, heureux parce que leur enfant a eu une bonne note à sa rédaction.
   Heureux parce qu’ils ont écrit une belle phrase. Heureux parce que la douleur s’éloigne.

On dit «bêtement heureux».
C’est pas si bête d’être heureux.

Source : Ça m’agace! Éditions Anne Carrière; 2012

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L’injonction du bonheur – Dans l’ère de la séduction obligatoire, ce qui fait exister, c’est aussi le regard de l’autre. [...] Que ce soit pour chercher un emploi ou pour chercher l’âme sœur, il faut veiller à son image. Il faut être beau, en forme, souriant, détendu, heureux... Ou, à défaut d’être heureux, il faut en donner l’apparence, sous peine de passer pour un médiocre et un laissé-pour-compte. Le bonheur est devenu une injonction de notre époque, comme si ne pas être heureux était l’indice d’une maladie suspecte, et que le malheur, quelle qu’en soit l’origine, correspondait à un échec personnel. Les injonctions de notre époque – soyez beaux, riches et performants – ont rendu insupportable l’échec et la privation. [...]
   Dans un monde d’apparence, ce qui importe, ce n’est pas ce que l’on est, mais ce qu’on donne à voir, ce ne sont pas les conséquences lointaines de nos actes, mais les résultats immédiats et apparents. C’est la raison majeure qui explique la banalisation de la perversion : dans tous les domaines s’affirme la tendance à traiter l’autre comme un objet dont on se sert tant qu’il est utile, et que l’on jette dès qu’il ne convient plus.
   De fait, nous assistons actuellement à une nette augmentation des pathologies narcissiques, car ce type de personnalité est hyperadapté au monde moderne. Ces changements de l’individu moyen sont le reflet des mutations induites par la vie des entreprises et la guerre économique : conditionné par le mythe de l’Homo oeconomicus engagé dans la «lutte pour la vie» contre les autres, il tend à être compulsif, toujours dans l’agir; il manque d’intériorité et reste dans des relations ludiques, superficielles. Le fait de douter et de se remettre en question, qui devrait être le signe d’une bonne santé psychique, est de moins en moins considéré comme une valeur positive.
   C’est la fin de l’épaisseur, de la profondeur des sentiments. Tout est superficiel, à fleur de peau. La moindre remarque entraîne des réactions épidermiques. L’importance donnée à sa propre image entraîne une fragilité narcissique qui amène certains à s’écrouler à la moindre critique d’un supérieur hiérarchique ou d’un ami.
   Selon certains spécialistes, ce mode de fonctionnement serait la conséquence d’expériences traumatiques, fruit non pas d’événements graves, mais plutôt de traumas dans l’infraordinaire, le banal, le quotidien.
   Y contribuent sans doute les frustrations éprouvées par celles et ceux qui avaient cru aux promesses des politiques, des médias ou de la publicité, donnant à croire qu’ils pourraient satisfaire l’ensemble de leurs désirs. Ces frustré(e)s qui n’ont pas compris que, pour grandir et devenir autonome, il fallait renoncer à la satisfaction de tous leurs désirs, se poseront ensuite en victimes, et certain(e)s réclameront même en justice des compensations financières pour réparation du dommage de n’avoir pas été comblé.

Marie-France Hirigoyen  
Les nouvelles solitudes. Le paradoxe de la communication moderne
Poche Marabout, 2007  

Marie-France Hirigoyen est psychiatre, psychanalyste et victimologue. Elle s’est spécialisée dans l’étude de toutes les formes de violence : familiale, perverse et sexuelle. Elle est l’auteur du best-seller Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien (1998), de Malaise dans le travail. Harcèlement moral, démêler le vrai du faux (2001), et de Femmes sous emprise. Les ressorts de la violence dans le couple (2005).

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