12 février 2022

Torture au diésel et aux klaxons

Pour celles et ceux qui les ont dans le nez et les oreilles... les camionneurs sont des tortionnaires.  

La torture est l'utilisation volontaire de la violence pour infliger une forte souffrance à un (ou des) individu(s). En droit international courant, en résumé, elle implique «une douleur ou souffrance intense, physique ou mentale», infligée «intentionnellement». Les actes de torture (ou de barbarie) peuvent encourir des séquelles physiques et des traumatismes psychologiques. La torture psychologique ou mentale est parfois appelée «torture blanche» ou «torture propre» car elle ne laisse pas de trace physique. Les insultes, les menaces de mort, même les agressions physiques ont été le lot des résidents et commerçants ottaviens.

Ils ont été exposés à la torture auditive (bruit assourdissant des klaxons grimpant à 115 décibels) et à l’empoisonnement par inhalation de gaz diésel (1), deux formes de torture avérées. L’exposition continue à un même bruit intense (2) neutralise toute force de réflexion. De sorte que plusieurs résidents se plaignaient d’être incapables de travailler à cause du bruit qui perturbait leur capacité de concentration; d’autres résidents ne pouvaient pas sortir leur voiture parce que des camions ou des VUS bloquaient leurs entrées.

Illustration : George Danby / BDN

Ottawa est en état de siège. Occuper une ville est un acte de guerre. Trudeau père n’avait pas hésité en 1970 lors de la crise d’octobre à instaurer la Loi sur les mesures de guerre à la suite des enlèvements de Richard Cross et de Pierre Laporte. Cette loi suspendait les libertés civiles, permettant ainsi aux forces de l’ordre de procéder à des arrestations sans détenir de mandats. Une mesure qui visait tant à tuer toute érosion du système démocratique par des groupes radicaux et moins radicaux qu’à nuire à la montée de l’idée d’indépendance du Québec. En 1988, le gouvernement fédéral a remplacé la Loi sur les mesures de guerre par une pièce législative aux pouvoirs plus limités, soit la Loi sur les mesures d’urgence. Celle-ci prévoit entre autres que les ordonnances du cabinet du premier ministre doivent recevoir l’aval du Parlement. Ottawa doit aussi prendre des décisions qui respectent la Charte canadienne des droits et libertés. Mais la loi existe toujours, et elle est tout aussi permissive en ce qui concerne la possibilité d’agir d’urgence et de ne pas respecter le partage des compétences.

     Justin Trudeau pourrait donc utiliser la Loi des mesures d’urgence pour éviter que la situation ne se termine dans la violence. Car les radicaux du mouvement, dont les instincts antisociaux méprisent le civisme et ses lois, refusent de plier bagage. Plus tôt cette semaine, Kevin «Big» Grenier, l'un des trois organisateurs du «Convoi de la liberté», a confié dans une vidéo diffusée sur Facebook que plusieurs personnes l'avaient approché pour lui faire part d'idées violentes. Il a dit que ces personnes évoquaient même l'idée de «faire des tueries», de «prendre les armes puis d'aller au parlement». «Vous attendez quoi, que des drames arrivent, host...?», s'était-il exclamé.

     On le dirait en effet! Un ex chroniqueur à The Gazette, Doug Ferguson, a tweeté récemment : lorsqu’on avait demandé à Pierre Elliott Trudeau s’il oserait envoyer l’armée au Québec, il avait déclaré laconiquement «Just watch me»; et Ferguson ajoute que si l’on posait la même question à Justin la réplique serait «Just find me».

«Justin Trudeau tente de faire oublier l’impression que son gouvernement est impuissant devant les manifestants qui paralysent plusieurs artères névralgiques du pays. Sa sortie vendredi visait à montrer un premier ministre en contrôle, qui tire les leviers en coulisse pour dénouer la crise. Mais il ne suffit pas de dire aux manifestants de rentrer chez eux et de les menacer de conséquences sévères pour qu’ils obtempèrent. Il ne suffit pas de convoquer une réunion du comité de gestion de crise du cabinet (après 14 jours de crise!) et une rencontre impromptue avec les chefs des partis d’opposition pour convaincre les Canadiens que des gestes concrets ont été posés. En fait, l’impression qui en ressort, c’est que les élus et les forces de l’ordre sont en rattrapage constant face aux manifestants.» (Christian Noël, ICI Radio-Canada Nouvelle / 12.02.2022 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861713/convoi-camionneurs-catalyseur-changements )

(1) Les klaxons des camions sont dangereux pour la santé selon un expert – Ça peut clairement créer un effet sur l’audition. 115 décibels peuvent causer un problème auditif temporaire, mais aussi permanent si on reste longtemps près de la source de bruits», affirme M. Tony Leroux, professeur titulaire à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’UdeM. M. Leroux mentionne aussi que ces klaxons sont surtout dangereux pour les populations vulnérables, comme les enfants : «On pense que les enfants sont plus sensibles. Ils pourraient donc acquérir plus facilement une perte auditive permanente ou encore avoir des acouphènes permanents», prévient-il. Samedi, devant le parlement, plusieurs dizaines d’enfants marchaient entre les camionneurs avec leurs parents. Sans bouchon et sans casque de protection pour les oreilles pour la grande majorité d’entre eux.

     «On est juste tanné d’eux. Ils manquent tellement de respect. Moi et mon garçon de deux ans, on ne dort plus depuis que les camions sont ici. C’est juste horrible et ça empire jour après jour», lance Michael Robinson, tout en faisant des doigts d’honneur aux manifestants sur sa rue. L'homme de 45 ans confie qu’il se réveille au son des klaxons vers 8h et n'arrive à dormir que vers 2h du matin en raison du long convoi de camions qui a élu domicile devant chez lui, sur l’avenue Laurier, au centre-ville.  (Source : Journal de Montréal / 05 février 2022) 

Photo : iStock / Chmiel

Les répercussions de la manifestation des camionneurs au centre-ville d'Ottawa vont bien au-delà de la pollution sonore, selon un professeur à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa et épidémiologiste pour Santé Canada. Il est d'avis que le convoi a aussi des impacts sur la pollution atmosphérique surtout que certains font rouler presque sans arrêt le moteur de leur poids lourd afin de se garder au chaud.

     Un camion lourd consomme entre 25 et 30 litres de diesel par 100 kilomètres. Un litre de diesel émet 2,8 kg de GES. Chaque camion qui fait 1000 km va émettre 7,7 tonnes de GES». Si 2000 camions se rendent à Ottawa, en roulant une moyenne de 1000 km, il est permis de croire que ce sont près de 15 400 tonnes de GES qui seraient émis au nom de la liberté. Le nombre «inhabituel» de gros camions qui brûlent du diesel à Ottawa est l’équivalent des émissions annuelles totales de 1540 Québécois. Les moteurs au diesel émettent des particules ultrafines comparativement à celles de moteurs à essence, et cela peut se répercuter sur la santé des gens, comme les asthmatiques ou ceux qui souffrent d’autres problèmes de santé.

Vivre à Ottawa pendant les manifestations, deux Acadiens racontent

Radio-Canada / 09 février 2022

Vivre à Ottawa n’est pas de tout repos ces derniers jours avec les manifestations organisées au centre-ville par des opposants aux mesures sanitaires. Deux Acadiens qui habitent non loin du parlement racontent que cette situation est «déstabilisante  et «menaçante».

     Sylvie Poirier habite à un peu moins de 2 km de la colline du Parlement, où le bruit est tout simplement «constant», selon elle.

     «Depuis le début de l'occupation, parce qu’on va se le dire, c’est ce que c’est, c’est très très bruyant et c’est très menaçant», lance-t-elle.

     Mais les désagréments vont au-delà du bruit. Sylvie Poirier indique que plusieurs personnes qu’elle connaît ont été menacées.

     «J’ai plusieurs amis qui se sont fait crier après, par des sons de brebis. Une amie qui s’est fait pitcher une canette de bière à la tête parce qu’elle portait un masque. J’ai un ami qui est allé à la pharmacie où il y avait une dame qui criait sans masque à l'intérieur, pour que tout le monde enlève leurs masque», raconte Sylvie Poirier.

     Sylvain Bérubé habite lui aussi près du parlement, mais assez loin pour tenter d’ignorer le bruit des manifestants. Il s’est toutefois rendu sur place à quelques reprises. «C’est déstabilisant», lance-t-il.

     Il observe un sentiment d’insécurité de la part des résidents.

     «Des gens qui s’organisent pour essayer de trouver un sentiment de sécurité, ils se trouvent des partenaires, pour aller en paire ou en trio à l’épicerie ensemble, pour essayer de ne pas faire ces choses-là seuls, parce qu'ils se sentent menacés», dit-il.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1860593/acadien-centre-ville-ottawa-manifestants-bruit-menace-resident-injonction

 

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