28 août 2020

Le doigt sur le bobo!

Petite histoire d’une très grave maladie qui couvait depuis plusieurs années et que la pandémie a fait exploser...

L’addiction à la technologie vue par le photographe © Antoine Geiger

La dérive avait commencé bien avant
Huguette Poitras, écrivaine
Le Devoir / 25 août 2020

Cela a commencé avant la COVID-19. Bien avant. Nous nous éloignions les uns des autres. Subrepticement. Sans égard à l’âge ou au sexe. Les téléphones intelligents. Toujours à pitonner nerveusement à l’affût d’un texto, d’un balado, d’une vidéo, d’une photo.

Les restaurants où chacun pianotait sur son écran tactile, sans contact avec l’autre, avec qui on était pourtant venu partager un repas. Les enfants en bas âge qu’on installait devant une tablette, histoire de s’user tranquillement les yeux sur la nôtre. Les repas en famille escamotés, les conversations interrompues à tout bout de champ, ce qui donnait dans la réalité comme dans les séries télévisées des discours morcelés, décousus, incommunicables.

Dans la rue, on n’entendait plus que des similis soliloques, oreillettes pendantes. Depuis un certain temps déjà, personne ne regardait plus personne. Qu’on ne se la raconte pas. La dérive avait bel et bien commencé.

Puis est venu ce cataclysme mondial, et avec ce maudit virus, tout s’est arrêté. D’un coup sec. Les lumières se sont éteintes sur nos rencontres familiales, les cours d’école frémissantes de jeunes cœurs, nos contacts avec nos collègues, avec le public, les bars du vendredi soir, le magasinage du samedi, les restos bondés, les théâtres aux entractes amicaux. Et même les mariages et les enterrements. Les rues sont devenues désertes.

Quelques promeneurs effarés de rencontrer d’autres humains. Des gens vivant sous le même toit, couchant dans le même lit, qui se promenaient à distance les uns des autres. Hébétés, nous nous sommes terrés dans nos solitudes. La peur au ventre. L’esprit confus. Les vieux mouraient, dans la déréliction la plus cruelle. Loin de toute humanité. Mais pour plusieurs d’entre eux, auraient-ils au moins eu un visage familier à leur chevet en temps normal?

La dérive avait commencé bien avant. Cela fait bien plus de dix ans qu’on parque nos aînés pour ne plus voir comment on sera plus tard. Sans téléphones intelligents. Qui plusieurs d’entre eux auraient-ils appelé de toute façon? Pour eux, le confinement avait commencé bien avant.

Synergie nouvelle

Maintenant, on ne nous parle plus que de l’après-COVID où l’on prédit que le travail à distance s’installera définitivement. Chacun dans sa tour d’ivoire. Les étudiants des niveaux supérieurs derrière leur écran. À distance. Tout se fera à distance, à entendre certains chantres de ce genre de futur, aux yeux en signe de piastres. Mais, comme dirait l’autre, «et la tendresse bordel!»

Photo : John Phillips. Fini le hug spontané lors d'une retrouvaille-surprise? 

Le bon mot, les yeux dans les yeux, la tape sur l’épaule, l’entraide entre collègues, les éclats de rire, les embrouilles aussi. Tout ça fait partie de la vie. Faisait. Un certain prophète de malheur pontifiait récemment à la télé qu’il nous faudra oublier pour toujours la poignée de main. «Et la tendresse, bordel!»


Une société robotisée, aseptisée, virtualisée, qui avance masquée. Retour vers le futur. Même après le départ de l’horrible intrus covidé? Car il y aura un après. L’humanité s’est remise de la peste noire, des grandes guerres, et a recommencé à vivre. Fiévreusement, pour ne pas perdre un instant de la courte vie si précieuse qui est allouée à chacun. Pour vivre pleinement entre nos deux parenthèses de vie. Cela a créé des baby-booms. Une nouvelle énergie dans nos sociétés. Une synergie nouvelle, mais pas basée sur la distanciation.

Si, au lieu de ces scénarii catastrophes à la Orwell ou tirés des blockbusters d’Hollywood, on préparait un après-COVID plus humain, où nous aurions le souci les uns des autres, la détermination de créer un monde meilleur, de sauvegarder notre environnement, de stimuler le contact entre les générations, en bref, de sauver l’humanité. De voir à nouveau nos maisons d’enseignement bruisser de nos forces vives, nos jeunes, au lieu de vouloir accentuer pour le futur les cours à distance aux niveaux supérieurs.

Si nous n’y prenons garde, la distanciation n’aura pas seulement tué la COVID, elle aura aussi tué notre humanité, si nous laissons s’installer, une fois le virus parti, des façons de faire où l’on bannit le contact rapproché si essentiel à la survie émotionnelle. Des écoles pleines, des bureaux pleins; nos lieux de vie et d’échanges sociaux doivent redémarrer une fois la COVID partie.

Si seulement l’après-COVID pouvait nous réunir dans cette soif les uns des autres, à partager notre humanité, avec notre chaleur humaine. Sortir du monde virtuel. Les mains et les yeux dégagés des écrans. À bien regarder tout autour de nous. Nos frères humains, les animaux, la nature. Si seulement on apprenait quelque chose quelque part. Si seulement on se regardait avant qu’il ne soit trop tard. Ce serait alors le plus beau cadeau à léguer aux générations futures. Si seulement...

24 août 2020

Faut-il bannir de la littérature tous les mots «offensants»?

À ce compte-là, il faudrait éliminer la bible pour ses propos extrêmement choquants, haineux et vengeurs qui encouragent la violence.

Mots tabous

Isabelle Hachey 
La Presse+ / 15 août 2020

Le 29 octobre dernier, la professeure Catherine Russell a présenté Pierre Vallières à ses étudiants en cinéma, à l’Université Concordia. Elle leur a expliqué qui était l’homme derrière la bouche : un intellectuel nationaliste, ex-felquiste, auteur de Nègres blancs d’Amérique, paru en 1968.
   Mme Russell, Américaine, a cité le titre du livre à deux reprises, en anglais. De sa propre bouche est donc sorti, à deux reprises, le N-word. Le mot tabou.
   Neuf mois plus tard, des étudiants viennent de lancer une pétition pour condamner Mme Russell, qui aurait fait preuve de «violence anti-noire» en étalant son «autorité, son privilège et son pouvoir de professeure blanche» en classe.
   Le 31 juillet, Mme Russell leur avait pourtant présenté ses plus plates excuses. «Profondément désolée», elle avait admis qu’elle n’était pas au courant des impacts que pouvait avoir, dans le contexte, l’utilisation du N-word.
   Ce n’était pas suffisant.
   Les 200 signataires veulent sa tête. Ils exigent que Concordia lui retire son cours, à l’automne. L’Université n’a pas encore tranché, me dit-on.
   Dans un courriel à la CBC, une porte-parole affirme que l’Université «encourage» les membres de la communauté à rapporter de tels incidents. «Il n’y a pas de place pour le racisme à l’Université Concordia.»
   Y a-t-il encore de la place pour la liberté académique, ce principe fondamental qui accorde aux profs un espace de liberté, justement, pour s’exprimer sans subir de pressions? Allez savoir.
   De cela, Concordia ne dit pas un mot.
   On aura beau expliquer que Pierre Vallières, avec son Nègres blancs, évoquait la réalité de la classe ouvrière canadienne-française de l’époque…
[...]  
   Pour ceux qui condamnent la prof, ce ne sera jamais que des mots vides de sens. Des paroles en l’air.
   Ils n’en ont rien à faire du contexte. Selon eux, le problème, c’est le mot lui-même. Pas «nègre». Pas negro. N*gger. Ce mot-là porte en lui une telle charge explosive qu’aucun Blanc, sous aucun prétexte, ne peut même songer à le chuchoter.
   Point à la ligne.  
   Ceux qui le prononcent, même sans connaître l’existence de cet interdit, doivent être punis. Comme Wendy Mesley, présentatrice de la CBC, suspendue en juin pour avoir prononcé le N-word lors de deux réunions de travail – une fois en rapportant les propos d’une collègue s’étant fait insulter de la sorte et l’autre en citant… Nègres blancs d’Amérique.
[...]  
   Je sais que Nègres blancs d’Amérique est un bouquin. Je trouve absolument fou qu’un prof doive s’excuser pour avoir cité le titre de ce bouquin. 


Ce genre d’intervention de la part de la communauté noire peut avoir l’effet inverse à celui escompté. Faudrait-il réécrire ou éliminer tout ce qui contient le mot nègre ou nigger? C’est pousser le principe à un extrême qui frôle le ridicule, et l’attitude peut éveiller plus de rejet que de compréhension ou de compassion. Pouvons-nous citer sans nous faire taper dessus le livre de Dany Laferrière : «Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer»? Ah, mais vu qu’il est lui-même noir, ça peut passer. Même damné débat qu’avec l’«appropriation culturelle». 

Traduction politiquement correcte de «Nègres blancs d’Amérique»
Renommer l’œuvre ou la brûler?
Caricature de la folie des wokes et de la «cancel culture»...
(via Alexandre Gauthier)
S. E. Fortin@S_EFortin 16 août

Il n’y avait pas plus anti-racisme-esclavagisme que Mark Twain. Néanmoins, il a utilisé les mots negro et nigger à profusion dans ses romans pour illustrer ses propos. Faudrait-il déchiqueter tous ses ouvrages?

Our Civil War was a blot on our history, but not as great a blot as the buying and selling of Negro souls.” ~ Mark Twain (Letter to New York Herald Tribune)

Harper Lee et Mark Twain interdits pour racisme dans les écoles de Virginie

Elena Scappaticci
Le Figaro / 8 décembre 2016

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur et Les Aventures de Huckleberry Finn ont disparu des classes de cet État du Sud des États-Unis après qu'une mère d'élève en a fait la demande. The Guardian rapporte que les très nombreuses injures racistes présentes dans les deux ouvrages auraient motivé sa plainte.

Exemplaire de la toute première édition. 

Le comté d'Accomac, dans l'État de Virginie, a suspendu la lecture de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee et des Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain dans les écoles publiques, le 3 décembre dernier. En cause? 250 occurrences d'injures racistes, dont l'appellation «nigger» («nègre» dans les traductions françaises), référencées dans les deux ouvrages, datées respectivement de 1960 et 1840. Le Guardian rapporte que cette décision aurait été prise suite à la plainte déposée par une mère d'élève, dont le fils, métissé, aurait été particulièrement choqué par la récurrence systématique du «N-word» dans les deux œuvres.
   «Il y a tellement de discours racistes là-dedans que vous ne pouvez pas passer au-dessus», a-t-elle ainsi déclaré au journal britannique. Son choix semble également motivé par le climat politique né de l'élection à la présidence des États-Unis de Donald Trump, puisqu'elle a précisé qu'il lui semblait peu justifié d'introduire de tels ouvrages dans les écoles alors que la nation américaine était encore «divisée». Une allusion à peine voilée au soutien manifesté par des mouvements d'extrême droite, partisans de la ségrégation raciale à l'ex-candidat républicain. Avec l'élection du candidat républicain, de telles polémiques se multiplient, souvent motivées par la peur de voir se libérer une parole raciste dans l'espace public.

Fausse controverse?

Dans l'attente que le comité mis en place pour l'occasion ne statue sur l'avenir des deux ouvrages, leur éviction définitive des écoles n'a pas encore été prononcée. Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur et Les Aventures de Huckleberry Finn ont déjà disparu en revanche des rayonnages des bibliothèques publiques et des salles de classe des établissements scolaires de Virginie.
   Une décision qui n'a pas manqué de faire réagir la National Coalition Against Censorship, une association américaine de lutte contre la censure, qui dénonce sur son site une décision «particulièrement odieuse» et regrette que, par ce geste, les écoles de Virginie «cherchent à éviter tout débat sur des sujets aussi polémiques que le racisme, au détriment de leurs élèves».

La NCAC a également envoyé une lettre à la commission des écoles de Virginie, dans laquelle elle rappelle une nouvelle fois la nécessité d'étudier ces deux ouvrages à l'école: «Chaque livre permet aux lecteurs d'acquérir une compréhension historique des relations raciales en Amérique et les invite à examiner la situation actuelle. Bien que déconcertantes pour certains, les insultes raciales représentent de manière réaliste l'histoire des États-Unis et doivent être étudiées sous la tutelle d'un enseignant.»

Deux auteurs à l'origine de nombreuses polémiques

Ça n'est pas la première fois que les deux auteurs suscitent de telles controverses. Comme le rapporte le site Slate, l'Association des bibliothèques américaines (ALA) a classé Les Aventures de Huckleberry Finn quatorzième dans sa liste des livres le plus souvent interdits ou contestés (dans les bibliothèques, les écoles, les médias...) depuis le début du XXIe siècle. Le chef-d'œuvre de la romancière Harper Lee, Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur, figure quant à lui à la 21e place. En 2011, l'éditeur américain NewSouth Books a même choisi de publier une nouvelle version du roman, en remplaçant dans cette dernière le mot «nigger» par «slave» («esclave»)...
   Raciste, Mark Twain? C'est oublier un peu vite l'histoire de son roman, qui raconte les aventures de Huck, l'ami de Tom Sawyer et de Jim, l'esclave en fuite, tout en prenant ouvertement parti pour les deux héros. À l'occasion de la publication de l'édition «corrigée» des Aventures de Huckleberry Fin, l'universitaire américaine Sarah Churchwell confiait ainsi son indignation au Guardian : «Beaucoup de lecteurs ne savent pas faire la distinction entre un livre raciste et un livre avec des personnages racistes, expliquait-elle. Le fait que la sympathie de l'auteur va clairement vers Huck et Jim, et contre les esclavagistes (qui sont uniquement des adultes blancs), est occulté, pour eux, par l'utilisation ordinaire du mot “nègre” — même si c'était pourtant le seul que des petits campagnards illettrés des années 1840 auraient utilisé pour décrire un esclave.»
   La censure des deux ouvrages, alimentée par l'atmosphère tendue de l'Amérique de Trump, rejoint également l'un des sujets les plus présents dans le débat public américain, celui de «l'appropriation culturelle». Au cœur de nombreuses polémiques, la notion désigne l'appropriation de la culture d'une minorité par les blancs. Pour Michael North, professeur de littérature américaine interviewé par France Info, les nombreuses controverses soulevées par le roman de Mark Twain seraient «en partie liées au fait que Twain mettait en scène un personnage afro-américain en s'exprimant pour son compte.» Une chose est sûre, 150 ans après l'abolition de l'esclavage, l'Amérique n'en finit pas de panser ses plaies...

18 août 2020

Le confinement : une dure épreuve

La pandémie nous a précipités dans une multitude de situations irritantes, physiques et psychologiques. Et la perspective d’un rebondissement est assez anxiogène. Dürckheim propose une manière de passer à travers les expériences indésirables qui ne dépendent pas de nous et que nous ne pouvons esquiver. Ça pourrait nous aider à surfer sur la prochaine vague... 

Mais d'abord :

Paroles de lycéens : Les bonnes surprises du confinement
La nouvelle république, 20/05/2020


Du calme, de la solidarité, de l’oisiveté, un livre : les belles découvertes de lycéens en 55 jours confinés. Sans regret pour le baccalauréat…


Pratique de la voie intérieure 
Le quotidien comme exercice  
Le Courrier du livre 1968   

Karlfried Graf Dürckheim 

Revenons à ces moments qui, brusquement, nous font sentir au fond de notre être «quelque chose» qui nous touche et nous ébranle du plus profond de nous-mêmes. Nous devons écouter ce «quelque chose», lui obéir et lui demeurer fidèle, malgré, ou, plutôt parce que, ce que nous venons de sentir est stupéfiant pour le «moi». La peur de l’annihilation disparaissant lorsque nous l’acceptons, ainsi surgissent des instants privilégiés. Comblés et bouleversés, devant un phénomène de ce genre, nous sentons en nous ce qui est indestructible, de qui, pas sa plénitude et sa force, nous donne une nouvelle confiance dans la vie. Et alors, en effet, une nouvelle confiance surgit. Peut-être, une fois, avons-nous été entraînés dans le désespoir le plus noir, peut-être nous sommes-nous heurtés à l’absurdité de l’existence; mais l’acceptation même de l’inconcevable nous a permis de découvrir un sens plus profond. Alors tout ce qui constituait jusque là l’«avant-plan» de notre réalité ordonnée, telle que nous la concevions et telle que nous la vivions, se trouve subitement dépassé, traversé par une tout autre réalité dont le sens est révélé au moment précis où notre capacité de raisonnement atteint ses limites. Ainsi peut-il arriver, au moment même où s’écroule notre croyance en un «sens» de l’existence, en une justice du monde étayée par des arguments solides, que, pour la première fois, surgisse une foi créatrice en la Vie et en son véritable sens.
   On peut éprouver quelque chose de similaire lorsqu’un «coup du sort» nous rejette vers un isolement total. L’homme est fait pour le dialogue et ne peut pas vivre isolé. Il a besoin d’un partenaire. Il cherche un abri dans la communauté humaine et dans l’amour. Si l’existence le lui refuse ou le lui prend, il atteint une limite où il croit qu’il va dépérir; mais s’il s’incline et accepte, il transperce ce qui s’est endurci par la menace d’un isolement, et s’il peut s’abandonner intérieurement, il éprouve le soutien d’une force incompréhensible qui le «rattrape» et, en l’embrassant, lui permet l’ouverture totale. En s’abandonnant à elle, de «séparé» qu’il était dans l’existence, il se trouve relié et sauvé dans le refuge de l’amour.
   Grâce à des expériences de ce genre, le «tournant» vers l’Être peut être pris. C’est par elles que la profondeur de notre Être nous appelle. Nous pouvons l’entendre lorsque le «moi» et toutes les forces existentielles s’écroulent, forces au moyen desquelles l’homme pensait pouvoir comprendre et maîtriser la vie, tout en se réalisant. Ce sont justement ces moments où se brise la coquille construire pour donner sécurité, signification et abri au «moi» dans le monde, qui apportent une chance à l’homme. Une chance, à condition qu’il accepte l’«inacceptable», qu’il accepte de se trouver subitement porté par l’Être, à l’abri dans l’Être où tout a un sens, sans vouloir chercher à comprendre au moyen de sa conscience ordinaire.  
   Les expériences d’une vie plus grande nous donnent la force d’envisager la mort. Il y a des instants pendant lesquels nous sentons le sens profond de l’existence alors que tout nous semblait absurde un instant auparavant. Il y a d’autres instants pendant lesquels nous nous sentons subitement «un» avec tout ce qui nous entoure alors que nous sommes apparemment abandonnés. Ce sont ces instants  qui mettent «hors des gonds» la prédominance de notre façon habituelle d’envisager le monde. Et c’est bien pour cela qu’il s’agit des purs sommets de notre vie. Cependant la virtualité d’une transformation, qu’ils contiennent, devient vite la proie du diable toujours à l’affût qui, sous la forme de notre scepticisme, met en doute ce qu’il y a de vrai et de réel dans chacune de nos expériences, parce que cette vérité semble ne pas pouvoir trouver sa place dans un système rationnel.

Karlfried Graf Dürckheim (1896 – 1988) docteur en philosophie et docteur en psychologie, rencontre le zen pendant son séjour au Japon (1937 à 1947). Il pratique la méditation sans objet appelée zazen et le tir à l’arc (kyudo) avec Kenran Umeji Roshi.
   À son retour du Japon, Karlfried Graf Dürckheim écrit : «Face au zen deux attitudes sont possibles : on peut soit se convertir au bouddhisme, soit accueillir et réaliser ce qu’il renferme d’universellement humain. Seule m’importe la seconde attitude.»
   Entre 1951 et 1988, dans le Centre de rencontre qu’il crée et anime en Forêt Noire, il propose une Voie de la Technique qui, tout en servant l’esprit du zen japonais sans la moindre concession, est dégagée des rites et des formes culturelles propres à l’Extrême-Orient.


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Autre complément zen :

The New Normal
By Leo Babauta

It’s time for us to accept that this pandemic, and social isolation, are here for awhile.

But in addition to that, our reality has changed, possibly for good.

We’re in a new normal.

Some things that have changed for many of us:

1. A sense of restriction: We’re not able to do our usual things – not only work and school, but things like haircuts, dentists, coffee shops, restaurants, bars, shops and more. That can feel very restricted.
2. Heightened uncertainty & anxiety: Things are incredibly uncertain right now, for all of us – for our health, the health of loved ones, the state of the world, the shaky economy, our individual financial situations. And that’s just the start of it. All of this uncertainty is triggering feelings of stress, fear and anxiety in most people, in different ways.
3. A feeling of isolation but also (possibly) togetherness: For many people, social distancing has created a feeling of isolation that can be very hard to handle. But for many, there can also be a feeling of togetherness – we’re all in this together, no one is excluded. Some are creating that feeling of togetherness by doing video calls, by connecting others online, or by taking part in community or group efforts to help.
4. Contraction when we’re feeling overwhelmed: It can all be too much. And when we feel that sense of overwhelm, we can want to shut down, exit, turn away, avoid. We avoid hard tasks, we go to distraction, we avoid our healthy habits. This is all completely normal!
5. A sense of disruption: Our old habits have been disrupted – we can’t do all the things we’re used to doing, and that gives us a feeling of being upended. It’s frustrating to have things disrupted, and can make us feel afloat.
6. Irritation with others: Being isolated with the same people every day can cause friction. And that brings up all of our issues, all the ways we respond (and they respond) when we get triggered.
7. Wanting it all to be over: Impatience! We just want to go back to normal. It’s hard to accept the way things are.
8. Wanting to feel something meaningful: This can all feel very unanchored. And in this feeling of groundlessness and instability, we can yearn for some kind of meaning. Some sense of purpose.

You might not be experiencing all of these, because every person is experiencing the new normal differently.

But it is a new normal.

So the question is: will we resist it, or can we use it as an opportunity?

We can complain about the new normal. Hate it. Stew in frustration about it. That’s one possibility.

Another possibility is to use it as a growth opportunity.

Les suggestions de Leo pour renverser la vapeur (suite de l’article) :