3 mai 2020

Craignez-vous de manquer de quelque chose?

Tandis que les réserves de papier hygiénique faisaient paniquer les consommateurs, de plus en plus de gens avaient recours aux banques alimentaires en raison des pertes d’emplois. Beaucoup d’enfants au Canada souffrent de la faim même si nous sommes un pays riche. Nous gaspillons honteusement.


Je suggère aux nord-américains qui se plaignent du confinement alors qu’ils ont un toit et des réserves de nourriture pour trois mois d'avance de regarder ce documentaire.


Cette fillette en train de fouiller la montagne de déchets dit au reporter : «La grippe ne me fait pas peur. Nous allons mourir de faim avant de mourir de la grippe.» Le gouvernement ne fournit pas d’aide alimentaire aux gens désormais sans travail, pas de riz ni farine. Un homme prépare et offre des repas gratuits, sa camionnette lui sert un peu de foodtruck. Plusieurs personnes attendent en file. La police arrive et oblige l’homme à quitter les lieux, même s’il reste plusieurs personnes qui n’ont pas été servies. La police du confinement est d’une cruauté inouïe, n’hésitant pas à frapper les gens à coups de bâton s’ils ne respectent pas les politiques de restriction.


Envoyé Spécial - En Inde, l'impossible confinement
France TV New Delhi 10 avril 2020

Pendant 1 semaine nous sommes allés à la rencontre des plus démunis de New Dehli. Les habitants des bidonvilles, les sans-abris, les orphelins. Comment vivent-ils le confinement? Comment se préparent-ils à faire face au Covid-19?


La faim dans l’œil de Victor Hugo

Chose vue un jour de printemps
Avril 1840

Entendant des sanglots, je poussai cette porte.

Les quatre enfants pleuraient et la mère était morte.
Tout dans ce lieu lugubre effrayait le regard.
Sur le grabat gisait le cadavre hagard;
C'était déjà la tombe et déjà le fantôme.
Pas de feu; le plafond laissait passer le chaume.
Les quatre enfants songeaient comme quatre vieillards.
On voyait, comme une aube à travers des brouillards,
Aux lèvres de la morte un sinistre sourire;
Et l'aîné, qui n'avait que six ans, semblait dire :
«Regardez donc cette ombre où le sort nous a mis!»

Un crime en cette chambre avait été commis.
Ce crime, le voici : – Sous le ciel qui rayonne,
Une femme est candide, intelligente, bonne;
Dieu, qui la suit d'en haut d'un regard attendri,
La fit pour être heureuse. Humble, elle a pour mari
Un ouvrier; tous deux, sans aigreur, sans envie,
Tirent d'un pas égal le licou de la vie.
Le choléra lui prend son mari; la voilà
Veuve avec la misère et quatre enfants qu'elle a.
Alors, elle se met au labeur comme un homme.
Elle est active, propre, attentive, économe;
Pas de drap à son lit, pas d'âtre à son foyer;
Elle ne se plaint pas, sert qui veut l'employer,
Ravaude de vieux bas, fait des nattes de paille,
Tricote, file, coud, passe les nuits, travaille
Pour nourrir ses enfants; elle est honnête enfin.
Un jour, on va chez elle, elle est morte de faim.

Oui, les buissons étaient remplis de rouges-gorges,
Les lourds marteaux sonnaient dans la lueur des forges,
Les masques abondaient dans les bals, et partout
Les baisers soulevaient la dentelle du loup;
Tout vivait ; les marchands comptaient de grosses sommes;
On entendait rouler les chars, rire les hommes;
Les wagons ébranlaient les plaines, le steamer
Secouait son panache au-dessus de la mer;
Et, dans cette rumeur de joie et de lumière,
Cette femme étant seule au fond de sa chaumière,
La faim, goule effarée aux hurlements plaintifs,
Maigre et féroce, était entrée à pas furtifs,
Sans bruits, et l'avait prise à la gorge, et tuée.

La faim, c'est le regard de la prostituée,
C'est le bâton ferré du bandit, c'est la main
Du pâle enfant volant un pain sur le chemin,
C'est la fièvre du pauvre oublié, c'est le râle
Du grabat naufragé dans l'ombre sépulcrale.
Ô Dieu! la sève abonde, et, dans ses flancs troublés,
La terre est pleine d'herbe et de fruits et de blés,
Dès que l'arbre a fini, le sillon recommence;
Et, pendant que tout vit, ô Dieu, dans ta clémence,
Que la mouche connaît la feuille du sureau,
Pendant que l'étang donne à boire au passereau,
Pendant que le tombeau nourrit les vautours chauves,
Pendant que la nature, en ses profondeurs fauves,
Fait manger le chacal, l'once et le basilic,
L'homme expire! – Oh! la faim, c'est le crime public;
C'est l'immense assassin qui sort de nos ténèbres.

Dieu! pourquoi l'orphelin, dans ses langes funèbres,
Dit-il : «J'ai faim!» L'enfant, n'est-ce pas un oiseau?
Pourquoi le nid a-t-il ce qui manque au berceau?

Victor Hugo (1802-1885)

Recueil : Les contemplations (1856)

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