12 février 2017

Aimer ou désaimer

«Les hommes tombent amoureux de ce qu’ils voient, et les femmes de ce qu’elles entendent. C’est pourquoi les uns mentent et les autres se maquillent.» (~ ?)

D’une façon, ce qui suit a beaucoup de sens. En raison du conditionnement, interne et externe, nos pensées et nos émotions vont dans tous les sens – de l’intolérance à la haine et de l’acceptation à l’amour, incluant des zones d’indifférence. La propagande de masse est un exemple flagrant de l’énorme influence de la pensée sur les esprits, notamment les plus malléables.

People Can Think Their Way to Falling in (Or Out) of Love
Elise Moreau (Care2)

La raison (pensée logique) a certainement sa place dans les relations amoureuses, mais lorsqu’on en parle, la plupart des gens conviennent qu'il est préférable de suivre son cœur. Après tout, le coeur ne peut pas être forcé à aimer ou à désaimer. Ou le peut-il?


Une récente recherche en psychologie soutient que le cœur peut être influencé par la pensée; celle-ci peut contribuer à accroître ou diminuer l’amour envers un partenaire. Les chercheurs appellent cela «rationalisation de l’amour» (love regulation). 
     Dans la première phase de l'expérience, les participants, alors en relation amoureuse, furent invités à remplir un questionnaire, et à évaluer des affirmations comme «l'amour est incontrôlable», «les gens peuvent contrôler l’intensité de leur attachement», etc., sur une échelle de 1 à 9 (1 représentant ‘en total désaccord’ et 9 ‘totalement d'accord’). 
     Les données recueillies ont révélé que la plupart des participants estimaient qu'ils pouvaient contrôler leurs sentiments – plus facilement s'ils étaient intimement attachés plutôt que s’ils étaient simplement entichés. Certains croyaient que le sentiment amoureux était maîtrisable et d’autres qu’il était incontrôlable. 
     Dans la seconde phase de l’expérience, deux groupes participèrent 20 sujets qui étaient dans une relation amoureuse, et 20 autres qui venaient de rompre. On leur a demandé d'apporter 30 photos de leur partenaire ou ex-partenaire. Les sujets remplirent le questionnaire de la phase 1, puis on mesura leurs ondes cérébrales pendant qu’ils regardaient les photos. On leur a demandé de regarder les photos en ayant des pensées positives sur leurs partenaires et le futur. Puis, de refaire l’exercice avec des pensées négatives. 
     Lorsque les participants pensaient positivement, le sentiment amoureux et l’attachement envers le partenaire grandissaient facilement. Lorsqu'ils pensaient négativement, l’inverse se produisait, et même l'entichement disparaissait. 
     Les chercheurs ont ensuite effectué un examen LPP (Late Potentiel Positif Brainwave) plus poussé, et celui-ci montra que si les participants pensaient à quelque chose de significatif au plan émotionnel, les ondes cérébrales des sujets dans une relation amoureuse s’activaient plus intensément. 
     Les résultats suggèrent que les gens ont plus de contrôle sur leur sentiment amoureux qu'ils ne le croient; mais souvent, ils n’essaient pas de le contrôler parce qu'ils n'ont jamais réfléchi à la possibilité ou parce qu’ils assument que c’est impossible. Nourrir des pensées positives envers le partenaire peut contribuer à raviver l'excitation ou la romance en souffrance, tandis que nourrir des pensées négatives envers un ex-partenaire pout diminuer la souffrance émotionnelle après une rupture. 
     Bien que les psychologues n’arrivent pas à déterminer si l'amour est une émotion ou non, il est certainement connecté à d'autres émotions. Et, même si les gens ne peuvent pas le contrôler intégralement, ils peuvent au moins lui donner forme et l'influencer avec leur façon de penser. Cette étude est la première du genre, et il faudra certes étudier les effets à long terme de la «rationalisation de l’amour», notamment sous le rapport de la satisfaction et du bien-être global.

En complément

«Je vais t’aimer pour toujours! – une blague, je ne peux pas vivre aussi longtemps.»

Si l’on cessait de s’illusionner sur l’amour, le compagnonnage serait plus agréable, quelle qu’en soit la durée. Malheureusement, dans cette quête de nourriture affective jamais rassasiée, la lucidité a très peu de place, voire pas du tout.

Qu'est-ce que l'amour?
L'amour est un mouvement affectif spontané vers un être qui nous procure une satisfaction. Cet attrait émotif peut s'appliquer à une personne, un objet ou même une idée. On peut aimer intensément son enfant, un endroit, ou les manifestations de courage, pourvu qu'on y trouve des satisfactions spéciales. On peut même éprouver de l'amour lorsqu'on n'a encore que l'espoir d'une satisfaction, un potentiel de bonheur.
     L'amour n'est pas une émotion en soi; c'est une expérience émotive complexe qui comprend plusieurs émotions. C'est peut-être même la plus complexe de toutes les expériences émotives. On y retrouve souvent, par exemple, de la joie, de l'attrait ou du désir, de la tendresse, de l'estime, de l'attachement, etc. L'expérience de l'amour inclut aussi bien souvent de la colère ou du ressentiment ainsi qu'un sentiment de vulnérabilité.
     Ce qui demeure constant toutefois, dans les différentes expériences d'amour, c'est le bien être ou le bonheur que nous procure l'être aimé. Plus précisément, nous considérons comme «bons pour nous» les êtres et les réalités qui suscitent notre amour. C'est parce que nous les percevons, plus ou moins explicitement, comme aptes à répondre nos besoins. Qu'ils y répondent déjà ou qu'ils soient porteurs d'une promesse de satisfaction, ils demeurent, subjectivement, une source de bonheur.
     Les amours fortes et profondes sont, quant à elles, empreintes d'estime. Elles ont sur nous un effet d'élévation. Les personnes qui l'inspirent ont un effet stimulant; à leur contact, nous sommes portés à être de meilleures personnes, à exploiter davantage nos ressources, à nous dépasser.
     Parfois on confond l'amour en imagination avec un amour réel. L'expérience subjective de l'adolescente amoureuse du chanteur populaire ressemble à l'amour par les émotions qui en font partie et par leur intensité, mais il manque un ingrédient essentiel : le contact réel avec l'être aimé. La satisfaction éprouvée est déclenchée par les fantasmes uniquement. Comme simulation pour découvrir l'expérience amoureuse, il s'agit d'une méthode extrêmement utile et d'un bon apprivoisement de l'intensité affective.
     L'amour romantique est une autre expérience qu'il faut distinguer de l'amour réel. Dans cette forme de relation, l'important est le plaisir d'être aimé et non l'amour de l'autre pour ce qu'il est. Je me délecte de son penchant pour moi et des avantages qu'il me procure : marques d'attention, réactions fortes à ma présence, sentiment d'être désiré, etc. C'est l'effet de son regard sur moi qui me satisfait et non le contact réciproque. Que l'homme ou la femme en soit l'objet, c'est le regard admiratif de l'autre qui constitue l'essentiel de la relation.

[...] 
     Ainsi, ma passion pour un homme est déclenchée par l'intense agrément de nos contacts physiques et sexuels. Elle est sous-tendue par mon intense besoin d'être aimée de même celui de confirmer ma valeur comme femme en faisant un effet puissant sur un être qui me plaît. De même, mon immense amour pour cette femme repose sur le bien-être inégalé que j'éprouve en sa présence. [...] 
     Par ailleurs, ma passion pour la planche à voile s'explique par la satisfaction intense que j'ai à composer avec des éléments de la nature qui font appel à ma force subtile, mon agilité et mon sens de l'équilibre. Ce sport englobe en plus mon amour de la nature et le plaisir sensuel du contact avec l'eau, l'air et le vent. De plus, et ce n'est pas la moindre des choses, il me permet d'admirer en me confondant avec elles, la beauté puissante de la nature qui se manifeste dans la force de la mer, la puissance des vagues et des tempêtes. Ces situations me transportent et j'adore cette sensation forte.

À quoi sert l'amour? 
L'amour est un indicateur de besoins. Il révèle parfois la présence de besoins cruciaux, d'autres fois celle de besoins moins urgents comme des aspirations. Il révèle aussi qu'on croit, à tort ou à raison, trouver auprès de l'être aimé la satisfaction de ces besoins. C'est le cas, qu'il s'agisse de l'amour pour une satisfaction potentielle ou réelle.

L'amour d'un être potentiellement nourrissant
Le besoin d'être reconnu comme être sexué et le besoin de contacts physiques de l'adolescent sont forts et même envahissants. Ce dernier est prêt à jeter son dévolu sur le premier inconnu qui, à première vue, présente des caractéristiques qui laissent croire qu'il pourrait combler ces besoins. Il est beau donc attirant, fort donc capable d'avoir un ascendant sur moi, sûr de lui donc pouvant être affirmatif et rassurant, etc. 
     Le besoin impérieux d'être aimé ou confirmé dans sa capacité d'avoir un impact sexuel n'est pas spécifique à l'adolescent. On le retrouve aussi chez la personne qui recherche le coup de foudre. Celle-ci voit, dans l'attrait intense et spontané, la preuve irréfutable qu'il peut trouver tout ce qu'il recherche pour répondre à ses besoins affectifs. La découverte éventuelle de la personne réelle entraîne souvent le désenchantement. Le coup de foudre est le prototype de l'amour d'une personne pour son potentiel de satisfaction. 
     Aimer dans une relation toxique est un autre exemple de l'amour d'une personne pour son potentiel de satisfaction. Cet attrait est incompréhensible sans l'éclairage du phénomène du transfert. Dans cette situation celui qui aime tente d'obtenir de l'autre des confirmations essentielles à son identité. Habituellement ses tactiques sont infructueuses.

L'amour pour une relation ou une activité réelle 
L'amour est la réaction au fait d'obtenir la nourriture affective que nous cherchons dans une relation. Selon son intensité et la qualité de la satisfaction, l'amour prend la forme de sympathie, d'affection et peut aller jusqu'à la passion. L'amour d'une activité exprime la satisfaction qu'elle nous procure dans des dimensions importantes de notre vie.
     Il est utile de préciser sur quoi porte notre amour si on veut y voir plus clair. En spécifiant ce que l'on aime on peut identifier plus facilement les besoins auxquels il répond ou les aspirations qu'il éveille en nous. On peut aussi cerner son besoin en identifiant les genres de satisfaction que nous procure le contact avec la personne ou l'objet aimé.

Source : http://www.redpsy.com/guide/amour.html


La relation entre Frida Kahlo et Diego Rivera comportait un degré de toxicité suffisant pour dire «l'homme est parfois assez fou pour préférer le chagrin à l'oubli» (M. Chapelan). De l’extérieur il est difficile de comprendre pourquoi Frida s’accrochait au vilain crapaud de 20 ans son aîné et coureur de jupons impénitent. Elle disait : «en fin de journée on réalise qu’on peut endurer beaucoup plus que ce qu’on pense». Ouais. La tolérance varie énormément d’une personne à l’autre... Rivera a dit à la journaliste Gladys March que c’est seulement après sa mort qu’il a réalisé que Frida avait été le fait le plus important de sa vie (!).  

Voilà comment, par la pensée, on transforme un vilain crapaud en prince charmant :
“Under the wildly affectionate gaze of her sketch, Rivera a man physically unattractive by our culture’s conventional standards of beauty is transformed into an exquisite, magical, almost supernatural creature.” (1)

Le crapaud adoré (cartafrida)  

Lettre de Frida Kahlo à Diego Rivera
Source : http://www.deslettres.fr/

Que dire d’un amour lorsque la souffrance du lien n’est que ce qu’il lui reste? Sans date, nous ne pouvons contextualiser précisément cette lettre que l’artiste mexicaine Frida Kahlo envoya au peintre Diego Rivera. Malgré tout, leur histoire est de celles des plus connues et fantasmées du XXe siècle. Ils se rencontrèrent alors que l’âme de la jeune Frida était déjà fracturée, tout comme son corps. Les deux amants vécurent selon le rythme de leurs passions; d’abord communes, puis égoïstes. Aux tromperies s’ajoutèrent la colère, la frustration et les combats d’égos. Finalement, le divorce fut prononcé. Quelques années plus tard le manque de l’autre qui se fit plus fort que le mal vécu réunit pour la seconde fois Frida et son pygmalion.

Mon amour,

Aujourd’hui j’ai pensé à toi. Bien que tu ne le mérites pas, je dois reconnaître que je t’aime. Comment oublier ce jour où je t’ai demandé pour la première fois un avis sur mes tableaux? Moi, encore jeune folle, toi, grand seigneur au regard lubrique. Tu m’as donné la réponse que j’attendais, pour ma satisfaction, pour me voir heureuse, sans même me connaître tu m’as poussée à continuer de peindre. Mon Diego, mon âme s’est souvenue que je t’aimerai toujours malgré le fait que tu ne sois pas à mes côtés.

Dans ma solitude je te dis qu’aimer n’est pas un péché impardonnable. Mon amour, sache même que si tu souhaites un jour revenir, je serai toujours là à t’attendre. Ton absence me tue, fait de ton souvenir une vertu. Tu es ce Dieu inexistant à chaque fois que ton image me revient. J’ai demandé à mon cœur pourquoi toi et pas un autre.

Mon âme est tienne,
Frida K.

 
 
(1) Le site Brain Pickings inclut de nombreux articles sur Frida Kahlo, dont un sur l'autobiographie de Rivera.

How Diego Rivera Met the Fierce Teenage Frida Kahlo and Fell in Love with Her Years Later

“I did not know it then, but Frida had already become the most important fact in my life. And she would continue to be, up to the moment she died…”

My Art, My Life: An Autobiography by Diego Rivera with Gladys March
https://www.brainpickings.org/2014/05/22/diego-rivera-frida-kahlo-meeting/

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Un documentaire à la fois touchant et instructif sur cette période politique trouble tant au Mexique que dans le monde (toujours d’actualité!)
The Life and Times of Frida Kahlo – PBS documentary (2004) https://www.youtube.com/watch?v=c4gkhUDofKY

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Dans la veine des «grandes amours» :
https://artdanstout.blogspot.ca/2016/02/serie-fete-de-lamour-2.html

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